Œuvres de Saint François De Sales

 

TOME XX. LETTRES – VOLUME X

 

 

 

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Cinquième édition pour la concordance: seulement les écrits de saint François de Sales

 

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Lettres de Saint François de Sales. Année 1621. 17

MDCCXLIV. A M. Claude Frémyot. Deux raisons qui font espérer à François de Sales la bienveillance du destinataire. — Sollicitation en faveur de M. de la Tour d'Arerex. 17

MDCCXLV. A la Sœur Chaillot Supérieure des Ursulines de Besançon. L'Evêque de Genève se réjouit d'un projet de fondation d'Ursulines dans son diocèse. — Témoignages qu'il a donnés déjà et assurance nouvelle de son estime pour cet Institut. 17

MDCCXLVI. Au Cardinal Robert Bellarmin. La protection du Cardinal demandée pour le P. Reydellet. 18

MDCCXLVII. A Don Jérome Boerio, Général des Barnabites. Instante recommandation au sujet d'un aspirant à la vie religieuse. 19

MDCCXLVIII. Au Père Dominique de Chambéry, Vicaire-Provincial des Capucins (Inédite). Nécessité pour le bien public et la gloire de Dieu d'un voyage du Frère Adrien à Turin. 20

MDCCXLIX. A Madame de la Fléchère. Une condition pour être exaucé de Dieu. — Préparation au départ. — Promesse et souhait paternels. 21

MDCCL. A la même. Incertitude au sujet d'un départ. 21

MDCCLI. A Madame le Maistre. Beaucoup de lettres, lettres courtes. — Une vie attachée à la croix. — Arrêt facile et salutaire sur le chemin de Rome. — Famille chrétienne. 22

MDCCLII. A la Mère Claudine de Blonay, Abbesse de Sainte-Claire d'Evian (Inédite). Affection réciproque de l'Evêque de Genève et du confesseur des Clarisses. — Sollicitude pour obtenir à ces Religieuses de hautes protections. — Une inquiétude de l'Abbesse et une permission du Pape. 23

MDCCLIII. A Madame de Ruans (Inédite). Ce qui empêche une âme d'être submergée par les eaux de la tribulation. — Dieu « dans le buisson espineux. » — Un feu qui n'a point consumé la patience. — Déplaisirs qui déplaisent et consolent. 23

MDCCLIV. A M. Marc-François de Malarmay de Lauray. Quel remède à une déception. — Peine que donne à l'Evêque de Genève la perspective d'un séjour à la cour. — Le cantique qu'il souhaite chanter quelque jour. 25

MDCCLV. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand (Fragment). Un Père qui réclame des nouvelles de sa chère Fille. 26

MDCCLVI. A M. Barthélemy Flocard. Heureuse arrivée et saints désirs de Mgr de Chalcédoine. — Mort du Pape ; le Cardinal de Savoie en route pour Rome. — Souhait de l'Evêque de Genève. 26

MDCCLVII. A Don Juste Guérin, Barnabite (Fragment). Un doux sujet de conversation. 27

MDCCLVIII. A M. Charles-Emmanuel Perrucard de Ballon. Un visiteur bravant l'âpreté de l'hiver. — Le voyage de France retardé par celui du Prince Cardinal à Rome. 28

MDCCLIX. A la Mère de Chantal, a Paris (Fragments inédits). Voyage rompu par la mort du Pape. — Décision au sujet de la récitation de l'Office. — Le Monastère de Turin. 29

MDCCLX. A une Religieuse de la Visitation de Paris. Un cœur que le Saint a aimé « sur la foy de » son « bon Ange ». — Les grâces qui accompagnent celle de la Profession religieuse. — « Foible ombre d'attaque » au logis de l'Evêque de Genève. 30

MDCCLXI. A Madame de Ruans. Le feu et la fièvre. — Exemple de Job. — Une fille du Crucifié doit participer à sa croix. — Où nous conduisent les afflictions. 30

MDCCLXII. A une dame. Trois causes de la diminution des lettres de François de Sales à sa fille spirituelle. — Une tribulation redoutable. — Job au milieu des reproches de ses amis. — Aimer Dieu dans les consolations, mais surtout dans les peines et les adversités. 31

MDCCLXIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Réponse à une réclamation de Son Altesse. — Un « Memorial » à traduire pour être envoyé à Rome. 32

MDCCLXIV. A M. Jean Carron. Prière au destinataire de faire chercher un Mémoire déjà envoyé que le prince de Piémont réclame. 32

MDCCLXV. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. Les raisons qui plaident en faveur de M. Gard pour lui obtenir un canonicat. 33

MDCCLXVI. Au Père Dominique de Chambéry, Vicaire-Provincial des Capucins. Prière d'envoyer le Frère Adrien à Lyon tandis que François de Sales y sera. 34

MDCCLXVII. A Madame de la Chapelle Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Etre fidèle dans les petites occasions, pour obtenir de l'être dans les grandes. — Les « ennemies de la devotion. » — Ce qui doit être attaché « au bout du desplaysir du peché. ». 35

MDCCLXVIII. A Madame de Toulongeon. Espoir d'une visite qui fit retarder une lettre. — Compliments affectueux à la destinataire au sujet de son mariage et de sa prochaine maternité. — A quelle fin Dieu nous donne ses faveurs. — Souvenir des bonnes résolutions prises autrefois. — Assurance de prières. 36

MDCCLXIX. A une Supérieure de la Visitation. L'éducation des petites filles incompatible avec la manière de vie des Religieuses de la Visitation. — Combien en prendre, si l'Evêque le commande. 36

MDCCLXX. A Madame de la Fléchère. Un messager pour Avignon. — Visite forcément remise. 38

MDCCLXXI. A MM. Pierre et Jean de Villers. Condoléances offertes sur la mort d'un père. — Motifs de consolation proposés à ses enfants. 38

MDCCLXXII. A M. Michel Favre. Recommandations à un pèlerin de Lorette et de Rome. — Affaires qu'il doit traiter ; personnages qu'il doit voir. — Permissions à obtenir pour l'entrée de quelques dames à la Visitation. 39

MDCCLXXIII. A M. Jean Joly de la Roche. Une œuvre pie recommandée à M. de la Roche. — Nouvelles du prieur de Sonnaz. 40

MDCCLXXIV. A M. Antoine Quartery. Actions de grâces pour des témoignages de bienveillance. — Comment l'Evêque de Genève veut contribuer à la récompense de nombreuses bonnes œuvres faites par le destinataire. — Il lui en propose une nouvelle : l'établissement des Pères Capucins à Sion. 41

MDCCLXXV. A Don Juste Guérin, Barnabite. Dona Ginevra, bienfaitrice des Barnabites. — Une affaire en suspens. — Le monde et la vie de ce monde. 42

MDCCLXXVI. A M. Michel de Marillac. Joie qu'apporte au Saint le portrait de la bienheureuse Marie de l'Incarnation. L'histoire de sa vie sera profitable aux gens du monde. 43

MDCCLXXVII. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. Une vertu essentielle. — Obligation pour une fille de quitter « beaucoup de ses consolations » afin d'en laisser à sa mère. — Les Anges, d'avis différents, s'unissant dans l'amour à la volonté de Dieu. — Deux points sur lesquels le Saint ne veut point se prononcer. — « L'amas des fourmis. » — Le seul exercice où il ne faut point user de modération. — Ce que la Mère Favre doit conseiller à Mme de Dalet. 44

MDCCLXXVIII. A la Comtesse de Dalet. Les plaintes de Mme de Montfan ; trois partis qu'elle propose pour sa fille. — L'Evêque de Genève ne peut rien dire sur les deux premiers. — Il demande à Mme de Dalet d'aider sa mère de ses biens. — La jalousie de l'amour maternel. — Une tare très rare et très aimable. 46

MDCCLXXIX. A Madame Le Loup de Montfan (Inédite). Protestation d'estime et d'intérêt pour la destinataire. — François de Sales s'étonne qu'elle ait pu s'adresser à lui dans une affaire délicate. — Lettres à Mme de Dalet et à la Mère Favre. — Le Saint comprend la situation de Mme de Montfan et y compatit. — Se remettre à la Providence. 47

MDCCLXXX. A M. Antoine Rigoullet, Abbé de Mauzac (Inédite). Une contestation née d'un excès d'amour. — Comment donner un avis après celui de plusieurs serviteurs de Dieu ?. 49

MDCCLXXXI. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. Difficulté pour le saint Evêque de se prononcer au sujet d'une Novice. — Faire pour son salut tout ce que requiert la charité ; nécessité qu'elle y coopère. — Une question impossible à résoudre entièrement. — Qu'est-ce que Dieu ? — Sa présence en ce monde. — Il est le principe et la vie de toutes choses. — Aveu de l'impuissance et du néant de l'homme. 50

MDCCLXXXII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Quelques affaires recommandées au prince. 51

MDCCLXXXIII. A M. Marc-François de Malarmay de Lauray. Question et réponse d'amis. — La « loy invariable de l'eternité » de leur union. — François de Sales emprunte son portrait pour l'envoyer au destinataire. — Elévation vers Notre-Seigneur. 52

MDCCLXXXIV. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers (Fragment). La calomnie, marque excellente de l'approbation divine. — Effet que doivent produire en l'âme les souffrances intérieures. 52

MDCCLXXXV. A un Magistrat de Dijon (Inédite). Prière de « proteger en son bon droit » un ami du Saint. 54

MDCCLXXXVI. A M. Claude de Blonay. L'installation d'un martinet dans les terres du baron de Thorens. — Emprunt d'outils sollicité auprès de la Sainte-Maison de Thonon. 54

MDCCLXXXVII. A Madame des Gouffiers. Sur quoi l'on juge souvent des affections. — Un papier introuvable. — Notre-Seigneur a-t-il jamais plaidé ? — Sa divine maxime. — François de Sales la défend avec énergie et appuie son raisonnement sur la doctrine de saint Paul. — la sagesse de Dieu, c'est la folie de la Croix. — Révolte de la prudence humaine. — Petite ouverture sur l'intérieur du Saint. — Conseillers sûrs et prudents pour Mme des Gouffiers. — Sévère réprimande ; les ruses de l'amour-propre démasquées. — Décision dernière. 55

MDCCLXXXVIII. A la Mère de Chantal, a Paris. On ne peut avoir les mérites du Calvaire avec les consolations du Thabor. — Aversion de l'Evêque de Genève pour les procès. — L'exemple de Jésus-Christ. — « Corniches dorees pour une image de papier. » — Unité en Dieu. 57

MDCCLXXXIX. A M. Jean de Chatillon. Compassion et approbation. — Ce qu'il faut faire de quatre cents florins. — Annonce d'un voyage. 58

MDCCXC. A la Comtesse de Dalet. « Rien d'estimable en comparayson d'une ame continente. » — Nulle obligation de justice pour Mme de Dalet de soutenir sa maison paternelle ; en quels cas elle doit ou ne doit pas le faire. — La « separation des sejours » souvent nécessaire à l'union des cœurs. — Une parole qui a ravi le Saint. 59

MDCCXCI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Nombreuse famille en détresse par suite de la longueur d'un procès. — Le Duc est supplié d'y mettre ordre. 61

MDCCXCII. Au même. Voyage à Thonon sur l'ordre du prince. 62

MDCCXCIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Un saint projet en voie d'exécution. — Liste des abbayes du diocèse de Genève et de leurs titulaires. 62

MDCCXCIV. Au Comte Claude-Jérome de Saint-Maurice (Inédite). Recours à la courtoisie du destinataire. 64

MDCCXCV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Mme de Charmoisy désire envoyer son fils à Paris pour affaires. — Elle en sollicite l'autorisation du prince par l'intermédiaire de l'Evêque de Genève. 64

MDCCXCVI. Aux Consuls et aux Habitants de Montferrand. Sur la demande des consuls, l'Evêque de Genève condescend à laisser encore à Montferrand la Mère Favre, mais sans vouloir s’engager pour toujours. 66

MDCCXCVII. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. Des visiteuses qui porteront au monastère de Valence « unguens et parfums de devotion. » — Course en Chablais. — Prétendantes pour la Visitation d'Annecy. 67

MDCCXCVIII. A la Mère de Chantal, a Paris. Un « desplaysir » arrivant au milieu d'un sentiment de résignation. — Première impression au réveil. — Nouvelles de la santé de François de Sales. — Il s'occupe des livres réguliers de son Institut. 67

MDCCXCIX. A la Mère de la Roche, Supérieure de la Visitation d'Orléans (Fragment inédit). « Un couple de filles » cher à François de Sales. 68

MDCCC. au prince de Piémont, Victor-Amédée. La bonté de Son Altesse, seul espoir d'un homme d'honneur chargé d'enfants. 68

MDCCCI. A M. Barthélemy Flocard. Injustes soupçons sur de fidèles serviteurs de Henri de Nemours, dissipés. — En qui nous devons placer toute notre confiance. 69

MDCCCII. A Madame Rivolat. Condoléances et consolations à une veuve affligée et souffrante. 69

MDCCCIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Comment faire fleurir la Sainte-Maison de Thonon. — Envoi d'un Mémoire. 71

MDCCCIV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. L'Evêque de Genève adresse au prince le compte-rendu de sa visite à la Sainte-Maison et quelques avis pour « remedier aux manquemens » qu'il y a trouvés. — Prière de poursuivre la réforme du clergé régulier et séculier. 72

Advis particulier pour les necessités presentes de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, fondee par Son Altesse a Thonon. 73

MDCCCV. Au même. Cisterciennes et Clarisses qui désirent une réforme. — Mesure à prendre pour l'établissement des Chartreux à Ripaille. — Les scandales de l'abbaye d'Aulps. 74

MDCCCVI. A un cardinal. (Inédite). Demande d'une dispense pour un jeune clerc nommé à un bénéfice. 74

MDCCCVII. A Madame de Chamousset. Commune affliction en la perte du baron de Villette. — A Dieu de guérir les coeurs. — Pourquoi nous est donnée la vie en ce monde. 75

MDCCCVIII. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. La prudence humaine bien éloignée de la pure charité. — Ce qu'il y a de naturel dans l'érection des Maisons religieuses ; ce qui doit être surnaturel. — Quel esprit le Fondateur veut voir régner dans sa Congrégation. — Le Maître et la Dame des Monastères de la Visitation. 77

MDCCCIX. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. Témoignage rendu au zèle et au talent de M. de la Pesse. — Un moyen, pour le prince, de montrer son contentement à ses serviteurs et de tenir en ordre ses affaires. 77

MDCCCX. Au Baron Gaspard de Chevron-Villette. Condoléances et consolations. 78

MDCCCXI. A la Mère de Chantal, a Paris. Salut et souhait au cœur de la Mère de Chantal. — Condescendances paternelles. — Le prix de la paix. — Pourquoi « il faut tenir bon dans l'enclos » des Règles. — Edification donnée par les Sœurs d'Annecy. — Hommage d'honneur et de respect à l'Archevêque de Bourges, persécuté. 80

MDCCCXII. A une personne inconnue (Fragment). Un portrait peu ressemblant d'une grande servante de Dieu. — La faute que regrette François de Sales, et quelle en fut la cause. 81

MDCCCXIII. A Madame des Gouffiers. Démarche paternelle du Saint auprès d'une personne froissée des avis reçus. — Mélange d'humilité, d'affection et de fermeté. — Mieux vaut perdre une fille spirituelle que de manquer à la sincérité envers les âmes. 82

MDCCCXIV. A la Sœur le Jay, prétendante tourière de la Visitation de Paris. Une condition de « grand proffit » en la Maison de Dieu. — Heureux changement de maîtres. — La fonction des tourières : sa noblesse et son importance. 83

MDCCCXV. A Madame de Villeneuve. Peine de la destinataire sur le prochain départ de la Mère de Chantal. — Paris et les montagnes de Savoie. — Regard vers l'éternité. — Un désir de la Sœur Hélène-Angélique Lhuillier et une promesse du Fondateur. — Le Saint-Esprit, lien des âmes. 84

MDCCCXVI. A M. Magnin (Inédite). Salutation et gratitude. 85

MDCCCXVII. A la Mère de la Martinière, Supérieure de la Visitation de Valence. Dieu, qui donne les charges, donne en même temps son secours pour les remplir. — Humilité et vaillance. — L'importance du gouvernement d'un Monastère. 86

MDCCCXVIII. A Madame Le Loup de Montfan. Le grand défaut que peut avoir l'amour, hors celui de Dieu. — « Passeport » et « excuse » de l'excès dans la tendresse des mères. — Douce réprimande. 87

MDCCCXIX. A la Mère de Chantal, a Paris. Départ trop précipité d'un porteur. — Le Saint revise les Constitutions de son Institut. — Il faut souffrir les lenteurs des officiers de la Cour de Rome, puisqu'on s'est inopportunément mis à leur merci. — M. Rolland, démissionnaire de son canonicat pour mieux servir son Evêque. — « Deux grandes Filles » qui « sont un peu de l'humeur de leur Pere. » — Le retour de la Mère de Chantal et les inclinations du Fondateur. — Un archevêque sans archevêché. — Tristesse de François de Sales au sujet de Mme des Gouffiers. 88

MDCCCXX. A une dame. La bonne « affaire que de n'avoir point de proces ! » — Félicitations à la destinataire de ce qu'elle fait pour les éviter. — « Se contenter en la suffisance. » — Conseils et décisions pour la confession. — De quoi dépend surtout notre perfection. — Petites obéissances. — A quelle leçon remettre un esprit vif et subtil. 90

MDCCCXXI. A la Mère de Chantal, a Paris. L'effort de l'amour impuissant. — Repos en la Providence. — Ce que doivent faire les « enfans du travail et de la mort de nostre Sauveur. » — Contradictions au sujet de l'Office récité par les Sœurs de la Visitation. — L'avis d'un solliciteur en Cour de Rome. — Plan des monastères. 91

MDCCCXXII. A M. Roch Calcagni. Remerciements et offres de services. 92

MDCCCXXIII. A la Présidente de Sautereau. Souvenir fidèle et reconnaissant. — Grand avantage des afflictions. 93

MDCCCXXIV. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Une œuvre de piété qu'il faut soutenir et affermir. 93

MDCCCXXV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Ce qu'il faudrait pour empêcher la décadence de la Sainte-Maison de Thonon. — Supplique pour l'établissement des Pères de l'Oratoire à Rumilly, et la réforme de quelques Monastères. 94

MDCCCXXVI. A la Mère de Chantal, a Paris (Fragments). Respect des Religieuses de la Visitation pour leurs curés. — La charitable réception des infirmes ne restera pas sans récompense. 95

MDCCCXXVII. A Madame Amaury. Faire toutes choses en leur temps. — Une obéissance très agréable à Dieu ; exemple de la Sainte Vierge. — Double sacrifice de « la brebis » et de « la brebiette ». — Mme Amaury tapissant l « oratoire » de la Visitation de Paris. 96

MDCCCXXVIII. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon (Inédite). Progrès de la Sœur de Blonay en calligraphie. — Bonté paternelle du Saint. — Nouvelles de famille. 96

MDCCCXXIX. A Madame de Villeneuve. Un amour qui vient du « Maistre et Createur de l'amour. » — Douces plaintes « apprestees au verjus. » — Pourquoi Mme Flocard mérite d'être aimée. 98

MDCCCXXX. A une dame de Paris. Quels sont les services que Dieu préfère. — Lenteur des meilleurs arbres à produire leurs fruits. — Un secret de la Providence. — Comment un Saint achève sa page. 99

MDCCCXXXI. A Madame Baudeau. Pourquoi François de Sales conseille à la destinataire de rester sous la conduite de son confesseur ordinaire. — Comment user de la direction de l'Evêque de Belley. 100

MDCCCXXXI. A Madame Baudeau. Ce que sont pour l'Evêque de Genève les lettres et l'âme de la Mère de Chantal ; désir de la revoir en Savoie. — Les Constitutions de la Visitation et le privilège du petit Office. — Projets de fondations en Provence et dans la Val d'Aoste. — Heureuse mort de M. de Termes. — Intérêt affectueux pour la parenté de la Sainte. — Nouvelles de la Communauté d'Annecy. — Dijon va recevoir les Filles de Sainte-Marie. — Un point d'observance à insérer dans leurs Constitutions. — Accablement d'affaires. — François de Sales condescend à soigner sa santé. — Promesse de lettres. 101

MDCCCXXXIII. Aux Religieux du Monastère de Sixt (Inédite). Exhortation à parachever la réforme du Monastère par la Profession religieuse. 102

MDCCCXXXIV. A Madame d'Aiguebelette. Souffrir souvent doit apprendre à bien souffrir. — Délicatesse et prudence du saint Evêque au sujet d'un avis contraire au sien pour la fréquence des Communions. 103

MDCCCXXXV. Au Père François Billet, Oratorien (Inédite). Mémoires envoyés et à envoyer pour l'établissement des Oratoriens à Rumilly. 104

MDCCCXXXVI. A Madame de Pechpeirou. Trois mots d'affection. — Humble demande de prières. 105

MDCCCXXXVII. A Don Juste Guérin, Barnabite. Cordiale jalousie et défi d'amitié. — La Cour céleste et la cour terrestre à une cérémonie de prise d'habit.— Princesses pleines d'humilité « en leur serenissime altesse et grandeur. »   105

MDCCCXXXVIII. A la Princesse de Piémont, Christine de France (Inédite). Un neveu de François de Sales, page de Madame. Délicate manière de remercier. 106

MDCCCXXXIX. A Madame Talon (Inédite). Prières pour un défunt et consolations à ceux qui le pleurent. 106

MDCCCXL. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Dédommagement pour le grand Aumônier de la princesse de Piémont, privé de remplir entièrement sa charge. 108

MDCCCXLI. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble (Fragment). Une prière en échange d'un souhait. — Belle situation du monastère de Grenoble. — Hors de la Providence divine, tout n'est qu'affliction. 108

MDCCCXLII. A Madame Le Nain de Crevant. Vocation précoce. — L'aiguille s'attachant à l'aimant. — Message affectueux. 109

MDCCCXLIII. A Madame de la Croix d'Autherin (Inédite). Souhait d'amour de Dieu. — Quelques nouvelles. 109

MDCCCXLIV. A Madame de Granieu. La règle des désirs. — Joie de l'Evêque d'avoir des nouvelles de Grenoble. — Les Sœurs de la Visitation en leur monastère. — Malades et « petite infirmiere. ». 111

MDCCCXLV. A Madame de la Fléchère (Inédite). Politesse à rendre au prince Thomas de Savoie. — La pensée de François de Sales au sujet d'une alliance mal assortie. 112

MDCCCXLVI. A Madame de Charmoisy (Inédite). Aimable courroux du Saint ; il veut Henri de Charmoisy « habillé convenablement. » — Sage et chrétienne sentence. — Le prince Thomas content du séjour d'Annecy. 113

MDCCCXLVII. A la Mère de Chantal, a Paris. Vains bruits de guerre. — Difficultés à Dijon pour l'établissement de la Visitation ; les protecteurs du futur Monastère. — M. Brûlart mécontent à tort de l'Evêque de Genève. — la mort du comte de Fiesque ; compassion pour sa veuve. — Une âme toute au gré du Saint. — En quel cas on peut permettre l'entrée des personnes affligées dans les couvents. — Prière à la Mère de Chantal de revoir les Constitutions. — Une petite ruse de cour. — La lettre à Mme de Villesavin. — Deux ponts brûlés à Paris. — L'affaire de l'Abbesse de Port-Royal et celle de la Sœur Lhuillier. — C'est à la Sainte à juger de l'opportunité de son retour ou de la prolongation de son séjour à Paris. — Contentement réservé pour l'autre vie. — Messages. 114

MDCCCXLVIII. Au Père Étienne Binet, de la Compagnie de Jésus. Les désirs de Mme de Port-Royal d'entrer à la Visitation. — Conduite du Saint en cette affaire ; à qui il en a remis la solution. — Eloge de la virilité de l'Abbesse. — Pureté de vues et désintéressement du Fondateur ; sa démission de ses propres pensées. 117

MDCCCXLIX. A M. de Soulfour (Inédite). Respect et affection. — Recommandation en faveur de deux amis. 118

MDCCCL. A Monsieur et Madame de Foras. « Un petit feu de joye » sur le gain d'un procès. — Sainte exhortation à persévérer dans l'union mutuelle. 118

MDCCCLI. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon (Inédite). Sollicitude de François de Sales pour ses Filles de Valence. — Ce qui ne nuit point au salut est « bien peu considerable. » — Avis pour la réception d'une Novice. 119

MDCCCLII. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. « Mille ans » sans lettres. — Une « nouvelle besoigne » pour la grande Fille. — Le bonheur de travailler beaucoup pour Dieu. — Des cœurs que le départ de la Mère Favre affligera. 120

MDCCCLIII. A M. Magnin. Remerciements, recommandation, nouvelles. 121

MDCCCLIV. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. La Supérieure de la Visitation de Valence hors de danger ; vertu des Sœurs. — Ce qui mortifie plus que le mal. — Vérités de la foi douces et attrayantes ; vérités austères. — Qu'est-ce que la foi nue et simple ? — Comment « vivre en verité et non point en mensonge. » — Messages. 121

MDCCCLV. A Madame de la Fléchère. Excellent prédicateur qui prêchera volontiers son premier Carême à Rumilly. 124

MDCCCLVI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Un sûr moyen de faire prospérer l'Etat. — Envoi d'une pièce concernant l'établissement des Oratoriens à Rumilly. 125

Despeches requis de la part de Son Altesse Serenissime pour l'introduction des peres de l'oratoire en la ville et Eglise de Rumilly. 125

MDCCCLVII. A M. Jean Carron. L'église de Rumilly et ses quatre corps d'ecclésiastiques. — Peines qu'elle a données à son Evêque. — Quel remède y apporter. — Les désirs de M. de Sonnaz. — Avantages qui résulteraient pour la gloire de Dieu et le service de Son Altesse de l'introduction des Pères de l'Oratoire. 126

MDCCCLVIII. A une religieuse de la Visitation. Humilité et confiance de François de Sales au jour anniversaire de son sacre. — Heureuse navigation sous la protection de la Sainte Vierge. 127

MDCCCLIX. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble. Défaut de surnaturel dans les « meres temporelles, » — Ne pas regarder ses pensées. — Grands et petits esprits, — D'où proviennent quelquefois les ardeurs et les indifférences. 127

MDCCCLX. A Madame de Veyssilieu. Compassion pour des afflictions multipliées. — Ne pas établir son cœur sur les choses de ce monde. — Quelle espérance doit nous réjouir. 128

MDCCCLXI. A une dame de Grenoble. Un heureux échange avec Dieu. — Sentiments d'humilité et de confiance que doit garder la destinataire. — La Providence divine sur les êtres sans raison et sur ses servantes. 129

MDCCCLXII. A Dom Bruno d'Affringues, Général des Chartreux. Conséquence d'une affection qui ne peut être cachée. Mlle de Bressieu, postulante chartreusine. — Bon espoir du Saint. 130

MDCCCLXIII. A la Mère de Chantal, a Paris. « Une lettre d'empressement. » — Regrets sur la mort de Mme des Gouffiers. — Ce que dirait la Mère de Chantal si elle voyait François de Sales écrire si tard. 131

MDCCCLXIV. A une religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Visite qui aurait été faite volontiers. — Les affections qui naissent de la contemplation de la crèche. — Mystère où se mêlent l'amour et la rigueur. — Sainte Paule préférant Bethléem aux délices de Rome. — Ardente prière. 132

MDCCCLXV. A un ami (Fragment). Seule réponse au mépris. — Bonnes espérances que donne le nouvel Evêque de Chalcédoine. — La misère de ce siècle. 133

MDCCCLXVI. A Madame de la Chapelle Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Que faire quand on se voit toujours retomber dans les mêmes imperfections ? — Une leçon qu'il faut apprendre. — Moyen d'acquérir la douceur de cœur à l'égard du prochain. 134

MDCCCLXVII. A la Mère de Chantal, a Paris. Danger de suivre la prudence humaine pour la réception des sujets à la Visitation. — Comment Dieu a fait le cœur de François de Sales. — Son amour pour les âmes, tout surnaturel. 135

MDCCCLXVIII. A Mademoiselle Jousse (Inédite). Conseils à une aspirante à la Visitation. 136

MDCCCLXIX. A M. Pierre Jay. Une « ample » approbation. — Comment il faudrait traiter les choses pieuses et saintes pour détourner habilement les âmes de la lecture des romans. — Hameçon du pêcheur d'hommes. — La délicatesse du monde. — Projet d'un ouvrage. 137

MDCCCLXX. A une dame. Le prix des tribulations. — Bonheur des âmes que Dieu appelle à son service. 137

MDCCCLXXI. A une dame. La merveilleuse importunité de la prudence humaine. — Manière de purifier nos intentions. — Deux volontés en l'âme de saint Paul, et en la nôtre. — Agir pour Dieu, afin de lui être agréable, et laisser le reste. 139

MDCCCLXXII. A M. Albert de Genève-Lullin. Mission assignée par Dieu aux grands de ce monde. — Où doivent-ils mettre leur perfection. — Efficacité de leur exemple. — Un mot de Trajan et les paroles de l'Apôtre. — La première leçon des maîtres. 140

MDCCCLXXIII. A la Mère de Chantal, a Paris (Fragment). Pensée du Saint sur le monde et les mondains. — Nouvelles de son âme. 140

MDCCCLXXIV. Au Comte Claude-Jérome de Saint-Maurice (Inédite). Réclamation d'un legs fait pour une chapelle par le beau-père du destinataire. 142

MDCCCLXXV. A la Mère de Blonay, Supérieure de la Visitation de Lyon (Fragment). Bénédictions et vœux de François de Sales pour la petite Aimée de Blonay. — Doux et lointains souvenirs du Chablais. 143

MDCCCLXXVI. A un ecclésiastique. Pourquoi ne faut-il pas accueillir facilement la calomnie. — Conduite à tenir envers les calomniateurs. — En quel sens le pardon doit être héroïque. 143

MDCCCLXXVII. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. Bourrasque et contradiction suscitées par l' « ennemy. » — Le véritable esprit de l'Evangile ; ce qu'il aime, comment il inspire nos paroles. 144

Année 1622. 145

MDCCCLXXVIII. Au Duc Roger de Bellegarde (Inédite). Raison divine de l'élévation du destinataire. — Une victime du « crime d'autruy. » — Prière instante de maintenir ce malheureux dans sa charge. — « Bien faire aux pauvres » pour obliger Notre-Seigneur à prendre soin de nous. 145

MDCCCLXXIX. A Madame de Vaudan. Prendre du loisir pour arranger ses affaires, et être Religieuse d'affection, en attendant de l'être d'effet. 146

MDCCCLXXX. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. L'Evêque n'a autorité que sur les Religieuses qui ont fait profession dans son diocèse, et celles-ci appartiennent toujours au Monastère où elles ont prononcé leurs vœux. — Formalités à remplir pour les fondations. — Le président Favre et ses justes désirs. — Charges honorables de ses fils. — Pourquoi François de Sales voudrait voir retarder l'établissement de la Visitation à Riom ; moyen terme que l'on peut prendre. — Projet pour Aurillac. — Une petite Novice de treize ans. 147

MDCCCLXXXI. A la Comtesse de Miolans. Compassion et condoléances. — Le seul Consolateur. — Condition nécessaire pour la guérison des corps et des cœurs. — Les « troys douces paroles » de sainte Blandine. — Où se retirer à l'abri des maux de la terre. — François de Sales se réjouit du repos que Mme de Miolans a trouvé à la Visitation. 149

MDCCCLXXXII. Au Chanoine Jean Moccand, Prieur du Monastère de Sixt (Fragment inedit). Les Constitutions de la Visitation à Sixt. 150

MDCCCLXXXIII. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. La joie de l'âme au jour de la distribution du salaire éternel. — Réponse effective de Dieu à la confiance. — Douce réunion autour de la Mère de Chantal. 151

MDCCCLXXXIV. A la Marquise de Maignelais. Remerciements pour des faveurs passées ; prière de les continuer aux Sœurs de la Visitation de Paris. — L'exemple du Sauveur, ami des petits et des enfants. 151

MDCCCLXXXV. A la Mère de Chantal, a Paris. Un Père spirituel pour la Visitation de Paris. — Deux filles du Saint au Carmel d'Orléans. — Entente nécessaire pour le voyage de la Mère de Chantal et le départ de nouvelles Sœurs destinées aux fondations de France. — « L'histoire de la consultation » pour la Mère Angélique Arnauld. — Comparaison « un peu rigoureuse » entre la Règle de saint Benoit et l'Institut de la Visitation. — Avertissement qu'il faut donner à l'Abbesse. — Une première Communion. — Quelques mots sur les futures fondatrices du Monastère de Dijon. 152

MDCCCLXXXVI. A la Mère de Beaumont, Supérieure de la Visitation de Paris. Humilité et courage. — La face de « l'ancienne Anne ; » son cantique. — Dieu donne « abondance de lait » aux mères. — Vivre en joie. — Une « condition qui suffit, et sans laquelle rien ne suffit » à une Supérieure. — Loisir trop court pour toutes les lettres que le Saint voudrait faire. 154

MDCCCLXXXVII. A la Présidente de Herse. Insuffisance des commissions verbales. — Devoir auquell'Evêque ne manque pas. 156

MDCCCLXXXVIII. A la Mère de la Roche, Supérieure de la Visitation d'Orléans. Trois choses apportant à François de Sales de la consolation. — Affection mutuelle de l'Evêque d'Orléans et de l'Evêque de Genève. — Espérance qui sera surpassée. — Un porteur de lettres pas encore en route. — Fille de sainte qui deviendra sainte. — Les « douces Filles » du bienheureux Fondateur. 157

MDCCCLXXXIX. A la Sœur Lhuillier, Novice de la Visitation de Paris. La victime sur l'autel. — Souhaits de bonheur, de courage et de sainteté pour le jour du sacrifice. — Mme de Villeneuve unie à l'immolation de sa sœur. — La vie naissant de la mort. 158

MDCCCXC. A Madame Angélique Arnauld, Abbesse de Port-Royal a Maubuisson. Le Saint voudrait savoir l'état du cœur de l'Abbesse au sujet de la décision prise à son égard. — La paix, et toujours la paix. — Quel est le « passeport des filles de Jesus Christ. ». 159

MDCCCXCI. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. Quelques tracasseries de la part de l'Archevêque de Lyon. — Nécessité de maintenir l'uniformité dans tous les Monastères de la Visitation. — A quoi il est utile d'employer sa vie lorsqu'elle doit être courte. — Des âmes qui n'eussent pas été bonnes pour le mystère de la Purification. — Ne chercher que Dieu. 159

MDCCCXCII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Inconvénient du retard des dépêches relatives à la cure de Rumilly. Triste état des bâtiments de la Sainte-Maison de Thonon. 160

MDCCCXCIII. A la Comtesse de Dalet. Sages limites d'un désir. — Comment Dieu emploiera « une tentation de l'ennemy, » et quand il en délivrera. — Les pensées d'amour-propre ne peuvent nuire à une âme qui considère souvent son néant. — Promesse de prières. 161

MDCCCXCIV. A Madame de la Fléchère. Encore la cure de Rumilly et les Pères de l'Oratoire. 161

MDCCCXCV. A Madame de Travernay. Souhaits pour une heureuse naissance. — Papiers égarés par inadvertance. Une cédule que M. Rolland cherchera. 163

MDCCCXCVI. A Madame de Picaraysin (Billet inédit). Commission faite et avis donné. 164

MDCCCXCVII. A Madame de la Fléchère. Les contradictions au service de Dieu. — Ce qui restera aux contradicteurs. — Obéissance et dévouement du P. de Sonnaz. — Le Saint va travailler de nouveau à l'établissement des Oratoriens à Rumilly. 164

MDCCCXCVIII. A Madame de Charmoisy. Ce qui rend une longue lettre inutile. — Avertissement paternel d'épargner davantage sa santé, et un peu moins « les moyens. ». 165

MDCCCXCXIX. A Madame Angélique Arnauld, Abbesse de Port-Royal, a Maubuisson (Inédite). Les nouvelles que le Saint attend. — Pourquoi il a « bien envie de revoir » la Mère de Chantal. — Salutations affectueuses à Mme Arnauld et à ses enfants. 166

MCM. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble. Ou peut recevoir une prétendante malgré une promesse de mariage. — Décision du Concile de Trente. — Les privilèges des fondatrices de Monastères devant Dieu et devant les hommes. — Exemple de la Sœur Lhuillier. — Raisons pour François dé Sales de s'intéresser spécialement à Mlle de Pressins. 167

MCMI. A Dom Pierre de Saint-Bernard de Flottes, Feuillant (Inédite). Un prédicateur qu'il ne faut pas « divertir » et qu'on salue sans vouloir de retour. — Image très gracieusement offerte. 168

MCMII. A une prétendante de la Visitation. Le séjour de la montagne du Calvaire. — Dépouillement nécessaire de ceux qui l'habitent. — La robe du festin. — Laisser les appréhensions et les craintes, et se confier en Dieu. — Comment employer les bonnes inclinations naturelles. 168

MCMIII. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble. L'imperfection du motif de la part de la créature n'empêche pas la réalité de l'appel de Dieu. — Vocations citées dans l'Evangile et celles de quelques Saints. — C'est la suite et la persévérance qui témoignent de la bonté des dispositions. — Par quel moyen aider une âme que la nécessité et non l'attrait a conduite au monastère. — Avis prudent et sage pour des visites au parloir. — Laisser parler le monde comme il voudra de cette vocation. — La pensée du Fondateur sur une autre aspirante et sur une Supérieure. 169

MCMIV. Au Prince de Carignan, Thomas de Savoie. Chrétien privilège accordé à la confrérie du Crucifix. — Le Saint intercède pour en faire bénéficier un galérien, père d'une nombreuse famille. 171

MCMV. A un gentilhomme (Fragment). Promesse de s'employer à la conclusion d'une affaire. 171

MCMVI. A la Mère de Blonay, Supérieure de la Visitation de Lyon. Quand on veut fonder un Monastère, il faut vouloir se conformer à l'esprit de l'Ordre qu'on appelle. — L'excellence de la vie intérieure à la Visitation. — Planter des figuiers si l'on veut des figues, et des oliviers si l'on veut des olives. — Quelles filles préfère le saint Fondateur. — Retour à Lyon de deux anciennes professes. 173

MCMVII. A la Mère de Chantal, a Alonne. Départ précipité d'une petite colonie de Religieuses. — Portrait de celles-ci. — Le document qu'elles emportent. — Une dame que le Saint aime particulièrement sans l'avoir jamais vue. — Occupations multipliées. — Messages rapides. — Vivre, travailler et se réjouir en Dieu. 174

MCMVIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Nouvelle supplication pour Thonon et Rumilly. 175

MCMIX. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. Plusieurs lettres pour une même affaire. — La Mère Favre, après avoir établi le Monastère de Dijon, doit venir fonder celui de Chambéry. — Bonté de Dieu qui facilite la retraite de Mme de Dalet. — Conseils pour la visite canonique. — Avis différents, donnés par l'Evêque de Genève sous l'inspiration divine. 176

MCMX. A la Sœur Compain, Religieuse de la Visitation de Montferrand. Préparation à la Supériorité. — La gardienne de la paix. 177

MCMXI. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand (Fragment). « Bonnes besoignes pour l'unique Mere et pour la grande Fille. ». 177

MCMXII. A la Mère de Chantal, a Dijon (Fragment inédit). Des filles qui « font merveilles ». — Conseil que le Saint leur adresse. 177

MCMXIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. La protection des convertis, premier but de la Sainte-Maison de Thonon. — Ce qu'il advient pour la pension annuelle due au sieur de Corsier ; moyen d'en faciliter le payement. 178

MCMXIV. Au Prince Cardinal Maurice de Savoie (Inédite). Misère et piété dignes d'être secourues. 179

MCMXV. A la Mère de Beaumont, Supérieure de la Visitation de Paris. Ecrire courtement pour écrire souvent. — Deux Pères spirituels au Monastère de Paris. — Souhaits du cœur, et saluts paternels aux Sœurs de la Visitation et aux dames, filles spirituelles de François de Sales. — Famille de la Mère de Beaumont. 179

MCMXVI. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Le Saint s'excuse de ne pouvoir passer à la cour avant de se rendre à Pignerol, au Chapitre général des Feuillants. 180

MCMXVII. A Madame de la Fléchère. Une commodité venue tout à propos. — Ce que l'Evêque de Genève va faire en Piémont. — Ordres qu'il donnera avant de partir. 181

MCMXVIII. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Évêque de Montpellier. Pénitence sans coulpe. — Le prince Thomas à Annecy. — Mérite et vertus de son maître d'hôtel ; François de Sales le recommande à la bienveillance du destinataire. 182

MCMXIX. A une dame. Regret et contentement d'une courte entrevue. — Marché céleste entre le Créateur et la créature. — Permission pour des Communions plus fréquentes. — Les larmes de Vendôme. 182

MCMXX. Au Cardinal Ludovic Ludovisi. Une lettre arrivée quatre heures après la clôture du Chapitre général. — Ordre du Pape, et difficulté de casser une élection canonique. — Moyen terme proposé par François de Sales. 184

MCMXXI. Au Cardinal Scipion Caffarelli-Borghese (Minute). Fonctions épiscopales exercées à Pignerol par l'Evêque de Genève. Le Chapitre des Feuillants. — Prochain voyage du Supérieur général à Rome. 185

MCMXXII. Au Cardinal Octave Bandini (Minute). Une assemblée d'Anges et non d'hommes mortels. — Concours universel de suffrages. — Demande d'une continuation de bienveillance. 187

MCMXXIII. Au Cardinal Alexandre Montalto (Minute). Pourquoi François de Sales trouve que sa présence au milieu des Pères Feuillants était inutile. — Election qui ne pouvait être meilleure. — les traductions de D. Jean de Saint-François. 188

MCMXXIV. Au Cardinal Ludovic Ludovisi (Minute). Compte-rendu du Chapitre général des Pères Feuillants. — Science, prudence et piété du Supérieur élu. 189

MCMXXV. Au Cardinal Scipion Cobelluzzi (Minute). Union des esprits au Chapitre des Feuillants. — Une élection unanime ; regret qu'éprouve le Saint à ce sujet. 190

MCMXXVI. A Sa Sainteté Grégoire XV. Ce qui s'est fait au Chapitre général tenu à Pignerol. — Concorde parfaite qui y présida. — Le gage de la persévérance dans l'union des cœurs et des esprits. — Une question que l'Evêque de Genève n'a pas voulu trancher. — Son avis sur la réforme du Bréviaire cistercien ; pourquoi il ne le fît pas prévaloir par un coup d'autorité. 191

Minute de la lettre précédente. 192

MCMXXVII. A Madame Le Loup de Montfan. Les meilleures réponses. — Une véritable inspiration divine. — Quand Dieu parle, il ne faut pas contester, mais regarder l'Evangile et en suivre les maximes. — Ce dont la ferveur de Mme de Dalet devra se contenter. — Ses parents prendront soin de ses enfants. — Qualités qu'il faut joindre ensemble. — Condescendance et humilité du saint Evêque. 195

MCMXXVIII. A la Comtesse de Dalet (Inédite). Comment Mme de Dalet pourra contenter à la fois sa dévotion et sa mère. — Jugement sur des plaintes maternelles ; à laquelle de ces plaintes le Saint a voulu répondre. — Promesse de lettre ; douce invitation à écrire aussi. 197

MCMXXIX. A Monseigneur Jean-François de Sales, Évêque de Chalcédoine, son frère. Espérance de retour en Savoie. — Une affaire à considérer de nouveau. — La réforme de Sainte-Catherine. — Voyage qui devient inutile, grâce à l'intervention du Prince et du Pape. 198

MCMXXX. A la Mère de Chantal, a Dijon (Fragment). Passage de la Mère Favre de Montferrand à Dijon. 198

MCMXXXI. A Monseigneur Jean-François de Sales, Évêque de Chalcédoine, son frère (Fragment). Un désir de François de Sales. — Pourquoi il voudrait être « un peu en repos aux pieds de Nostre Seigneur. ». 199

MCMXXXII. A la Duchesse de Modène, Isabelle de Savoie. Grande vertu des Infantes de Savoie. — Consolation que le Saint a trouvée dans leur société. — Une précieuse faveur reçue de l'Infante Françoise-Catherine. 200

MCMXXXIII. Au Cardinal Ludovic Ludovisi. Deux Pères Feuillants en route pour Rome. — Prière de s'intéresser aux affaires qu'ils vont y traiter. — Départ pour Annecy. 201

MCMXXXIV. A M. Philippe Sanguin de Roquencourt. Désir de l'Evêque de Genève de complaire au destinataire. — Son vouloir limité par son pouvoir. — A qui il appartiendra de résoudre la difficulté au sujet d'une aspirante à la Visitation. — Rien de secret dans les Constitutions de l'Institut ; rien de cabalistique dans les paroles et les écrits du Fondateur. — La seule impuissance de méditer n'exclut pas du cloître — Ce n'est pas sans raison ni pour fâcher le père que la Supérieure se décide à ne pas recevoir la fille. 202

MCMXXXV. A la Mère de la Martiniere, Supérieure de la Visitation de Valence (Inédite). Réponse tardive. — Adoucissements que l'on peut donner à une veuve âgée retirée au monastère. — Consolations et difficultés. — Messages. 204

MCMXXXVI. A Madame de Cerisier, Abbesse de Sainte-Catherine. L'Abbesse a été avertie par François de Sales du désir de quelques-unes de ses Filles ; quel était le sien pour la réforme. — « Les defautz qui arrivent en une bonne œuvre n'en gastent pas la bonté essentielle. » — Se garder d'aller contre la volonté de Dieu par intérêt propre. — Pourvu que le bien se fasse, il suffit. 204

MCMXXXVII. A la Mère de Chantal, a Dijon. En quel cas permettre le changement de monastère. — Plusieurs affaires pénibles. — Mille écus que le Saint voudrait « au fons de la mer. » — Les effets du sens humain.— Ne pas recevoir des bienfaitrices qui exigent trop de conditions. — Mort de la présidente Brûlart et du cardinal de Retz. — La « benediction souverainement desirable. » — Souvenir affectueux pour les enfants de la Mère de Chantal. 205

MCMXXXVIII. A la Comtesse de Dalet. Le chemin du cloître ouvert devant Mme de Dalet. — Fleurs et parfums qu'y jette la Providence. — A qui la comtesse laisse ses enfants. — C'est à Dieu de conduire sa fille àla vie religieuse. — Inconvénient d'entrer trop jeune au couvent. — Encouragement à suivre l'appel divin. 207

MCMXXXIX. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers (Fragment). Conduite à tenir envers des personnes qui contredisent et contrarient. — Les Religieuses des différents Ordres se doivent estimer et aimer. — Pourquoi Satan hait particulièrement l'Institut de la Visitation. 208

MCMXL. A la Mère de Chantal, a Dijon (Fragments). Faveurs et consolations. — Eloge de deux belles âmes. — Un abus contre la clôture. — Haine du saint Evêque pour la sagesse humaine. — Des bienfaitrices peuvent être admises dans les monastères quand elles n'en veulent sortir que rarement. — Peut-on recevoir à la Visitation des pénitentes ? — Quelques fondations en projet. — Combattre le mal par le bien. — Faute qu'on ne doit jamais commettre. 209

MCMXLI. A Madame de la Fléchère. Le Saint enverra deux de ses Filles de la Visitation aux nouvelles Bernardines de Rumilly. — Ménagements à prendre avec l'Abbé de Tamié. 210

MCMXLII. A Madame Louise de Ballon, Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Coup d'éperon à un courage qui défaille. 210

MCMXLIII. Au Père Louis de Gerbais de Sonnaz, Oratorien. Prieurés donnés aux Pères de l'Oratoire de Rumilly. Ce qu'il faut faire pour ne pas rendre inutile cette faveur de Son Altesse. 212

MCMXLIV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Au mépris des ordres du prince, les prébendes vacantes de Contamine ont été attribuées à des Religieux de Cluny. — Monastère et discipline monacale en ruines. — Mesures à prendre pour remédier au mal. 213

MCMXLV. A Madame de Valence, Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine (Inédite). En ne s'attachant qu'à la volonté de Dieu, on se trouve bien partout, et partout l'on est en sûreté de conscience. — Deux visites en espérance. 213

MCMXLVI. A M. Marc-François de Malarmay de Lauray (Inédite). Raison pour laquelle des lettres sont demeurées sans réponse. — Condoléances tardives. — Préparation à la mort. 215

MCMXLVII. A la Comtesse de Rossillon. La douleur, pour être juste, doit être raisonnable. — A quoi nous oblige notre nom de mortels. — Réunion prochaine avec « nos trespassés. » — Un candidat à une cure recommandé par la destinataire. — Promesse de prières. 216

MCMXLVIII. Au Père Pierre de Berulle (Inédite).Etat des choses à Rumilly pour l'établissement des Oratoriens. — Prière d'y envoyer incessamment deux Pères. — Un livre de M. de Bérulle ; ce que le Saint voudrait en rayer. — Fraternel et franc conseil. 217

MCMXLIX. Au Prince de Carignan, Thomas de Savoie (Minute inédite). Annecy foulé par les troupes. — Excès auxquels menacent de se livrer les soldats. — Supplication à Son Altesse pour le peuple malheureux. 218

MCML. A la Mère de la Roche, Supérieure de la Visitation d'Orléans. Grâces divines qui se transformeront en « merveilles pour le bien de la sainte Eglise. » — Un accueil plein d'honneur et de confiance sera fait à l'Evêque d'Orléans. — Encouragement à l'amour de la souffrance. 219

MCMLI. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Dijon. Le Monastère de Dijon en progrès ; celui de Chambéry en préparation. — A quoi Dieu appelle la Mère Favre. — Elle doit le servir sans intérêt propre et avec une pleine confiance en sa providence. 219

MCMLII. A la Mère Louise de Ballon, Supérieure des Bernardines de Rumilly. Un nom dont les Bernardines doivent se rendre dignes avant de l'adopter pour leur Congrégation. 220

MCMLIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Toujours la lutte entre Cluny et Thonon pour Contamine. — L'à-propos d'une assemblée devant le prince Thomas pour les affaires de la Sainte-Maison. 221

MCMLIV. A la Mère de Chantal, a Dijon. Projet d'itinéraire pour la Mère de Chantal ; désir du Fondateur qu'elle visite les nouvelles Maisons. — Pourquoi il ne peut écrire longuement. — Salutations. 222

MCMLV. A M. Jean de Chatillon. Décision l'avant-veille d'un départ. — Maladie de M. de Blonay. 222

MCMLVI. A la Mère de Chevron-Villette, Supérieure de la Visitation de Saint-Étienne. Un secret de bonheur et de sainteté. — La dignité d'une Supérieure. Avantage des Filles de la Visitation et danger des Monastères sans clôture. 224

MCMLVII. Au Président Antoine Favre (Inédite). Recommandation pour une affaire pendante devant la Chambre des Comptes. 225

MCMLVIII. A la Sœur de Bréchard, Religieuse de la Visitation, a Moulins (Fragment). Joie du Fondateur au sujet d'une élection. — Eloge de la nouvelle Supérieure. 226

MCMLIX. A M. Balthazard de Peyzieu (Inédite). Passage trop rapide à Vienne ; espérance d'un prochain séjour plus prolongé. Heureux mariage de François de Longecombe. 226

MCMLX. A Madame de Toulongeon. Heureuse rencontre avec la Mère de Chantal. — Délicats conseils, tact parfait et largeur d'esprit du saint Directeur. — La pensée de la mort mêlée aux félicitations de bonheur. 227

MCMLXI. A une dame. Bonheur de la solitude au pied du Crucifix. —Véhémente aspiration vers l'éternité ; mépris de ce monde et de ses grandeurs. 227

MCMLXII. A la Mère de Chastellux, Supérieure de la Visitation de Moulins. Désirs rendus plus ardents par la charge que la Providence a donnée à la Mère de Chastellux. — Le fondement de la prospérité spirituelle. — Confiance toujours plus grande. 229

MCMLXIII. Au Duc Roger de Bellegarde. Une œuvre de charité proposée au duc. 229

MCMLXIV. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. Messagère pleine de mérite et d'affection pour la destinataire. — Ferveur de la la Sœur Emmanuelle de Monthoux. — Un ami du Monastère de Nevers. 230

Appendice. 232

I. Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants. 232

A. Lettre de la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand (Fragment). 232

B. Lettre du Prince Cardinal Maurice de Savoie. 233

C. Lettres patentes de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie. 233

D. Lettre du Chanoine Artus de Lionne, Seigneur d'Aoste. 235

E. Lettre de Mgr Jean-Pierre Camus, Evêque de Belley. 235

F. Lettre de M. Jacques Gallemand. 237

G. Lettre de l'Infante Isabelle de Savoie, Duchesse de Modène. 238

II. Suppliques et lettres de princes et autres personnages a différents destinataires. 239

A. Supplique a Sa Sainteté Grégoire XV.. 239

B. Supplique au Cardinal Ludovic Ludovisi 241

C. Lettre de Victor-Amédee, Prince de Piemont, au Prince de Carignan, son frere. 242

D. Lettre des proviseurs du College de Savoie a Louvain aux administrateurs de celui d'Annecy. 243

E. Lettre de Thomas de Savoie, Prince de Carignan, aux mêmes. 244

F. Lettres de Victor-Amédée, Prince de Piémont a l'Abbé Philibert-Alexandre Scaglia. 245

III. Note concernant l'autographe de la lettre du 19 octobre 1621 a Christine de France, Princesse de Piemont  245

 

 

Lettres de Saint François de Sales. Année 1621

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MDCCXLIV. A M. Claude Frémyot. Deux raisons qui font espérer à François de Sales la bienveillance du destinataire. — Sollicitation en faveur de M. de la Tour d'Arerex.

 

Annecy, 3 janvier 1621.

 

            Monsieur,

 

            L'honneur que j'ay eu d'avoir esté aymé de feu monsieur vostre pere et de toute vostre famille me tient a jamais obligé a vostre service, outre le respect que vos merites exigent de moy. Et sur ce mesme fondement, j'ay une ferme esperance que vous me favoriseres de vostre bienveüillance, ainsy que tres humblement je vous en supplie, me resjouissant de tout mon cœur de vous sçavoir au rang ou vous estes en la cour, comme en un chemin par lequel, moyennant la grace de Dieu, vous arriveres un jour aux honneurs ausquelz l'exemple de vos predecesseurs et vostre vertu vous doyvent faire justement [1] aspirer. Et avec cette occasion, je vous fay une tres humble recommandation des droitz de monsieur de la Tour d'Arrerex, present porteur, le bien et les affaires duquel je dois affectionner pour plusieurs raisons ; qui suis de tout mon cœur et seray toute ma vie,

            Monsieur,

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

 FRANÇS, E. de Geneve.

            3 janvier 1621.

 

            A Monsieur

            Monsieur Fremyot,

Conseiller du Roy au Parlement de Bourgongne.

 

Revu sur un fac-simile conservé à la Visitation d'Annecy.

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MDCCXLV. A la Sœur Chaillot Supérieure des Ursulines de Besançon. L'Evêque de Genève se réjouit d'un projet de fondation d'Ursulines dans son diocèse. — Témoignages qu'il a donnés déjà et assurance nouvelle de son estime pour cet Institut.

 

Annecy, 3 janvier 1621.

 

            Ma tres chere Seur,

 

            Quand je sceu le desir que Mme la Marquise de Lulin avoit de voir une Mayson de vostre Institut a Thonon, [2] j'en remerciay Dieu de tout mon cœur et tesmoignay, en la façon que je peu, combien j'avois receu de contentement de l'advis que j'en avois ; car j'ay tous-jours cheri, estimé et honnoré les exercices de tres grande charité que vostre Congregation prattique, delaquelle j'ay aussi tres affectueusement desiré la propagation, et mesme en cette province de Savoye : comme en effect, sur quelque esperance qu'aucuns de la Compaignie de Jesus du college de Chamberi m'avoyent donné qu'on pourroit en eriger une Mayson en ce lieu la, j'obtins un brevet de permission pour cela de Son Altesse Serenissime.

            Mays si j'ay une fois le contentement que la pieté et ferveur de madame la Marquise de Lulin me fait attendre, de voir en ce diocese une branche de ce saint arbre de Sainte Ursule, je m'essayeray de luy rendre toute sorte de preuves combien je le prise et affectionne. Qui me fait vous prier bien humblement, ma tres chere Seur, [3] de contribuer a ce projet tout ce que, selon Dieu, vous pourres, ne doutant point que ce ne soit la plus grande gloire de Dieu et l'advancement et establissement de plusieurs ames en la pieté, et en fin une tres grande consolation pour les premieres qui viendront s'employer a ce bon œuvre.

            Je vous supplie donq, et toutes vos cheres Seurs, de le favoriser charitablement et de me faire part en vos oraysons, qui suis, ma tres chere Seur,

Vostre frere et serviteur tres humble

en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            3 janvier 1621, Annessi.

 

Revu sur une ancienne copie conservée à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCXLVI. Au Cardinal Robert Bellarmin. La protection du Cardinal demandée pour le P. Reydellet.

 

Annecy, 6 janvier 1621.

 

             Illustrissime et Reverendissime Domine mi colendissime,

 

            Odor mansuetudinis et benignitatis tuæ allicit ad Tuam Illustrissimam et Reverendissimam Dominationem, quasi ad locum munitum et domum refugii omnes [4] male habentes et oppressos sere alieno. Quod si id tibi sit oneri, tibi imputes, Illustrissime Domine, qui talis esse voluisti.

            Ecce P. F. Ludovicus Reydelet, Ordinis Tertiariorum Sancti Francisci, vir spectatæ consanguinitatis et in suo Ordine religioso hactenus valde laudatus, nunc ad Sedem Apostolicam recurrit, tanquam ad asilum totius Christiani orbis. Egebit proculdubio patronis tutoribus et intercessoribus. Expetiit et expetit impensissime umbraculum protectionis Illustrissimæ Dominationis Vestræ, et quia me ejusdem cultorem addictissimum cognovit, petiit ut litteris opem istam charitatis Illustrissimæ Dominationis Vestræ exposcerem ; id quod vestra humanitate fretus facio quam humillime, sciens quia Vestra Illustrissima Dominatio libenter oculus est cæco, pes claudo. Inde etiam illi animum addidi ut te exspectaret sicut pluviam, et ad te aperiret os suum quasi ad imbrem serotinum. [5]

            Interim, manus tuas sacras demissus exosculor, et omnipotentem Deum supplex oro ut Dominationem Vestram Illustrissimam manus lassas erigentem et genua debilia roborantem, quam diutissime et felicissime conservet ac protegat.

Illustrissimæ et Reverendissimæ Dominationis Tuæ,

Obsequentissimus et indignus servus,

FRANÇS, Episcopus Gebennensis.

            Annessii Gebennensium, VI Januarii 1621.

 

Revu sur une copie conservée à l'archevêché de Malines, vol. Ignatiana, n° 11.

 

 

 

            Illustrissime, Révérendissime et très vénéré Seigneur,

 

            Le parfum de votre douceur et de votre bienveillante bonté attire à Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie, comme à une [4] forteresse et à une maison de refuge, tous les malheureux et tous les accablés de dettes. Si c'est pour vous une charge, ne vous en prenez qu'à vous-même, Illustrissime Seigneur, qui avez voulu être tel que vous êtes.

            Voici que le P. F. Louis Reydellet, de l'Ordre des Tertiaires de Saint-François, homme de famille distinguée, Religieux jusqu'ici fort considéré dans son Ordre, recourt présentement au Siège Apostolique comme à l'asile de tout l'univers chrétien, et il aura besoin, sans doute, de protecteurs et d'intercesseurs. Il a réclamé et réclame instamment la protection tutélaire de Votre Illustrissime Seigneurie, et parce qu'il sait quel culte profond j'ai pour vous, il m'a demandé de solliciter par lettre le secours de votre charité. Confiant en votre bienveillance, je le fais très humblement, sachant que Votre Illustrissime Seigneurie se rend volontiers l'œil de l'aveugle et le pied du boiteux. Je l'ai même encouragé à vous attendre comme la pluie, et à ouvrir sa bouche vers vous comme vers la rosée du soir. [5]

            Je baise avec humilité vos mains sacrées, et je supplie le Dieu tout-puissant de conserver et de protéger le plus longtemps et le plus heureusement possible Votre Seigneurie Illustrissime qui sait relever les mains fatiguées et fortifier les genoux affaiblis.

            De Votre Illustrissime et Révérendissime Seigneurie,

Le très obéissant et indigne serviteur,

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            Annecy en Genevois, 6 janvier 1621.

 

 

MDCCXLVII. A Don Jérome Boerio, Général des Barnabites. Instante recommandation au sujet d'un aspirant à la vie religieuse.

 

Annecy, 7 janvier 1621.

 

            Molto Reverendo Padre mio osservandissimo,

 

            Habbiamo qui un giovine di casa honorata, il quale mi è caro per più rispetti, ma massime perchè è buon secolare [6] et molto divoto. Hora, desidera sommamente di poter entrare nella religiosa Congregatione vostra, et dubita di non esser ricevuto perchè ab utero matris è eunuco ; onde vuole che io supplichi V. P. molto Reverenda di esser propitio alli suoi tanto pii desiderii. Et perchè io sô [che] etiamdio è stato assunto al sommo Pontificato un eunuco, et che nella Compagnia di Giesù vive pur adesso il Padre Valerio Reginaldo, author del Thesaurus fori Pœnitentialis, che è eunuco, molto volentieri vengo a supplicare V. P. molto Reverenda di voler favorire questo, che con tanto affetto brama di esser admesso allo stato religioso, et che per altro è di buono spirito, mansueto, allegro et pio. [7]

            Et così, pregando il Signor Iddio che a V. P. et a tutta la sua Religione dia ogni vero accrescimento di prosperità, resto di Lei,

Humilissimo, come fratello et servitore,

FRANCO, Vescovo di Geneva.

            VII Gennaio 1621, Annessi.

 

            Al Molto Rdo Padre osservandissimo,

Il P. Generale della Congregatione de' Chierici regolari di S. Paulo.

            Milano.

 

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.

 

 

 

            Mon très Révérend et très honoré Père,

 

            Nous avons ici un jeune homme d'une famille honorable, qui m'est cher pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu'il est bon [6] séculier et très dévot. Or, il souhaite extrêmement pouvoir entrer dans votre Congrégation, et craint néanmoins de n'être pas reçu, étant eunuque dès le sein de sa mère ; c'est pourquoi il veut que je supplie Votre très Révérende Paternité d'être favorable à ses pieux désirs. Aussi, sachant qu'un eunuque a été même élevé au souverain Pontificat, et que le P. Valère Réginald, auteur du Thesaurus fori Pœnitentialis, malgré la même irrégularité, vit encore aujourd'hui dans la Compagnie de Jésus, je viens très volontiers supplier Votre Révérende Paternité, de vouloir bien favoriser celui-ci qui souhaite avec tant d'ardeur d'être admis dans l'état religieux. Il est d'ailleurs de bon esprit, doux, gai et pieux. [7]

            C'est en priant Dieu notre Seigneur d'accorder à Votre Paternité et à toute sa Congrégation un véritable accroissement de prospérité, que je demeure

Votre très humble, comme frère et serviteur,

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            7 janvier 1621, Annecy.

 

            Au très Révérend et très honoré Père,

Le P. Général de la Congrégation des Clercs réguliers de Saint-Paul.

            Milan.

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MDCCXLVIII. Au Père Dominique de Chambéry, Vicaire-Provincial des Capucins (Inédite). Nécessité pour le bien public et la gloire de Dieu d'un voyage du Frère Adrien à Turin.

 

Annecy, 7 janvier 1621.

 

            Mon Reverend Pere,

 

            Si vous ne l'aves point desagreable, je vous supplieray [8] encor de donner permission et obedience au F. Adrien de faire un voyage a Turin, pour finir une negociation que personne ne sçauroit, comme je pense, si bien entendre que luy, et laquelle regarde, si je ne me trompe, le bien publiq et la gloire de Dieu. Je m'asseure qu'il se comportera si bien, que ni vous n'aures pas sujet d'estre marri de l'avoir accompagné de vostre benediction, ni moy de vous en avoir prié, qui suis de tout mon cœur,

            Mon Reverend Pere,

Vostre tres humble confrere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            VII janvier 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Milan.

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MDCCXLIX. A Madame de la Fléchère. Une condition pour être exaucé de Dieu. — Préparation au départ. — Promesse et souhait paternels.

 

Annecy, 15 janvier 1621.

 

            Certes, ma tres chere Fille, je ne sçai pas sur quel fondement madame la Comtesse bastit son esperance ; je la verray en passant, et confereray du vœu qu'elle devra faire. Mays certes, celles qui ont esté exaucees en telles occasions avoyent tasché de bien unir leurs volontés a celle de Dieu. Pour moy, j'y contribueray mes foibles [9] prieres, desirant tres affectionnement la consolation de ce bon seigneur et de cette bonne dame. Je ne sçai encor nullement le jour de mon despart, mais je me tiens prest.

            Ma tres chere Fille, je suis tres entierement vostre et je le seray a jamais, moyennant la grace de Nostre Seigneur. Je rendray fidelement vos lettres a Grenoble et a Paris. Demeures en paix sous la protection celeste, a laquelle je vous recommande.

            Annessi le XV janvier 1621.

            Je salue les deux cheres filles.

 

            A Madame

Madame de la Flechere.

 

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCL. A la même. Incertitude au sujet d'un départ.

 

Annecy, 19 janvier 1621.

 

            Je suis encor icy, ma tres chere Fille, et ne sçai encor point quand je feray le despart ; au moins croys-je que ce ne sera pas de cette semaine. Cependant, voyla une lettre de nostre chere Mere, que je receus avanthier.

            Dieu, par sa bonté, vous face croistre de plus en plus en sa sainte grace.

            J'attens mon frere pour la fin de ce moys, et il m'escrit qu'il pense demeurer quelques jours avec moy [10] avant mon despart, de sorte qu'il croit que le voyage ne se fera pas si tost.

            Bon soir, ma tres chere Fille ; vives toute pour Nostre Seigneur. Amen.

            Le XIX janvier 1621.

 

            A Madame

Madame de la Flechere.

 

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCLI. A Madame le Maistre. Beaucoup de lettres, lettres courtes. — Une vie attachée à la croix. — Arrêt facile et salutaire sur le chemin de Rome. — Famille chrétienne.

 

Annecy, 24 janvier 1621.

 

            Je n'escris jamais moins que quand j'escris beaucoup, ma tres chere Fille ; la multitude des lettres en empesche la longueur, au moins a moy. Mais vostre cœur est bon, ma tres chere Fille, et je croy fermement qu'il connoist bien le mien, puisque Dieu l'a ainsy voulu. Mais de ne vous point escrire du tout, il ne m'est pas possible. En somme, ce n'est que pour vous saluer de toute l'estendue de mes affections, ma tres chere Fille, et vous asseurer que je n'oublie point vos afflictions, ni la condition de vostre vie attachee a la croix. Dieu, par sa bonté, en veuille bien sanctifier son nom et exalter sa gloire.

            Je vous prie, au reste, de dire a madamoyselle vostre mere que je suis de cœur l'un de ses enfans ; mays je le dis en verité. Et quand elle ira en esprit a Rome voir celuy qui y est, nostre bon frere, c'est son chemin de passer par icy, et sa commodité de s'arrester un peu parmi ces montaignes. [11]

            Or sus, de plus je salue M. d'Andilly et madamoyselle d'Andilly ; en somme, toute cette chere famille, ou la crainte, ains l'amour de Dieu regne, et sur laquelle j'invoque tres affectueusement la providence et protection divine. Salues bien a part, et comme vostre ame sçait qu'il le faut, le cœur de nostre Seur Marie Angelique, et dites luy que le mien est a elle, et que Dieu l'a voulu et le veut, ma tres chere Fille. Amen.

            24 janvier 1621, Annessi.

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MDCCLII. A la Mère Claudine de Blonay, Abbesse de Sainte-Claire d'Evian (Inédite). Affection réciproque de l'Evêque de Genève et du confesseur des Clarisses. — Sollicitude pour obtenir à ces Religieuses de hautes protections. — Une inquiétude de l'Abbesse et une permission du Pape.

 

Annecy, 24 janvier 1621.

 

            Ma Reverende Seur,

 

            Je presage que vostre Pere confesseur servira bien Nostre Seigneur en vostre monastere, et l'extreme desir que j'en ay ne me peut permettre d'en douter. Il a rayson de m'aymer, non pas que je le merite, mais par ce que Nostre Seigneur le veut et le commande, et que, de ma part, je le cheris beaucoup. [12]

            Monseigneur le Prince Cardinal ne m'a encor rien commandé touchant son abbaÿe, mais en tout ce que je pourray, je vous serviray aupres de luy, si j'ay lhonneur de l'approcher ; et quand il vous changera vostre orge en froment, le pain de la table n'en sera que meilleur. Je m'asseure que Monsieur de Calcedoine n'aura rien oublié pour faire reuscir la bonne volonté que Madame aura eue de vous faire l'aumosne, et qu'il vous en rendra a bon compte estant icy, qui sera bientost.

            Vostre bon Pere confesseur m'a communiqué la difficulté que vous aves en vostre esprit sur certaines rentes constituees que vostre pere temporel a establies de quelques sommes d'argent qui vous avoyent esté donnees. Et je luy ay dit que vous ne devies en sorte quelcomque en estre en peine, car nostre Saint Pere le Pape qui sied a present, par une lettre bien expediee que j'ay, vous donne le pouvoir non seulement d'avoir de telles rentes legitimement constituees, mais aussi d'avoir des fons terriens ; et peu s'en falut que, en lieu de le permettre, il ne le commandast expressement, tant il estime la mendicité onereuse es monasteres des filles qui sont situés en ces petitz lieux, bourgades et vilettes : de sorte que [13] vous deves demeurer en paix de ce costé la, ma tres chere Seur ma Fille, et moy je suis et demeureray de tout mon cœur,

Vostre tres humble frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXIIII janvier 1621, Annessi.

 

            A la R. Mere en N. S.,

La Seur CL de Blonnay,

            Abbesse de Ste Claire d'Evian.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Longeville, à Besançon.

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MDCCLIII. A Madame de Ruans (Inédite). Ce qui empêche une âme d'être submergée par les eaux de la tribulation. — Dieu « dans le buisson espineux. » — Un feu qui n'a point consumé la patience. — Déplaisirs qui déplaisent et consolent.

 

Annecy, janvier 1621.

 

            Je vous juge digne de compassion, ma tres chere Fille, vous voyant agitee de tant de sortes d'afflictions ; mays vous series bien plus a plaindre si Dieu ne vous tenoit de sa tressainte main dans la resolution en laquelle il vous a mise de vouloir a jamais estre toute sienne ; car sans cela, ma tres chere Fille, vostre ame ne seroit pas seulement agitee, ains elle seroit tout a fait submergee sous l'effort de tant d'adversités, et les eaux de la tribulation vous auroyent des-ja ensevelie dedans leurs ondes. Mays vous vives, ma tres chere Fille, mays vous subsistes, [14] mays vous perseveres et receves constamment tous ces accidens ; c'est par cet essay que Dieu vous connoist pour sa fille legitime. Sa divine Majesté habite volontier dans le buisson espineux de vostre cœur environné d'angoisses, et mesme maintenant que le feu qui a bruslé vostre mayson n'a point consumé ni reduit en cendre vostre patience. Demeures bien ainsy, ma tres chere Fille ; reposes vostre soin sur la providence de vostre Sauveur, et il vous relevera et portera de sa puissance.

            Cependant, je vous remercie de la communication que vous m'aves faite de vostre desplaysir, car encor bien que ces desplaysirs me desplaysent entant qu'ilz attaquent un cœur que j'ayme grandement, si est ce qu'ilz me consolent entant qu'ilz perfectionnent un cœur auquel je souhaite toute sainte perfection, et duquel je suis veritablement,

            Ma tres chere Fille,

Tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Madame de Ruan.

 

Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.

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MDCCLIV. A M. Marc-François de Malarmay de Lauray. Quel remède à une déception. — Peine que donne à l'Evêque de Genève la perspective d'un séjour à la cour. — Le cantique qu'il souhaite chanter quelque jour.

 

Annecy, [septembre 1620-janvier 1621.]

 

            En fin, Monsieur mon tres cher Frere, voyla, comme je pense, l'esperance de nostre voyage, ou plustost de [15] nostre conversation au voyage, tout a fait dissipee ; mais, quel remede ? Demeures en paix, mon tres cher Frere, et demeurons, malgré la distance des lieux, tous-jours tres unanimement serrés ensemble par ce lien indissoluble de nostre sainte amitié, que Dieu a fait et a rendu exempt de tout le dechet que la distance et absence a accoustumé de faire sur les amitiés humaines et transitoires : n'est ce pas, mon tres cher Frere ?

            Mais me voyci encor en une autre peine : c'est que je ne sçay si Son Altesse voudra point que j'aille faire une residence de quelques moys aupres de Madame, tandis que mon frere viendra aussi commencer la sienne icy. En somme, Monsieur mon Frere, si Dieu n'y met sa bonne main, voyla la moitié de ma liberté engagee dans cette cour, ou de ma vie je n'eus un seul brin de dessein de vivre, ni en aucune autre, mon ame estant tout a fait antipathique a cette sorte de train. J'espere, pourtant, que je pourray un jour, en cette vie mortelle, chanter : Dirupisti, Domine, vincula mea ; tibi sacrificato hostiam laudis. Et si ce bien la m'arrive, mon tres cher Frere, vous m'ayderes a la suite de pouvoir adjouster plus hardiment qu'a cette heure : Et nomen Domini invocabo.

            Vives tout a fait a jamais, comme vous faites, en cet amour celeste, Monsieur mon tres cher Frere, et aymes celuy qui est de tout son cœur, inviolablement,

Vostre tres humble frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve. [16]

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MDCCLV. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand (Fragment). Un Père qui réclame des nouvelles de sa chère Fille.

 

Annecy, [janvier ou février] 1621.

 

            Que faites vous escartee en ce bon païs d'Auvergne, ma tres chere Fille ? car il me semble qu'il y a long tems que vous ne me dites mot ; et toutefois, l'amour n'est jamais muet, mesme le filial qui a tous-jours je ne sçai quoy a dire au Pere…

 

Revu sur le téxte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

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MDCCLVI. A M. Barthélemy Flocard. Heureuse arrivée et saints désirs de Mgr de Chalcédoine. — Mort du Pape ; le Cardinal de Savoie en route pour Rome. — Souhait de l'Evêque de Genève.

 

Annecy, 5 février 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je vous remercie tres humblement de vostre douce congratulation sur la venue de mon frere Monsieur de [17] Calcedoine, laquelle a la verité m'a bien apporté de la consolation, non seulement pour l'avoir veu Evesque tout consacré et desireux de bien servir Dieu et son Eglise, mais aussi pour avoir remarqué en luy des bons talens propres a bien reuscir en cette charge. Mays nostre contentement eut esté parfait si vous fussies venu avec luy.

            Or, ainsy que je vous escrivois ceci, j'ay receu vostre lettre et vostre paquet du 30 de janvier, avec la nouvelle de l'inopiné depart de Monseigneur le Prince Cardinal pour Rome, ou, si tost que je sceu des hier la mort du Pape, je m'imaginay qu'il accourroit pour la nouvelle election d'un autre Pape, a laquelle il pourra beaucoup plus contribuer y arrivant de bonn'heure qu'y allant plus tard. De sorte donq que les Papes meurent aussi bien que les pauvres gens, et que voyla le voyage de France ou tout a fait rompu, ou grandement differé. Que si mes vœux estoyent exaucés, il seroit tout a fait rompu par la promotion de Monseigneur le Prince Cardinal a la papauté, non tant pour lhonneur que j'ay d'estre son tres obeissant serviteur, comme pour le bien que, je m'asseure, en reviendroit au Christianisme. Mays la Providence de Dieu presidera et fera, s'il luy plait, un bon Pape, et moy je demeureray tres invariablement,

            Monsieur,

Vostre tres humble et tres affectionné

compere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            V febvrier 1621, Annessi.

 

            A Monsieur

Monsieur Flocard, Collateral au Conseil de Genevois.

            Turin.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Hélène de Thiollaz, au château de Monpont, près Alby (Haute-Savoie). [18]

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MDCCLVII. A Don Juste Guérin, Barnabite (Fragment). Un doux sujet de conversation.

 

Annecy, 5 février 1621.

 

……………………………………………………………………………………………………...

            Cependant, il ne se peut dire combien de fois et de quelle affection M. de Calcedoine et moy parlons de la douce et incomparable amitié de laquelle vous nous favorises. Continues, je vous supplie, mon Reverend Pere, comme, de tout mon cœur, je vous honnore et cheris parfaitement.

……………………………………………………………………………………………………...

 

Vostre tres humble et tres affectionné

frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCLVIII. A M. Charles-Emmanuel Perrucard de Ballon. Un visiteur bravant l'âpreté de l'hiver. — Le voyage de France retardé par celui du Prince Cardinal à Rome.

 

Annecy, 6 février 1621.

 

            Monsieur mon Oncle,

 

            Comme il m'a esté un contentement tres particulier de voir monsieur de Cusinens mon cousin, et trop [19] d'honneur quil ne soit venu que pour nous favoriser, Monsieur de Calcedoine et moy, aussi ay-je receu de la peine de celle quil a prise pour cela en ce tems qui est si aspre ; mays [il faut] que ceux que vous aymes souffrent ces exces de bienveuillance, et pour moy je n'ay rien a dire sur cela, sinon que nous sommes parfaitement vostres.

            A mesure que je me disposois au voyage de France et a faire tout ce que j'eusse peu pour y engager monsieur de Lea, mon cousin, puisque, comme bon pere, vous aggreies qu'il vint, le trespas du Pape, inopiné, a tiré Monseigneur le Prince Cardinal a Rome, qui partit six heures apres que Son Altesse eut la nouvelle du Siege vacant, suivi de Monseigneur l'Archevesque de Turin et du comte Guy Saint George et de quelques uns de ses domestiques, de sorte que me voyla en sejour jusques a Pasque.

            Du reste, je vivray tous-jours content en la volonté de Nostre Seigneur, que je prie de tout mon cœur vous conserver et combler de bonheur avec toute vostre chere compaignie, et suis

Vostre tres humble et affectionné neveu,

FRANÇS, E. de Geneve.

            VI febvrier 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Prêtres de la Mission, rue de Sèvres. [20]

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MDCCLIX. A la Mère de Chantal, a Paris (Fragments inédits). Voyage rompu par la mort du Pape. — Décision au sujet de la récitation de l'Office. — Le Monastère de Turin.

 

Annecy, vers le 7 février 1621.

 

            Tandis que de jour a autre je m'attendois de partir pour Paris, j'ay sursis d'escrire en France a qui que ce soit ; et a vous mesme, ma tres chere Mere, je n'ay escrit que des petitz billetz. Mais maintenant que la mort du Pape, ayant appellé a Rome M. le Prince [Cardinal], a par consequent rompeu le voyage, … se peut, le nouveau Pape … ou immediatement issues de … que vous marques ni fait …

            Si faut, ma tres chere Mere, il faut redire les Pseaumes qui se seront ditz tandis que vous dormies, et se confesser dequoy vous ne les aves pas reditz ; car ce sont des parties notables de l'Office que vous estes obligee de dire, mais non pas sil ny avoit que trois ou quatre versetz.

            Le Monastere de Thurin ne pressera que dans quatre ou cinq moys. La signora Donna Genevra et le P. Dom Juste en ont pris possession et de douze cens escus de [21] revenu, mais il a pourtant je ne sçai quoy encor a demesler.

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plus pour elle et pour son s… idolatre de son mirouer et … de la Visitation. J'ay res…

 

Revu sur l'Autographe conservé au Ier Monastère de la Visitation de Paris.

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MDCCLX. A une Religieuse de la Visitation de Paris. Un cœur que le Saint a aimé « sur la foy de » son « bon Ange ». — Les grâces qui accompagnent celle de la Profession religieuse. — « Foible ombre d'attaque » au logis de l'Evêque de Genève.

 

Annecy, [vers le 7 février] 1621.

 

            Je le confesse aussi de ma part, ma tres chere Fille ; ce me seroit de la consolation tres douce de voir un peu clair dedans vostre cœur, que j'ay aymé a tastons et sur la foy de mon bon Ange. Vous deves travailler a la conqueste de la tressainte humilité, que le monde ne peut connoistre, non plus que la paix qu'elle nous donne.

            Je me res-jouys dequoy vous estes toute professe. O que Dieu soit beni dequoy il vous a tant aymee ! car je ne [22] doute point qu'avec la grece de la Profession il ne vous ayt donné la grandeur du courage, l'apprehension vive de la sainte eternité, l'amour de la sacree humilité et la douceur de l'amour de sa divine Bonté, requis a la prattique parfaite de la Profession.

            Quelles chimeres de nouvelles ! moy ? qu'on m'ayt voulu tuer ? Les bons ne me tueront pas, parce qu'ilz sont bons ; ni les mauvais, parce que je ne suis pas bon. Ce n'a rien esté qu'une foible ombre d'attaque qui parut en mon logis.

            O ma tres chere Fille, vives toute en Dieu et pour son eternité. Je vous salue, ma tres chere grande Fille, avec la dilection que, comme je croy, vous sçaves que mon cœur a pour le vostre, et suis

Vostre tres humble Pere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCLXI. A Madame de Ruans. Le feu et la fièvre. — Exemple de Job. — Une fille du Crucifié doit participer à sa croix. — Où nous conduisent les afflictions.

 

Annecy, 8 février 1621.

 

            Voyla bien des feux, ma tres chere Fille : la fievre, comme un feu, enflamme vostre cors ; le feu, comme une fievre, brusle vostre mayson ; mais j'espere que le feu de l'amour celeste occupe tellement vostre cœur, qu'en toutes ces occasions vous dites : Le Seigneur m'a donné ma santé et ma mayson, le Seigneur m'a osté ma santé et ma mayson : ainsy qu'il a pleu au Seigneur il a esté fait ; son saint nom soit beni.

            Il est vray, mais cela nous appauvrit et incommode grandement. Il est tout vray, ma tres chere Fille ; mais [23] bienheureux sont les pauvres, car a eux appartient le Royaume des cieux. Vous deves avoir devant les yeux la souffrance et patience de Job, et considerer ce grand prince sur le fumier ; il eut patience, et Dieu en fin luy redoubla ses biens temporelz et luy centupla les eternelz.

            Vous estes fille de Jesus Christ crucifié : et quelle merveille y a il donq si vous participes en sa croix ? Je me suis teu, disoit David, et je n'ay point ouvert la bouche, parce que c'est vous, Seigneur, qui l'aves fait. O par combien de rencontres fascheux allons nous a cette sainte eternité ! Jettes bien vostre confiance et vostre pensee en Dieu : il aura soin de vous, et vous tendra sa main favorable.

            Ainsy je l'en supplie de tout mon cœur, et qu'a mesure qu'il vous envoye des tribulations, il vous fortifie a les bien supporter en sa sainte garde.

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 8 febvrier 1621.

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MDCCLXII. A une dame. Trois causes de la diminution des lettres de François de Sales à sa fille spirituelle. — Une tribulation redoutable. — Job au milieu des reproches de ses amis. — Aimer Dieu dans les consolations, mais surtout dans les peines et les adversités.

 

Annecy, 27 février 1621.

 

            Je sçai, ma tres chere Fille, je sçai bien la multitude de vos travaux, et ne les puis nullement sçavoir sans les ressentir. Mais je sçai bien aussi que Dieu, qui par sa divine providence vous a dediee a cette sorte de vie en [24] ce monde, ne manque pas de vous fournir des saintes inspirations qui vous sont requises pour vous y comporter saintement.

            Et pour moy, je ne sçai pas ce que je ne voudrois pas faire pour contribuer a vostre consolation ; mais, ma Fille, troys choses me divertissent de vous escrire si souvent que je faysois au commencement de nostre connoissance. Il me semble qu'il n'en est pas tant de besoin maintenant que vous estes tant accoustumee a la croix ; et moy, je suis chargé d'aage, et, pour le dire a vous, d'incommodités qui m'empeschent de pouvoir ce que je veux, et de plus, la multitude des correspondances que j'ay acquises depuis ce tems la, fait que j'escris moins aux uns et aux autres. Mais, ma tres chere Fille, vous estes tous-jours presente a mes Messes, ou j'offre au Pere celeste son Filz bienaymé, et, en l'union d'iceluy, vostre chere ame, affin qu'il luy playse de la recevoir en sa sainte protection et luy departir son tressaint amour, notamment en l'occasion des proces et affaires que vous aves avec le prochain ; car c'est la ou il y a plus de peine de tenir ferme pour la douceur et humilité, tant exterieure qu'interieure, et j'y voy les plus asseurés bien empeschés : c'est pourquoy cette tribulation me donne plus de crainte pour les ames que j'ayme le plus. Mais, ma tres chere Fille, c'est la ou il faut tesmoigner nostre fidelité a Nostre Seigneur, affin que l'on puisse dire de nous, comme il est dit de Job, apres tant de reproches et de contrarietés que ses amis luy firent, qu'en tout cela Job ne pecha point de ses levres, ni ne fit rien de mal a propos.

            Quelles benedictions vous puis je souhaiter plus aymables que celles la, d'estre fidele a Nostre Seigneur parmi les adversités de toutes sortes qui vous agitent ? car le souvenir que j'ay de vostre ame ne m'arrive jamais qu'avec mille souhaitz que je fay pour vostre avancement en l'amour de ce bon Dieu. Aymes le bien, ma chere Seur, en vos retraittes que vous faites pour le prier et adorer ; aymes le quand vous le receves en la sainte Communion ; aymes le quand vostre cœur sera arrousé de sa sainte consolation ; mais aymes le sur tout quand il [25] vous arivera des tracas, des importunités, des secheresses, des tribulations ; car ainsy vous a-il aymé en Paradis, mais encor a-il plus tesmoigné d'amour en vostre endroit parmi les fouetz, les clouz, les espines et les tenebres de Calvaire.

            Pries le qu'il me supporte en sa misericorde, et qu'il me rende digne du service auquel il m'a appellé. Je suis en luy, d'une affection toute entiere,

Vostre tres affectionné serviteur

en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 27 febvrier 1621.

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MDCCLXIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Réponse à une réclamation de Son Altesse. — Un « Memorial » à traduire pour être envoyé à Rome.

 

Annecy, [février] 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Vostre Altesse Serenissime me commande que je luy envoye un Memorial de ce qui est requis d'estre impetré a Romme pour la restauration de la discipline ecclesiastique en ce païs. Mais, Monseigneur, Vostre Altesse l'a remis a monsieur Carron des il y a environ un an, que je l'envovay, ainsy que m'asseure mon frere qui estoit [26] lors en court. Et ne faut en cela que de le faire traduyre en italien, car quant a la forme avec laquelle la provision necessaire doit estre demandee au Pape, il en faut laisser le soin a ceux que monsieur l'Ambassadeur de Son Altesse employera.

            Dieu, par sa bonté, veuille bien tost faire reuscir cette si bonn'œuvre, pour en suite combler de bonheur Vostre Altesse, de laquelle suis,

            Monseigneur,

Tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Morrison, à Londres.

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MDCCLXIV. A M. Jean Carron. Prière au destinataire de faire chercher un Mémoire déjà envoyé que le prince de Piémont réclame.

 

Annecy [février] 1621.

 

            Monsieur,

 

            Par la lettre que Monseigneur le Serenissime Prince m'a fait despecher, il me commande encor de luy envoyer un Memoyre des concessions qu'il faut obtenir a Romme pour la restauration de la discipline ecclesiastique deça les montz. Mais M. de Calcedoine, mon frere, m'asseure que vous, Monsieur, aves receu les articles du projet qui en fut fait icy et que j'envoyay il y a bien long tems, et que Monseigneur le Serenissime Prince vous l'avoit remis pour les faire traduire en italien, pour les donner a [27] M. d'Aglié qui devoit aller a Romme. Il vous playse donq, Monsieur, de les faire chercher, et, comme je croy, ilz seront aysés a treuver, puisqu'ilz sont en quatre ou cinq feuilles jointes ensemble ; car, quant a la forme en laquelle la demande doit estre faite a Romme, c'est chose qu'il faut qui se face a Romme mesme.

            Ce pendant, Monsieur, je vous supplie tres humblement d'avoir un soin particulier de l'introduction des PP. de l'Oratoire a Rumilly, par ou il faut commencer, puisque c'est un'affaire qui ne peut souffrir aucun delay ; et excuses mon importunité, puisque je suis de tout mon cœur, Monsieur,

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCLXV. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. Les raisons qui plaident en faveur de M. Gard pour lui obtenir un canonicat.

 

Annecy, 4 mars 1620.

 

            Monseigneur,

 

            Sur la maladie du plus ancien chanoyne de Nostre Dame de cette ville, Vostre Grandeur sera suppliee de [28] nommer messire Jean Baptiste Gard ; et sa vertu, sa pieté, sa suffisance m'obligent a luy desirer cet honneur qu'il a en quelque sorte merité par le service qu'il a des-ja rendu en cette mesme eglise des quelques annees en ça. En suite dequoy, je contribue ma tres humble supplication aupres de Vostre Grandeur, affin qu'il luy playse de le gratifier, puisque mesme il est filz d'un de ses officiers domestiques.

            Et tandis, vous faysant tres humblement la reverence, Monseigneur, je suis sans fin,

Vostre tres humble et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            4 mars 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Bibliothèque Nationale (Fonds français, 3820, fol. 93).

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MDCCLXVI. Au Père Dominique de Chambéry, Vicaire-Provincial des Capucins. Prière d'envoyer le Frère Adrien à Lyon tandis que François de Sales y sera.

 

Annecy, vers le 8 ou le 9 mars 1621.

 

            Mon Reverend Pere,

 

            Si le tems n'empire point, je pense partir demain pour aller a Lion, et par ce voyage, je serois bien ayse si je [29] pouvois esclarcir le cœur de M. Magnin avec le Frere Adrien, et que le Frere Adrien accommodast pour une bonne fois toutes les affaires que l'on a de cette ville a Lyon pour ce qui regarde la soye. Or, je vous propose cette mienne pensee, affin que si vous l'appreuves, il vous playse donner l'obeissance audit Frere Adrien, affin quil vienne tandis que je seray-la, qui ne sera que 5 ou six jours.

            Et si, de plus, je puis rendre quelque service a Vostre Reverence, soit pour l'argent de Mlle Bellot, soit pour autre chose, je le feray de tout mon cœur, comme estant, Mon Reverend Pere,

Vostre tres humble frere et serviteur,

F., E. de Geneve.

            Au R. P. en N. S.,

Le P. Dominique de Chamberi,

            Provincial des PP. Capucins.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Aurillac. [30]

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MDCCLXVII. A Madame de la Chapelle Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Etre fidèle dans les petites occasions, pour obtenir de l'être dans les grandes. — Les « ennemies de la devotion. » — Ce qui doit être attaché « au bout du desplaysir du peché. »

 

Annecy, [vers le 8 ou le 9 mars 1621.]

 

            Ce n'est que pour 15 jours ou trois semaines que j'absente, ma tres chere Fille. A mon retour, nous nous reverrons, Dieu aydant ; et cependant, acceptes de bon cœur cette petite visite que la divine Bonté vous a faite. Il faut es petites occasions se rendre fidele, pour impetrer la fidelité es grandes.

            Demeures fort en paix, et repaisses vostre cœur de la suavité de l'amour celeste, sans lequel nos cœurs sont sans vie et nostre vie sans bonheur. Ne vous relasches nullement aux tristesses, ennemies de la devotion. Dequoy se doit attrister une fille, servante de Celuy qui sera a jamais nostre joye ? Rien que le peché ne nous doit [31] desplaire et fascher, et au bout du desplaysir du peché, encor faut il que la joye et consolation sainte soit attachee.

            Je vous salue mille fois de tout mon cœur, et suis sans fin, ma tres chere Fille,

Vostre serviteur plus humble,

FRANÇS, E. de Geneve.

 A Madame de la Chapelle,

            Religieuse de Ste Catherine.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Georgetown (Etats-Unis).

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MDCCLXVIII. A Madame de Toulongeon. Espoir d'une visite qui fit retarder une lettre. — Compliments affectueux à la destinataire au sujet de son mariage et de sa prochaine maternité. — A quelle fin Dieu nous donne ses faveurs. — Souvenir des bonnes résolutions prises autrefois. — Assurance de prières.

 

Lyon, 24 mars 1621.

 

            Madame,

 

            L'esperance que j'ay tous-jours eu des une annee en ça d'aller en France, m'a retenu de vous ramentevoir mon inviolable affection a vostre service par lettre, puisque je croyois que quelque heureux rencontre me donneroit le moyen de vous rendre ce devoir en presence. Mais maintenant que je n'espere presque plus ce bien et que ce digne porteur me donne une commodité si asseuree, je me res-jouis de tout mon cœur avec vous, ma tres chere Fille (car ce mot est plus cordial), je me res-jouis et loue Nostre Seigneur de vostre si estimable et aymable mariage, qui [32] vous servira de fondement pour bastir et eslever en vous une douce et aggreable vie en ce monde, et pour heureusement passer cette mortalité en la tressainte crainte de Dieu, en laquelle, par sa grace, vous aves esté nourrie des vostre berceau ; car tout le monde me dit que monsieur vostre mary est un des plus sages et accomplis cavaliers de France, et que vostre liayson est non seulement noüee de la sainte amitié qui la doit serrer de plus en plus, mais aussi des-ja benite de la fertilité, par laquelle vous estes a la veille de vos couches, ainsy que [nostre Mere] m'asseure.

            Il faut donq bien correspondre a toutes les faveurs du Ciel, ma tres chere Fille, car elles vous sont sans doute donnees affin que vous les facies proffiter a la gloire de Celuy qui vous gratifie, et a vostre salut. Je ne puis que [33] je ne croye, ma tres chere Fille, que vous n'employies vostre courage a cela et que vous ne le facies, comme sachant que le bonheur de vostre mayson et de vostre personne depend de cela en cette vie passagere, et l'asseurance de l'immortelle apres celle cy.

            Or sus, en ce nouvel estat de mariage auquel vous estes, renouvelles souvent les resolutions que nous avons si souvent faites de vivre saintement et vertueusement, de quelle condition que Dieu nous fist estre. Et si vous l'aves aggreable, continues a me favoriser de vostre bienveuillance filiale, comme je vous asseure, ma tres chere Fille, que d'un cœur tout rempli d'affection paternelle, je ne celebre jamais la tressainte Messe que tres particulierement je ne vous recommande a Dieu, avec monsieur vostre mary, auquel je suis et seray tous-jours, ainsy que je suis pour vous,

            Madame,

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            La veille de Nostre Dame, a Lion.

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MDCCLXIX. A une Supérieure de la Visitation. L'éducation des petites filles incompatible avec la manière de vie des Religieuses de la Visitation. — Combien en prendre, si l'Evêque le commande.

 

Lyon, 25 mars 1621.

 

            Sera-il point mieux de ne point vous escrire tout a fait, ma tres chere Fille, que de vous escrire si peu, comme [34] l'accablement des honneurs et faveurs que je reçois icy me le peut permettre ? Mais, mieux vaut peu que rien tout a fait.

            Je ne puis croire que Monseigneur l'Evesque N. veuille vous charger de l'education des filles seculieres, quand vous luy aures fait humblement remonstrer que cela detraqueroit grandement vostre Mayson, nullement propre a rendre cet office ; car a la verité, l'experience a fait voir a Nessy que vostre façon de vivre est presque incompatible avec cet exercice. Mais si toutefois son esprit se rend grandement ardent a cela, on pourra, a ce commencement, en prendre jusques a trois seulement, et establir une des Seurs sur elles ; mais nullement davantage, ni pour l'avenir en faire suite. Vostre Pere spirituel, vostre Confesseur et ces bons Peres qui sont la et qui ont de la charité pour vostre Mayson, pourront, avec suavité, divertir ce destourbier la.

            Cependant, ma tres chere Fille, tenes vostre courage en Dieu, vives saintement en sa Providence, res-jouisses vous d'avoir quelque chose a porter pour luy, car en cela consiste le vray estat des enfans de sa Bonté. En fin, ma Fille, je suis tout vostre.

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Lion, le 25 mars 1621. [35]

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MDCCLXX. A Madame de la Fléchère. Un messager pour Avignon. — Visite forcément remise.

 

Annecy, 3 avril 1621.

 

            J'ay fait asses heureusement mon petit voyage, et ay escrit a nostre filz par M. Sappin, qui partit de Lyon pour Avignon il y aura demain trois semaines, et qui me promit de m'en rapporter des nouvelles avant [les] festes.

            Je n'ay point veu nostre seur des mon retour, n'ayant eu le loysir d'aller a la Visitation que ce matin pour dire la sainte Messe, et avons promis d'y retourner apres disné ; mais ces messieurs m'ont retenu pour leurs affaires, de sorte que ce sera demain, Dieu aydant.

            Vives tous-jours toute en cette divine Bonté, ma tres chere Fille, et je suis a jamais parfaitement vostre.

            3 avril.

 

            A Madame

Madame de la Flechere.

 

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat. [36]

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MDCCLXXI. A MM. Pierre et Jean de Villers. Condoléances offertes sur la mort d'un père. — Motifs de consolation proposés à ses enfants.

 

Annecy, commencement d'avril 1621.

 

            Messieurs,

 

            Quand le bon Pere Arviset m'a dit l'autre jour a Lion que nostre bon pere estoit trespassé, je vous asseure que je fus touché vivement de la passion que les enfans ont accoustumé de sentir quand leur pere les quitte ; car je le respectois et honnorois ainsy finalement, ce bon pere, qui m'y avoit obligé en autant de façons qu'il se pouvoit faire.

            Mais puisque tel a esté le bon playsir de Dieu qu'il s'en allast en son repos, non seulement j'acquiesce, ains je loüe la divine Providence qui luy a donné un bon long sejour en cette vie mortelle, et, ce qui importe le plus, l'a conduit si amiablement par le chemin de sa crainte et de sa grace, que nous avons tout sujet d'estre asseurés qu'il le fait jouir maintenant de sa gloire. C'est en quoy vous puisés sans doute la grande rayson de vostre consolation, et vivés, comme j'espere, satisfaitz d'estre enfans d'un tel pere et d'avoir si long tems esté en l'eschole de sa vertu et pieté. [37]

            Il ne me reste donq plus en cette occasion que de vous supplier de me vouloir tous-jours conserver en l'honneur et contentement qu'il m'avoit accordé pour toute ma vie, qui est que je serois de vostre mayson et censé comme l'un de ses enfans, vostre frere. Je le seray de mon costé en affection, et n'oublieray jamais l'extreme devoir que j'ay a la memoire de ce pere et au service de sa posterité ; vous suppliant encor, Messieurs, de me permettre qu'avec cette lettre je dise la mesme verité et face la mesme priere a mesdamoyselles vos cheres espouses, desquelles j'estime et ayme infiniment les bonnes et devotes ames, et ausquelles, comme a vous, je ne cesseray jamais de souhaitter les plus favorables benedictions du Ciel, demeurant a tous-jours de tout mon cœur, Messieurs,

Vostre tres humble, fidele frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

A Messieurs de Villers, freres.

            A Dijon.

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MDCCLXXII. A M. Michel Favre. Recommandations à un pèlerin de Lorette et de Rome. — Affaires qu'il doit traiter ; personnages qu'il doit voir. — Permissions à obtenir pour l'entrée de quelques dames à la Visitation.

 

Annecy, avril 1621.

 

            Monsieur Michel, mon cher ami,

 

            Je vous prie de recommander mon ame a la misericorde de Nostre Seigneur en tous les saintz lieux que vous [38] visiteres en ce voyage de Rome. Je prie le Pere Monod, affin qu'il vous face recommander au Pere Recteur et au Pere Penitencier de Lorette, et que vous puissies retirer d'eux un certificat de vostre soin et diligence a rendre le vœu que vous alles faire.

            A Rome, vous parleres avant toutes choses a M. Beybin, et luy communiqueres tous vos Memoires, tant pour les Seurs de la Visitation de Sainte Marie, que pour la Visitation des Sueilz des Apostres et l'acceptation de l'alternative ; et suivres en tout son conseil.

            Vous ne laisseres pas pourtant de voir au plus tost le [39] Pere Diegue et le Pere Dom Sens de Sainte Catherine, jadis General des Feuillans, auquel vous remettres la lettre qui est pour Monseigneur le Cardinal de Sainte Suzanne, car je m'asseure que tant ledit Pere Dom Sens que le Pere Diegue s'employeront volontier pour l'affaire des Seurs de la Visitation, selon que je les en supplie. Mais il ne faut pas les employer qu'avec discretion et reserve, comme encor M. le chevalier de Lescheraine, qui, en cas de besoin, suppliera Monseigneur le Prince Cardinal de favoriser cette affaire.

            J'avois prié le Pere Diegue de s'employer pour faire avoir permission a madame de la Flechere d'entrer a la Visitation de cette ville ; a madame de Granieu, en celle de Grenoble ; a madamoyselle de Villeneuve, Marie Lhuillier, seur de madamoyselle de Frouville, et a madamoyselle de Montigny, Louise Pithou, en celle de Paris. Je le supplie de faire en cela ce qui se pourra bonnement faire, et vous aussi particulierement.

            Alles en paix.

            Il faut prendre l'Estat de ce diocese entre les mains du Pere Dom Juste, et changer le mieux qu'il se pourra la date. [40]

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MDCCLXXIII. A M. Jean Joly de la Roche. Une œuvre pie recommandée à M. de la Roche. — Nouvelles du prieur de Sonnaz.

 

Annecy, 19 avril 1621.

 

            Monsieur mon Frere,

 

            Il n'est nul besoin que l'on vous recommande les œuvres pies, que vous embrasses, graces a Dieu, avec tant de charité ; mays puisque monsieur de Vege, passant icy, a desiré que je vous suppliasse de le favoriser, et sa partie, d'un soin particulier pour leur accommodement, je le fay volontier, comme parent de l'une et ami de toutes deux. Et vous en supplie donq tres humblement, bien ayse d'avoir ce petit sujet de vous rafraichir les offres de mon service, qui suis,

            Monsieur mon Frere,

Vostre tres humble frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XIX avril 1621, Annessi.

            Nostre monsieur le Prieur de Saunax se porte tres bien, et sert Dieu et le prochain chatechisant es hospitaux, non sans ferveur et consolation, et non sans une sainte impatience de voir encor point ses desirs, accomplis de [41] deça, pour lesquelz neanmoins il ne se departira point de vostre direction.

 

            A Monsieur

            Monsieur de la Roche, seigr d'Aleri,

Conseiller d'Estat et Chevalier en souverain Senat de Savoye.

            A Chamberi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Poitiers.

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MDCCLXXIV. A M. Antoine Quartery. Actions de grâces pour des témoignages de bienveillance. — Comment l'Evêque de Genève veut contribuer à la récompense de nombreuses bonnes œuvres faites par le destinataire. — Il lui en propose une nouvelle : l'établissement des Pères Capucins à Sion.

 

Annecy, 21 avril 1621.

 

            Monsieur,

 

            En cette occasion du voyage que le R. P. Dominique, Provincial, et le R. P. Philibert, de l'Ordre des [42] Capucins, font en vos contrees de Valey, je me sens obligé de vous remercier du favorable tesmoignage que vous rendites a Romme pour mon frere Monsieur l'Evesque de Calcedoine, qui est a present mon coadjuteur, lequel, s'il estoit icy presentement, vous eut aussi escrit luy mesme.

            Mays ce n'est pas la seule preuve que j'ay eüe de vostre bienveuillance en mon endroit, y ayant si long tems que vous m'aymes et que j'ay esté obligé a vous honnorer pour la pieté et probité, jointes au zele et a la prudence dont Dieu vous a doué, me resouvenant fort bien de ce que vous aves fait pour le service de l'Eglise et le bien de vostre païs en toutes les occurrences. Et de mon costé, pour contribuer ce que je puis a vostre recompense pour tant de bonnes œuvres ausquelles vous aves ci devant cooperé, je prie Dieu qu'il vous face la grace de continuer de plus en plus, croissant incessamment en vertu et devotion, affin qu'apres une longue et utile vie temporelle, vous soyes treuvé en l'estat de perseverance pour passer a l'eternelle.

            Et voyla une bonne commodité qui se presente de rechef a vostre zele en l'establissement des Peres Capucins a Syon, ou, comme vous sçaves, ilz rendront mille sortes de bons et fideles services spirituelz a tout ce pais-la, [43] et beaucoup plus qu'ilz ne pourroyent faire en aucune contree de la patrie ; et croy que mesme cela seroit proffitable au service temporel de Messieurs du païs, pour plusieurs dignes considerations que l'estat des affaires du monde me suggere. Or, comme apres Dieu vous aves le veritable honneur de l'establissement de cet Ordre a Saint Maurice, aussi pouvés vous grandement participer a celuy de l'establissement du mesme Ordre a Syon, ou je sçai que de long tems tous les bons le desirent. Et sur cett'esperance de vostre assistence, et du zele, prudence, bonté et bienfaisance du Reverend Evesque de Valey, j'ay donné courage a ces deux Peres, qui sont vrays serviteurs de Dieu et dignes d'estre aymés, de faire de leur part tout ce qu'ilz pourront bonnement pour ce bon œuvre, que je supplie de rechef la divine Providence de vouloir benir, et de vous faire de plus en plus prosperer en sa grace,

            Monsieur, me disant en toute verité,

Vostre tres affectionné, bien humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXI avril 1621, Annessi.

 

            A Monsieur

Monsieur le Capitaine Quarteri.

                        St Maurice.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à la famille de M. Oscar de Cocatrix, à Saint-Maurice (Valais). [44]

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MDCCLXXV. A Don Juste Guérin, Barnabite. Dona Ginevra, bienfaitrice des Barnabites. — Une affaire en suspens. — Le monde et la vie de ce monde.

 

Annecy, 23 avril 1621.

 

            Mon Reverend Pere,

 

            C'est de tout mon cœur que je me res-jouis avec nostre tres chere signora D. Genevra du bon œuvre qu'ell'a fait, donnant dequoy jetter les fondemens de vostre eglise de cette ville, et je l'en remercie aussi par la lettre ci jointe.

            Nous roulons icy sans avoir pour encor nouvelles de la resolution que M. de Menthon prendra, en attendant la venue de Monseigneur le Prince Thomas qui aura charge de faire achever cett' affaire, ainsy que Monseigneur le Prince dit a nostre frere, M. de Calcedoine ; [45] mays je ne laisseray pas de presser un peu tout bellement.

            O mon tres cher Pere, que le monde est mauvais et que je l'estime peu ! je dis la vie de ce monde. Continues, je vous supplie, a m'aymer, puisque je suis sans cesse et seray a jamais invariablement,

Vostre tres humble et tres asseuré, inseparable

frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            M. de Calcedoine est a Sales, revenant de Bornand ou il alla il y a huit jours. Salues, je vous supplie, cherement ma tres chere fille la signora Donna Genevra.

            23 avril 1621.

 

            Au R. P. en N. S.,

Le P. Juste, Prevost de St Dalmas.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Oloron, au Collège Sainte-Marie.

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MDCCLXXVI. A M. Michel de Marillac. Joie qu'apporte au Saint le portrait de la bienheureuse Marie de l'Incarnation. L'histoire de sa vie sera profitable aux gens du monde.

 

Annecy, 24 avril 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je vous rens mille actions de graces du portrait de la [46] bien heureuse Seur Marie de l'Incarnation, et ne sçai ce que je pourrois recevoir de plus utile et aggreable a mon ame ; puisque d'un costé j'ay un amour si plein de reverence pour cette sainte personne, et d'autre part, une si grande necessité de resveiller souvent en mon esprit les pieuses affections que sa veuë et sa tressainte communication a excitees autrefois en moy, tandis que six mois durant j'estois presque son confesseur ordinaire, et que, pour tant de diverses occasions du service de Dieu, elle me parloit et entretenoit presque tous les jours.

            On m'a dit que l'on avoit escrit et fait imprimer sa Vie, et ce fut la Mere Prieure de Lyon, que je vis l'autre jour estant la. O quel proffit elle rendra, et mesme aux seculiers, si la piece de son histoire du tems qu'elle fut au monde a esté bien representee, comme je croy qu'elle l'est, puisque c'est M. du Val qui l'a composee. En somme, [47] je suis amateur et admirateur de cette sainte ame, et ayme tous ceux qu'elle a aymés en cette vie, et vous tres particulierement, Monsieur, de qui elle mesme me procura la bienveuillance, que je vous supplie me conserver.

            Et vous remerciant de rechef de ce saint portrait, je vivray, Dieu aydant, et mourray

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            D'Annessi, le 24 avril 1621.

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MDCCLXXVII. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. Une vertu essentielle. — Obligation pour une fille de quitter « beaucoup de ses consolations » afin d'en laisser à sa mère. — Les Anges, d'avis différents, s'unissant dans l'amour à la volonté de Dieu. — Deux points sur lesquels le Saint ne veut point se prononcer. — « L'amas des fourmis. » — Le seul exercice où il ne faut point user de modération. — Ce que la Mère Favre doit conseiller à Mme de Dalet.

 

Annecy, 23 avril 1621.

 

             En somme, ma tres chere Fille, il est vray, ainsy que je vous ay souvent dit, que la discretion est une vertu sans laquelle, au rapport de saint Anthoine, nulle vertu [48] n'est vertu, non pas mesme la devotion, si toutefois la devotion veritable peut estre sans une veritable discretion.

            Voyla la bonne madame de Canillac, des belles et rares qualités de laquelle vous m'aves la premiere rendu amateur, qui se plaint admirablement de madame de Dalet sa fille, dequoy ayant treuvé un esseim d'abeilles avec leur miel, elle s'amuse trop avec elles et mange trop de ce miel, contre l'enseignement du Sage qui a dit : As tu treuvé du miel, manges en discrettement. Elle vous aura dit toutes ses raysons en meilleurs termes que je ne sçaurois vous les representer, ormis peut estre celle-la, que vostre religieuse Mayson luy a une tres grande obligation, ainsy que vous mesmes m'aves escrit. Voyes, ma tres chere Fille, de contribuer au contentement de cette mere ce que vous pourres aupres de cette fille, laquelle a la verité est obligee a quitter, je ne dis pas un peu, mais beaucoup de ses consolations, pour spirituelles qu'elles soyent, pour en laisser beaucoup a sa mere.

            Je confesse que je ne sçai comme il se peut faire qu'une mere de tant d'esprit, de perfection et de pieté, et une fille de si grande vertu et devotion, ne demeurent tout a fait unies en ce grand Dieu, qui est le Dieu d'union et de conjonction ; mais je sçai bien pourtant que cela se fait, et que mesme les Anges, sans cesser d'estre Anges, ont des contraires volontés sur un mesme sujet, sans pour cela estre en division ni en dissention, parce que ilz sont parfaitement amoureux de la volonté de Dieu, laquelle, soudain qu'elle paroist, est embrassee et adoree de tous eux. Hé, mon Dieu, ny a-il moyen que l'on ayde ces deux dames a la connoistre, cette sainte volonté ? car je suis asseuré qu'elle les rangeroit toutes deux a son obeissance.

            Cette bonne dame, qui est mere, me parle d'un vœu de chasteté fait par la fille, et dit que c'est precipitamment. A cela je ne touche point ; car il y va bien des considerations pour juger qu'un vœu de chasteté puisse [49] ou doive estre dispensé ou dispensable, puisque il ny a point d'estime comparable a l'ame chaste.

            Mays elle parle, cette mere, d'autre chose, qui est qu'elle aymeroit mieux que sa fille fut Religieuse tout a fait, puysque en ce cas-la on ne la luy demanderoit plus pour caution, et que l'administration des biens des enfans luy seroit conferee. Mais je ne sçai non plus que dire sur cela, ne sachant pas quell'est la vocation du Ciel et voyant les enfans de Mme de Dalet si petitz.

            Une chose seule me touche plus que les autres de tout ce que cette dame m'escrit : c'est ce qu'elle dit que sa fille fait bourse a part parmi tant de peynes et travaux qu'elle void a sa mere, sans la soulager de son assistence. Or cela, ma tres chere Fille, est tout a fait contraire a mes sentimens. Saint François ne pouvoit gouster l'amas des fourmis ; mais il me semble qu'une fille qui a des moyens ne doit jamais les espargner pour sa mere, je dis mesme pour son repos et juste contentement.

            Je vous escris la teste pleyne d'affaires et entre plusieurs tintamarres, et de plus, je vous escris a tastons ; car je sçai bien que pour bien parler en cette occasion, il faudroit ouyr bien au long les parties. Mais tandis que cela ne se peut, il faut parler pour la mere : il y a tous-jours un juste prejugé pour elle.

            Au reste, elle ne desire de vous sinon que vous employiés vostre entremise pour moderer le zele que sa bonne fille a a ses retraittes, qui est chose qui ne se peut ni doit refuser, la moderation estant tous-jours bonne en tous les exercices, ormis en celuy de l'amour de Dieu, qu'on ne doit aymer par mesure, ains tout fait « sans mesure. » Employes vous donq bien a cette moderation, a laquelle il sera bien aysé de reduire cette bonne fille, [50] puisque sa bonne mere luy permet qu'elle aille jouyr de la devotion en paix toutes les grandes festes de l'annee, et, outre cela, de six semaines en six semaines trois jours, qui est beaucoup.

            C'est asses. Je m'asseure, ma tres chere Fille, qu'apres avoir invoqué le Saint Esprit, il vous donnera de la clarté pour bien faire, ou conseiller cette moderation.

            Je suis, en Nostre Seigneur, parfaitement vostre. Je le supplie de regner tous-jours en vostre ame et en vostre chere Congregation, et qu'il vous inspire toutes de prier souvent pour moy. Amen.

            Ce 25 avril 1621.

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MDCCLXXVIII. A la Comtesse de Dalet. Les plaintes de Mme de Montfan ; trois partis qu'elle propose pour sa fille. — L'Evêque de Genève ne peut rien dire sur les deux premiers. — Il demande à Mme de Dalet d'aider sa mère de ses biens. — La jalousie de l'amour maternel. — Une tare très rare et très aimable.

 

Annecy, 25 avril 1621.

 

            Madame,

 

            Je serois bien en peine de vous escrire sur le sujet qui me convie si je n'estois authorisé de madame vostre mere ; [51] car a quel propos oserois je mettre la main aux affaires qui se passent entre vous deux, et vous parler de vostre conscience, moy qui sçai que vous estes l'unique digne fille d'une si digne mere, pleyne d'esprit, de prudence et de pieté ? Mais puisqu'il le faut, sous cette si favorable condition, je vous diray donq, Madame, que madame vostre mere m'escrit tout ce qu'elle vous a dit et fait dire [52] par plusieurs excellens personnages en comparayson desquelz je ne suis rien, pour vous ranger au desir qu'elle a que vous ne l'abandonnies de vostre assistence filiale en cette grande presse d'affaires temporelles en laquelle les occurrences que vous sçaves ont poussé sa mayson, qu'elle ne peut supporter de voir tomber sous le faix, et sur tout faute de vostre secours qu'elle tient y estre seul et uniquement necessaire.

            Elle propose troys partis pour cela : ou que vous vous retiries tout a fait en Religion, affin que les creanciers ne vous desirent plus pour caution et que la disposition des biens de vos enfans luy soit libre ; ou que vous vous remanies avec les advantages qui vous sont offertz ; ou que vous demeuries avec elle avec une seule bourse. Elle met dans sa lettre vos excuses pour les deux premiers partis, car elle dit que vous aves voué a Dieu vostre chasteté, et que vous aves quatre bien petitz enfans, desquelz deux sont des filles ; mais pour le troysiesme je ne voy rien dans sa lettre.

            Quant au premier, je ne suis pas pour interposer mon jugement si le vœu que vous aves fait vous oblige a ne point desirer dispense, bien qu'elle allegue une grande precipitation qui peut prevenir la juste consideration ; car veritablement la pureté de la chasteté est de si haut prix, que quicomque l'a vouee est tres heureux de la garder, et n'y a rien a preferer que la necessité de la charité publique.

            Quant au second, je ne sçai si vous vous pourries legitimement descharger du soin que Dieu vous a imposé de vos enfans en vous rendant leur mere, et eux estans si petitz.

            Mais pour le troysiesme, Madame, je vous dis que vostre bourse doit estre commune a madame vostre mere, en ces cas de si grande necessité. O Dieu ! c'est la moindre communication qu'on doive aux peres et aux meres. Je cuyde bien entrevoir quelque rayson pour laquelle il semble qu'une telle fille, chargee d'enfans, puisse garder sa bourse, mais je ne sçai pas si vous l'aves ; et si, je pense [53] qu'il faut que cette rayson soit grande et grosse, pour le faire voir et considerer tout a fait. Entre les ennemis, l'extreme necessite rend toutes choses communes ; mais entre les amis, et entre de telz amis comme sont les filles et les meres, il ne faut pas attendre l'extreme necessité, car le commandement de Dieu nous presse trop. Il faut en ce cas relever le cœur et les yeux en la providence de Dieu, qui rend abondamment tout ce que l'on donne sur sa sainte ordonnance. Je dis trop, Madame, car je n'avois rien a dire sur cela que de renvoyer vostre chere conscience, pour ce regard, a ceux ausquelz vous vous en confies.

            Au reste, pour vos exercices spirituelz, madame vostre mere se contente que vous les facies a vostre accoustumee, ormis pour vos retraittes a Sainte Marie, qu'elle desire estre limitees aux grosses festes de l'annee, et, [outre] cela, a troys jours sur chaque quarantaine. Vous pouves aussi vous en contenter et suppleer, par des retraittes spirituelles dans vostre mayson, la longueur de celles que vous pourries faire en celle de Sainte Marie.

            O mon Dieu, ma chere Dame, qu'il faut faire des choses pour les peres et meres, et comme il faut supporter amoureusement l'exces, le zele et l'ardeur, a peu que je die encor l'importunité de leur amour ! Ces meres, elles sont admirables tout a fait : elles voudroyent, je pense, porter tous-jours leurs enfans, sur tout l'unique, entre leurs mammelles. Elles ont souvent de la jalousie ; si on s'amuse un peu hors de leur presence, il leur est advis qu'on ne les ayme jamais asses et que l'amour qu'on leur doit ne peut estre mesuré que par le desmesurement. Quel remede a cela ? Il faut avoir patience, et faire au plus pres que l'on peut tout ce qui est requis pour y correspondre. Dieu ne requiert que certains jours, que certaines heures, et sa presence veut bien que nous soyons encor presens a nos peres et a nos meres ; mais ceux ci sont plus passionnés : ilz veulent bien plus de jours, plus d'heures et une presence non divisee. Hé ! Dieu est si bon que, condescendant a cela, il estime les accommodemens de nostre [54] volonté a celle de nos meres comme faitz pour la sienne, pourveu que nous ayons son bon playsir pour fin principale de nos actions.

            Or sus, vous aves la Moyse et les Prophetes, c'est a dire tant d'excellens serviteurs de Dieu : escoutes les. Et moy, j'ay tort de vous entretenir si longuement, mais j'ay un peu de complaysance de parler avec une ame pure et chaste, et de laquelle il n'y a aucune sorte de plainte que pour l'exces de devotion ; tare si rare et si aymable, que je ne puis n'aymer pas et n'honnorer pas celle qui en est accusee, et n'estre pas a jamais, Madame,

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Ce 25 avril 1621.

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MDCCLXXIX. A Madame Le Loup de Montfan (Inédite). Protestation d'estime et d'intérêt pour la destinataire. — François de Sales s'étonne qu'elle ait pu s'adresser à lui dans une affaire délicate. — Lettres à Mme de Dalet et à la Mère Favre. — Le Saint comprend la situation de Mme de Montfan et y compatit. — Se remettre à la Providence.

 

Annecy, 25 avril 1621.

 

            Madame,

 

            Il n'estoit pas besoin, pour me faire affectionner vostre [55] desir, que les Reverens Peres Coton et Duchesne, que j'honnore infiniment, employassent leur persuasion, car vostre seul nom me faisoit asses connoistre ce que je vous dois ; et ma Seur Favre m'avoit, des le commencement qu'elle fut a Montferrand, si vivement exprimé la consideration qu'elle fait de vos dignes qualités, que je ne pourrois pas n'avoir du sentiment de vos afflictions quand vous me les eussies proposees, et mesme avec cette vivacité d'eloquence que vous aves tesmoignee en vostre lettre, capable d'esmouvoir un cœur de pierre.

            Mais, Madame, permettes moy que j'admire comme vous aves peu penser qu'apres tant de remonstrances faites de vive voix par ces grans serviteurs de Dieu, si excellens ouvriers, le Reverend Pere Coton, le Pere Duchesne et autres, et sur tout l'employ de vostre authorité maternelle, de vos larmes, de vos souspirs et de cette puissante representation de vos douleurs et amertumes de cœur que vous aves mieux sceu faire qu'homme du monde, je puisse moy, pauvre prestre, homme esloigné et de si peu de sens que je suis, par des seules lettres, qui n'ont ni repliques, ni mouvement d'action, mettre la main dans le cœur de madame vostre fille pour le contourner a vostre volonté. Neanmoins, Madame, je me range a vostre intention et escris a madame de Dalet et a ma Seur Favre, courtement, parce qu'elles sçavent bien toutes vos raysons, et parce que vostre homme m'a treuvé ayant mon Sinode sur les bras, qui me tient a l'esprit et au cœur. [56]

            Nous n'avons pas laissé de conferer [de] vostre lettre, le Pere Bonaventure de Lyon, que nous avons le bonheur d'avoir Gardien icy, et moy. Je vous regarde, Madame, comme une mere toute comblee d'amour pour sa fille unique, de jalousie pour la conservation de vostre mayson, si digne d'estre conservee, pressee de mille attaques et affaires douloureuses. Tout cela je le ressens au fond de l'ame, et d'autant plus que je vous porte de respect et de sainte dilection, puisque je me souviens bien de madame de Montaret, et de son amour et de sa passion pour son filz.

            Or sus, j'escris a ces deux filles que vous dites avoir tant de liayson ensemble ; c'est a Dieu a donner l'efficace a mes paroles. Pries l'en, Madame, avec sousmission a son adorable Providence, a laquelle jamais creature ne [57] se remit comme il est convenable, qu'elle n'en ayt esté soulagee et secourue.

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Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Montferrand, par la Mère de Chaugy, conservée au 1er Monastère d'Annecy.

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MDCCLXXX. A M. Antoine Rigoullet, Abbé de Mauzac (Inédite). Une contestation née d'un excès d'amour. — Comment donner un avis après celui de plusieurs serviteurs de Dieu ?

 

Annecy, 25 avril 1621.

 

            Monsieur,

 

            J'escris selon vostre desir a ces d[ames], desquelles la conteste est toute aymable, puisque elle procede de l'exces de l'amour, en l'une de sa fille, et en l'autre de la devotion. Je confesse que je ne fus jamais si empesché d'escrire que j'ay esté, car apres vous, apres le grand Pere Coton, apres le P. Duchesne et tant d'autres serviteurs de Dieu, comme ose-je dire mot ? Je le fay neanmoins tumultuairement, comme ayant la teste toute pleyne des affaires de mon Sinode, et par consequent en une grande confusion d'attentions.

            Monsieur, aymes moy tous-jours, je vous supplie, et [58] tenes pour certain que je vous honnore de tout mon cœur, et suis,

            Monsieur,

Vostre tres humble et tres affectionné

frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXV avril 1621, Annessi.

 

            A Monsieur

Monsieur l'Abbé de Mauzac.

            Lyon.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Paris, à la Maison du Cénacle, rue de la Chaise.

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MDCCLXXXI. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. Difficulté pour le saint Evêque de se prononcer au sujet d'une Novice. — Faire pour son salut tout ce que requiert la charité ; nécessité qu'elle y coopère. — Une question impossible à résoudre entièrement. — Qu'est-ce que Dieu ? — Sa présence en ce monde. — Il est le principe et la vie de toutes choses. — Aveu de l'impuissance et du néant de l'homme.

 

Annecy, 25 avril 1621.

 

            Je ne me sçaurois determiner, ma tres chere Fille, sur la demande que vous me faites de l'opinion que j'ay, s'il est a propos qu'on retienne ou qu'on renvoye cette fille, [59] parce que je ne la connois pas asses. Bien croy je que l'on pourroit luy donner encor un peu de tems, comme six semaines, et luy dire ou faire dire ouvertement ce que l'on requiert en son esprit et en sa conduitte, affin qu'elle vaquast serieusement a l'acquerir ; et si elle se rendoit souple on la pourroit garder, car veritablement elle a un extreme besoin de demeurer en la vie religieuse, son esprit, ce me semble, ne pouvant que courir fortune de beaucoup de detraquemens au monde. C'est pourquoy il faut, par charité, faire ce qui se pourra bonnement faire pour son salut. Que si de son costé elle ne coopere pas en s'humiliant, se sousmettant, renonçant a son esprit et suivant celuy de l'Institut auquel elle aspire, ce sera son dam et sa coulpe seule.

            Quant a l'autre demande que vous me faites, il est impossible d'y respondre entierement, non seulement a moy, mais aussi aux Anges et aux Cherubins ; car Dieu est au dessus de toute intelligence, et s'il y avoit une intelligence qui peust comprendre ou parfaitement dire ce que Dieu est, il faudroit que cette intelligence fust Dieu, car il faudroit qu'elle fust infinie en perfection. Voyes, je vous supplie, les trois premiers chapitres du 2. Livre de l'Amour de Dieu ; mais surtout voyes le premier chapitre, et encor les 9.10. 11. 12. 13. 14. 15. chapitres du 3. Livre de l'Amour de Dieu, car cela vous donnera une suffisante lumiere pour concevoir en quelque sorte que c'est que Dieu : c'est a dire, vous apprendres, autant qu'il est requis, ce qu'il faut en croire.

            Et voicy ce que, pour le present, je vous en puis dire. Dieu est un esprit infini, qui est la cause et le mouvement de toutes choses, auquel et par lequel tout est, tout subsiste et a son mouvement. Il est, par consequent, invisible en soy mesme, ne pouvant estre veu qu'en l'humanité de Nostre Seigneur, qu'il a unie a sa Divinité. Il est infini, il est par tout et tient tout par sa puissance ; rien ne le tient pour le comprendre, ains il comprend et contient [60] tout, sans estre contenu de chose quelcomque. En somme, ma Fille, comme nostre ame est en nostre cors sans que nous la voyons, ainsy Dieu est au monde sans que nous le voyons ; comme nostre ame tient en vie tout nostre cors tandis qu'elle est en iceluy, ainsy Dieu tient en estre tout le monde tandis qu'il est en iceluy, et si le monde cessoit d'estre en Dieu, il cesseroit tout aussi tost d'estre. Et comme, en certaine façon, nostre ame est tellement en nostre cors qu'elle ne laisse pas d'estre hors de nostre cors, n'estant pas contenue en iceluy, puisqu'elle void, elle entend, elle oyt, elle fait ses operations hors de nostre cors et au dela de nostre cors, ainsy Dieu est tellement au monde qu'il ne laisse pas d'estre hors du monde et au dela du monde et de tout ce que nous pouvons penser. Et pour fin, Dieu est le souverain Estre, le principe et la cause des choses qui sont bonnes, c'est a dire qui ne sont point peché.

            O ma Fille, c'est un abisme ! C'est l'Esprit qui vivifie tout, qui cause tout, qui conserve tout, duquel toutes choses ont besoin pour estre ; et luy, n'a besoin de nulle chose, n'ayant jamais esté que tres infini en tout ce qu'il est, et est tres heureux, ne pouvant ni commencer d'estre ni finir, parce qu'il est eternel et ne peut n'estre pas eternel. A luy seul soit honneur et gloire. Amen.

            Je n'ay pas dit ceci pour vous dire ce que c'est, mais pour vous faire tant mieux entendre que je ne le puis ni sçay dire, et que je ne sçay que confesser que je suis un vray neant devant luy, que j'adore tres profondement, comme aussi l'humanité de nostre Sauveur a laquelle il s'est uni, affin qu'en icelle nous le puissions aborder, et le voir en nos sens et sentimens au Ciel, et en nos cœurs et en nos cors icy en terre au divin Sacrement de l'Eucharistie. Amen.

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FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 25 avril 1621, Annessi. [61]

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MDCCLXXXII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Quelques affaires recommandées au prince.

 

Annecy, 30 avril 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Ce porteur, Frere Adrian, va aupres de Vostre Altesse Serenissime pour des affaires de si bonne condition pour le service de Dieu et du publiq, et luy mesme est si zelé sujet de Son Altesse, qu'il n'est nul besoin que je le recommande a la bonté de Vostre Altesse. Mays puisqu'il le veut, je le fay tres humblement, Monseigneur, et avec luy encor l'affaire de la reformation des Monasteres de deça les montz et l'establissement si necessaire des Peres de l'Oratoire a Thonon et Rumilly ; qui suis a jamais, de Vostre Altesse Serenissime,

            Monseigneur,

Tres humble, tres fidele et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le 30 avril 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [62]

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MDCCLXXXIII. A M. Marc-François de Malarmay de Lauray. Question et réponse d'amis. — La « loy invariable de l'eternité » de leur union. — François de Sales emprunte son portrait pour l'envoyer au destinataire. — Elévation vers Notre-Seigneur.

 

Annecy, [février-mai 1621.]

 

            Mon tres cher Frere,

 

            Voyci la question que vous me faites : Vostre cœur n'aymera-il pas le mien tous-jours et en toutes saysons ? Et voyci ma response : O mon tres cher Frere, c'est une maxime de trois grans amans, tous trois saintz, tous trois Docteurs de l'Eglise, tous trois grans amis, tous trois grans maistres de la theologie morale : saint Ambroyse, saint Hierosme, saint Augustin : Amicitia quæ desinere potuit, nunquam vera fuit.

            Tenes, mon cher Frere, voyla l'oracle sacré qui vous annonce la loy invariable de l'eternité de nostre amitié, puisqu'elle est sainte et non feinte, fondee sur la verité et non sur la vanité, sur la communication des biens spirituelz et non sur l'interest et le commerce des biens temporelz. Bien aymer et pouvoir cesser de bien aymer sont deux choses incompatibles. Les amitiés des enfans du monde sont de la nature du monde : le monde passe, et toutes ses amitiés passent, mais la nostre, elle est de Dieu, en Dieu et pour Dieu : Ipse autem idem ipse est, et anni ejus non deficient. Mundus perit, et concupiscentia ejus ; Christus non perit, nec dilectio ejus : consequence infallible. [63]

            La chere seur m'escrit tous-jours avec tant d'effusion de son cher amour, qu'en verité elle m'oste le pouvoir de la bien remercier ; et j'en dis le mesme de vous, vous suppliant de vous remercier tous deux l'un l'autre de ce contentement que vous me donnes.

            Au reste, voyla donq l'image de cet homme terrestre, tant je suis hors de tout pouvoir de refuser chose quelcomque a vostre desir. On me dit que jamais je n'ay esté bien peint, et je croy qu'il importe peu. In imagine pertransit homo, sed cor frustra conturbatur. Je l'ay empruntee pour la vous donner, car je n'en ay point a moy. Helas ! si celle de mon Createur estoit en son lustre dans mon esprit, que vous la verries de bon cœur !

 O Jesu, tuo lumine,

Tuo redemptos sanguine,

Sana, refove, perfice,

Tibi conformes effice. Amen. [64]

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MDCCLXXXIV. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers (Fragment). La calomnie, marque excellente de l'approbation divine. — Effet que doivent produire en l'âme les souffrances intérieures.

 

Annecy, [mars-mai] 1621.

 

            Je loüe Dieu, ma tres chere Fille, dequoy cette pauvre petite Congregation des servantes de la divine Majesté est fort calomniee. Helas ! je regrette les pechés des calomniateurs, mais cette injure receue est une des meilleures marques de l'approbation du Ciel ; et, affin que nous sceussions entendre ce secret, nostre Sauveur luy mesme de combien de façons a il esté calomnié ! Oh ! que bienheureux sont ceux qui endurent persecution pour la justice !

            Vostre affliction interieure est encor une persecution pour la justice, car elle tend a bien ajuster vostre volonté a la resignation et indifference que nous aymons et louons tant. Plus Nostre Seigneur soustrait ses consolations sensibles, plus il nous prepare de perfections, pourveu que nous nous humiliions devant luy et que nous jettions toute nostre esperance sur luy. [65]

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MDCCLXXXV. A un Magistrat de Dijon (Inédite). Prière de « proteger en son bon droit » un ami du Saint.

 

Annecy, 1er mai 1621.

 

            Monsieur,

 

            Ce porteur, le sieur d'Areres, mon proche voysin et grand ami, allant pour voir, s'il peut, la fin d'un affaire qu'il a devant la cour, je l'accompaigne de ma tres humble supplication, que je vous fay, de le proteger en son bon droit qui ne m'est pas moins cher que si c'estoit le mien propre, pour l'obligation d'amitié que je luy ay. Et je me prometz aysement, Monsieur, cette faveur de vostre bonté, qui en ay des-ja tant receues d'autres, et qui sçai le playsir que vous prenes en l'exercice de vostre courtoysie partout ou vous voyes de l'equité.

            Ainsy je prie Dieu qu'il vous conserve et face abonder en ses tressaintes benedictions,

Monsieur, et suis invariablement,

Vostre tres humble et tres affectionné,

obeissant serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le premier may 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé dans l'église paroissiale de Vaysse-Péchaurie (Lot). [66]

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MDCCLXXXVI. A M. Claude de Blonay. L'installation d'un martinet dans les terres du baron de Thorens. — Emprunt d'outils sollicité auprès de la Sainte-Maison de Thonon.

 

Annecy, 2 mai 1621.

 

            Monsieur,

 

            Puysque la Sainte Mayson n'employe pas a present les outilz qu'ell'a pour un martinet, et que mesme les Peres Chartreux ne s'en servent point, je vous prie de les faire prester a mon frere de Thorens, qui fait dresser maintenant un martinet. Et faysant peser et bien marquer lesditz outilz, ilz seront rendus bien conditionnés toutes les fois que vous le desireres, ou ladite Sainte Mayson.

            Cependant je suis a jamais, Monsieur,

Vostre tres humble confrere,

FRANÇS, E. de Geneve.

2 may 1621, Annessi.

 

            A Monsieur

Monsieur de Blonnay,

            Præfect de la Ste Mayson.

            Thonon.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Thonon. [67]

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MDCCLXXXVII. A Madame des Gouffiers. Sur quoi l'on juge souvent des affections. — Un papier introuvable. — Notre-Seigneur a-t-il jamais plaidé ? — Sa divine maxime. — François de Sales la défend avec énergie et appuie son raisonnement sur la doctrine de saint Paul. — la sagesse de Dieu, c'est la folie de la Croix. — Révolte de la prudence humaine. — Petite ouverture sur l'intérieur du Saint. — Conseillers sûrs et prudents pour Mme des Gouffiers. — Sévère réprimande ; les ruses de l'amour-propre démasquées. — Décision dernière.

 

Annecy, commencement de mai 1621.

 

            Je ne vous dis point l'amour plus que paternel, certes, que mon cœur a pour vous, ma tres chere Fille, car je pense que Dieu mesme qui l'a creé vous le dira ; et s'il ne le vous fait entendre, il n'est pas en mon pouvoir de le faire. Mais pourquoy vous dis je cela ? Parce, ma tres chere Fille, que je ne vous ay pas escrit si souvent que vous eussies peut estre desiré, et que quelquefois on fait jugement des affections plus par les feuilles de papier que par les fruitz des veritables sentimens interieurs, qui ne paroissent qu'es occurrences rares et signalees, et qui sont plus utiles.

            Or sus, vous me demandes un papier que jusques a present je n'ay sceu treuver, et que M. n'a nullement. Vous desires que s'il n'est pas entre nos mains, on envoye vistement pour en avoir un pareil de Romme. Mais, ma Fille, il me semble qu'a Troyes on a changé d'Evesque ; et si cela est, il faut donq sçavoir son nom. [68]

            Et pour ne vous plus faire de preface, je vous vay dire sans art et sans deguisement ce que mon ame desire de vous dire. Jusques a quand sera ce, ma tres chere Fille, que vous pretendres d'autres victoires sur le monde et l'affection a ce que vous y pouves avoir, que celles que Nostre Seigneur en a remportees et a l'exemple desquelles il vous exhorte en tant de façons ? Comment fit-il, ce Seigneur de tout le monde ? Il est vray, ma Fille, il estoit le Seigneur legitime de tout le monde : et plaida il jamais pour avoir seulement ou recliner sa teste ? On luy fit mille tortz : quel proces en eut il jamais ? devant quel tribunal fit il jamais citer personne ? Jamais, en verité, ains non pas mesme il ne voulut citer les traistres qui le crucifierent devant le tribunal de la justice de Dieu ; au contraire, il invoqua sur eux l'authorité de la misericorde. Et c'est ce qu'il nous a tant inculqué : A qui te veut oster en jugement ta tunique, donne luy encor ton manteau.

            Je ne suis nullement superstitieux, et ne blasme point ceux qui plaident, pourveu que ce soit en verité, jugement et justice ; mais je dis, j'exclame, j'escris, et, s'il estoit besoin, j'escrirois avec mon propre sang, que quicomque veut estre parfait et tout a fait enfant de Jesus Christ crucifié, il doit prattiquer cette doctrine de Nostre Seigneur. Que le monde fremisse, que la prudence de la chair se tire les cheveux de despit, si elle veut, et que tous les sages du siecle inventent tant de diversions, pretextes, excuses qu'ilz voudront ; mais cette parole doit estre preferee a toute prudence : Qui te veut oster ta tunique en jugement, donne luy encor ton manteau.

            Mays, ce me dires vous, cela s'entend en certain cas. Il est vray, ma tres chere Fille ; mais, graces a Dieu, nous sommes en ce cas la, car nous aspirons a la perfection, et voulons suivre au plus pres que nous pourrons celuy qui, d'une affection veritablement apostolique, disoit : Ayant dequoy boire et manger, et dequoy nous vestir, soyons contens de cela ; et crioit apres les Corinthiens : Certes, des-ja totalement et sans doute il y a faute et coulpe en vous, dequoy vous aves des procès ensemble. [69]

            Mays escoutes, ma Fille, escoutes le sentiment et le conseil de cet homme qui ne vivoit plus en luy mesme, mais Jesus Christ vivoit en luy : Pourquoy, adjouste il, pourquoy n'endures vous pas plustost qu'on vous de fraude ? Et notes, ma Fille, qu'il parle non a une fille qui aspire d'un air particulier, et apres tant de mouvemens, a la vie parfaitte, mais a tous les Corinthiens ; notes qu'il veut qu'on souffre le tort ; notes qu'il leur dit qu'il y a de la coulpe pour eux de plaider contre ceux qui les trompent ou defraudent. Mais quel peché ? Peché, parce que par ce moyen ilz scandalizoyent les mondains infideles qui disoyent : Voyes comme ces Chrestiens sont Chrestiens ! leur Maistre dit : A qui te veut oster ta tunique, donne luy encor ton manteau ; voyes comme pour les biens temporelz ilz mettent en hazard les eternelz, et l'amour tendre et fraternel qu'ilz doivent avoir les uns pour les autres. Notes de rechef, dit saint Augustin, la leçon de Nostre Seigneur : il ne dit pas : A qui te veut oster une bague, donne luy ton carcan, qui sont l'un et l'autre superflus ; mais il parle de la tunique et du manteau, qui sont choses necessaires. O ma tres chere Fille, voyla la sagesse de Dieu, voyla sa prudence, et qui consiste en la tressainte et tres adorable simplicité, enfance, et, pour parler apostoliquement, en la tres sacree folie de la Croix.

            Mais, ce me dira la prudence humaine, a quoy nous voules vous reduire ? Quoy ? qu'on nous foule aux pieds, qu'on nous torde le nez, qu'on se joue de nous comme d'une marotte, qu'on nous habille et deshabille, sans que nous disions mot ? Ouy, il est vray, je veux cela ; et si, je ne le veux pas moy, ains Jesus Christ le veut en moy. Et l'Apostre de la Croix et du Crucifix s'escrie : Jusques a present nous avons faim, nous avons soif, nous sommes nuds, nous sommes bafoués ; et en fin, nous sommes faitz comme une peleure de pomme, la racleure du monde, ou une peleure de chastaigne, ou une coque de noix. Les habitans de Babylone n'entendent point cette doctrine, mais les habitans du mont Calvaire la prattiquent. [70]

            Oh ! me dires vous, ma Fille, mon Pere, vous estes bien severe tout a coup. Ce n'est pas tout a coup, certes ; car des que j'eus la grace de sçavoir un peu le fruit de la Croix, ce sentiment entra dans mon ame et n'en est jamais sorti. Que si je n'ay pas vescu conformement a cela, ç'a esté par foiblesse de cœur, et non par sentiment ; le clabaudement du monde m'a fait faire exterieurement le mal que je haïssois interieurement. Et oseray je dire cette parole, a ma confusion, a l'oreille du cœur de ma fille ? Je ne fis jamais revanche ni presque mal qu'a contrecœur. Je ne fay pas l'examen de conscience, mais, selon que je voy en gros, je croy que je dis vray ; et tant plus inexcusable suis-je.

            Au reste, je le veux bien, ma Fille, soyes prudente comme le serpent, qui se despouille tout a fait, non de ses habitz, mais de sa peau mesme, pour rajeunir ; qui cache sa teste, dit saint Gregoire (c'est a dire, pour nous, la fidelité aux paroles evangeliques), et expose tout le reste a la mercy de ses ennemis pour sauver l'integrité de celle la.

            Mais en fin, que vous veux je dire ? J'escris avec impetuosité cette lettre que j'ay esté forcé de faire a deux fois ; et l'amour n'est pas prudent et discret, il va de force et devant soy. Vous aves la tant de gens d'honneur, de sagesse, d'esprit, de cordialité, de pieté ; ne leur sera il pas aysé de reduire madame de C. et madame de L. a quelque parti dans lequel vous puissies avoir une sainte suffisance ? Sont elles des tigres, pour ne se laisser pas sagement ramener a la rayson ? N'aves vous pas la M. N., en la prudence duquel tout ce que vous estes et tout ce que vous pretendes seroit tres bien asseuré ? N'aves vous pas M. N., qui vous fera bien cette charité de vous assister [71] en cette voye chrestienne et paysible ? Et le bon Pere [Binet] ne prendra il pas playsir a servir Dieu en vostre affaire, qui regarde a peu pres quasi le salut de vostre ame, et du moins tout a fait vostre advancement en la perfection ? Et puis, madame de Chantal ne doit elle pas estre creuë ? car elle est voirement, certes, je ne dis pas tres bien bonne, mais elle est encor asses prudente pour vous bien conseiller en ceci.

            Que de duplicités, que d'artifices, que de paroles seculieres, et peut estre que de mensonges, que de petites injustices, et douces, et bien couvertes, et imperceptibles calomnies, ou du moins des demi calomnies, employe-on en ce tracas de proces et de procedures ! Dires vous point que vous vous voules marier, pour scandalizer tout un monde par un mensonge evident, si vous n'aves un precepteur continuel qui vous souffle a l'oreille la pureté de la sincerité ? Ne dires vous point que vous voules vivre au monde et estre entretenue selon vostre naissance, que vous aves besoin de cecy et de cela ? Et que sera ce de toute cette formiliere de pensees et imaginations que ces poursuittes produiront en vostre esprit ? Laisses, laisses aux mondains leur monde : qu'aves vous besoin de ce qui est requis pour y passer ? Deux mille escus, et moins encor, suffiront tres abondamment pour une fille qui ayme Nostre Seigneur crucifié. Cent et cinquante escus de pension, ou deux cens, sont des richesses pour une fille qui croit en l'article de la pauvreté evangelique.

            Mays si je n'estois pas Religieuse de clausure, ains seulement associee a quelque Monastere, je n'aurois pas dequoy me faire appeller Madame sinon par une ou deux servantes. — Et comment ? Aves vous jamais veu que Nostre Dame en eust tant ? Que vous importe il que l'on sache que vous estes de bonne mayson selon le monde, pourveu que vous soyes de la mayson de Dieu ? — Oh ! [72] mais, je voudrois fonder quelque mayson de pieté, ou du moins faire des grandes assistences a une Mayson ; car estant infirme de cors, cela me feroit plus gayement supporter. — Da, il est vray, ma tres chere Fille, je le sçavois bien que vostre pieté faysoit planche a l'amour propre, tant elle est piteusement humaine. Certes, en somme, nous n'aymons pas les croix, si elles ne sont d'or, emperlees et esmaillees. C'est une riche, quoy que tres devote et admirablement spirituelle abjection que d'estre regardee dans une Congregation comme fondatrice, ou du moins comme grande bienfaitrice. Lucifer se fust contenté de demeurer au Ciel a cette condition-la. Mais de vivre d'aumosne comme Nostre Seigneur, de prendre la charité d'autruy en nos maladies, nous qui d'extraction et de courage sommes cecy et cela, cela certes est bien fascheux et difficile. Il est vray, il est difficile a l'homme, mais non pas au Filz de Dieu, qui le fera en vous.

            Mais n'est ce pas une bonne chose d'avoir le sien pour l'employer a son gré au service de Dieu ? — Le mot a son gré fait l'esclaircissement de nostre differend. — Mais je dis, a vostre gré, mon Pere ; car je suis tous-jours vostre fille, Dieu l'ayant ainsy voulu. — Or sus, mon gré donq est que vous vous contenties de ce que M. [Vincent] et madame de Chantal aviseront, et que le reste vous le laissies pour l'amour de Dieu, et l'edification du prochain, et la paix des ames de mesdames vos seurs, et que vous le consacries ainsy a la dilection du prochain et a la gloire de l'esprit chrestien. O mon Dieu, que de benedictions, que de graces, que de richesses spirituelles pour vostre ame, ma tres chere Fille, si vous faites ainsy ! Vous abonderes et surabonderes ; Dieu benira vostre peu, et il vous contentera. Non, non, il n'est pas difficile a Dieu de faire autant avec cinq pains d'orge, comme Salomon avec tant de cuisiniers et de pourvoyeurs.

            Demeures en paix. Je suis tres invariablement

Vostre vray serviteur et Pere,

FRANÇS, E. de Geneve. [73]

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MDCCLXXXVIII. A la Mère de Chantal, a Paris. On ne peut avoir les mérites du Calvaire avec les consolations du Thabor. — Aversion de l'Evêque de Genève pour les procès. — L'exemple de Jésus-Christ. — « Corniches dorees pour une image de papier. » — Unité en Dieu.

 

Annecy, commencement de mai 1621.

 

            Ma tres chere Mere,

 

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            Voyla que j'escris a ma tres chere fille, selon mon veritable sentiment. C'est la verité : on parle perpetuellement d'estre enfant de l'Evangile, et personne presque n'en a les maximes entierement en l'estime qu'il faut. Nous avons trop de pretentions et de desseins, nous voulons trop de choses : nous voulons avoir les merites du Calvaire et les consolations de Thabor tout ensemble, avoir les faveurs de Dieu et les faveurs du monde.

            Playder ! o vrayement, je ne le veux nullement. A celuy qui te veut oster ta robe, donne luy encor ta tunique. Que pense elle ? Quatre vies des siennes ne suffiroyent pas pour terminer son affaire par voye de justice. Qu'elle meure de faim et de soif de justice, car bienheureuse sera elle.

            Est il possible que ses seurs ne lui veuillent rien donner ? Mais si cela est, est il possible que les enfans de Dieu veuillent avoir tout ce qui leur appartient, leur Pere Jesus Christ n'ayant rien voulu avoir de ce monde qui luy appartient ? O mon Dieu, que je luy souhaite de biens, mais sur tout la suavité et la paix du Saint Esprit, et le repos qu'elle doit avoir en mes sentimens pour elle ; [74] car je puis dire que je sçay qu'ilz sont selon Dieu, et non seulement cela, mais qu'ilz sont de Dieu. Qu'est il besoin de tant d'affaires pour une vie si passagere, et de faire des corniches dorees pour une image de papier ? Je luy dis paternellement mon sentiment, car je l'ayme, certes, incroyablement ; mais je le dis devant Nostre Seigneur, qui sçait que je ne mens point.

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            Que vous diray je plus ? Rien autre, ma tres chere Mere, sinon que je cheris incomparablement vostre cœur, et comme le mien propre, si mien et tien se doit dire entre nous, ou Dieu a establi une tres invariable et indissoluble unité, dont il soit eternellement beni. Amen.

            1621.

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MDCCLXXXIX. A M. Jean de Chatillon. Compassion et approbation. — Ce qu'il faut faire de quatre cents florins. — Annonce d'un voyage.

 

Annecy, 10 mai 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je suis marri dequoy nous n'avons pas eu le bien de vous voir au Sinode, mais sur tout dequoy ça esté pour estre indisposé de santé.

            Vous aves extremement bien procedé en l'affaire de Suzanne et de monsieur de Vallon, et vous ne sçauries [75] faire que bien a mon gré, puisque vous aves et le zele et la capacité.

            Je vous prie d'assister M. le Curé de Vuallier pour le retirement des 400 florins, desquelz on en donnera 150 a M. Sonnerat, et a chacun des trois curés qui ont servi a Draillans, 50 ; les utres cent demeureront es mains dudit sieur curé de Vuallier, a conte des despens supportés et de ceux qu'il faudra encor supporter au premier jour.

            Vous sçaures que dans peu de jours j'iray par dela avec deux des seigneurs de la Chambre des Comptes de Savoye, par ordre de Son Altesse et de Monseigneur le Prince.

            A tant, je demeure, Monsieur,

Vostre plus humble et tres affectionné confrere,

FRANÇS, E. de Geneve.

            X may 1621, Annessi.

 

            A Monsieur de Chatillon,

Plebain de Thonon et docteur en Theologie.

 

D'après une copie conservée à la Visitation d'Annecy. [76]

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MDCCXC. A la Comtesse de Dalet. « Rien d'estimable en comparayson d'une ame continente. » — Nulle obligation de justice pour Mme de Dalet de soutenir sa maison paternelle ; en quels cas elle doit ou ne doit pas le faire. — La « separation des sejours » souvent nécessaire à l'union des cœurs. — Une parole qui a ravi le Saint.

 

Annecy, 11 mai 1621.

 

            Madame,

 

            C'est en la presence de Dieu que je vous dois particulierement escrire cette lettre, puisque c'est pour vous dire ce que vous deves faire pour sa plus grande gloire es choses que vous m'aves marquees.

            Apres donq avoir invoqué son Saint Esprit, je vous dis que je ne voy nulle juste occasion en tout ce que vous me dites et que madame vostre mere me dit, pour laquelle vous devies violer le vœu que vous aves fait de vostre chasteté a Dieu ; car la conservation des maysons n'est pas considerable sinon pour les princes, quand leur posterité est requise pour le bien publiq. Et si vous esties princesse, ou celuy qui vous souhaite prince, puisque vous aves des enfans de vostre premier mari l'on vous devroit dire : Contentes vous de la posterité que vous aves ; et a luy : Faites de la posterité d'une autre princesse. En somme, le Saint Esprit a fait dire clairement qu'il n'y a rien d'estimable en comparayson d'une ame continente. Demeurés donq la, puisque Dieu vous a inspiré de le vouloir et vous donne la grace de le pouvoir. Ce grand Dieu benira vostre vœu, vostre ame et vostre cors, consacrés a son nom.

            2. Il est tout vray que vous n'estes nullement obligee par droit de justice d'assister de vos moyens la mayson de monsieur vostre pere, puisque vos moyens et ceux [77] de vos enfans, par l'ordre establi en la republique, sont separés et independans de la mayson de monsieur vostre pere, et qu'il n'est point en necessité effective ; et d'autant plus qu'en effect vous n'aves rien receu de vostre dot, promis seulement, et non payé.

            3. Au contraire, s'il est veritable que vous ruineries vos enfans et ce qui est a eux, et que vous vous ruineries vous mesme si vous vous chargies des affaires de vostre mayson paternelle, sans pour cela l'empescher de se ruiner, vous estes obligee, du moins par charité, de ne le faire pas ; car a quel propos ruiner une mayson pour en laisser encor ruiner une autre, et donner des remedes contre un mal irremediable, aux despens de vos enfans ? Si donq vous sçaves que vostre secours sera inutile au soulagement de monsieur vostre pere, vous estes obligee de ne l'y point employer au prejudice des affaires de vos enfans.

            4. Mais, Madame, si vous pouves l'ayder sans endommager notablement vos enfans, comme il semble apparemment que vous le puissies faire, puisque vous estes unique et que tout ce que vous pourres empescher d'estre vendu demeurera en fin a vos enfans, monsieur vostre pere et madame vostre mere ne pouvant avoir d'autres heritiers, il m'est advis que vous le deves faire ; car ce ne sera qu'abandonner vos moyens d'une main et les reprendre de l'autre.

            5. Et quand mesme vous incommoderies vos affaires pour contenter madame vostre mere, pourveu que ce ne fut pas avec trop de perte de vos enfans, encor me sembleroit il que vous le devries faire, pour le respect et l'amour que vous estes obligee de luy porter.

            6. Et quant au reste, je pense qu'il seroit plus a propos, [78] pour vostre repos et pour la suite de l'eslection que vous aves faite d'une perpetuelle pureté, que vous demeurassies a part en vostre petit train, a la charge que vous vissies souvent madame vostre mere, laquelle, si j'entens bien sa lettre, ne seroit point marrie que mesme vous fussies Religieuse, pourveu que vous luy communiquassies vos moyens pour la retenir en possession des biens de la mayson. Et veritablement, ne vous voulant pas ranger a un second mariage, ni ne pouvant pas seconder le courage que je voy en cette dame a tenir grand train et portes ouvertes a toutes sortes d'honnestes conversations, je ne voy comme ce ne seroit pas plus a propos que vous demeurassies a part, n'y ayant rien d'esgal a la separation des sejours pour conserver l'union des cœurs entre ceux qui sont de contraires, quoy que bonnes humeurs et pretentions.

            Voyla mon opinion, Madame, sur la connoissance que j'ay de l'estat de vos affaires. Oh ! s'il eust pleu a Dieu que je vous eusse veuë a Lyon, que de consolation pour moy, et combien plus certainement et plus clairement j'eusse peu vous expliquer mon sentiment ! Mais puisque cela n'a pas esté, je m'attendray a recevoir vos repliques, s'il vous semble que j'aye manqué a comprendre le fait que vous m'aves proposé, et je m'essayeray a reparer les manquemens. Et je vous supplie, Madame, de ne point vous mettre en aucune consideration qui vous puisse oster la liberté de m'escrire, puisque je suis et seray des-ormais tout a fait et sans reserve vostre tres humble et tres affectionné serviteur, qui vous souhaitte le comble des graces de Nostre Seigneur, et sur tout un progres continuel en la tressainte douceur de charité et la sacree humilité de la tres aymable simplicité chrestienne ; ne me pouvant empescher de vous dire que j'ay treuvé parfaitement douce la parole que vous mettes en vostre lettre, disant que vostre mayson est des communes et rien plus ; car cela est cherissable en un aage ou les enfans du siecle font de si gros broüa de leurs maysons, de leurs noms et de leurs extractions.

            Vives tous-jours ainsy, ma tres chere Fille, et ne vous [79] glorifies qu'en la Croix de Nostre Seigneur, par laquelle le monde vous est crucifié, et vous au monde. Amen.

            Je me dis de rechef, de tout mon cœur,

Vostre serviteur tres humble,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 11 may 1621.

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MDCCXCI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Nombreuse famille en détresse par suite de la longueur d'un procès. — Le Duc est supplié d'y mettre ordre.

 

Annecy, 13 mai 1621.

 

            Monseigneur,

 

            La multitude des enfans, et notamment de filles, qui sont en la mayson de Bressieu Roüer, est veritablement digne d'extreme compassion. Or, ilz ont une prætention en Piemont, laquelle ilz sollicitent il y a long tems et ne peuvent en voir l'issüe ; qui retient toute cette famille en langueur. Et par ce qu'ilz ont desiré mon [80] intercession aupres de Vostre Altesse, affin qu'il luy playse d'ordonner au Magistrat de leur faire bonne et brieve justice, je la supplie en toute humilité, Monseigneur, de leur departir cette si juste et charitable faveur qu'elle ne refuse a personne et que, plus que nul autre, je me prometz de la veritable bonté et equité de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle j'ay lhonneur d'estre,

            Monseigneur,

Tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le XIII may 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCXCII. Au même. Voyage à Thonon sur l'ordre du prince.

 

Annecy, 14 mai 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Ayant receu le commandement de Vostre Altesse pour m'acheminer a la Sainte Mayson, je ne manqueray pas de me rendre a Thonon au premier jour, et de luy rendre compte de tout ce que j'y auray fait et treuvé, puisque je suis, de Vostre Altesse Serenissime,

            Monseigneur,

Tres humble, tres fidele et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XIIII may 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Biblioteca Civica. [81]

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MDCCXCIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Un saint projet en voie d'exécution. — Liste des abbayes du diocèse de Genève et de leurs titulaires.

 

Annecy, 14 mai 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Je feray au plus tost le voyage de Thonon, selon le commandement de Vostre Altesse, ne me pouvant empescher de me res-jouir avec elle du commencement qu'elle donne a l'execution du saint projet qu'elle fit estant en cette ville, pour la reformation des Monasteres et le bien publiq de l'Eglise en cette province ; ne doutant point que, comme c'est un tres grand service de Dieu, aussi sa divine Majesté n'en recompense Vostre Altesse des tres grandes benedictions que je luy souhaite incessamment, comme estant sans fin,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres fidele et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XIIII may 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

 

            Bien qu'il semble qu'il n'importe pas beaucoup de sçavoir a qui les prieurés et abbayes que l'on veut unir appartiennent, puisque on ne pretend pas d'unir les portions des Abbés et Prieurs, ains seulement celles des moines, si est ce que, pour obeir a Son Altesse, je marque icy les noms des possesseurs des dittes abbayes et des prieurés : [82]

            L'abbaye d'Aux est a Monseigneur le Serenissime Prince Cardinal.

            Cheyseri, a R. M. Gaspard [de] Ballon, aumosnier de Madame.

            Tamié, a R. P. François Nicolas de Riddes, aumosnier de Son Altesse, senateur au Senat de Savoye, qui en est Abbé titulaire.

            Bellevaux, a M. Aymé Mermonio de Luirieu, commendataire.

            Contamine, a la Sainte Mayson de Thonon.

            Chindrieu, a M. Louys de Gerbaix, dit de Saunax, clerc de l'Oratoire de Lyon.

            Rumilly, a R. P. F. Bernard de Graillier, titulaire.

            Le prieuré du Chesne, a R. P. Robert Jacquerod de Bonnevaud, Religieux de] Talloire, titulaire. [83] Bonneguette, a la Sainte Mayson.

            Saint Paul pres Evian, a M. Jean François de Blonnay, commendataire.

            Silingie, a M. Berard Portier, dit de Mieudri, commendataire.

            Vaux, a M. Jacques de Losche, commendataire.

            L'abbaye d'Entremont, a M. Pierre Gaspard de Roncas, commendataire. [84]

            Saint Joire pres Chamberi, a la Sainte Mayson de Thonon.

            L'abbaye de Six, a M. Humbert de Mouxi, commendataire.

            Pellionex, a M. Claude Reydet, dit de Choysi, commendataire.

            Le Saint Sepulcre les Annessi, a M. Claude de Menthon de Montrottier, commendataire,           L'abbaye d'Autecombe, a M, l'Abbé de la Mente.

 

            Les monasteres des filles appartiennent comme s'ensuit :

            Sainte Claire hors ville de Chamberi, a dame de Rubod ; [85] Bonlieu, a dame de Lucey ; Sainte Catherine les Annessi, a dame Peronne de Cirisier ; Le Betton, a dame Saint Agnes.

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MDCCXCIV. Au Comte Claude-Jérome de Saint-Maurice (Inédite). Recours à la courtoisie du destinataire.

 

Annecy, 18 mai 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je sçai combien vostre courtoysie est grande, et que vostre bon naturel vous fera tous-jours favoriser monsieur [86] de Corsier, present porteur ; mays je ne puis esconduire le desir qu'il a que je vous supplie de l'avoir en recommandation pour l'affaire qui le fait aller la. Et je vous en supplie donq, et de me croire tous-jours tel que tous-jours je veux estre : c'est,

            Monsieur,

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XVIII may 1621, Annessi.

 

            A Monsieur

Monsieur le Comte de Saint Maurice.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Bologne, dans la chapelle de Sainte-Catherine.

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MDCCXCV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Mme de Charmoisy désire envoyer son fils à Paris pour affaires. — Elle en sollicite l'autorisation du prince par l'intermédiaire de l'Evêque de Genève.

 

Annecy, 18 mai 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Non seulement la tres humble sujettion a Vostre Altesse Serenissime que la nature a imposee au sieur de Charmoysi par sa naissance, mais le soin qu'il a pleu a Vostre Altesse, par sa bonté, de tesmoigner pour luy et l'honneur de tant de faveurs qu'il en a receües, [87] obligent madame de Charmoysi, sa mere, et ses parens a ne point disposer de sa personne sinon avec la permission et l'aggreement de Vostre Altesse.

            C'est pourquoy, Monseigneur, laditte dame ayant quelques affaires a Paris, et estant conseillee d'y envoyer plus tost son filz que d'y aller elle mesme pour les conclure, ell'en demande les commandemens de Vostre Altesse Serenissime, sous lesquelz et elle et son filz veulent a jamais vivre en tres humble sousmission et obeissance. Et si Vostre Altesse l'a aggreable, tandis que son filz sera la, il employera les heures qui luy resteront apres ses affaires aux exercices convenables a sa condition, affin qu'a son retour il ne soit pas treuvé moins capable de l'honneur et du bonheur qu'il a d'estre tous-jours au service particulier de la personne de Vostre Altesse.

            Et parce que la mere et le filz m'ont choysi entre tous leurs parens pour en faire la supplication a Vostre Altesse, avec eux je la fay en toute humilité et reverence, comme estant,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le XVIII may 1621.

 

            A Monseigneur

Monseigneur le Serme Prince de Piemont.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Adélaïde Vuy, à Carouge (Genève). [88]

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MDCCXCVI. Aux Consuls et aux Habitants de Montferrand. Sur la demande des consuls, l'Evêque de Genève condescend à laisser encore à Montferrand la Mère Favre, mais sans vouloir s’engager pour toujours.

 

Annecy, 31 mai 1621.

 

            Messieurs,

 

            Je respons a vostre lettre, et correspons, autant que je le puis, a vos desirs, vous asseurant que je laisseray le plus long tems que le service de Dieu me le permettra ma Seur Marie Jacqueline Favre au monastere ou, par vostre pieté, elle se treuve maintenant, et ou je suis grandement consolé qu'elle employe les graces que la divine Providence luy departira. Que si je pouvois vous dire que ce sera pour toute sa vie, je le ferois volontier pour [89] contenter vostre zele et celuy de tant d'ames qui se consolent avec elle ; mais vous vous imagineres bien quelles occasions peuvent se presenter pour la retirer et destiner ailleurs, selon que la gloire de Celuy auquel elle est vouee le requerra.

            Je vous le souhaite tous-jours propice, et a toute vostre honnorable ville, Messieurs ; je suis en luy,

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Annessi, le 21 may 1621.

 

A Messieurs les Consulz et habitans

            de Montferrand.

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MDCCXCVII. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. Des visiteuses qui porteront au monastère de Valence « unguens et parfums de devotion. » — Course en Chablais. — Prétendantes pour la Visitation d'Annecy.

 

Annecy, vers le 21 mai 1621.

 

            Ma tres chere Fille,

 

            J'ay tant escrit aujourd'huy, que je n'ay plus aucun moyen de vous escrire au long comme je desirerois. A moy ne tienne que la bonne Seur Marie entre en la Mayson [90] de la Visitation de Valence toutes les fois qu'il luy plaira, et Mlle de Conches aussi, asseuré qu'elles y [91] porteront des unguens et parfums de devotion qui seront de grande utilité pour encourager les Seurs. Entant que je puis, donq, je leur donne cette liberté. Mais veritablement, il faudra que Monseigneur de Valence ou le… authorise ces entrees, car ce sont eux qui en auront le vray pouvoir.

            Je partiray la semaine qui vient pour aller a Thonon, ou je ne seray que huit ou dix jours, pendant lesquelz nous parlerons bien de vous, le bon pere et les freres et moy ; ilz se portent tous tres bien. Les [filles] qui doivent venir icy [le feront environ] le tems marqué, avant que je parte ; ce pendant elles donneront ordre a leurs affaires et a l'asseurance de leur dot.

            Continues a estre toute a Nostre Seigneur, ma tres chere Fille, et salues toutes nos Seurs bien cherement, je vous en prie, et M. l'Abbé de Mauzac, et M. Brun qui est tout de mes amis.

            Je suis tres parfaitement vostre. Amen.

            .. may 1621. [92]

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MDCCXCVIII. A la Mère de Chantal, a Paris. Un « desplaysir » arrivant au milieu d'un sentiment de résignation. — Première impression au réveil. — Nouvelles de la santé de François de Sales. — Il s'occupe des livres réguliers de son Institut.

 

Annecy, [vers la fin de mai] 1621.

 

            Ma tres chere Mere,

 

            Vous verres en la lettre de ce bon Pere le desplaysir qui certes m'a un peu touché ; mais cette nouvelle m'ayant pris dans le sentiment que j'avois d'une totale resignation en la conduitte de la tressainte Providence, je n'ay rien dit en mon cœur, sinon : Ouy, Pere celeste, car tel est vostre bon playsir. Et ce matin, a mon premier reveil, il m'est venu une si forte impression de vivre tout a fait selon l'esprit de la foy et la pointe de l'ame, que, malgré mon ame et mon cœur, je veux ce que Dieu voudra, et je veux ce qui sera de son plus grand service, sans reserve ni de consolation sensible ni de consolation spirituelle ; et je prie Dieu que jamais il ne permette que je change de resolution.

            J'ay eu despuis Pasques, de perpetuelles incommodités ; mais je n'y voyois aucun remede ni aucun danger. Elles sont tout a fait passees, graces a Dieu, que je supplie de me les renvoyer quand il luy plaira.

            J'ay reveu les Directoires ; je les fay copier pour vous les envoyer. Je reverray aussi les Constitutions, affin qu'avant vostre depart vous les fassies reimprimer. Je les tiendray tous-jours courtes, reservant beaucoup de [93] choses pour mettre au livre des Advertissemens, la briefveté estant requise en semblables affaires ; et quand on escriroit trente ans, on n'empescheroit pas qu'il ne demeurast tous-jours quelque doute pour les espritz delicatz et barguignans. Le soin des Superieurs, leur devotion et leur esprit doit suppleer a tout.

            Mille tres cheres salutations a vostre chere ame, ma tres chere Mere, a laquelle Dieu m'a donné d'une maniere incomparable.

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCXCIX. A la Mère de la Roche, Supérieure de la Visitation d'Orléans (Fragment inédit). « Un couple de filles » cher à François de Sales.

 

Annecy, [mai ou juin 1621.]

 

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             [Dieu soit] loué que vous ayes la mon autre tres chere fille, la Mere Seur Marie de Jesus, qui m'a tant saintement aymé en ses plus jeunes annees et qui continue a cela. Certes, voyla un couple de filles que je salue souvent en esprit, et sur tout a la sainte Messe.

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Revu sur l'Autographe conservé au Carmel d'Orléans. [94]

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MDCCC. au prince de Piémont, Victor-Amédée. La bonté de Son Altesse, seul espoir d'un homme d'honneur chargé d'enfants.

 

Thonon, 1er juin 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Ce porteur, le sieur de Lespine, se treuvant accablé de la recherche qui se fait par la Chambre des Comptes des restatz et deniers desquelz feu son pere estoit demeuré debiteur et obligé, sans moyen quelcomque ni esperance de pouvoir exiger lesditz restatz qui sont deuz par les communes, lesquelles ont asses a faire de fournir aux charges presentes, il recourt a l'unique remede, qui est la bonté et debonaireté de Son Altesse et a la vostre, Monseigneur, affin qu'il luy playse d'estre propice a son impuissance et le delivrer de cette recherche. Et par ce qu'il est grandement chargé d'enfans et d'aillieurs homme d'honneur, je l'accompaigne de ma tres humble supplication et recommandation aupres de Vostre Altesse Serenissime, delaquelle je suis,

            Monseigneur,

Tres humble, tres obeissant orateur

et tres fidele serviteur,

FRANÇS E. de Geneve.

            A Thonon, le 1 juin 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [95]

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MDCCCI. A M. Barthélemy Flocard. Injustes soupçons sur de fidèles serviteurs de Henri de Nemours, dissipés. — En qui nous devons placer toute notre confiance.

 

Annecy, 7 juin 1621.

 

            Monsieur,

 

            Mille actions de graces de vos deux lettres, receues a Tonon, ou j'estois allé selon le commandement de Son Altesse et de Monseigneur le Serenissime Prince. Monsieur Le Poivre vous dira toutes nouvelles de Paris et de cette ville, et peut estre encor comme monsieur le procureur fiscal est tout a fait a luy, et grandement estimé pour le fidele service quil a rendu et rend tous les jours a Sa Grandeur.

            En somme, tout se raccommode avec le tems et l'entremise des amis aupres de ce grand Prince, et je ne doute point qu'ainsy encor se remettront les affaires de tous les autres que Sa Grandeur avoit soubçonnés de ne luy estre pas si utiles serviteurs. Quelle esperance donq pour nous autres qui n'avons jamais donné le moindre sujet de soupçon, mays sur tout pour vous qui, avec tant de veritable fidelité et utilité, travailles pour son service ! Je veux esperer que vous en seres tres bien contenté et recompensé.

            Cependant, si mes souhaitz sont exaucés, vous vivrés tout en Dieu, auquel seul il faut colloquer toute nostre [96] confiance, et me tiendres tous-jours de plus en plus, comme je le suis tres constamment et de tout mon cœur,

            Monsieur,

Vostre tres humble compere et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            7 juin 1621, Annessi.

            Mille remercimens du bon office fait vers M. de Saint Riran ; j'attendray ce que M. le President de Monthou m'en dira.

 

            A Monsieur

            Monsieur Flocard,

Conseiller et Collateral au Conseil de Genevois.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Hélène de Thiollaz,

au château de Monpont (Alby). [97]

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MDCCCII. A Madame Rivolat. Condoléances et consolations à une veuve affligée et souffrante.

 

11 juin [1615-1621.]

 

            Vous sachant vefve, ma chere Fille, je compatis a la douleur que vous aurés sentie en la separation que vous aves souffert, et vous exhorte neanmoins de ne point vous laisser emporter a la tristesse ; car la grace que Dieu vous a faite de le vouloir servir, vous oblige a vous consoler en luy ; et les filles de l'amour de Dieu ont tant de confiance en sa Bonté, que jamais elles ne se desolent, ayant un refuge auquel elles treuvent tout contentement. Qui a rencontré cette source d'eau vive ne peut longuement demeurer alteré des passions de cette vie miserable.

            Je sçai que vous estes malade ; mais, ma chere Fille, a mesure que vostre maladie redouble, vous deves redoubler vostre courage, en esperance que Celuy qui, pour monstrer son amour envers nous, a choysi la mort de la croix, vous tirera de plus en plus a son amour et a sa gloire par la croix et tribulation quil vous envoye. Ce pendant, je prieray Nostre Seigneur pour vous et vostre trespassé, et desire que vous me recommandies aussi souvent a la divine misericorde.

            Je suis en luy

Vostre humble, affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XI juin.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. Gaudin, à Pernes (Vaucluse). [98]

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MDCCCIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Comment faire fleurir la Sainte-Maison de Thonon. — Envoi d'un Mémoire.

 

Annecy, 12 juin 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Ayant visité la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, Ell' en recevra la relation, qui est toute la mesme que celle de messieurs de la Chambre des Comptes, et verra, s'il luy plait, les necessités qu'il y a d'y faire des establissemens permanens pour la faire fleurir selon la tres pieuse intention de Vostre Altesse qui l'a fondee. Dequoy escrivant un Memoire a part, dans le paquet que j'addresse a Monseigneur le Serenissime Prince pour moins importuner Vostre Altesse, il ne me reste que de continuer mes supplications a Dieu, qu'il face de plus en plus abonder Vostre Altesse en ses saintes benedictions ; qui suis a jamais et invariablement,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres-obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XII juin 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [99]

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MDCCCIV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. L'Evêque de Genève adresse au prince le compte-rendu de sa visite à la Sainte-Maison et quelques avis pour « remedier aux manquemens » qu'il y a trouvés. — Prière de poursuivre la réforme du clergé régulier et séculier.

 

Annecy, 12 juin 1621.

 

             Monseigneur,

 

            Vostre Altesse verra par le resultat ci joint ce qui a esté treuvé bon par les sieurs de Lescheraine et Bertier et moy touchant l'estat present de la Sainte Mayson de Thonon, en la visite que, par le commandement de Son Altesse et de la Vostre, Monseigneur, j'y ay faite ces jours passés. Mays les moyens de remedier aux manquemens qui y sont, je les ay mis a part en un [100] feüillet que je joins a cette lettre, laquelle je finis suppliant tres humblement Vostre Altesse de ne se point lasser en la poursuite et resolution que Dieu luy a inspiree de faire au plustost reformer l'estat ecclesiastique, tant regulier que seculier, de la province de deça, estant chose tres asseuree que Dieu contreschangera ce soin de Vostre Altesse de mille et mille benedictions que luy souhaitte incessamment,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, 12 juin 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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Advis particulier pour les necessités presentes de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, fondee par Son Altesse a Thonon

 

            Les huit prestres de la Congregation qui font le service en l'eglise de Nostre Dame et portent la charge des ames vivent veritablement en bons ecclesiastiques seculiers, sans scandale, et celebrent les saintes Messes journalieres qui ont esté establies. Mays premierement : l'eglise n'est pas entretenüe proprement, ni assortie des meubles convenables, par ce que lesditz prestres tirans un chacun son gage a part, il ny a pas dequoy fournir aux necessités communes, lesquelles ensuite sont negligees. Secondement, l'Office des Heures canoniales n'y est pas fait avec la bienseance et devotion exterieure qu'il seroit requis, lesditz ecclesiastiques n'estans pas duitz et nourris a cela, ains seulement assemblés sous la condition des gages. Tiercement, les maysons sont en mauvais estat, par ce que ladite Congregation n'en a point de soin, et ce, dautant [101] que tout le revenu d'icelle s'employe a l'entretenement des personnes et payement des gages ; de sorte que l'argent de Son Altesse manquant, il ny a pas ou prendre les commodités requises aux reparations. Quartement, le revenu de laditte Congregation n'est pas bien ramassé, parce que chascun y estant a gage particulier, nul ne fait le mesnage commun, ains donnent tout le bien a cense, et l'admodiateur gaigne une grande partie, de laquelle, par consequent, la Congregation est privee.

            L'unique remede a ces inconveniens seroit de composer cette Congregation, non de prestres a gages, mais de vrays prestres de l'Oratoire, ainsy que la Bulle fondamentale de la Sainte Mayson porte ; puisque mesmement il y en a en France qui, pour la communion du langage, pourront faire convenablement la charge des ames, et qu'il y en a qui sont sujetz de Son Altesse, et que tous demeurent entierement sous-mis a la jurisdiction des Evesques, en sorte que l'Evesque de Geneve, qui sera tous-jours dependant de Son Altesse, aura l'authorité de les contenir, sans qu'il soit necessaire de recourir hors de l'Estat. Et ainsy, le revenu que possedent a present les ecclesiastiques seculiers de Nostre Dame n'estant point employé en gages particuliers, ains estant mis tout en commun, il y aura dequoy faire une Congregation de beaucoup davantage de Peres, qui, mesnageant par leurs freres les biens, auront dequoy entretenir les meubles de l'eglise, les Offices et ce qui dependra d'eux, en une grande reverence et politesse : et cette partie de la Sainte Mayson, qui est la fondamentale, et laquelle paroist le moins, paroistra indubitablement le plus et edifiera infiniment. Et dautant que les prestres qui y sont maintenant sont gens de bien, on pourra leur prouvoir d'entretenement convenable leur vie durant, estans presque tous vieux, cependant que l'on introduira les Peres de l'Oratoire petit a petit, par les moyens qui seront advisés.

            Il y a encor un defaut notable en la Sainte Mayson, car il ny a point de refuge pour les convertis, qui [102] neanmoins y doit estre selon la premiere intention pour laquelle fut erigee cett'œuvre ; de sorte que mesme le sieur de Corsier, converti auquel on avoit assigné entretien, n'en a nulle sorte de commodité, et mourroit de faim si d'autres gens que ceux de la Sainte Mayson ne s'incommodoyent pour luy. Et neanmoins, il est gentilhomme de bon lieu et duquel la parentee a beaucoup souffert pour le service de Son Altesse ; il est tres homme de bien et bon ecclesiastique, mais non pas propre pour la charge des ames. Et de plus, il se convertit de tems en tems des honnestes hommes, comme de nouveau le sieur de Prez, sujet de Son Altesse et homme de grande capacité, qui demeure tout a fait sans secours de ce costé la.

            Or, a cela il ny a point de remede, sinon en faysant bien revenir les deniers de la fondation de Son Altesse, et ordonner que l'on face un establissement particulier pour ce membre de la Sainte Mayson.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCCV. Au même. Cisterciennes et Clarisses qui désirent une réforme. — Mesure à prendre pour l'établissement des Chartreux à Ripaille. — Les scandales de l'abbaye d'Aulps.

 

Annecy, 12 juin 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Puysque j'ay occasion d'escrire a Vostre Altesse Serenissime, je la supplie tres humblement d'avoir aggreable [103] que je luy represente l'extreme besoin qu'ont les Religieuses de Cisteaux de deça les mons, et celles de Sainte Claire hors la ville de Chamberi (sujettes au General des Conventuelz surnommés, de deça, de la Grand'manche), d'estre ou reformees ou changees selon le projet ci devant envoyé a Vostre Altesse ; et cela est dautant plus desirable que la plus part des Religieuses mesme le desirent et souspirent apres ce bien.

            J'adjousteray de plus, Monseigneur, qu'il seroit requis, pour l'establissement des PP. Chartreux a Ripaille et en l'abbaye d'Aux, que Vostre Altesse commandast et fit commander par leur General au P. D. Laurens de Saint Sixt, leur Procureur en Savoye, de se rendre aupres d'elle pour terminer ce projet ainsy qu'il est requis ; car, Monseigneur, de reformer ces Religieux d'Aux qui y sont maintenant, il est impossible. Monsieur l'Abbé de Tamié a fait ce qu'il a peu pour cela, et monsieur le President de Lescheraine ayant esté-la cette semaine, au retour de Tonon, y a treuvé un si extreme scandale qu'il ne sçait plus qu'en dire. Et par aventure, Monseigneur, qu'il seroit a propos que Vostre Altesse ou Monseigneur le Prince Cardinal appellast ledit sieur President [104] pour ouïr plus de particularités sur ce sujet et sur celuy de la Sainte Mayson que les escritz n'en peuvent declarer ; ce que je dis dautant plus volontier, que j'ay reconneu audit sieur de Lescheraine une grande suffisance d'esprit et beaucoup de bon zele.

            Dieu, par sa bonté, face de plus en plus prosperer Vostre Altesse, delaquelle je suis tout a fait,

            Monseigneur,

Tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XII juin 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCCVI. A un cardinal. (Inédite). Demande d'une dispense pour un jeune clerc nommé à un bénéfice.

 

Annecy, 22 juin 1621.

 

            Illustrissimo et Reverendissimo Signor mio colendissimo,

 

            Vacando la capellania di Nostra Signora della Consolatione [105] eretta nella parochia di Mentone, si è provisto di quella la persona di Bartolomeo Flocardo, ad instanza della famiglia de fondatori della quale egli è, et massime anco perchè è povero et non ha peraltro modo de vivere. Ma perchè egli non è di aetà per esser sacerdote infra annum, ha bisogno della dispensatione Apostolica, laquale si spera in favore de' prædecessori fondatori, delli quali questo Bartolomeo è nato. Et vengho a supplicar humilmente V. S. Illma et Rma che si degni favorirlo et far questa carità, essendo per altro detto Flocardo de boni costumi et di buon spirito. [106]

            Et così, basciando humilissimamente le mani de V. S. Illma, glie pregho dal Signore ogni vera felicità.

            Di V. S. Illma et Rma,

Humilissimo et divotissimo servitore,

FRANCO, Vescovo di Geneva.

            In Annessi, alli XXII di Giugnio 1621.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Hélène de Thiollaz, au château de Monpont (Alby).

 

 

 

            Illustrissime, Révérendissime et très vénéré Seigneur,

 

            La chapellenie de Notre-Dame de Consolation érigée dans la [105] paroisse de Menthon étant vacante, Barthélemy Flocard en a été pourvu sur les instances de la famille des fondateurs à laquelle il appartient, et surtout parce qu'il est pauvre et manque d'autres moyens de subsistance. Mais comme il n'a pas l'âge pour être prêtre dans le courant de l'année, la dispense Apostolique lui est nécessaire ; on l'espère en faveur des fondateurs ses prédécesseurs dont ce Barthélemy est issu. Je viens donc supplier humblement Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime de daigner le favoriser et faire cette charité, d'autant plus qu'il est de bonnes mœurs et de bon esprit. [106]

            Vous baisant très humblement les mains, je souhaite que Notre-Seigneur vous donne tout vrai bonheur, et suis,

            De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            Annecy, le 22 juin 1621.

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MDCCCVII. A Madame de Chamousset. Commune affliction en la perte du baron de Villette. — A Dieu de guérir les coeurs. — Pourquoi nous est donnée la vie en ce monde.

 

Annecy, 24 juillet 1621.

 

            Mon cœur ayme trop le vostre, Madame ma tres chere Cousine, ma Fille, pour ne voir pas et ne sentir pas sa douleur en cette si recente et veritablement grande perte que nous venons tous de faire. Mais, ma tres chere [107] Fille, de mettre la main a vostre cœur et d'entreprendre de le guerir, il ne m'appartient pas, et sur tout le mien estant certes des plus affligés de toute nostre parentee, comme celuy qui cherissoit passionnement ce cher oncle, qui m'honnoroit reciproquement, avec beaucoup d'affection, de sa digne et aymable bienveuillance.

            Je prie donq Dieu, ma chere Cousine, qu'il vous soulage luy mesme de sa sainte consolation, et qu'il vous face ramentevoir, en cette occasion, de toutes les resolutions qu'il vous a jamais donnees d'acquiescer en toutes occurrences a sa tressainte volonté, et de l'estime que sa divine Majesté vous a donnee de la tressainte eternité a laquelle nous devons esperer que la chere ame de celuy de qui nous ressentons la separation est arrivee ; car, helas ! ma chere Cousine, nous n'avons de vie en ce monde que pour aller a celle de Paradis, a laquelle nous nous avançons de jour en jour, et ne sçavons pas quand ce sera le jour de nostre arrivee. Or sus, vostre pere est hors du pelerinage plein de tant de travaux ; il est arrivé au lieu de son asseurance, et s'il ne possede pas encor la vie eternelle, il en possede la certitude, et nous contribuerons nos prieres a l'acceptation de son bonheur perdurable.

            Ma chere Cousine, je vous escris ainsy sans art, plein de desir que vous m'aymies tous-jours, et que vous croyies que je seray toute ma vie,

Vostre tres humble cousin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 24 julliet 1621. [108]

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MDCCCVIII. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. La prudence humaine bien éloignée de la pure charité. — Ce qu'il y a de naturel dans l'érection des Maisons religieuses ; ce qui doit être surnaturel. — Quel esprit le Fondateur veut voir régner dans sa Congrégation. — Le Maître et la Dame des Monastères de la Visitation.

 

Annecy, 24 juillet 1621.

 

            O ma tres chere Fille, quelle pitié de considerer les effectz de la prudence humaine en ces ames dont vous m'escrives ! Le mien et tien regnent d'autant plus puissamment es choses spirituelles, qu'il semble estre un mien et tien spirituel ; et cependant il est tout a fait non seulement naturel, mais charnel. O combien tout cela est esloigné de cette pure charité, qui n'a point de jalousie ni d'emulation, et qui ne cherche point ce qui luy appartient ! Ma Fille, cette prudence est opposee a ce doux repos que les enfans de Dieu doivent avoir en la Providence celeste. [109]

            On diroit que l'erection des Maysons religieuses et la vocation des ames se fait par les artifices de la sagesse naturelle ; et je croy, certes, que, quant aux murailles et a la charpenterie, l'artifice en peut estre naturel ; mais la vocation, l'union des ames appellees, la multiplication d'icelles, ou elle est surnaturelle, ou elle ne vaut rien tout a fait. Nous avons trop de considerations d'estat et trop de finesse mondaine en ces choses que Dieu fait par une speciale grace. Tous-jours les pauvres rejettees ont eu la benediction et la multiplication, comme Lia, Anne et les autres.

            Mays, ma tres chere Fille, il faut demeurer en paix, en douceur, en humilité, en dilection non feinte, sans se plaindre, sans remuer les levres. O si nous pouvons avoir un esprit d'une entiere dependance du soin paternel de nostre Dieu en nostre Congregation, nous verrons multiplier avec suavité les fleurs des autres jardins, et en benirons Dieu comme si c'estoit es nostres. Qu'importe il a une ame veritablement amante que le celeste Espoux soit servi par ce moyen ou par un autre ? Qui ne cherche que le contentement du Bienaymé, il est content de tout ce qui le contente. Croyes moy, le bien qui est vray bien ne craint point d'estre diminué par le surcroist d'un autre vray bien.

            Servons bien Dieu, et ne disons point : Que mangerons nous ? que boirons nous ? d'ou nous viendront des Seurs ? C'est au Maistre de la mayson d'avoir cette sollicitude, et a la Dame de nos logis de les meubler ; et nos Maysons sont a Dieu et a sa sainte Mere. Dissimules avec amour toutes ces petites tricheries humaines, ma tres chere Fille ; donnes, tant que vous pourres, l'esprit d'une veritable et tres humble generosité a nos cheres Seurs, que je salue de toute mon ame. [110]

            Vous estes tous-jours plus ma tres chere fille et tout a fait bienaymee, et je suis

Vostre tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 24 julliet 1621.

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MDCCCIX. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. Témoignage rendu au zèle et au talent de M. de la Pesse. — Un moyen, pour le prince, de montrer son contentement à ses serviteurs et de tenir en ordre ses affaires.

 

Annecy, 25 juillet 1621.

 

            Monseigneur,

 

            J'attens de jour a autre le despart de monsieur de Varenne pour vous envoyer le certificat de l'execution fidele du vœu que Vostre Grandeur m'avoit confié pour Nostre Dame de Laurette. Mays ce pendant, monsieur de la Pesse m'ayant communiqué la prætention qu'il a de perseverer au service qu'il a exercé ci devant en vostre Conseil de ce pays, je me sens obligé de recommander a Vostre Grandeur sa tres humble supplication, non seulement par ce qu'il est fort homme de bien, mais par ce qu'il s'est tres affectionnement employé en sa charge en un tems difficile et pour des occasions esquelles on ne pouvoit pas nier qu'il ne fallut qu'il eüt du zele et du courage ; et peut on dire que sans la fermeté et la diligence [111] de monsieur le collateral Floccard son beaufrere, et la sienne, le sieur Bonfilz, qui avoit une grande industrie et un grand support, ne fut jamais venu au compte auquel l'authorité de Son Altesse l'a reduit. Et par ce, Monseigneur, que je suys tesmoin d'une partie du soin que ledit sieur Floccard et le sieur de la Pesse ont eü pour cela, je ne fay nulle difficulté d'interceder maintenant en ce sujet, auquel il me semble que Vostre Grandeur doit tesmoigner le gré qu'elle sçait a ses serviteurs quand ilz luy ont rendu des bons services ; laissant a part que la tranquillité et l'asseurance des serviteurs anime et tient en ordre les affaires, comme les mouvemens ont accoustumé de les embarasser.

            Et je supplie tres humblement Vostre Grandeur de croire que je luy propose mes sentimens avec fidelité et sincerité, n'ayant aucun interest en toute cett' affaire que celuy de son service et du repos de ceux qui y sont et s'y [112] employe (sic) utilement. Je me promez de Vostre Grandeur cette creance, selon vostre bonté,

            Monseigneur, qui suys invariablement

Vostre tres humble et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXV julliet 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Brioude.

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MDCCCX. Au Baron Gaspard de Chevron-Villette. Condoléances et consolations.

 

Annecy, 28 juillet 1621.

 

            Monsieur mon Cousin,

 

            Ce porteur va de la part de M. de Chalcedoine et du Chevalier, mes freres, comme aussi de la mienne, pour vous offrir nostre service en cette occasion de la perte que vous aves faite, laquelle, comme elle est extreme, aussi nous la ressentons vivement avec vous ; et ne laissons pas pourtant de vous prier de soulager vostre cœur de tout vostre pouvoir, en consideration de la grace que Dieu vous a faite, et a tous ceux qui ont le bien de vous appartenir, vous ayant laissé la jouissance de ce bon pere a longues annees, ne l'ayant retiré qu'a l'aage apres lequel cette vie ne pouvoit plus guere durer sans beaucoup de peines et de travaux qui accompaignent ordinairement la viellesse.

            Mais vous deves encor plus vous consoler dequoy ce bon pere a vescu toutes ses annees dedans l'honneur et [113] la vertu, en l'estime publique, en l'affection de sa parentee et de tous ceux qui le connoissoyent, et en fin dequoy il est decedé dans le sein de l'Eglise et parmi les actions de la pieté : de sorte que vous aves dequoy esperer qu'il vous assistera mesme en la vie des Bienheureux.

            Et tandis, je vous offre de rechef mon fidele service, et a madame la Baronne de [Villette] ma cousine, qui suis de tout mon cœur,

            Monsieur mon Cousin,

Vostre tres affectionné cousin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 28 julliet 1621.

MDCCCXI. A la Mère de Chantal, a Paris. Salut et souhait au cœur de la Mère de Chantal. — Condescendances paternelles. — Le prix de la paix. — Pourquoi « il faut tenir bon dans l'enclos » des Règles. — Edification donnée par les Sœurs d'Annecy. — Hommage d'honneur et de respect à l'Archevêque de Bourges, persécuté.

 

Annecy, vers la fin de juillet 1621.

 

            Ma tres cher e Mere,

 

            Dieu qui a disposé de nos ames pour n'en faire qu'une en sa dilection, soit a jamais beni. Je salue vostre cœur qui m'est plus pretieux que le mien propre. Hé ! que je desire que nostre vie ne vive pas en nous, mais en la vie de Jesus Christ Nostre Seigneur ! Et que puis je desirer de mieux pour nostre cœur ?

            Pour la grande fille, je luy escriray au premier jour, [114] car je voy bien que nous sommes en une sayson en laquelle il faut que les peres commencent a faire leur paix. Helas ! il est pourtant vray que mon cœur n'a point de tort ; car j'escrivis innocemment et tout a fait sans fiel, quoy qu'avec un peu de liberté et contre le sentiment de cette fille. La haine irreconciliable que j'ay aux proces, aux contentions et aux tracas, me fit escrire ainsy.

             Puisque le Reverend Pere et vous treuves bon de donner la somme que vous me marques, je l'appreuve grandement, puisque cela est plus conforme a la douceur que Nostre Seigneur enseigne a ses enfans. Je voudrois pourtant bien que cette chere fille prattiquast de son costé ce mesme enseignement, et j'espere qu'elle le fera un jour. O que la paix est une sainte marchandise qui merite d'estre achetee cherement !

            Ouy, je dis qu'il faut tenir bon dans l'enclos de nos Regles et de nostre Institut, car Dieu ne l'a pas produit pour neant, ni ne l'a pas fait desirer en tant de lieux pour estre changé. L'edification que les Maysons donnent tous les jours fait foy de l'intention du Saint Esprit ; car c'est merveille combien la reputation de la vie devote s'aggrandit par la communication de nos Seurs, lesquelles je voy aussi proffiter tous les jours et devenir plus affectionnees a la pureté et sainteté de vie. Je fus une heure et demie au parloir : je vis troys de nos Seurs, et je fus fort consolé de voir comme la vraye lumiere leur fait voir la verité des grandes et profondes maximes de la perfection, qui plus qui moins, mais toutes, a mon advis, avancees ; [115] et plusieurs dames estrangeres qui les ont veuës s'en sont allees les larmes aux yeux et avec des goustz extremes.

            Ma tres chere Mere, je salue vostre cœur de tout le mien, qui est tres parfaitement et irrevocablement vostre en Nostre Seigneur, nostre unique amour. Je salue toutes nos Seurs, et vous supplie de saluer tres humblement Monseigneur nostre Archevesque, que je ne puis asses dignement honnorer a mon gré despuis qu'il a esté persecuté a la façon des anciens Evesques de l'Eglise. Je voudrois bien luy pouvoir manifester le sentiment d'honneur et de respect que j'ay pour luy.

            Je suis de plus en plus, ma tres chere Mere, tout uniquement vostre en Nostre Seigneur. Dieu soit beni.

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCCXII. A une personne inconnue (Fragment). Un portrait peu ressemblant d'une grande servante de Dieu. — La faute que regrette François de Sales, et quelle en fut la cause.

 

Annecy, [juin-août] 1621.

 

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            Vous desires de voir le portrait de la tres devote madamoyselle Acarie que m'a fait avoir sa fille aisnee, Prieure [116] des Carmelines d'Orleans. Il n'a pas tout a fait son air, mais seulement un peu, et la forme de son visage : si vous en desires un, je vous le feray faire par nostre peintre.

            Ce fut une grande servante de Dieu, que j'ay confessee plusieurs fois et presqu'ordinairement six mois durant, et notamment en ses maladies de ce tems la. O que je fis une grande faute de ne pas faire mon profit de sa tres-sainte conversation ! car elle m'eust tres volontier communiqué toute son ame ; mays l'infini respect que je luy portois me retenoit de l'enquerir. On a imprimé sa Vie, que je receu seulement hier. Dieu veuille qu'elle soit autant exactement escrite comme je sçai qu'elle le sera veritablement, l'autheur estant un grand serviteur de Dieu.

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MDCCCXIII. A Madame des Gouffiers. Démarche paternelle du Saint auprès d'une personne froissée des avis reçus. — Mélange d'humilité, d'affection et de fermeté. — Mieux vaut perdre une fille spirituelle que de manquer à la sincérité envers les âmes.

 

Annecy, 2 août 1621.

 

            Je crains en fin, si nous demeurons ainsy sans dire mot, ma tres chere Fille, que vostre cœur n'apprenne petit a petit a me des-aymer, et certes je ne le voudrois pas, car il me semble que la chere amitié que vous aves [117] euë pour moy n'ayant pris ni peu prendre source que de la volonté de Dieu, il ne la faut pas laisser perir ; et quant a celle que Dieu m'a donnee pour vostre ame, je la tiens tous-jours vive et imperissable en mon cœur.

            Or sus, puisque la methode de ce tems porte que c'est au Pere de commencer et recommencer l'entretien et le sacré commerce de l'affection, dites tout ce que vous voudres, ma chere Fille, mais en effect vous aves tort. Ma lettre n'estoit certes point si amere qu'une douce fille ne l'eust addoucie ; elle estoit toute pleyne d'une paternelle confiance. Et je veux bien qu'il y eust de la rusticité : mais faut il se despiter pour cela ? Vous sçaves bien le païs ou vous m'aves pris : deves vous attendre des fruitz delicatz d'un arbre des montaignes, et encor, d'un si pauvre arbre comme moy ? Oh ! bien, ne me soyes plus que ce qu'il vous plaira ; moy, je seray tous-jours vostre, mais je dis tout a fait, et, si je ne puis autre chose, je ne cesseray point de le tesmoigner devant Dieu es saintz Sacrifices que j'offriray a sa Bonté.

            O ma Fille, ma Fille, Dieu veuille faire regner l'esprit de Jesus Christ crucifié sur nostre esprit, affin que nostre esprit vive selon cet esprit souverain qui m'a rendu et me conserve eternellement vostre. Et croyes que mon cœur, placé au milieu des montaignes de neige et parmi la glace de mes propres infirmités, n'a point eu de froideur pour le cœur de ma tres chere Fille, que ce mien malheur me ravit, mays que j'ayme mieux perdre, pourveu que Dieu ne soit point courroucé, que de manquer en la sainte sincerité que j'ay voüee au service de son ame que je ne sçaurois flatter sans la trahir, ni trahir sans la perdre ; et cette perte-la seroit mon affliction, car j'ayme cette fille, comme estant

Son tres humble Pere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Ce 2 aoust 1621. [118]

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MDCCCXIV. A la Sœur le Jay, prétendante tourière de la Visitation de Paris. Une condition de « grand proffit » en la Maison de Dieu. — Heureux changement de maîtres. — La fonction des tourières : sa noblesse et son importance.

 

Annecy, 2 août 1621.

 

            Ma tres chere Fille,

 

            Je suis grandement consolé de sçavoir que vous estes arrestee plus particulierement au service de Nostre Seigneur en la Mayson de sa tressainte Mere, en une condition que j'estime de grand proffit : J'ay choisi d'estre abject, dit le Prophete, en la mayson de mon Dieu, plus que d'habiter les tabernacles des grans, qui souvent ne sont pas si pieux.

            Vous aves esté heureuse d'avoir jusques a present servi Dieu en la personne d'une maistresse de laquelle Dieu est le Maistre et avec laquelle vous cives eu toutes sortes de sujetz de proffiter spirituellement ; mais vous estes encor plus heureuse d'aller servir ce mesme Seigneur en la personne de celles qui, pour le mieux servir, ont quitté toutes choses. C'est un grand honneur, ma chere Fille, [119] d'avoir en charge la conservation d'une mayson toute composee d'espouses de Nostre Seigneur ; car, qui garde les portes, les tours et les parloirs des monasteres, il garde la paix, la tranquillité et la devotion de la mayson, et de plus, peut grandement edifier ceux qui ont besoin d'aborder le monastere. Il n'y a rien de petit au service de Dieu, mais il m'est advis que cette charge du tour est de tres grande importance, et grandement utile a celles qui l'exercent avec humilité et consideration.

            Je vous remercie de la participation que vous m'aves donnee de vostre contentement, et vous prie de saluer mesdames de Lamoignon, et, quand vous la verres, madame de Villeneuve.

Vostre tres humble frere et serviteur

en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Ce 2 aoust 1621. [120]

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MDCCCXV. A Madame de Villeneuve. Peine de la destinataire sur le prochain départ de la Mère de Chantal. — Paris et les montagnes de Savoie. — Regard vers l'éternité. — Un désir de la Sœur Hélène-Angélique Lhuillier et une promesse du Fondateur. — Le Saint-Esprit, lien des âmes.

 

Annecy, 2 août 1621.

 

            Certes, vous estes grandement ma tres chere fille ; or, penses donq si mon cœur n'est pas touché de tendreté sur l'apprehension que vous me tesmoignes par vostre derniere, du retour de nostre tres chere Mere de Sainte Marie en ce païs. Oh ! si Dieu avoit disposé que nous fussions tous-jours ensemble, que ce seroit une chose suave ! Mais quel moyen, ma tres chere Fille ? Nos montagnes gasteroyent Paris et empescheroyent le cours de la Seine si elles y estoyent, et Paris affameroit nos vallees s'il estoit parmi ces montagnes. Un jour, ou plustost en la tres-sainte eternité a laquelle nous aspirons, nous serons tous-jours presens les uns aux autres, si nous vivons en ce passage selon la volonté de Dieu.

            Je le croy bien, ma tres chere Fille, que nostre chere Seur Helene Angelique, nostre chere fondatrice, voudroit ou retenir la sa chere Mere, ou venir icy avec elle. O que si cela estoit convenable, que volontier je desirerois de la voir un peu en ces desers ! Mays il ne faut pas seulement [121] y penser. Une chose vous puis je dire : que cette tant chere Mere differera sa venue jusques a l'extremité, quoy qu'elle soit grandement desiree et requise icy ; mays nous nous promettons aussi que le tems estant venu, vous recevres doucement la separation de cette ame, laquelle ne sera pas une mort comme l'est la separation que l'ame fait de son cors, car le Saint Esprit, qui est la vie de nos cœurs, vous animera tous-jours de son saint amour, et vous tiendra de plus en plus unie a nous et nous a vous.

            Salues, je vous supplie, cherement le cœur de la tres aymee Seur Helene Angelique, qui est bien heureuse de s'estre quittee d'elle mesme pour estre tout a fait a Dieu, qui la benisse et vous aussi, Madame ma tres chere Fille.

            2 aoust 1621.

 

Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation du 1er Monastère de Paris, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

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MDCCCXVI. A M. Magnin (Inédite). Salutation et gratitude.

 

Annecy, 3 août 1621.

 

            Monsieur,

 

            Le sire Pierre Richard allant expres a Lyon pour vous offrir son service et s'asseurer de vostre bienveuillance, [122] je l'accompaigne volontier pour vous saluer et vous remercier de l'affection qu'il vous a pleu de me tesmoigner, particulierement des mon retour de Lyon ; vous priant de tout mon cœur de continuer, comme je persevereray toute ma vie au desir de vous rendre service, qui suis de tout mon cœur,

            Monsieur,

Vostre affectionné et plus humble voysin

et serviteur en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            3 aoust 1621, Annessi.

             [Je me réjouis] infiniment du progres que Dieu donne aux justes [armes] du Roy. Je salue de toute mon affection monsieur de Saunax, avec esperance de luy escrire au premier jour sur les affaires qu'[il] sçait.

 

            A Monsieur

Monsieur Magnin, marchand

            a Lyon.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Lennick Saint-Quentin (Belgique). [123]

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MDCCCXVII. A la Mère de la Martinière, Supérieure de la Visitation de Valence. Dieu, qui donne les charges, donne en même temps son secours pour les remplir. — Humilité et vaillance. — L'importance du gouvernement d'un Monastère.

 

Annecy, 4 août 1621.

 

            Je vous connois asses, ma tres chere Seur, ma Fille, pour vous cherir de tout mon cœur en la dilection de Nostre Seigneur, qui, ayant disposé de vous pour la charge en laquelle vous estes, s'est par consequent obligé soy mesme a soy mesme de vous prester sa tressainte main en toutes les occasions de vostre office, pourveu que vous correspondies de vostre part par une sainte et tres humble, mais tres courageuse confiance en sa bonté. Dieu appelle a son service les choses qui ne sont point comme les choses qui sont, et se sert du rien comme du beaucoup pour la gloire de son nom.

            Demeures en vostre propre abjection comme dans la chaire de vostre superiorité, et soyes vaillamment humble et humblement vaillante en Celuy qui fit le grand coup de sa puissance en l'humilité de sa Croix.

            Une fille ou femme qui est appellee au gouvernement d'un Monastere est appellee a une grande besoigne et de grande importance, sur tout quand c'est pour fonder et [124] establir ; mais Dieu estend son bras tout puissant a mesure de l'œuvre qu'il donne. Tenes vos yeux en ce grand Sauveur, et il vous delivrera de la pusillanimité et de l'orage.

            Ces Seurs qui sont avec vous sont bien heureuses de servir la, par leur bon exemple et humble observance, de fondement a cet edifice spirituel. Je suis a jamais

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur

en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 4 aoust 1621.

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MDCCCXVIII. A Madame Le Loup de Montfan. Le grand défaut que peut avoir l'amour, hors celui de Dieu. — « Passeport » et « excuse » de l'excès dans la tendresse des mères. — Douce réprimande.

 

Annecy, 4 août 1621.

 

            Madame,

 

            Je vous honnore, et madame vostre fille, tres parfaitement, et voudrois bien contribuer tout ce qui seroit en moy pour vostre contentement reciproque. A elle, s'il plaist a Dieu, j'en diray mon opinion a part ; mais a vous, je le dis maintenant, me promettant que vostre bon courage le prendra en bonne part.

            Madame, l'amour, quel qu'il soit, si ce n'est celuy de Dieu, peut estre trop grand, et quand il est trop grand il est dangereux. Il passionne l'ame, parce qu'estant une [125] passion et la maistresse des passions, il agite et trouble l'esprit ; parce que c'est une perturbation, et treuvant des regles, il desregle toute l'economie de nos affections. Or ne faut il pas croire, Madame, que l'amour des meres envers les enfans ne puisse estre de mesme ; ains, il l'est d'autant plus librement qu'il semble qu'il le soit loysiblement, avec le passeport, ce semble, de l'inclination naturelle, et l'excuse de la bonté du cœur des meres.

            Nous parlons asses souvent de vous, le bon Pere [Bonaventure] et moy, et nous en parlons avec respect et dilection. Neanmoins, vous me pardonneres, s'il vous plaist ; mais quand il me raconte les eslans et presseures de vostre cœur sur la maladie de madame de [Dalet], je ne me puis tenir de dire qu'il y avoit de l'exces. Or sus, mais si vous treuves que je die trop librement ma pensee et que j'aye tort, quel moyen y auroit il de m'excuser ? Et toutefois je ne desire nullement de rien perdre de vostre bienveuillance, car je l'estime trop, et prise infiniment le cœur dont elle vient et l'esprit de son origine. Et en somme, je veux dire en un mot, que vous aves tant de puissance a mouvoir les cœurs, que le mien ayant sceu les traitz de vostre esprit, en estant tout espris, vous n'aves pas besoin d'estre aydee pour mouvoir celuy de madame de [Dalet] a tout ce qu'il vous plaira ; m'asseurant qu'apres les forces de l'Esprit de Dieu, auquel il faut que tout cede, les vostres seront en toutes occurrences les plus grandes.

            Vives a Dieu, Madame, et a la tressainte Trinité, en laquelle je suis

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, jour de Saint Dominique, 1621.

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MDCCCXIX. A la Mère de Chantal, a Paris. Départ trop précipité d'un porteur. — Le Saint revise les Constitutions de son Institut. — Il faut souffrir les lenteurs des officiers de la Cour de Rome, puisqu'on s'est inopportunément mis à leur merci. — M. Rolland, démissionnaire de son canonicat pour mieux servir son Evêque. — « Deux grandes Filles » qui « sont un peu de l'humeur de leur Pere. » — Le retour de la Mère de Chantal et les inclinations du Fondateur. — Un archevêque sans archevêché. — Tristesse de François de Sales au sujet de Mme des Gouffiers.

 

Annecy, 7 août 1621.

 

            Si celuy qui doit porter ces lettres part, comm'il dit, demain de grand matin, certes, ma pauvre tres chere Mere, il n'y a pas moyen de vous envoyer les Constitutions jusques a la semaine suivante ; car il faut que je les revoye, ayant des-ja, des le commencement, treuvé des fautes en l'escriture. Or, je les vous envoyeray ou par cette commodité, si le porteur retarde un jour de plus, ou par la fine premiere qui se presentera, laquelle sera bien tost. Or, ce sera a vous de voir si on les fera imprimer a Paris ou a Lyon.

            De Rome, je n'ay encor nulles nouvelles des le despart de M. Michel. J'en attens tous les jours, mais les choses y vont avec tant de tardiveté, que si je me croyois moy mesme, je ferois ce que ceux qui y sont et qui entendent les affaires disent de nous, et particulierement de moy : Nous importunons a force de demander des choses que nous pouvons faire sans les demander ; et neanmoins, puisque nous les demandons, il faut souffrir de ne les point avoir que sous les conditions ordinaires de ceux qui les expedient. Or sus, puisque toutefois nous sommes en ce train, nous ne devons rien oublier pour obtenir, et nous n'oublierons rien, Dieu aydant. [127]

            Je suis bien marry dequoy nostre fille a perdu son filz, et ne laisse pas pour cela d'esperer qu'elle portera plus heureusement ceux que Dieu luy donnera ci apres.

            Quand il sera tems de vous envoyer un ecclesiastique pour vous accompaigner au retour, vous m'advertires, et je vous envoyeray ou M. Michel, ou M. Rolland qui a une affaire par dela, laquelle il pourroit peut estre bien faire en ce tems la, et vous serviroit bien au voyage pour tout le tems que vous desireries, puisqu'il n'est plus chanoine de Nostre Dame, ayant quitté cette place pour avoir plus de commodité de faire ce que je desire de luy ; mays il ne faut encor pas faire bruit de ceci.

            Nous attendons le P. [D.] Juste, pour Saint Laurent, et nous sçaurons ce que l'on devra attendre du Monastere de Turin ; et en cas qu'on n'y aille pas, au moins si tost, on pourroit laisser davantage nostre grande Fille a Montferrand, ou l'employer ailleurs, sil estoit treuvé expedient.

            Ces deux grandes Filles de Montferrand et d'Orleans sont un peu de l'humeur de leur Pere, elles sont un peu penchantes du costé de la condescendance et complaysance au parloir ; mais il sera aysé de les moderer en bonne partie, car du tout, il ny a pas moyen. M. de Chalcedoine m'a corrigé de ce costé la, et nous vivons avec plus de regie, mays il m'eschappe tous-jours de faire quelque faute ; et bien que ce soit fort peu, neanmoins mes vielles habitudes m'estant imputees, on me compte une faute pour trois.

            Ma tres chere Mere, si vous connoissies qu'il fust plus utile que vous demeurassies la encor quelque tems, quoy que mes sens y repugnent, ne laisses pas de demeurer doucement, car je me plais a gourmander cet homme [128] exterieur ; et j'appelle l'homme exterieur mon esprit mesme, entant qu'il suit ses inclinations naturelles. Or je dis cecy pour ce que vous me dites en vostre derniere lettre.

            Si tost que nous aurons des nouvelles de Dijon, je vous en advertiray, et je me doute que ce soit pour une Mayson, parce que le P. Arviset, Jesuite, me dit a Lyon que cela se traittoit encor.

            J'ay releu vostre lettre, et je treuve que nostre Mgr l'Archevesque est fort bien recompensé. Dieu veuille que les habitans de Bourges le soyent aussi, et je l'espere, puisque celuy qui succede est si capable et homme de bien ; mays je ne sçai si c'est le Penitentier de Bourges ou celuy de Paris. Je vous supplie, ma chere Mere, de bien cherement saluer ce cher Archevesque qui sera tous-jours mon Archevesque, nonobstant qu'il quitte son archevesché et que j'en aye un autre a Vienne.

            Je suis, ma tres chere Mere, et suis tous-jours plus entierement, plus invariablement et plus parfaitement vostre, et tous-jours plus incomparablement.

            Je suis de l'advis du P. Binet pour nostre seur de Gouffiez, et neanmoins je voudrois bien regaigner son cœur, car il me semble qu'elle n'en treuvera pas un qui soit plus pour elle que le mien ; et il n'est pas bon d'abandonner les amitiés que Dieu seul nous avoit donnees. Et [129] je me souviens tous-jours que cette fille couroit un jour si vistement a la dilection de Dieu et despouillement de soy mesme, que je suis tout estonné de voir qu'elle se soit revestue derechef d'elle mesme, et si fortement. O pleust a Dieu que jamais elle ne fust partie d'icy ! Dieu eust bien treuvé d'autres moyens d'eriger la Mayson de Moulins et de Paris. Toutefois, je me reprens, et dis que Dieu a tout bien fait et a tout bien permis, et espere que, comme sans nous il nous avoit donné cette fille, sans nous aussi il la nous redonnera, si tel est son bon playsir. Mais de l'inviter a venir, il ne le faut pas faire, si Dieu ne nous fait expressement connoistre qu'il le veuille ; il luy faut laisser faire ce coup purement a luy, selon sa douce Providence.

            Helas ! je pensois escrire a ma tous-jours plus chere fille Mme de Port Royal, et il n'y a moyen, non plus que de vous envoyer les Constitutions ; ce sera au premier jour. O que j'ay le cœur affligé sur la nouvelle du trespas de M. de Termes !

            Le 7 aoust 1621.

 

A ma tres chere Mere,

            Madame de Chantal,

            Superieure de Ste Marie.

            A Paris.

 

Revu sur une copie conservée à la Visitation de Montélimar. [130]

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MDCCCXX. A une dame. La bonne « affaire que de n'avoir point de proces ! » — Félicitations à la destinataire de ce qu'elle fait pour les éviter. — « Se contenter en la suffisance. » — Conseils et décisions pour la confession. — De quoi dépend surtout notre perfection. — Petites obéissances. — A quelle leçon remettre un esprit vif et subtil.

 

Annecy, 21 août 1621.

 

            J'attendois tous-jours que cette bonne fille vint pour vous escrire plus confidemment, ma tres chere Fille, car je sçavois qu'elle viendroit bien tost.

            J'escris a M. selon vostre desir, bien content que je suis de vous pouvoir rendre quelque petit service, mesme pour vos affaires domestiques, et sur tout puisqu'elles sont utiles au bien de vostre ame pour laquelle j'ayme tout ce qui vous appartient. O que c'est un bon affaire que de n'avoir point de proces ! Je suis marri dequoy a Chamberi on ne parle quasi que de cela, et qu'on en parle si chaudement et si passionnement ; et je suis consolé dequoy vous aves essayé d'accommoder celuy duquel vous m'escrives, et dequoy vous en parles avec le respect qui est deu a la partie, et dequoy monsieur vostre mary se rend si facile a lascher le sien pour l'assoupir.

            Dieu soit loüé du contentement que vous aves de la suffisance qu'il vous a donnee ! Et continues bien a luy en rendre graces ; car c'est la vraye beatitude de cette vie temporelle et civile, de se contenter en la suffisance, parce que, qui ne se contente de cela ne se contentera jamais de rien, et, comme vostre livre dit (puisque vous l'appelles vostre livre), a qui « ce qui suffit ne suffit pas, rien ne » luy suffira jamais. Or, aymés le donq, ce pauvre livre, ma tres chere Fille, et puisque Dieu y a mis des [131] consolations pour vous, pries bien sa sainte Bonté qu'il vous donne le goust pour les bien savourer et les rendre utiles a vostre chere ame, pour bien se nourrir au pur amour celeste pour lequel elle fut faite.

            Au reste, ma tres chere Fille, cette si grande crainte qui vous a ci devant si cruellement angoissee doit estre meshuy terminee, puisque vous aves toutes les asseurances qui se peuvent avoir en ce monde d'avoir fort entierement expié vos pechés par le saint Sacrement de Penitence. Non, il ne faut nullement revoquer en doute que les dependances de vos fautes n'ayent esté suffisamment exprimees ; car tous les theologiens sont d'accord qu'il n'est nullement besoin de dire toutes les dependances ni les acheminemens du peché. Qui dit : J'ay tué un homme, il n'est pas besoin qu'il die qu'il a tiré son espee, ni qu'il a esté cause de plusieurs desplaysirs aux parens, ni qu'il a scandalizé ceux qui l'ont veu, ni qu'il a troublé la ruë en laquelle il l'a tué ; car tout cela s'entend asses sans qu'on le die ; et suffit seulement de dire qu'il a tué un homme par cholere, ou de guet a pend par vengeance, qu'il estoit homme simple ou ecclesiastique : et puis, laisser le jugement a celuy qui vous escoute. Qui dit qu'il a bruslé une mayson, il n'est pas requis qu'il die ce qui estoit dedans par le menu ; ains suffit de dire s'il y avoit des gens dedans, ou s'il n'y en avoit point.

            O ma tres chere Fille, demeures tout a fait en paix ; vos confessions ont esté bonnes jusques a l'exces. Pensés meshuy a vostre advancement a la vertu, et ne pensés plus aux pechés passés sinon pour vous humilier doucement devant Dieu et benir sa misericorde qui vous les a pardonnés par l'application des divins Sacremens.

            L'Introduction a la Vie devote est toute souëfve et bonne pour vous, ma tres chere Fille. Ce qui vous estonne, c'est que vous voudries estre tout a coup telle qu'elle prescrit ; et toutefois, ma tres chere Fille, cette mesme Introduction vous inculque que de composer vostre vie a ses enseignemens n'est pas la besoigne d'un jour, ains de toute nostre vie, et que nous ne nous devons nullement estonner des imperfections qui nous arrivent parmi les [132] exercices de nostre entreprise. Ma Fille, la devotion n'est pas une piece qu'il faille avoir a force de bras : il faut voirement y travailler, mais la grande besoigne depend de la confiance en Dieu ; il y faut aller bellement, quoy que soigneusement.

            Il est vray, certes, que l'obeissance vous sera fort utile ; et puisque vous desires que ce soit moy qui vous en impose les loix, en voyci quelques unes :

            Premierement, une fois le jour vous vous prosterneres devant Dieu, et, levant les yeux au ciel, vous feres le signe de la Croix sur vous, adorant Dieu ; et vous releveres.

            2. Vous feres un acte d'humilité tous les jours, donnant la salutation du bon jour ou du bon soir a quelqu'un de vos serviteurs ou servantes, avec un acte interieur par lequel vous reconnoistres cette personne-la vostre compaigne en la redemption que Nostre Seigneur a faite pour elle.

            3. Vous appelleres le plus souvent que vous pourres vostre servante ma mie.

            4. Vous lires tous les jours au moins une page de quelque livre spirituel.

            5. Vous ne vous confesseres jamais d'avoir violé ces petites obeissances, quand mesme vous ne les observeres point, puisqu'elles ne vous obligent ni a peché mortel ni a peché veniel ; ains seulement, de tems en tems, vous m'advertires si vous les observes.

            Il vous servira, si vous vous accoustumes de recommander une fois le jour mon ame avec la vostre a la misericorde de Dieu, par quelque orayson jaculatoire, comme en sortant de table : O Dieu, ayes pitié de nous et nous receves entre les bras de vostre misericorde.

            Ma Fille, tout ceci est menu, mais profitable ; et avec le tems nous pourrons en changer, ou adjouster. Ne vous lasses point, ma tres chere Fille ; il faut remettre vostre esprit, qui est vif et subtil, en la leçon de l'enfance. Alles ainsy tout bellement, et Dieu vous aggrandira. Escrives moy quand il vous plaira.

            Or sus, il faut finir, ma tres chere Fille. Dieu soit a [133] jamais au milieu de vostre chere ame, et je suis tout a fait, de toute la mienne et d'une affection toute sincerement paternelle,

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 21 aoust 1621.

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MDCCCXXI. A la Mère de Chantal, a Paris. L'effort de l'amour impuissant. — Repos en la Providence. — Ce que doivent faire les « enfans du travail et de la mort de nostre Sauveur. » — Contradictions au sujet de l'Office récité par les Sœurs de la Visitation. — L'avis d'un solliciteur en Cour de Rome. — Plan des monastères.

 

Annecy, 24 août 1621.

 

            O mon Dieu, ma chere Mere, que j'ay esté ayse ce matin de treuver mon Dieu si grand que je ne pouvois seulement pas asses imaginer sa grandeur ! mais puisque je ne le puis magnifier ni aggrandir, je veux bien, Dieu aydant, annoncer par tout sa grandeur et immensité. Cependant, cachons doucement nostre petitesse en cette grandeur ; et, comme un petit poussin tout couvert des aisles de sa mere demeure en asseurance et tout chaudement, reposons nos cœurs sous la douce et amoureuse providence de Nostre Seigneur, et abritons nous chaudement sous sa sainte protection. J'ay bien eu d'autres bonnes pensees, mais plustost par maniere d'escoulement de cœur en l'eternité et en l'Eternel que par maniere de discours.

            Dieu soit loué dequoy vous estes en vostre mayson. Les difficultés que vous aves euës d'y aller y affermiront vostre demeure, selon la methode qu'il plait a Dieu d'employer en son service.

            Je juge qu'il soit a propos que vous revenies avec une bonne resignation pour retourner la quand le service de Dieu le requerra ; car il faut ainsy vivre une vie exposee au travail, puisque nous sommes enfans du travail et de la mort de nostre Sauveur. Mais vous ne vous deves point haster ; car, comme vous dites, l'hyver ne vous empeschera point vostre voyage, estant necessaire que vous arresties un peu parmi vos Filles qui sont en France.

            Helas ! que je deplore affectionnement cette absolue separation que cette grande fille fait de nous pour demeurer a la mercy du monde ! Or neanmoins je n'en puis mais.

            Quant a l'Office, on m'a dit qu'on y treuvoit a redire dequoy, es festes principales, on mettoit les Pseaumes de Nostre Dame avec le chapitre, les versetz et l'orayson du jour. Mon Dieu, que cette plainte est delicate ! Les Peres de l'Oratoire font bien plus ; et en Italie, plusieurs Evesques ont composé tout entierement les Offices des Saintz de leurs Eglises. Mais il n'y a remede, il faut [135] souffrir que chacun parle a son gré ; et pour addoucir tout, tant que nous pourrons, il faudra donq dire tout a fait l'Office de Nostre Dame, et a la fin adjouster une commemoration du jour, car a cela on n'auroit rien a dire.

            On a obtenu a Rome la continuation du petit Office encor pour dix ans, apres les sept escheus que l'on avoit des-ja. Mon solliciteur dit que l'on a tort de recourir a Rome pour les choses esquelles on s'en peut passer, et des Cardinaux l'ont dit aussi : car, disent ilz, il y a des choses qui n'ont point besoin d'estre authorisees parce qu'elles sont loysibles, lesquelles quand on veut authoriser sont examinees diversement ; et le Pape est bien ayse que la coustume authorise plusieurs choses qu'il ne veut pas authoriser luy mesme, a cause des consequences. Mais de cela nous en parlerons a vostre retour.

            J'ay fait faire icy un beau plan de monastere que je vous envoyeray au premier jour ; et celuy qui l'a fait est tres bon maistre, et l'a fait sur les descriptions que saint Charles a fait faire des monasteres, en s'accommodant neanmoins a l'usage de la Visitation. Et je pense qu'il faudra faire, au plus pres qu'il se pourra, selon la commodité des lieux, tous les monasteres ainsy ; et tous-jours les treilles bien ferrees et les jalousies de bois esloignees des grilles ; car c'est un grand playsir de parler en asseurance es parloirs. Il faudra aussi mettre un balustre derriere la grille du chœur, en la mesme façon qu'au parloir. [136]

            J'attens M. Crichant, que je caresseray de tout mon cœur. Dieu vous benisse, ma tres chere Mere, et vous sanctifie de plus en plus. Je suis pour jamais, ma tres chere Mere, vostre, comme vous sçaves.

FRANÇS, E. de Geneve.

            Ce 24 aoust 1621.

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MDCCCXXII. A M. Roch Calcagni. Remerciements et offres de services.

 

Annecy, 30 août 1621.

 

            Monsieur,

 

            J'ay tous-jours conservé la vive affection que vos merites ont aquise sur moy des il y a long tems, et a laquelle vous m'aves obligé par les demonstrations d'amitié dont vous m'aves favorisé, particulierement au passage de monsieur Michel par vostre ville. Je vous en remercie [137] donq bien humblement, et vous prie de croire que je conserveray constamment le desir que j'ay tous-jours protesté, de vous honnorer de tout mon cœur et madamoyselle vostre femme, et de vous rendre toute ma vie service, si jamais je suis si heureux que d'en avoir le moyen. Au moins rendray je ce devoir a vostre bienveüillance de prier Dieu qu'il vous comble de ses cheres graces, qui suys,             Monsieur,

Vostre bien humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXX aoust 1621, Annessi.

 

            A Monsieur

Monsieur Calcagne.

            A Playsance.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à Plaisance (Italie).

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MDCCCXXIII. A la Présidente de Sautereau. Souvenir fidèle et reconnaissant. — Grand avantage des afflictions.

 

Annecy, 30 août 1621.

 

            Madame,

 

            Je continueray toute ma vie en l'affection que Dieu m'a fait concevoir et que les faveurs receues de vostre mayson m'obligent d'avoir, pour vous honnorer avec un'invariable et extreme dilection. Ce papier ne vous est presenté que pour vous ramentevoir cette verité, puisque la suffisance du porteur m'excuse de vous entretenir davantage, et le peu de loysir que j'ay m'empesche de le pouvoir faire. [138]

            Madame, je vous regarde en esprit, et quoy que tous-jours vous ayes tenu vostre cœur en Dieu, il m'est advis que maintenant il est encor plus entierement attaché a sa Bonté, n'ayant plus aucun objet avec luy, comme il n'en eut jamais sans luy, ni hors de luy. Vives ainsy, Madame, en cet estat auquel la condition de cette vie mortelle vous a reduit. Que bienheureuses sont les afflictions qui relevent et lancent nos affections en Celuy qui est le Pere de misericorde et le Dieu de toute consolation !

            Je suis sans fin, Madame,

Vostre tres humble et fort fidele serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            30 aoust 1621.

 

            A Madame

Madame la Presidente de Sautereau.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Grenoble, à la Bibliothèque de la Ville

(N°739).

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MDCCCXXIV. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Une œuvre de piété qu'il faut soutenir et affermir.

 

Annecy, 31 août 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Entre toutes les œuvres de pieté par lesquelles Vostre Altesse a signalé sa devotion envers la tressainte Vierge Mere de nostre Sauveur, il n'y en a peut estre point de plus illustre que celle de la fondation de la Sainte Mayson de Thonon ; mays, pour l'affermir, il faut remedier a quelques defautz quy y sont. Et par ce que monsieur le President de Lescheraine, qui vint sur le lieu aux festes de Pentecoste de la part de Vostre Altesse, en [139] sçait toutes les particularités, je la supplie tres humblement de l'oüir ou faire ouir sur cela, et de seconder de sa protection une si digne fondation ; qui suys invariablement,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            31 aoust 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCCXXV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Ce qu'il faudrait pour empêcher la décadence de la Sainte-Maison de Thonon. — Supplique pour l'établissement des Pères de l'Oratoire à Rumilly, et la réforme de quelques Monastères.

 

Annecy, 31 août 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Puysque monsieur le President de Lescheraine aura l'honneur de vous faire la reverence et qu'il fut l'autre jour a Tonon pour voir, de la part de Son Altesse, l'estat de la Sainte Mayson de Nostre Dame de Compassion, je m'asseure que Vostre Altesse desirera de sçavoir toutes les particularités des defautz qu'il y aura remarqués. Et je ne doute point qu'il ne represente a Vostre Altesse, qu'entre tous les remedes par lesquelz on peut le mieux empescher la decadence de ce lieu de pieté, l'introduction des Peres de l'Oratoire seroit le plus propre, ainsy qu'estans a Tonon ensemblement nous l'avions jugé ; dont j'ay des-ja donné advis [à] Vostre Altesse Serenissime, laquelle je supplie tres humblement de proteger tous-jours cette Sainte Mayson, comme un œuvre de grande qualité pour la gloire de Dieu et le lustre du nom de la serenissime Mayson de Son Altesse, de la main delaquelle est sortie cette piece de devotion, affin qu'elle ne [140] perisse pas, ou du moins qu'elle ne perde pas, faute de bon ordre, la grande reputation sous laquelle ell' a esté fondee contre l'heresie et pour l'accroissement de la sainte religion catholique.

            Je supplie encor Vostre Altesse Serenissime de se resouvenir de l'establissement des Prestres de l'Oratoire en l'eglise de Rumilly, en l'occasion qui se presente maintenant, que le sieur de Saunas, sujet de Son Altesse, un jeune gentilhomme des plus sçavans theologiens de son aage, y desire contribuer sa personne des-ja vouee a cette Congregation, et son prieuré de Chindrieu, et que le Curé de Rumilly, decrepite et extremement malade, est jugé a mort par les medecins qui asseurent que dans bien peu de jours il decedera.

            Je supplie encor Vostre Altesse de jetter les yeux de sa bonté et de son zele sur les Monasteres de Cisteaux, de Saint Benoist et de Saint Augustin de deça les montz, ou la Regie n'est point observee, et ou elle ne peut estre restablie, ni mesme es Religions des filles ou ell'est si necessaire, sans l'execution des projetz que Vostre Altesse fit icy en cette ville, dont je luy envoyay le Memoire l'annee passee.

            Et faysant en toute humilité la reverence a Vostre Altesse, je demeure,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            31 aoust 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [141]

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MDCCCXXVI. A la Mère de Chantal, a Paris (Fragments). Respect des Religieuses de la Visitation pour leurs curés. — La charitable réception des infirmes ne restera pas sans récompense.

 

Annecy, [août] 1621.

 

            Ma tres chere Mere,

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Je ne croy pas que monsieur le Curé de Saint Paul vous face aucune sorte d'ennuy, puisqu'il n'y a point de Religion qui porte tant de respect aux curés que la vostre, ni qui ayt tant de convenance avec l'estat ordinaire de l'Eglise.

            J'ay treuvé fort bon que la Superieure puisse oster, quand bon luy semblera, les officieres, comme c'est a elle de les establir.

            Je suis bien ayse aussi que vous aymies les boiteuses, les bossues, les borgnes et mesme les aveugles, pourveu qu'elles veuillent estre droittes d'intention ; car elles ne laisseront pas d'etre belles et parfaites au Ciel. Et si l'on persevere a faire la charité a celles qui ont ces imperfections corporelles, Dieu en fera venir, contre la prudence humaine, une quantité de belles et aggreables, mesme selon les yeux du monde. [142]

            Ma tres chere Mere, je suis tres parfaitement vostre tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCCXXVII. A Madame Amaury. Faire toutes choses en leur temps. — Une obéissance très agréable à Dieu ; exemple de la Sainte Vierge. — Double sacrifice de « la brebis » et de « la brebiette ». — Mme Amaury tapissant l « oratoire » de la Visitation de Paris.

 

Annecy, [août-septembre] 1621.

 

            Vostre lettre que M. Crichant m'a rendue m'est de grande consolation, ma tres chere Fille, estant ayse de voir que, comme je n'oublie point vostre cœur, il n'oublie pas nomplus le mien.

            Vous aves rayson, certes, de benir Dieu sur l'inspiration [143] qu'il donne a vostre fille, la choisissant pour le meilleur parti de cette vie mortelle. Mays, ma Fille, il faut faire toutes choses en leur tems. Ce n'est pas certes moy qui ay præfigé l'aage auquel il faut que les filles soyent Religieuses, ains le sacré Concile de Trente. Croyes moy, ma tres chere Fille, s'il ny a rien d'extraordinaire qui presse, demeures sousmise en paix a l'obeissance des loix ordinaires de l'Eglise. Mieux vaut l'obeissance que les victimes. C'est une sorte d'obeissance grandement aggreable a Dieu, que de ne point desirer de dispense sans grande occasion. Nostre Dame n'en demanda point pour enfanter avant le terme ordinaire, ni pour parler avec Nostre Seigneur avant l'aage auquel les enfans ont accoustumé de parler.

            Marches ainsy doucement, et tout vous reüscira a benediction, et pour vostre personne mesme. Apres l'enfant, Dieu ouvrira la porte a la mere ; et il n'est pas defendu de cuire, au sacrifice, la brebis au lait de la brebiette.

            En toute occasion, je vous serviray tres affectionnement. Vous estes hors de necessité d'estre aydee en ces occasions, puisque Dieu vous a laissé le R. P. Suffren, et que ces Seurs de la Visitation sont [tant obligées a votre dilection.] Et puisque vous aves monté sur l'eschelle pour tapisser leur or[atoire au jour de leur entrée en leur] nouvelle mayson, elles [doivent] beaucoup faire pour [144] tapisser leur monastere de vos [bonnes affections et de celles de votre chère fille.]

Recommandes moy a la misericorde de Dieu et a la bonté de sa Mere.

Vostre plus humble et plus affectionné

frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Madame

Madame Amaury.

            A Paris.

 

Revu en partie sur l'Autographe conservé à la Visitation de Meaux.

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MDCCCXXVIII. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon (Inédite). Progrès de la Sœur de Blonay en calligraphie. — Bonté paternelle du Saint. — Nouvelles de famille.

 

Annecy, 20 septembre 1621.

 

            Certes, vous estes bien brave, ma tres chere Fille, de sçavoir si bien escrire ; mays pour vous rendre maistresse en ce mestier, il faut forcer vostre main, pour un tems, d'escrire ainsy a tous, et non seulement a moy qui, plus que tous peut estre, supporterois plus doucement vostre mauvaise escriture.

            Dieu, par sa bonté, tienne de sa sainte main madamoyselle de la Ramilliere par tout ou ell'ira, et vous console de plus en plus en son saint service. Monsieur de Blonnay vostre pere, et M. le Prieur vostre frere, souperent [145] hier ceans, et ce porteur, qui est bien fort de mes amis, vous dira quilz se portent tres bien. A la premiere occasion je vous escriray tout amplement, car je suis tout a fait vostre.

            Dieu soyt a jamais nostre Tout, et a toutes nos Seurs, et a M. Brun.

            Annessi, le XX septembre 1621.

 

            A la Mere Supre de Lyon.

 

Revu sur l'Autographe qui, en 1896, se conservait à la Bibliothèque Royale de Turin.

 

MDCCCXXIX. A Madame de Villeneuve. Un amour qui vient du « Maistre et Createur de l'amour. » — Douces plaintes « apprestees au verjus. » — Pourquoi Mme Flocard mérite d'être aimée.

 

Annecy, 20 septembre 1621.

 

            Ouy certes, il est vray, ma tres chere Fille, j'ay tort, mais je dis tres grand tort, si je ne vous cheris d'une dilection toute particuliere. Vostre cœur, qui en a une singuliere pour le mien, merite, pour le moins, bien ce reciproque. Mays avec cela, ma tres chere Fille, le Maistre et le Createur de l'amour a fait celuy qu'il m'a donné pour vous d'une façon que, le recevant, je le doy employer de toutes mes forces. Aussi fay-je certes, ma tres chere Fille ; luy mesme, l'autheur, le sçait et le void bien, et je ne doute point qu'il n'en asseure vostre esprit. [146]

            Non, non, ma Fille, n'ayes pas crainte de me surprendre, j'entens tres bien vostre langage : vos plaintes ne sont pas aigres, ce sont des douceurs d'un enfant envers son pere ; si elles sont apprestees au verjus, ce n'est que pour leur donner le haut goust. Faites en seulement souvent de ces plaintes, ma tres chere Fille, affin qu'autant de foys que vous feres semblant de ne croire pas que vous estes ma tres particulierement tres chere fille, je proteste de mon costé que vous l'estes et le seres a jamais invariablement ; car j'ay un extreme playsir a repeter cette verité.

            O que nostre tres chere Seur Helene Angelique est bienheureuse d'estre en cette vocation avec le bon playsir de Dieu, qui luy donne la clarté et la consolation convenable et propre a graver profondement son tressaint et pur amour en son cœur.

            M. Flocard qui vouloit revenir icy a cause de sa femme, avoit rayson, car sa femme est digne d'estre aymee, puisqu'elle tasche de tout son cœur de bien aymer Dieu ; et ayant sceu l'honneur que vous faites a son mari … tous-jours privee de la presence de son mari qui est en Piemont des il y [a] 11 moys.

            Or sus, ma tres chere Fille, je suis invariablement et tres singulierement

Vostre tres humble et tres fidele serviteur.

 

            Et vous estes ma tres chere fille en Celuy qui est nostre Tout, qui est beni es siecles des siecles.

            20 septembre 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Thinault, à Poitiers. [147]

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MDCCCXXX. A une dame de Paris. Quels sont les services que Dieu préfère. — Lenteur des meilleurs arbres à produire leurs fruits. — Un secret de la Providence. — Comment un Saint achève sa page.

 

Annecy, 20 septembre 1621.

 

            Ce m'a esté une tres douce consolation de sçavoir des nouvelles de vostre ame, ma tres chere Fille, de vostre ame, dis je, qu'en toute verité la mienne cherit tres singulierement.

            La peine que vous aves a vous mettre en l'orayson n'en diminuera point le prix devant Dieu, qui prefere les services qu'on luy rend parmi les contradictions, tant interieures qu'exterieures, a ceux que l'on luy fait entre les suavités ; puysque luy mesme, pour nous rendre aymables a son Pere eternel, nous a reconciliés a sa Majesté en son sang, en ses travaux, en sa mort.

            Et ne vous estonnes nullement si vous ne voyes pas encor beaucoup d'avancement, ni pour vos affaires spirituelles, ni pour les temporelles. Tous les arbres, ma tres chere Fille, ne produisent pas leurs fruitz en mesme sayson ; ains, ceux qui les jettent meilleurs demeurent aussi plus long tems a les produire, et la palme mesme cent ans, a ce qu'on dit. Dieu a caché dans le secret de sa providence la marque du tems auquel il vous veut exaucer et la façon en laquelle il vous exaucera ; et peut estre vous exaucera il excellemment en ne vous exauçant pas selon vos pensees, mais selon les siennes.

            Demeures ainsy en paix, ma tres chere Fille, entre les bras paternelz, du soin tres amoureux que le souverain Pere celeste a et aura de vous, puisque vous estes sienne et n'estes plus vostre ; car en cela ay je une suavité nompareille de me ramentevoir le jour auquel, prosternee [148] devant les pieds de sa misericorde, apres vostre confession, vous luy dediastes vostre personne et vostre vie, pour, en tout et par tout, demeurer humblement et filialement sousmise a sa tressainte volonté.

            Ainsy donq soit il, ma tres chere Fille ; et je suis irrevocablement

Vostre tres humble et obeissant serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 20 septembre 1621.

 

            O mon Dieu, ma tres chere Fille, que cette Providence eternelle a de moyens differens de gratifier les siens ! O que c'est une grande faveur quand il conserve et reserve ses gratifications pourfla vie eternelle !

            J'ay dit ce mot pour achever de remplir la page. Dieu soit a jamais nostre Tout. Amen.

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MDCCCXXXI. A Madame Baudeau. Pourquoi François de Sales conseille à la destinataire de rester sous la conduite de son confesseur ordinaire. — Comment user de la direction de l'Evêque de Belley.

 

Annecy, 20 septembre 1621.

 

            Dieu soit au milieu de vostre chere ame, ma tres chere Fille, pour y regner a toute æternité.

Je suis consolé de la consolation que vous avés dequoy Monseigneur de Belley est vostre Praelat, bien que ce soit [149] avec ma perte. Je me confie en sa bonté qu'il vous verra de bon cœur es occurrences de vostre profit spirituel ; mays puisque vous me demandes mon advis, je vous diray, ma chere Fille, que c'est un personnage grandement appliqué au service de Dieu et de son Eglise, au milieu de Paris qui est un monde ou tant de gens voudront avoir part a sa charité, que vous deves faire vostre exercice ordinaire a l'Oratoire, sous la conduite de vostre Pere ordinaire, qui est, ce me semble, le P. Menan, et de troys moys en troys moys voir ce grand Prælat pour la suavité de vostre esprit.

            Ma tres chere Fille, je vous dis en toute verité que j'ay du contentement bien particulier a penser en vous, ayant conneu en vostre cœur une veritable inspiration de bien servir Nostre Seigneur par la sainte obeissance que vous deves a sa volonté. C'est un grand bonheur que ce soit en cet aage, en cette condition et en cette ville.

            Aymes moy tous-jours saintement, ma tres chere Fille, comme de tout mon cœur je vous souhaite mille et mille benedictions.

            XX septembre 1621.

 

            A Madame

Madame Baudeau, marchande gantiere.

            A la Perdrix, au Pont aux Oyseaux.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse. [150]

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MDCCCXXXI. A Madame Baudeau. Ce que sont pour l'Evêque de Genève les lettres et l'âme de la Mère de Chantal ; désir de la revoir en Savoie. — Les Constitutions de la Visitation et le privilège du petit Office. — Projets de fondations en Provence et dans la Val d'Aoste. — Heureuse mort de M. de Termes. — Intérêt affectueux pour la parenté de la Sainte. — Nouvelles de la Communauté d'Annecy. — Dijon va recevoir les Filles de Sainte-Marie. — Un point d'observance à insérer dans leurs Constitutions. — Accablement d'affaires. — François de Sales condescend à soigner sa santé. — Promesse de lettres.

 

Annecy, 21 septembre 1621.

 

            Je viens finalement a vous, ma tres chere Mere, pour vous dire que j'ay receu trois de vos cheres lettres, et vous rens graces du soin que vous aves de m'escrire ainsy souvent ; aussi est ce la plus grande consolation que j'aye en cett' espece, car vos lettres sont, en comparaison de toutes les autres, ce que m'est vostre chere ame en parangon des autres, selon qu'il a pleu a Dieu de le faire.

            Vous aves donq esté bien malade, puysque vostre cœur n'a pas peu dissimuler qu'il ne pouvoit pas donner asses de force a vostre cors pour aller a Bourges. Ayes en soin encor de ce cors, car il est a Dieu, ma tres chere Mere. Ce qui ne se peut faire aujourd'huy se fera demain, et ce qui ne se peut faire icy se fera au Ciel.

            Le porteur, M. Crichant, que j'ayme grandement, vous dira en quel estat nous sommes en ce païs ; et dans quinze jours ou troys semaines nous verrons, comme j'espere, clair en nos affaires. Alhors, si je voy qu'il soit a propos, je vous envoyeray un homme pour vous accompaigner. Si moins, je vous laisseray encor la en paix, quoy qu'avec quelque sorte d'impatience de vous revoir de deça, puisque, comme vous m'escrives, l'air de Paris ne vous est pas salutaire. [151]

            Voyla les Constitutions. De sçavoir si, en les faysant reimprimer, il faudra les faire de rechef appreuver par les docteurs de Paris, c'est a l'imprimeur de le sçavoir. Je pense, quant a moy, que non, puisque mesme M. de Damas, qui a appreuvé la premiere impression, est docteur de Paris.

            Il est vray qu'il ne faut plus recourir a Rome, puisque on peut eviter cet incomparable tracas qu'on y a en telles matieres. Le Pape a octroyé encor pour dix ans le petit Office ; reste de sçavoir si on fera tirer le despeche, car il coustera encor peut estre beaucoup.

            Deux maysons de Congregation de Provence, qui ne sont es terres du Pape, veulent estre reduites en Monasteres de nostre Institut et en ont escrit a Grenoble affin d'y pouvoir envoyer des filles pour faire le novitiat ; si cela reuscit, ce sera par l'ordre de Rome, et cela affirmera de plus en plus l'approbation, comm' aussi un autre Monastere ancien de la Val d'Aouste, qui fera mesme supplication. En somme, si ces examinateurs et censeurs sans authorité, qui font tant de questions sur toutes choses, se peuvent donner un peu de patience, ilz verront que tout est de Dieu.

            Je ne pense pas qu'il faille pour encor employer vostre argent en des chandeliers ; j'en diray la rayson a M. Crichant, si je m'en resouviens tantost qu'il va partir.

            M. Jantet ne part pas encor, et je reserveray a ce [152] tems-la d'escrire a beaucoup de dames ausquelles il ne m'est pas possible de faire response maintenant. Je receu hier des lettres de Paris, mais je n'ay eu loysir encor de les voir, a cause de nos troubles qui m'entretindrent hier au soir bien tard avec M. le President, pour conferer de plusieurs choses.

            O certes, il est vray, la mort de M. de Termes m'a infiniment tourmenté le cœur ; je ne puis m'empescher que je n'en sente de tems en tems des vives atteintes ; mays il est bien heureux d'estre mort si chrestiennement, et pour une si juste cause.

            Je recommande a Dieu monsieur vostre filz et vostre beaufilz et monsieur vostre neveu, et tout ce a quoy vostre maternité m'oblige. J'ay grand' envie d'escrire a nostre Monseigneur l'Archevesque quand il sera dehors de Bourges ; il me semble que Dieu l'ayme bien. J'escriray a nos Seurs Anne Catherine, Jeanne Marie et Helene Angelique.

            Nos Seurs d'icy sont toutes bien, et nous avons des [153] braves et douces Novices, que j'ay confessees avec les autres pour l'extraordinaire d'aoust, et je les treuve a mon gré. Il y a quantité de bonnes et braves postulantes, non en la mayson, car il n'y en a plus, mays parmi ce païs.

            Quand je sçauray ce que je pourray faire pour ma tres chere fille de Port Royal, je le feray, mays de quel cœur ! C'est beaucoup que sa mere soit gaignee. Hier je receu une lettre de madame la Premiere de Bourgoigne, qui m'escrit que nos Seurs seront receues a Dijon pour la Saint Martin ; si cela est, voyla une nouvelle peine pour vous. Je n'ay point veu madame de Royssieux, ni ne sçai pas ou elle est, bien que par la lettre de madame la Premiere il semble qu'elle ne soit plus a Dijon. [154]

            Il sembleroit bon que l'on mist es Constitutions que la Superieure puisse changer les officieres a son gré parmi l'annee, mais je n'ay pas eu le loysir de l'inserer : faites le, s'il vous plait, a l'endroit le plus convenable.

            En somme, je me porte bien, mais je confesse que je suis plus accablé d'affaires que jamais. Mon diocese m'en donne a cause de quelques accidens et d'une pretention que M. Crichant vous dira.

            Le bon Pere Binet ne me presse point de vous laisser ; je luy escriray par M. Jantet, et [à] madame la Marquise de Menelay qui [m'a écrit] si cordialement. Nous vivons de regie quant au manger, et je n'escris plus le soir, parce que mes yeux ne le peuvent pas porter, ni certes mon estomach. Il ne tiendra pas a moy que je ne soys longuement vieux.

            J'escriray par M. Jantet a Orleans, a nostre Superieure, et a toutes nos Superieures, et a la bonne Mere des Carmelites d'Orleans et a la Sousprieure. Cette bonne Mere m'est une si parfaitement bonne fille … des-ja il y a vingt ans.

            Dieu vous conserve, Dieu vous benisse, Dieu vous remplisse de plus en plus de son tressaint amour. Amen, ma tres chere Mere.

            Le 21 septembre 1621. [155]

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MDCCCXXXIII. Aux Religieux du Monastère de Sixt (Inédite). Exhortation à parachever la réforme du Monastère par la Profession religieuse.

 

Annecy, 23 septembre 1621.

 

            Messieurs mes Confreres,

 

            Ayant treuvé icy monsieur Lachat, Curé de Vuallier, j'ay voulu employer sa bonne volonté pour vous faire tenir en main propre ces quattre motz, par lesquelz je desire vous ramentevoir l'affection que vous aves tesmoigné ci devant, de vouloir faire la Profession de Religion, qui est grandement necessaire pour le bon establissement de vostre Monastere. Et partant, je vous prie de prendre une finale resolution du tems convenable et des personnes que vous desires qui vous y assistent ; et m'en advertissant, je donneray ordre de mon costé affin que rien ne vous manque, moyennant la grace de Dieu, lequel ce pendant je prie vous combler de sa sainte grace ; qui suis,

            Messieurs,

Vostre tres humble et tres affectionné confrere,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le XXIII septembre 1621.

 

            A Messieurs

Messieurs les Religieux de Sixt.

 

Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [156]

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MDCCCXXXIV. A Madame d'Aiguebelette. Souffrir souvent doit apprendre à bien souffrir. — Délicatesse et prudence du saint Evêque au sujet d'un avis contraire au sien pour la fréquence des Communions.

 

Annecy, 25 septembre 1621.

 

            Je vous voy bien tous-jours, ma tres chere Fille, sur vostre lit et parmi plusieurs sortes d'afflictions. Que si mon cœur sçavoit treuver quelque bon allegement pour le vostre, il le contribueroit tres affectionnement. Mays, ma Fille, tout ce que je sçai pour cela, vous le sçaves, et l'ordinaire hantise que les desplaysirs ont avec vous, vous aura rendue encor plus sçavante en l'art de bien souffrir. En somme, qui veut bien recevoir les coups des accidens de cette vie mortelle, il doit tenir son esprit en la tressainte volonté de Dieu et son esperance en la bienheureuse seternité. Tout ce tracas de peines et d'ennuys passera bien tost, ce ne sont que des momens ; et puis, nous n'avons encor point respandu de sang pour Celuy qui respandit tout le sien pour nous sur la croix.

            Je suis consolé de la consolation que vous prenes en la reception du tres divin Sacrement, mais je n'ay pas eu le loysir de parler au bon P. Recteur du desir que vous auries de communier plus souvent ; et de plus, je n'eusse pas osé, n'estant pas la rayson que je donne la leçon a des si braves maistres. Si c'estoit luy seul qui retranchast les Communions, j'auroys bien eu asses de courage ; mays quand c'est par l'advis de toute la Compaignie, il me suffit bien d'user de mon opinion contraire, [157] sans que je les importune contre la leur. Je croy bien que la resolution que la Compaignie a pris sur cela, est en partie fondee sur l'extreme incommodité que ce leur seroit sil failloit estre si souvent au confessional, ayans tant d'autres saintes occupations ; mais il faut s'accommoder a cela et tant mieux ruminer la Communion du dimanche toute la semaine suivante. Ma tres chere Fille, Dieu benira vostre sousmission, et supleera a la consolation que vous auries de communier plus souvent, par celle que vous aures d'avoir obei a vostre confesseur.

            Je suis de plus en plus tout vostre.

F., E. de Geneve.

            XXV septembre 1621.

 

A Madame d'Aiguebellete.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Cracovie.

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MDCCCXXXV. Au Père François Billet, Oratorien (Inédite). Mémoires envoyés et à envoyer pour l'établissement des Oratoriens à Rumilly.

 

Annecy, 27 septembre 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je vous envoye le Memoire requis pour retirer les fruitz que, par artifice, on veut celer appartenir a la cure [158] de Rumilly, et avec cela le double de la response que Monseigneur le Prince a fait a la lettre par laquelle je luy ramentevois le desir qu'il a eu de l'introduction des RR. PP. de l'Oratoire en l'eglise de ce lieu la ; et lundi prochain je luy envoyeray les Memoires qu'il demande, affin quil ne tienne pas a moy que sa commission [d'] institution ne soit bien tost executee.

            Je vous prie de saluer madame de la Flechere, qui m'excusera bien si je ne luy escris pas, n'en ayant nul loysir. Je suis,

            Monsieur,

Vostre tres humble et tres affectionné confrere,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le 27 septembre 1621.

 

Au Reverend Pere Billet.

 

Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. [159]

 

MDCCCXXXVI. A Madame de Pechpeirou. Trois mots d'affection. — Humble demande de prières.

 

Annecy, 12 octobre 1621.

 

            Tenes, voyla donq, ma tres chere Fille, trois motz tout fin seulz, pour vous dire que mon cœur cherit le vostre et luy desire mille et mille benedictions, affin quil vive constant et consolé parmi les accidens si varians de cette vie mortelle.

            Mays pries bien Dieu, ma tres chere Fille, qu'il me face la misericorde de me pardonner mes pechés, affin que je puisse un jour voir sa sainte face avec vous et nostre chere madame de Villesavin, es siecles des siecles. Amen.

Vostre serviteur tres humble,

FRANÇS, E. de Geneve.

            12 octobre 1621.

 

            A Madamoyselle

Madamoyselle de Piperou.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. La Caille, à Paris. [160]

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MDCCCXXXVII. A Don Juste Guérin, Barnabite. Cordiale jalousie et défi d'amitié. — La Cour céleste et la cour terrestre à une cérémonie de prise d'habit.— Princesses pleines d'humilité « en leur serenissime altesse et grandeur. »

 

Annecy, 12 octobre 1621.

 

            O mon tres cher Pere, Que mes yeux portent d'envie a ceux de N. et de ce garçon mon neveu, car ilz vous verront. Mais je ne porte point d'envie au cœur de qui que ce soit, car jamais il n'y en aura qui vous ayme et cherisse plus que le mien fait, et si je ne craignois d'offencer celuy de ma tres chere fille (dites moy son nom moderne), je dirois absolument : ni tant que le mien fait et fera a jamais.

            Or sus, que fait elle, cette chere fille ? M. N. et M. N. me firent un grand cas dequoy toute la cour de Madame, des serenissimes Princes et Princesses, furent a sa reception au novitiat ; et moy, je me res-jouys en la creance que j'ay dequoy Nostre Dame, les Anges et les Saintz de Paradis y furent et l'honnorerent de leur attention, et Dieu nostre Seigneur de sa benediction.

            Nous sommes apres a faire les formalités pour le prieuré. O mon Dieu, que le monde est fascheux en ces saintes occasions !

            Mais dites moy, je vous prie, mon tres cher Pere, puis [161] je loysiblement oser vous supplier de faire tres humblement la reverence de ma part a nos Serenissimes Dames Infantes, ou du moins a la Serenissime Princesse Catherine ? car, mon Pere, si cela est bonnement permis a mon indignité, faites le, je vous en prie de tout mon cœur, et dites leur que je les revere infiniment a cause de leur altesse, que je regarde avec toute extreme sousmission ; mais que je les revere tres infiniment a rayson de la profonde humilité qu'elles prattiquent en leur serenissime altesse et grandeur. Au moins, mon Reverend Pere, faites bien sçavoir a la Serenissime Infante Catherine que je luy souhaite les benedictions des plus serenissimes Princesses qui furent jamais, et sur tout la perseverance aux desirs fervens d'aymer de plus en plus Jesus Christ crucifié, qui est la benediction des benedictions.

            O mon Pere, on me presse, et il faut faire partir cet enfant, qui est vostre puisqu'il est mien, filz de mon frere, qui me le donna, mourant tout a fait comme un saint entre mes bras, comme l'autre mourut entre les vostres.

            Je suis tout vostre, mon cher Pere, je dis tout vostre, sans reserve.

FRANÇS, E. de Geneve.

            Ce 12 octobre 1621. [162]

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MDCCCXXXVIII. A la Princesse de Piémont, Christine de France (Inédite). Un neveu de François de Sales, page de Madame. Délicate manière de remercier.

 

Annecy, 19 octobre 1621.

            Madame,

 

            Ce m'est un si grand honneur qu'il ayt pleu a Vostre Altesse Serenissime de commander que le filz de mon frere soit receu au nombre de ses pages, que je ne sçai comme former le tres humble remerciment que j'en doy a vostre bonté ; laquelle je supplie donq, en toute reverence, d'avoir aggreable qu'en lieu de tout autre tesmoignage de reconnoissance, je benisse Dieu de la douceur et debonaireté qu'il a donné au cœur de Vostre Altesse, Madame, pour le bonheur de vos serviteurs, et que, comme je suys infiniment tres-obligé de fayre, j'invoque journellement la divine Providence pour vostre prosperité,

            Madame, demeurant invariablement

Vostre tres humble, tres fidele et tres-obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le 19 octobre 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Metz. [163]

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MDCCCXXXIX. A Madame Talon (Inédite). Prières pour un défunt et consolations à ceux qui le pleurent.

 

Annecy, 19 octobre 1621.

 

            Madame,

 

            Apres avoir souhaité a l'ame de feu monsieur Talon l'æternel repos que Nostre Seigneur a aquis par son sang a tous ceux qui meurent en sa grace, je souhaite a vostre cœur la tressainte consolation qu'il doit prendre en la volonté de sa divine Providence qui dispose de ses creatures en sa bonté. Vostre bon Ange et vostre pieté vous auront des-ja suggeré les raysons pour lesquelles il faut recevoir avec tranquillité ces ordinaires evenemens de nostre commune mortalité ; et pour cela, il ne me reste qu'a vous asseurer que, comme j'estimois beaucoup les bonnes qualités et l'amitié de ce cher trespassé, aussi vivray-je tous-jours avec un grand desir de vous pouvoir tesmoigner par quelque service que je suis,

            Madame,

Vostre plus humble et tres affectionné

serviteur en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            19 octobre 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Reims. [164]

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MDCCCXL. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Dédommagement pour le grand Aumônier de la princesse de Piémont, privé de remplir entièrement sa charge.

 

Annecy, 21 octobre 1621.

 

            Monseigneur,

 

            C'est la plus grande ambition, mays la plus juste que je puysse avoir, que celle d'estre conservé au service de Madame, puisque Vostre Altesse, par sa seule bonté, m'y a appellé. Et par ce que ma charge ne me permet pas d'y rendre mon devoir par ma presence, non plus que mon insuffisance d'y estre utile, je remercie en toute humilité Vostre Altesse dequoy elle aggree que l'un des enfans de feu mon frere entre au nombre des pages de Madame, pour apprendre en son enfance les premiers elemens de ce service auquel sa naissance l'oblige de faire l'employ de toute sa vie ; tenant lieu d'une marque visible que Vostre Altesse me fait lhonneur de m'advouer,

            Monseigneur,

Son tres humble, tres fidele et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le 21 octobre 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [165]

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MDCCCXLI. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble (Fragment). Une prière en échange d'un souhait. — Belle situation du monastère de Grenoble. — Hors de la Providence divine, tout n'est qu'affliction.

 

Annecy, [octobre] 1621.

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Pries tous-jours bien devotement Nostre Seigneur pour moy qui ne cesse de vous souhaiter la suavité de son saint amour, et, en iceluy, celle de la dilection bienheureuse du prochain, que cette souveraine Majesté ayme tant.

            Je m'imagine que vous estes la, en ce bel air, ou vous regardes, comme d'un saint hermitage, le monde qui est en bas, et voyes le ciel auquel vous aspires, a descouvert.

            Je vous asseure, ma tres chere Fille, que je suis grandement vostre, et croy que vous faites bien de vivre totalement dans le giron de la Providence divine, hors de laquelle tout n'est qu'affliction vaine et inutile.

            Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur. Amen.

FRANÇS, E. de Geneve. [166]

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MDCCCXLII. A Madame Le Nain de Crevant. Vocation précoce. — L'aiguille s'attachant à l'aimant. — Message affectueux.

 

Annecy, [fin septembre-novembre] 1621.

 

            J'ay oüy de la bouche du bon M. Crichant l'histoire de l'entree et reception de vostre chere petite fille en l'Ordre sacré des Carmelites, et comm'elle passa de vostre sein maternel, ma tres chere Fille, dans celuy de la bonne Mere Magdeleyne de Saint Joseph. J'espere que cette [167] action sera benie de la main de Celuy qui ayme la promptitude des bons desseins et des bonnes executions, et qui treuva mauvaise la trop grande prudence de cet enfant qui vouloit aller ensevelir son pere avant que de se ranger tout a fait a sa suite. Il y a un peu de l'extraordinaire en l'action de cette fille, et peut estre encor en sa reception ; mays ce n'est pas merveille qu'une eguille non engraissee, non distante, non frottee d'ail, non empeschee par le diamant, s'attache si promptement et si puissamment a son aymant. Or sus, Dieu soit loué, ma tres chere Fille : voyla vostre holocauste presque consommé avant qu'il soit bonnement sur l'autel.

            La divine Majesté vous benisse de plus en plus de son saint amour, et le cœur de monsieur vostre mari qui conspire si doucement avec vous pour aspirer tout a fait a Dieu et ne respirer qu'en luy. Je suis invariablement

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Mon cœur est tout a fait dedié a celuy de madamoyselle de Verton, vostre chere seur, dans lequel j'ay veu que Dieu regne. Playse a sa divine Majesté que ce soit a toute eternité. Amen.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Boulogne-sur-Mer. [168]

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MDCCCXLIII. A Madame de la Croix d'Autherin (Inédite). Souhait d'amour de Dieu. — Quelques nouvelles.

 

Annecy, 3 novembre 1621.

 

            Sans un seul moment de loysir je vous escris ce mot, ma tres chere Fille, pour seulement saluer tres cherement et tres ardemment vostre cœur bienaymé, auquel je souhaite incessamment un perpetuel accroyssement de l'amour tressaint de nostre Dieu. Certes, je voudroys bien vous faire mention de ce que vous m'escrivites la derniere foys que vous pristes la peyne de me faire sçavoir de vos nouvelles ; mays il ny a pas moyen.

            La chere seur de Cernex fut icy l'autre jour et me dit qu'elle y vouloit prendre mayson ; ce ne sera donq pas sans parler de vous. La Seur de Chatel est tous-jours elle mesme, bonne fille.

            Or sus, Dieu qui a commencé en vous le bon œuvre de vostre salut l'achevera et parfaira selon sa tres bonne et tres aymable volonté. Tenes vostre ame eslevee en sa souveraine Bonté ; c'est le souhait invariable de

Vostre tres humble Pere et serviteur,

F., E. de Geneve.

            A la premiere asseuree commodité je vous escriray derechef.

            3 novembre 1621.

 

            A Madame

Madame de la Croix d'Auturin.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Boarelli di Verzuolo, à Saluces. [169]

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MDCCCXLIV. A Madame de Granieu. La règle des désirs. — Joie de l'Evêque d'avoir des nouvelles de Grenoble. — Les Sœurs de la Visitation en leur monastère. — Malades et « petite infirmiere. »

 

Annecy, 3 novembre 1621.

 

            Dieu sçait pourquoy il permet que tant de bons desirs ne reuscissent pas qu'avec tant de tems et tant de peyne, et que mesme quelquefois ilz ne reuscissent point tout a fait. Quand il n'y auroit aucun autre proffit que celuy de la mortification des ames qui l'ayment, ce seroit beaucoup. En somme, il faut ne vouloir point les choses mauvaises, vouloir peu les bonnes, et vouloir sans mesure le seul bien divin, qui est Dieu mesme.

            Je sçai veritablement, ma tres chere Fille, que mes lettres vous sont aggreables ; car Nostre Seigneur, qui a voulu que mon ame fust toute vostre, me donne connois-sance de ce qui se passe en vostre cœur par ce que je sens dans le mien. Il est vray, ma tres chere Fille, Grenoble est tous-jours en mon cœur ; et vous, ma tres chere Fille, au milieu de ce mesme Grenoble. Je suis donq bien consolé quand je sçai des nouvelles de cette ville-la, en ce tems auquel on en dit tant et de si diverses.

            Beni soit Dieu qui conserve la personne du Roy, si chere a tout ce royaume et a toute l'Eglise. Nous faysons icy les prieres, et pour ses affaires militaires et pour les nostres.

            Je suis bien ayse de la possession en laquelle nos Seurs sont de leur monastere, et vous aussi avec elles, puisque, par vostre assistence et de ces bonnes dames, les y ayant colloquees, vous y estes en leurs personnes, et elles [170] y sont pour vous, qui, servant le mesme Seigneur en vostre pieuse vocation, estes un mesme esprit avec elles.

            Et vous aves aussi esté une petite infirmiere, puisque vous aves eu tant de malades ces moys passés ; et vous aves esté infirme de leur infirmité, car puisque c'estoyent mesme des personnes si cheres, comme monsieur vostre mary et vostre filz bienaymé, vous aves bien peu dire : Qui est infirme, que je ne sois infirme avec luy ? Dieu soit loué, qui, par ces alternatives, nous conduit a la ferme et invariable tranquillité de l'eternel sejour.

            Vives toute en Dieu, ma tres chere Fille, et aymés en luy

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le 3 novembre 1621.

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MDCCCXLV. A Madame de la Fléchère (Inédite). Politesse à rendre au prince Thomas de Savoie. — La pensée de François de Sales au sujet d'une alliance mal assortie.

 

Annecy, 6 novembre 1621.

 

            Ma tres chere Fille, J'escris a M. Troulliou selon l'advis de M. Billet et le vostre. Il ny a pas grande ceremonie a faire la reverence a Monseigneur le Prince pour le filz, puisque [171] il n'a rien pour le present a traitter avec luy. Monsieur le President de Monthouz fera cet office sans difficulté.

            Le Pape commit la dispense de M. de Cormand a l'Officiai de Belley ; mais je ne croys pas qu'aucun prestre l'ayt celebré dans mon diocæse sans qu'il m'en ayt adverti. Comme que ce soit, nous sçaurons la verité par le tems ; mays ayant veu la grande indisposition de la volonté des parties, je ne puis que je ne doute qu'a l'advenir il ny ait quelque sorte de repentir. Neantmoins, les parties estant si prudentes et asses d'aage, je m'en remetz a elles.

            O ma Fille, demeurons en Dieu. Je suis tout a fait

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            VI novembre 1621, Annessi.

 

             A Madame

Madame de la Flechere.

            Rumilly.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme de Loisy, née Chevreul, au château de Terrans (Saône-et-Loire).

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MDCCCXLVI. A Madame de Charmoisy (Inédite). Aimable courroux du Saint ; il veut Henri de Charmoisy « habillé convenablement. » — Sage et chrétienne sentence. — Le prince Thomas content du séjour d'Annecy.

 

Annecy, 10 novembre 1621.

 

            Je vous escrivis avanthier, ma tres chere Cousine ma Fille. Mais maintenant il faut que je me courrouce un peu [172] avec vous, par ce que mon neveu n'est pas habillé convenablement ni a sa qualité, ni au service auquel il est ; et outre que cela luy detraque l'esprit, voyant tous ses compagnons beaucoup mieux que luy, cela est blasmé par ses amis, desquelz quelques uns m'en ont parlé avec zele. Il ny a remede, ma tres chere Fille, il faut suivre les loix du monde, puisque on y est, en tout ce qui n'est pas contraire a la loy de Dieu.

            Je vous escris ceci a la desrobbee et du cœur que vous sçaves que j'ay pour vous, ma tres chere Fille, comm'estant tout a fait

Vostre tres humble cousin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            X novembre 1621.

 

            Monseigneur le Prince treuve ce sejour beaucoup plus aggreable que celuy de Chamberi, et delibere de venir fort souvent faire des alternatives. Je ne sçai pas encor quand il partira.

 

            A Madame

Madame de Charmoysi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives du prince Trivulzio. [173]

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MDCCCXLVII. A la Mère de Chantal, a Paris. Vains bruits de guerre. — Difficultés à Dijon pour l'établissement de la Visitation ; les protecteurs du futur Monastère. — M. Brûlart mécontent à tort de l'Evêque de Genève. — la mort du comte de Fiesque ; compassion pour sa veuve. — Une âme toute au gré du Saint. — En quel cas on peut permettre l'entrée des personnes affligées dans les couvents. — Prière à la Mère de Chantal de revoir les Constitutions. — Une petite ruse de cour. — La lettre à Mme de Villesavin. — Deux ponts brûlés à Paris. — L'affaire de l'Abbesse de Port-Royal et celle de la Sœur Lhuillier. — C'est à la Sainte à juger de l'opportunité de son retour ou de la prolongation de son séjour à Paris. — Contentement réservé pour l'autre vie. — Messages.

 

Annecy, 10 ou 11 novembre 1621.

 

            En fin, ma tres chere Mere, monsieur Crichant est donq arrivé, puisque, comme je voy par vostre derniere lettre, vous aves receu celles que je vous envoyois par luy. Mais je suis marry de l'allarme que vous aves prise pour l'estat de nos affaires de deça, qui, graces a Dieu, jusques a present n'a rien d'extraordinaire, sinon que ceux de Geneve, s'estant mis en extreme defiance, font contenance de se preparer a la guerre ; mais on ne croid pas pourtant qu'ilz veuillent commencer, puisque s'ilz l'entreprenoyent sans le commandement du Roy, ilz seroyent tout a fait ruynés, et l'on ne peut se persuader que Sa Majesté les veuille porter a ce dessein : de sorte que nous [174] dormons les nuitz entieres, et fort doucement, sous la protection de Dieu.

            Nous avons veu madame de Royssieu, qui n'eut loysir de demeurer icy que deux jours. Elle nous a dit tout ce qui s'est passé a Dijon, ou il sera a propos que vous arresties deux ou trois moys pour appaiser ces messieurs du party contraire, qu'il faut combattre et abbattre par la douceur et l'humilité ; encor qu'a mon advis nous ayons l'advantage, puisque monsieur le Duc et madame la Duchesse de Bellegarde, madame de [175] Termes et la pluspart du Parlement est pour nous, et particulierement Monsieur l'Evesque de Langres, qui a le zele, la prudence et l'authorité apostolique en ce païs la, et qu'outre cela nous aurons l'assistance de Monseigneur nostre bon Archevesque.

            Madame de Royssieu m'a dit que monsieur le premier President avoit quelque amertume contre moy a [176] rayson de ce qui s'est passé de la part de monsieur de Sauzea ; en quoy, sil est vray, il a un tort tres grand, car non seulement je n'envoyay pas monsieur de Sauzea au Puis d'Orbe, mais, avec toute la dexterité qui me fut possible, je m'essayay de divertir la poursuite que l'on faisoit pour l'y attirer, comme sachant bien que son courage estoit trop fort et trop verd pour la conduite d'une telle Mayson que je voyois devoir estre conduite doucement et avec respect. Mais, ma tres chere Mere, je vous supplie de ne point parler de ceci, si vous ne voyes tout a fait qu'il en soit tems ; et je croy que son cœur se laissera gaigner par la verité, puisque mesme, comme m'asseure madame de Royssieu, madame la premiere Presidente est toute portee a nous favoriser, comm'aussi elle me l'a tesmoigné par une sienne lettre, et que la bonté et sincerité de son cœur me le fait croire fermement.

            Nos Seurs de Grenoble, avec leur Pere spirituel, monsieur d'Aouste, qui est un grand serviteur de Dieu, desirent que l'on face imprimer le Formulaire de la reception des Prætendantes au novitiat et des Novices a la profession avec les Regles et les Constitutions ; mais je croy pourtant que cela doit estre en deux petitz volumes, et que le Formulaire des receptions soit en lettre asses grosse pour estre leüe aysement.

            J'ay grandement regretté la mort du bon monsieur le Conte de Fiesque, que j'honnorois certes avec amour des il y a tantost vingt ans que j'eu le bien de le voir a Paris ; a quoy il m'avoit mesme obligé a ce dernier voyage, quiil me fit la faveur de me voir de si bon cœur chez les Peres de l'Oratoire. Mais je me res-jouis dequoy ayant vescu si devotement, on ne peut douter quil ne soit trespassé saintement entre les bras de la misericorde de Dieu, veu [177] mesme quil a exposé sa vie pour une si juste et digne cause. Je me suis imaginé en cett'occasion la les douleurs du cœur de madame la Contesse sa chere femme, et n'ay peu contenir le mien d'en recevoir de la tendreté, bien que j'aye eu confiance en Dieu, a qui ell'est, qu'il la tiendrait de sa main paternelle en la tranquillité et resignation qu'il a accoustumé de donner a ses enfans bien-aymés quand ilz sont affligés. Je ne me resouviens pas d'avoir jamais veu cette dame qu'une fois chez madame de Guise, ou je ne luy parlay presque point, et un'autre fois chez monsieur de Montelon, ou je l'entretins environ une heure ; mais je confesse la verité, que je treuvay son ame tellement a mon gré, que je ne puis ne la cherir pas et ne l'estimer pas autant qu'il m'est possible ; et je luy escrirois fort volontier pour le luy tesmoigner, si ce n'estoit la pensee que j'ay que vous feres aussi bien cest office pour moy comme moy mesme, puisque vous connoisses mon cœur comme le vostre, lequel je vous prie de luy offrir avec mon tres humble service. Je suis extremement consolé qu'elle se soit un peu soulagee parmy nos Seurs de Bourges, qui, je m'asseure, auront reciproquement receu un grand contentement d'avoir eu lhonneur de sa presence.

            Et a ce propos, ma tres chere Mere, je ne fay nulle difficulté que les Evesques et, en leur absence, les Peres spirituelz des Maysons de la Visitation, ne puissent, ains ne doivent charitablement faire entrer les dames en telles occurrences, sans quil soit besoin quelconque que cela soit [178] declaré dans les Constitutions, par la douce et legitime interpretation de l'article du Concile de Trente qui est mis en la Constitution De la Clausure, car on le pratique bien ainsy en Italie et par tout le monde, mesme pour des moindres occasions : car je vous laisse a penser, si l'on fait bien entrer des jardiniers, des jardinieres, non seulement pour l'ageancement necessaire des jardins, mais aussi pour les embellissemens non necessaires, ains seulement utiles a la recreation, comme sont les berceaux, les palissades, les parterres, les entrees de telles gens estant jugees necessaires non par ce que ce quilz font soit necessaire, ains seulement par ce que ces gens la sont necessairement requis pour faire telle besoigne, si nous ne pourrons pas justement estimer l'entree des dames desolees par quelque evenement inopiné estre necessaire, quand elles ne peuvent pas aysement treuver hors du monastere les soulagemens et consolations si convenables. En Italie, tout communement, on fait entrer les filles desquelles on craint en quelque sorte le peril de leur pudicité ; les mal mariees, quand elles sont en doute d'estre grandement maltraittees de leurs marys ; les filles qu'on veut instruire non seulement en la devotion, mais aussi a lire, escrire, chanter. De sorte qu'a mon advis, Monsieur de Langres pourra prendre resolution sur cela, qui suffit es occasions de grande pieté qui tiennent lieu de necessité morale, et qui, a mon advis, n'a pas deu estre exprimé, pour eviter la censure de tant de gens qui ont tant de complaysance a contreroller semblables choses, selon le zele quilz se forment en leur rigueur.

            Je vous ay des-ja escrit que vous prenies la peine de voir si rien aura esté oublié es Constitutions, affin que vous le facies adjouster ; car je ne puis jamais gaigner tant de loysir que tout ce que je fay ne se ressente de mon tracas, et me semble quil va tous les jours croissant.

            Vous pourres bien, ma tres chere Mere, complaire a madamoyselle la Princesse de Montpensier en ce qui [179] regarde l'addition des commemoraisons des Saintz qui occurrent, et, de Paris, porter cet usage es Monasteres dans lesquelz vous passeres venant a Dijon, et de Dijon icy ; m'estant advis que la grande pieté et vertu de cette grande Princesse merite que l'on reçoive ses desirs comme quelque sorte d'inspiration.

            Monsieur Duret, qui vous presenta sa petite niece tandis que nous estions la, m'avoit, il y a quelques mois, prié de vous remercier avec luy de la reception de cette fille. Mais maintenant il me fait prier de vous ramentevoir le desir que je vous avois tesmoigné pour la consolation de cette fille et de ses parens ; qui me fait croire qu'il y a eu quelque changement en cest affaire, ou bien, qu'a la façon de la court, il desire mon remerciement pour engager davantage celle a qui il sera fait ; mais, comme que ce soit, en tout ce qui se pourra bien et legitimement passer, je le vous recommande comme mon bon et ancien ami.

            M. Crichant m'a dit que nostre tres chere et tres bonne madame de Villesavin avoit une de mes lettres qu'elle [180] aymoit bien fort ; et par ce que je crois que ce soit celle par laquelle je luy envoyois l'Exercice du matin et de la reunion a Dieu, que j'escrivis avec une grande affection, je vous prie de luy en demander une copie dextrement, comme de vous mesme ; m'estant advis que l'affection que je porte a cett'ame me fit exprimer mieux qu'a mon ordinaire.

            J'avois escrit jusques icy, quand j'ay receu vostre lettre du 26e octobre, laquelle me donne sujet de vous supplier, comme je fay de tout mon cœur, de ne vous mettre nullement en peine de ce qui se passe en ce païs icy, puisque, comme vous dira monsieur de la Pesse, present porteur, graces a Dieu il ny a rien a craindre.

            M. Crichant m'a veritablement escrit du bruslement des deux pontz ; mais il ne me donne point advis comme se sera passé cet accident pour le regard de madame Baudeau, marchande gantiere qui demeuroit sur le Pont aux Oyseaux, de laquelle pourtant je ne puis m'empescher d'estre en soucy, et a laquelle j'avois escrit par luy mesme.

            Je fay responce au R. P. Binet, apres que vous l'aures veüe, je vous prie de la luy faire recevoir cachettee. Quant au bon monsieur du Val, je crois que sil eut esté en [181] ma place il eust fait comme moy, qui, encor a present, ne me puis resoudre que comme j'ay fait, estimant de ne pouvoir nommer un meilleur arbitre en l'affaire dont il s'agit que le Pape, lequel accordant la demande de Port Royal, tesmoignera suffisamment de la volonté de Dieu, et speciale, puisque il s'agit d'un point ou il y a beaucoup de difficulté.

            Mme de Villeneuve ne m'escrit nullement de l'affaire de nostre chere Seur Helene Angelique, ni de rien qui en approche ; mais M. Crichant m'escrit bien que monsieur et madamoyselle d'Interville desireroyent extremement que vous fussies presente a la Profession de cette tres chere fille, a la consolation de laquelle je ne sçay ce que je ne voudrois pas contribuer. Or, pour toutes telles affaires, il me semble que vous pouves vous resoudre plus aysement que je ne sçaurois faire icy, puisque ce que vous voyes sur les lieux mesmes vous donne meilleure instruction que je n'en sçaurois prendre. C'est pourquoy je vous supplie de vous servir en cette occasion de vostre propre jugement ; car, comme vous dites, il se pourroit bien faire que les affaires de Dijon vous donneroyent asses de loysir pour estre encor a Paris au mois de fevrier, attendu mesme qu'aussi tost que j'auray l'asseurance de cest affaire et que je sçauray comm'elle se devra conduire, j'escriray a nostre grande Fille de Monferrand affin qu'elle aille vous attendre la, et parmi tout cela il se passera fort aysement deux ou troys moys.

            Certes, et moy aussi desirerois bien fort de revoir la bonne madame la Presidente Amelot, mais je ne le desire pas pourtant, puisque je ne voy rien qui me puisse [182] faire esperer ce contentement en ce monde ; il faudra donq attendre apres cette vie. Ce pendant, je vous prie de la saluer tres cherement et tres cordialement de ma part.

            Je recommanderay a Dieu le cœur du bon monsieur de Marillac qui, je m'asseure, a bien sceu treuver une sainte et veritable consolation au desplaysir de sa perte.

            Je me resouviens fort bien d'avoir veu M. Guichard et a Paris et a Belley …

 

Revu sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation d'Annecy.

 

MDCCCXLVIII. Au Père Étienne Binet, de la Compagnie de Jésus. Les désirs de Mme de Port-Royal d'entrer à la Visitation. — Conduite du Saint en cette affaire ; à qui il en a remis la solution. — Eloge de la virilité de l'Abbesse. — Pureté de vues et désintéressement du Fondateur ; sa démission de ses propres pensées.

 

Annecy, 11 novembre 1621.

 

            Mon Reverend Pere,

 

            Avec mille actions de graces de la peine que vous aves prise a m'escrire, je vous diray pour response, qu'estant [183] a Paris, je ne voulus jamais acquiescer au desir que Madame de Port Royal me tesmoigna de se retirer de l'Ordreauquel elleavoit si utilement vescu jusques alhors, et veritablement, je n'apportay en ce païs non pas mesme aucune cogitation de cela ; mais, coup sur coup, je receu par lettres force bonnes remonstrances par lesquelles elle m'excitoit a treuver bonnes ses pensees et appreuver ses souhaitz. Je gauchis tant que je peus et ne me tesmoignay seulement froid, mais tout a fait contraire a ses propositions ; jusques a ce qu'apres dixhuit moys, une personne de grande consideration m'escrivit en sorte que je jugeay convenable de ne point faire le juge souverain en cette occasion, ains de laisser la decision finale a l'evenement. Je m'abstins donq de la conseiller, et luy escrivis que, puisque son cœur ne treuvoit pas du repos en tout ce que je luy avois dit et escrit, elle pourroit faire faire la sollicitation de ce qu'elle desiroit. Que si Sa Sainteté luy en faisoit la concession, il y auroit une tres probable apparence que son desir est de la volonté de Dieu, attendu que la chose estant de soy mesme difficile, elle ne pourroit reuscir sans un special concours de la faveur divine ; que si, au contraire, Sa Sainteté l'esconduisoit, il n'y auroit plus autre occasion de faire autre chose que de s'humilier et appayser son cœur. Voyla, mon Reverend Pere, jusques ou j'ay passé.

            Je voyois bien que cette prætention estoit extraordinaire, mais je voyois aussi un cœur extraordinaire ; je voyois bien l'inclination de ce cœur a commander, mais [184] je voyois que c'estoit pour ruiner cett' inclination qu'elle vouloit se lier a l'obeissance ; je voyois bien que c'estoit une fille, mais je voyois qu'elle avoit esté plus que fille a commander et gouverner, et qu'elle le pourroit bien estre a bien obeir.

            Pour l'interest de la Visitation, certes, mon Reverend Pere, je proteste devant Dieu et devant Vostre Reverence que je n'y pensay nullement, ou si j'y pensay, ce fut si peu que je n'en ay nulle memoire. Je confesse bien que j'ay une particuliere dilection pour l'Institut de la Visitation ; mais madame de Chantal, vostre chere fille et la mienne, vous dira que pour cela je ne voudrois pas avoir fourvoyé la plus excellente creature du monde et la plus accreditee, de sa juste vocation, encor qu'elle deut devenir sainte canonizee en la Visitation. Je me res-jouis quand Dieu y tire des bons sujetz, mais je n'employay jamais ni parole ni artifice, pour saint qu'il fut, pour en attirer aucun, sinon quelques foibles prieres devant Dieu. L'inconstance des filles est a craindre, mais on ne peut pas deviner ; et la constance en celle cy est esgalement, ains advantageusement, a bien esperer.

            Mon Dieu, mon Pere, que nostre ancienne amitié me fait extraordinairement apprivoiser et espancher mon ame avec la vostre ! C'est trop. Je me laissay aller a l'advis d'autruy ; je m'en retourneray aussi volontier a l'advis de ceux qui prendront la peine d'examiner cette affaire, mais sur tout au vostre, lequel donq j'attendray tres affectionnement et recevray tres cherement, estant a jamais,

            Mon Reverend Pere,

Vostre tres humble et tres affectionné

confrere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XI novembre 1621, Annessi.

 

            Au R. P. Estienne Binet,

Superieur de la Mayson professe de St Louys

            de Paris.

 

Revu sur une ancienne copie conservée dans la salle capitulaire de Notre-Dame de Paris. [185]

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MDCCCXLIX. A M. de Soulfour (Inédite). Respect et affection. — Recommandation en faveur de deux amis.

 

Annecy, 11 novembre 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je ne separeray point ceux que Dieu a si saintement conjoint. Je vous salue donq tres humblement, et madamoyselle vostre tres chere compaigne, ma fille bienaymé (sic), vous suppliant tous deux de m'aymer tous-jours aussi constamment comme fidelement et invariablement je vous honnore.

            Ce porteur, le sieur de la Pesse, vous dira toutes nos nouvelles, et comme nous ne cessons point de faire prier Dieu pour les justes armes du Roy. L'occasion pour laquelle il va, n'est qu'une juste (sic) persecution, pour laquelle dissiper il aura besoin de vostre conseil et assistence ; mays il est beaufilz de feu M. le President …

            Monsieur, il y a la un fort honneste advocat de ce païs, [186] nommé M. Monet, qui a quelque envie de pouvoir, es occasions, entrer au service de Monseigneur de Nemours es offices de robbe longue ; en quoy je confesse qu'il ne suit pas mon sentiment, car il y a trop d'agitations en ce tems ci ; mays il est mon ami, et je le sers selon son goust, vous suppliant, en ce qui se pourra bonnement faire, de le favoriser.

            Je suis humble serviteur de monsieur Le Fevre.

            XI novembre 1621.

 

            A Monsieur

Monsieur de Soulfour.

 

Revu sur l'Autographe conservé au Carmel de la rue Denfert-Rochereau, à Paris.

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MDCCCL. A Monsieur et Madame de Foras. « Un petit feu de joye » sur le gain d'un procès. — Sainte exhortation à persévérer dans l'union mutuelle.

 

Annecy, 11 novembre 1621.

 

            Mille et mille benedictions a Dieu, dequoy en fin, Monsieur mon tres cher Frere et Madame ma tout a fait tres chere Seur ma Fille, vous voyla exemptz de ces fascheux proces, par lesquelz, comme parmi des espines, Dieu a voulu que les commencemens de vostre heureux mariage se soyent passés. M. de Chalcedoine, mon frere, et moy en avons fait un petit feu de joye, comme participant a tout ce qui vous regarde. [187]

            Or sus, bien que vostre grossesse vous incommode un peu sensiblement tous deux, ma fille qui la sent, et mon tres cher frere qui la ressent, il me semble toutefois que je vous voy tous deux avec deux cœurs si contens et si courageux a bien servir Dieu, que ce mal mesme que vous sentes et ressentes vous console ; comme marque que, n'ayant pas exemption entiere de toute affliction en ce monde, vostre parfaite felicite vous est reservee au Ciel, ou je m'asseure que vous aves vos principales pretentions.

            O mon tres cher Frere, continues a bien soulager par vostre aymable presence ma tres chere fille. O ma tres chere Seur, perseveres a bien lier mon tres cher frere a vostre cœur, car, puisque Dieu vous a donnés l'un a l'autre, soyes donq bien tous-jours comme cela ; et croyes bien tous deux que je suis, de l'un et de l'autre, mon tres cher Frere et ma tres chere Fille ma Seur,

Tres humble et invariable serviteur,

FRANÇS E. de Geneve.

            D'Annessi, ce 11 novembre 1621.

            Je vous prie de saluer cherement de ma part madamoyselle de Lamoignon. S'il vous arrive quelque commodité, mon tres cher Frere, de voir Mme de Soret, je vous supplie de me ramentevoir en sa chere et sainte bien-veuillance.

 

A Monsieur de Foras.

            A Paris. [188]

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MDCCCLI. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon (Inédite). Sollicitude de François de Sales pour ses Filles de Valence. — Ce qui ne nuit point au salut est « bien peu considerable. » — Avis pour la réception d'une Novice.

 

Annecy, 11 novembre 1621.

 

            Ma tres chere Fille,

 

            Je ne manqueray pas de respondre a tous les articles que vous m'aves envoyé, au premier loysir que j'en auray, vous remerciant tres humblement des bonnes nouvelles que vous m'envoyes des Seurs de Valence, ausquelles je souhaitte toute sainte consolation. Mais j'eusse bien desiré de sçavoir quelque particularité de la petite fondatrice, qui semble avoir si peu de force et de santé corporelle pour resister a ce mauvais aïr que l'on dit estre en ce païs là præsentement. J'espere que Dieu les protegera affin qu'elles puissent faire là une heureuse succession de ses servantes.

            Je voudrois bien pouvoir donner quelque consolation au cœur de la mere de ceste pauvre malade que vous aves ; mais je pense que si elle releve un peu son attention a la vie æternelle, elle moderera aysement l'apprehension que la nature luy peut avoir donné de [189] l'accident de sa fille, lequel me semble bien peu considerable, puisqu'il ne nuit point au salut, ains souventefois l'asseure daventage.

            Je salue de tout mon cœur toute vostre trouppe. Et pour le point duquel vous m'escrives, de la reception au voyle noir de ceste Novice, il me semble que vous deves humblement et respectueusement accepter la permission que monsieur de Saint Nizier vous donne, puisque, comme vous m'escrives, la chose a esté arrestee du temps de monsieur l'Abbé de Mauzac ; sinon que l'occasion se presentast de procurer que Monseigneur l'Archevesque en escrivist ou a monsieur de Saint Nizier ou a vous, lequel M. de Saint Nizier, peut estre, ne veut pas assister cest'action seulement en consideration de ce qu'elle n'a pas esté arrestee de son temps. Mais en toutes telles occurrences, ceux qui sont sur les lieux et qui voyent l'estat present des espritz a qui vous aves affaire, vous pourront encor mieux conseiller.

            Cependant, vives joyeuse en Nostre Seigneur, selon lequel je suis tres parfaitement vostre.

FR., E. de Geneve.

            Annessy, le XIe novembre 1621.

 

            A ma tres chere Fille en N. S.,

La Mere Superieure de la Visitation de Ste Marie.

            A Lion.

 

Revu sur l'original qui se conservait à la Visitation du Puy. [190]

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MDCCCLII. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. « Mille ans » sans lettres. — Une « nouvelle besoigne » pour la grande Fille. — Le bonheur de travailler beaucoup pour Dieu. — Des cœurs que le départ de la Mère Favre affligera.

 

Annecy, 11 novembre 1621.

 

            Il y a, ce me semble, bien environ mille ans que je ne reçois point de vos lettres, non plus que vous des miennes.

            Or sus, voyci arriver une nouvelle besoigne pour vostre charité, ma tres chere grande Fille. C'est que l'on va fonder a Dijon, ville de telle importance que vous sçaves. Nostre Mere ne peut encor pas bonnement partir de Paris ; or, vous estes sa seconde en l'Institut, et sa premiere fille : nous ne voyons pas moyen de vous exempter de la peine de cette fondation. Or je ne vous plains pas, car c'est un grand bien de travailler beaucoup pour Dieu ; mais je plains nostre tres chere madame de Dalet, qui peut estre en souffrira dans son cœur, et je la cheris et honnore si fort, que cela me fait bien de l'apprehension. Toutefois, ell'est toute a Dieu, et je m'asseure qu'elle preferera son service a la consolation que vostre presence luy peut donner. Je plains aussi nos Seurs de lâ, mays j'espere en la Providence divine qu'elle les soulagera.

            On vous envoyera a propos, et cependant, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu, et salues bien l'ame de madame de Dalet de la part de la mienne qui est toute [191] vostre et a elle aussi. Monsieur vostre pere et tous les vostres se portent tres bien, et Mme de la Valbonne se comporte encor mieux en la sainte devotion.

            Annessi, le XI.

 

            A ma tres chere Seur en N. S.,

            [La Mère] Marie Jaqueline [Favre,]

[Supérieure du Monastere Ste Marie de la Visitation.

            A Montferrand.

 

            Recommandee a la Supere de Lyon.

 

            Je salue cherement nos Seurs, et ma chere Seur Anne Françoise a part.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de Chambéry.

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MDCCCLIII. A M. Magnin. Remerciements, recommandation, nouvelles.

 

Annecy, 12 ou 13 novembre 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je vous remercie du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir des lettres que les Seurs de la Visitation vous ont addressees, comme encor de la varieté des nouvelles du monde, que je prie Dieu de nous vouloir donner de jour en jour meilleures, pour la prosperité du Christianisme, et en particulier pour celle du Roy et du royaume.

            Je sçai que ce jeune garçon, estant de ce païs et asses [192] bien conditionné, treuvera en vous une affection charitable pour, s'il se rencontre, estre logé a quelque service. Mais ses amis et parens ayant desiré que je vous le recommandasse, je le fay volontier, avec esperance que vous ne le prendres pas a importunité, puisque cette mienne recommandation, comme toutes les miennes, se fait tous-jours avec la condition et reserve que vous n'en ayes aucune incommodité.

            M. le Prince Thomas, qui a logé ceans ces trois ou quatre jours passés pour faire la chasse en ces plaines voysines, a mis, comme l'on vient de me dire, en alarme ceux de Geneve, qui ont le plus grand tort du monde de se laisser agiter par tant de vaines apprehensions, puisqu'on observe si soigneusement les derniers articles qui ont esté passés.

            Je suis de tout mon cœur, Monsieur,

Vostre plus affectionné voysin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A M. Magnin, marchand [à Lyon].

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MDCCCLIV. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. La Supérieure de la Visitation de Valence hors de danger ; vertu des Sœurs. — Ce qui mortifie plus que le mal. — Vérités de la foi douces et attrayantes ; vérités austères. — Qu'est-ce que la foi nue et simple ? — Comment « vivre en verité et non point en mensonge. » — Messages.

 

Annecy, 28 novembre 1621.

 

            Selon vostre lettre, ma tres chere Fille, du 14e novembre, nous avions des-ja pensé de choisir icy une Superieure pour Valence ; mais Dieu soit loué dequoy pour maintenant vous n'en aures pas besoin, puisque par sa [193] misericorde celle qui y est est hors de danger, ainsy que vous nous escrives du 19 de ce mesme moys ; et je suis grandement consolé de ce que vous me dites, qu'elle et ses compaignes sont si bien disposees a souffrir pour Nostre Seigneur, qui ne leur aura pas donné ce courage qu'avec plusieurs autres vertus. Je vous prie, par la premiere commodité, de les bien saluer toutes, specialement la Superieure, la fondatrice et madamoyselle de la Gamelle.

            J'ay certes grande compassion du cœur de la mere de vostre malade ; car, combien qu'en verité cet accident de la fille soit honnorable devant Dieu et ses Anges, et par consequent doive estre souffert avec amour et douceur, si est ce neanmoins que je sçay combien les cœurs des meres sont tendres et sujetz a s'inquieter en des pareilles occasions esquelles, selon les yeux vulgaires des hommes, il y a quelque sorte d'abjection ; et c'est l'abjection des maux qui mortifie principalement l'esprit du sexe. Que si j'ay du loysir, j'escriray quatre motz a cette bonne mere.

            Les verités de la foy sont quelquefois aggreables a [194] l'esprit humain, non pas seulement parce que Dieu les a revelees par sa parole et proposees par son Eglise, mais parce qu'elles reviennent a nostre goust, et que nous les penetrons bien, nous les entendons facilement, et sont conformes a nos inclination s. Comme, par exemple : qu'il y ayt un Paradis apres cette vie mortelle, c'est une verité de la foy que plusieurs treuvent bien a leur gré, parce qu'elle est douce et desirable ; que Dieu soit misericordieux, la pluspart du monde le treuve fort bon et le croit aysement, parce que la philosophie mesme nous l'enseigne : cela est conforme a nostre goust et a nostre desir. Or, toutes les verités de la foy ne sont pas de la sorte : comme, par exemple, qu'il y ayt un enfer eternel pour la punition des meschans, c'est une verité de la foy, mais verité amere, effroyable, espouvantable et laquelle nous ne croyons pas volontier, sinon par la force de la parole de Dieu.

            Et maintenant, je dis premierement : que la foy nue et simple est celle la par laquelle nous croyons les verités de la foy sans consideration d'aucune douceur, suavité et consolation que nous ayons en icelles, par le seul acquiescement que nostre esprit fait a l'authorité de la parole de Dieu et de la proposition de l'Eglise ; et ainsy nous ne croyons pas moins les verités effroyables que les verités douces et aymables. Et alhors nostre foy est nue, parce qu'elle n'est point revestue d'aucune suavité ni d'aucun goust ; elle est simple, parce qu'elle n'est point meslee d'aucune satisfaction de nostre propre sentiment.

            Secondement, il y a des verités de la foy lesquelles nous pouvons apprehender par l'imagination : comme, que Nostre Seigneur soit né en la cresche de Bethleem, qu'il ayt esté porté en Egypte, qu'il ayt esté crucifié, qu'il soit monté au Ciel. Il y en a des autres lesquelles nous ne pouvons nullement apprehender par imagination : comme la verité de la tressainte Trinité, l'eternité, la presence du cors de Nostre Seigneur au tressaint Sacrement de l'Eucharistie ; car toutes ces verités sont veritables d'une façon qui est inconcevable a nostre imagination, d'autant que nous ne sçavons imaginer comme cela peut estre, mais [195] neanmoins nostre entendement le croit tres fermement et simplement, sur la seule asseurance qu'il prend en la parole de Dieu. Et cette foy la est veritablement nue, car elle est destituee de toute imagination ; et elle est parfaitement simple, parce qu'elle n'est point meslee d'aucune sorte d'actions que de celle de nostre entendement, lequel, purement et simplement, embrasse ces verités sur le seul gage de la parole de Dieu. Et cette foy ainsy nue et simple est celle que les Saintz ont prattiquee et pratiquent parmi les sterilités, aridités, degoustz et tenebres.

            Vivre en verité et non point en mensonge, c'est faire une vie totalement conforme a la foy nue et simple, selon les operations de la grace et non selon les operations de la nature ; parce que nostre imagination, nos sens, nostre sentiment, nostre goust, nos consolations, nos discours peuvent estre trompés et errans. Et vivre selon ces choses la, c'est vivre en mensonge, ou du moins en un perpetuel hazard de mensonge (mais vivre selon la foy nue et simple, c'est vivre en verité) : ainsy qu'il est dit du malin esprit, qu'il ne s'arresta pas en la verité, parce qu'ayant eu la foy au commencement de sa creation, il s'en escarta, voulant discourir sans la foy sur sa propre excellence, et voulut faire le fin soy mesme, non selon la foy nue et simple, mais selon les conditions naturelles, qui le porterent a l'amour desmesuré et desreglé de soy mesme. Et c'est le mensonge auquel vivent tous ceux qui n'adherent pas avec simplicité et nudité de foy a la parole de Nostre Seigneur, mais qui veulent vivre selon la prudence humaine, qui n'est autre chose qu'une fourmiliere de mensonges et de vains discours. Voyla ce qu'il m'a semblé vous devoir estre dit sur vos deux demandes.

            Je desire fort de sçavoir comme vous aures fait sur la reception de la fille pour laquelle M. de Saint Nizier faisoit difficulté.

            Je voy bien qu'il n'y aura pas loysir d'escrire a nostre Seur Colin ; c'est pourquoy je vous prie de la saluer cordialement de ma part, et de me recommander a la [196] misericorde de Nostre Seigneur, puisque je suis de tout mon cœur, parfaitement et tout a fait invariablement tout vostre, qui salue toutes nos Seurs et M. Brun.

            28 novembre 1621.

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MDCCCLV. A Madame de la Fléchère. Excellent prédicateur qui prêchera volontiers son premier Carême à Rumilly.

 

Annecy, 28 novembre ou décembre 1621.

 

            Je vous escris courtement, ma tres chere Fille, et vous remercie de vostre lettre que j'ay receue hier matin, suivant laquelle je vous diray que si vous n'aves point de predicateur pour ce Caresme, j'en fourniray un des plus braves et bons que vous puissies desirer, qui prescha hier a la Visitation et preschera un de ces jours devant ce peuple. Je l'ouys, et, avec M. de Calcedoine, M. l'Abbé d'Abondance et les Peres Barnabites et M. le Prevost, je jugeay qu'il avoit un des plus excellens talens qui aye esté de long tems en ce païs. Et bien quil n'ayt encor fait que six ou sept sermons, si est ce quil est capable de prescher devant les Roys et les peuples egalement, et ce qui me plait, c'est qu'il presche devotement. Or sera-il bien ayse de faire son premier Caresme sans [197] ceremonie, en vostre ville, si je le luy dis. Si donq monsieur Billet le treuve a propos, il pourra en parler selon sa prudence avec Messieurs de la ville ; et soudain que je sçauray ce qui sera resolu, je l'arresteray tout a fait, car des hier je luy en parlay.

            Je parleray a M. Faber pour faire faire l'adjournement de ce bon prestre, heritier de M. Viret, et reparleray de vostre bonne volonté a la premiere rencontre que je feray de ceux qui vous blasment des dismes.

            Ma tres chere Fille, je suis veritablement tout a fait

Vostre inseparable serviteur, compere et Pere.

            28.

 

            A Madame Madame de la Flechere.

 

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCCLVI. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Un sûr moyen de faire prospérer l'Etat. — Envoi d'une pièce concernant l'établissement des Oratoriens à Rumilly.

 

Annecy, 29 novembre 1621.

 

            Monseigneur,

 

            Je loüe Dieu dequoy Vostre Altesse persevere au dessein de la restauration de la discipline ecclesiastique en ce païs, asseuré que je suys qu'a mesure que le zele de Vostre Altesse fera croistre en ses Estatz la gloire de la [198] divine Majesté, vostre coronne, Monseigneur, fleurira de plus en plus. Et selon qu'il a pleu a Vostre Altesse de m'ordonner, je luy envoye ce qui est presentement requis pour l'establissement des Peres de l'Oratoire a Rumilly, qui est une chose pressante ; et demeure ce pendant, de toutes mes affections,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le XXIX novembre 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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Despeches requis de la part de Son Altesse Serenissime pour l'introduction des peres de l'oratoire en la ville et Eglise de Rumilly

 

            1. Lettre au Pere Pierre de Berule, General de la Congregation de l'Oratoire, affin quil vienne ou depute quelqu'un pour accepter des mains de l'Evesque de Geneve ladite eglise parroissiale.

            2. Lettre a l'Evesque de Geneve en conformité.

            3. A Monseigneur le Serenissime Prince Thomas, affin que les gens de Son Altesse tenans le Senat et la Chambre, entant qu'il fut besoin, portent et favorisent cett' affaire.

            4. Brevet en faveur desditz Peres de l'Oratoire pour l'union du prieuré de Chindrieu et de celuy de l'Aumosne, pres Rumilly, et de celuy de Sainte Agathe [199] de la ville de Rumilly, a la Congregation dudit Oratoire establie en l'eglise d'iceluy Rumilly : qui tous trois les ditz prieurés ne valent que cinq cens ducatons, ou environ, de revenuz.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCCLVII. A M. Jean Carron. L'église de Rumilly et ses quatre corps d'ecclésiastiques. — Peines qu'elle a données à son Evêque. — Quel remède y apporter. — Les désirs de M. de Sonnaz. — Avantages qui résulteraient pour la gloire de Dieu et le service de Son Altesse de l'introduction des Pères de l'Oratoire.

 

Annecy, 29 novembre 1621.

 

            Monsieur,

 

            Je vous rens mille actions de graces du soin qu'il vous a pleu de prendre pour me faire avoir response de Monseigneur le Serenissime Prince en faveur de l'introduction des Peres de l'Oratoire a Rumilly, ou l'on ne sçauroit dire combien leur venüe est necessaire ; car, Monsieur, imaginés vous qu'en cette seule eglise il y a quatre diverses especes d'ecclesiastiques : 1. Le Prieur, qui est Religieux de l'Ordre de Cluny, dependant du prieuré de Nantua qui est a present en France ; 2. le sacristain [200] seculier, qui est dependant du prieuré ; 3. le curé et le vicaire ; et 4. cinq ou six Altariens, qui font un petit cors a part.

            Il n'est pas croyable combien de peine cette petite trouppe ainsy composee m'a donné de peine (sic) des 20 ans en ça, a cause des continuelz proces et altercatz que les uns ont eu perpetuellement les uns (sic) avec les autres, avec un extreme scandale du peuple. Or, par l'introduction des Peres de l'Oratoire, cette eglise demeure toute unie, et administree par un mesme esprit de paix et de douceur ; car les Peres de l'Oratoire ne sont pas comme les autres Religieux, qui ne peuvent pas avoir la charge des parroisses. Et de plus encor, ilz ne sont pas exemptz de la jurisdiction des Evesques, ains demeurent en leur sujettion comme les curés ; de sorte qu'on n'a pas besoin, en cas de desordre, de sortir du païs pour les ramener au devoir. Et de plus encor, il se treuve des-ja des tres bons ecclesiastiques du pays qui n'attendent que leur venue a Rumilly pour s'associer a eux et se ranger a la Congregation.

            Au reste, monsieur de Saunaz est filz de monsieur de Saunaz qui fut pendu a Geneve pour le service de Son Altesse, lors de l'Escalade, et va achever a ces festes de Noël son noviciat en la mesme Congregation, et meurt de desir que son prieuré de Chindrieu soit uni a l'eglise [201] de Rumilly pour ce bon œuvre. Et quant au Prieur de Rumilly, on pourra traitter avec luy.

            Et ce qui est grandement a noter, c'est que le prieuré de Rumilly depend de Nantua qui en prouvoit, et Nantua est hors de l'Estat de Son Altesse, et encor, ledit Nantua a le droit de presenter le curé. Comm' aussi, le prieuré de Chindrieu depend de Cluni, et bien que le Prieur moderne n'ayt pas esté institué de la part de monsieur de Cluni, ça esté par une grace speciale que fit le Pape Clement a ce jeune gentilhomme, qui estoit lors un enfant, a ma remonstrance et supplication, en consideration de la mort du pere qui mourut a moytié martir dans Geneve ; en faveur dequoy Sa Sainteté se contenta de donner ce morceau de pain en commende, pour cette fois tant seulement.

            Or, Monsieur, je vous escritz ainsy au long toutes ces particularités affin que vous voyiés que cette introduction des Peres de l'Oratoire sera non seulement utile au service de la gloire de Dieu et des ames, mays encor selon le service de Son Altesse Serenissime et l'utilité de nostre patrie ; qui me fait d'autant plus hardiment vous supplier de nous procurer au plus tost les expeditions que je demande, puis que je n'ay plus presque que deux moys de loysir pour disposer de la cure de Rumilly, apres lesquelz la provision tumbera es mains du Pape.

            Monsieur, je suis tout a fait

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXIX novembre 1621, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [202]

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MDCCCLVIII. A une religieuse de la Visitation. Humilité et confiance de François de Sales au jour anniversaire de son sacre. — Heureuse navigation sous la protection de la Sainte Vierge.

 

Annecy, 8 décembre [1619-1621.]

 

            Hé certes, ma tres chere Fille, si je ne regardois qu'a ma conscience, cette journee me seroit de grande confusion et digne de vos larmes, plustost que de vostre congratulation. Mais Dieu est bon, il void la grandeur de ma charge et la vanité de mes forces ; c'est pourquoy je dis comme saint Ambroyse : Je ne crains pas d'une crainte qui oste le courage, par ce que j'ay un bon Maistre.

            Ma Fille, aymes moy bien tous-jours avec toutes nos cheres Seurs, et pries la divine Providence de m'estre de plus en plus misericordieuse pour le pardon de mes fautes passees, et de plus en plus propice pour mon amendement a l'advenir. La tres glorieuse Vierge, nostre tres bonteuse Dame et tres pitoyable Mere, nous veuille combler de son saint amour, affin que vous et moy ensemblement, qui avons eu le bonheur d'estre appellés et embarqués sous sa protection et en son nom, fassions saintement nostre navigation en humble pureté et simplicité, affin qu'un jour nous nous treuvions au port de salut qui est le Paradis, pour louer et benir eternellement son Filz nostre Redempteur. Amen. [203]

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MDCCCLIX. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble. Défaut de surnaturel dans les « meres temporelles, » — Ne pas regarder ses pensées. — Grands et petits esprits, — D'où proviennent quelquefois les ardeurs et les indifférences.

 

Annecy, 13 décembre 1621.

 

            Je compatis infiniment a cette bonne dame ; elle n'est que de trop bon naturel, ou du moins, son bon naturel n'est pas asses dompté par le surnaturel en elle. Helas ! ces pauvres meres temporelles ne regardent pas asses leurs enfans comme ouvrages de Dieu, et les regardent trop comme enfans de leur ventre ; elles ne les considerent pas asses comme enfans de la Providence eternelle et des ames destinees a l'eternité, et les considerent trop comme enfans de la production temporelle et propres au service de la republique temporelle. Or bien, si je puis, je luy escriray maintenant, si j'en ay tant soit peu de loysir.

            Puisque vous voyla montee en vostre nouvelle Mayson, j'ay confiance en Dieu que vous dites : Ah ! mon ame, vole au mont comme un passereau. Mais vous regardes trop vos pensees. Que vous importe il si vostre cœur reçoit des atteintes des apprehensions anciennes du temporel ? Mocques vous de ces apprehensions, et demeures ferme sur la parole de nostre Maistre : Cherches premierement le regne de Dieu et sa justice, et toutes les choses necessaires a cette chetifve vie vous seront adjoustees. C'est la le port de nos asseurances ; et ne permettes point de repliques ni de mais sur cela.

            Qu'appelles vous grand esprit, ma tres chere Fille, et [204] petit esprit ? Il n'y a point de grand esprit que celuy de Dieu, qui est si bon qu'il habite volontier es petitz espritz ; il ayme les espritz des petitz enfans, et en dispose a son gré, mieux que des vieux espritz. Si la fille du procureur dont vous m'escrives est douce, maniable, innocente et pure, ainsy que vous le dites, mon Dieu, gardes vous en bien de la renvoyer ; car, sur qui habite l'Esprit du Seigneur, sinon sur les pauvres et innocens qui ayment et craignent sa parole ? Icy, nous avons des filles du voyle noir, Associees, qui font tres bien : mais qu'importe il que celle ci soit Associee, jusques a ce qu'elle soit capable du chœur ? C'est pour des telles filles que ce rang de Seurs a esté mis es Constitutions.

             [Je ne treuve non plus rien a redire pourquoy l'autre fille ne doive estre receuë, je dis tres amoureusement.] O quand les filles ont le cœur bon et le desir bon, encor qu'elles n'ayent pas ces grandes ardeurs de resolution, il n'importe. Les ardeurs viennent quelquefois de la condition naturelle des espritz, comme quelquefois aussi les indifferences ; et Dieu sçait bien enter sa grace sur l'un et sur l'autre dans les vergers des Religions.

            Mais pour toutes telles occurrences, vous aves Moyse et les Prophetes, vous aves vostre tres bon Pere spirituel : oyés le, escoutes le, et le salues cherement de ma part. Vives, ma tres chere Fille, de cette vie divine, toute remise es mains de Nostre Seigneur.

            Je suis de plus en plus, tres entierement tout vostre.

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 13 decembre 1621. [205]

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MDCCCLX. A Madame de Veyssilieu. Compassion pour des afflictions multipliées. — Ne pas établir son cœur sur les choses de ce monde. — Quelle espérance doit nous réjouir.

 

Annecy, 13 décembre 1621.

 

            Il ne faudroit pas vous avoir au milieu de mon cœur, ma tres chere Fille, pour ne pas avoir avec vous part a vos afflictions ; mays il est tout vray, qu'estant ce que je vous suis, et a vostre mayson, je compatis grandement a toutes vos afflictions, et de madame de la Baume, vostre seur. Mays, ma tres chere Fille, il me semble que vous estes un peu plus susceptible des consolations que cette chere seur ; c'est pourquoy je vous dis que nous avons tort si nous regardons nos parens, nos amis, nos satisfactions et contentemens comme choses sur lesquelles nous puissions establir nos cœurs. Sommes nous, je vous prie, en ce monde qu'avec les conditions des autres hommes et de la perpetuelle inconstance dans laquelle il est establi ? Il faut s'arrester la, ma tres chere Fille, et reposer nos attentes en la sainte aeternité a laquelle nous aspirons. O paix du cœur humain ! on ne te treuve qu'en la gloire et en la Croix de Jesus Christ.

            Ma tres chere Fille, vives ainsy, et res-jouisses souvent vostre cœur bien aymé en la veritable esperance de jouir un jour seternellement de la bienheureuse et invariable aeternité. Je suis pressé, ma tres chere Fille, et ne me reste de loysir que pour vous dire que je suis a jamays tout vostre et

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Et madame de Pizançon comme se porte elle ? Je [206] luy escriray tout a la fine premiere commodité. La niece qui est icy est bienheureuse d'estre si bonne et douce Religieuse comme ell'est.

            13. X. 1621.

 

            A Madame

Madame de Visselieu.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse.

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MDCCCLXI. A une dame de Grenoble. Un heureux échange avec Dieu. — Sentiments d'humilité et de confiance que doit garder la destinataire. — La Providence divine sur les êtres sans raison et sur ses servantes.

 

Annecy, 13 décembre 1621.

 

            L'une et l'autre pensee est bonne, ma tres chere Fille : puisque vous aves tout donné a Dieu, vous ne deves rien chercher en vous que luy, qui est sans doute, luy mesme, le contreschange du mauvais petit tout que vous luy aves donné. O comme cela aggrandira vostre courage et vous fera marcher confidemment et simplement !

            Et c'est bien fait de penser toutefois que vostre sterilité vient de vostre defaut, sans neanmoins vous amuser a rechercher quel est ce defaut ; car cela vous fera marcher en humilité. Penses vous, ma tres chere Fille, que Sara, Rebecca, Rachel, Anne mere de Samuel, sainte Anne mere de Nostre Dame, et sainte Elizabeth, fussent moins aggreables a Dieu quand elles estoyent steriles que quand elles furent fertilisees ? Il faut aller fidelement au chemin de Nostre Seigneur, et demeurer en paix autant en l'hiver de la sterilité qu'en l'automne de la fertilité. [207]

            Nos Seurs sont consolees sur l'esperance de la paix ; elles le doivent estre encor plus en la parole de l'Espoux celeste, qui conserve les siens comme la prunelle de ses yeux. Saint Hierosme dit a une fille de ses devotes : Celuy n'a besoin de planche qui marche dessus la terre ; celuy n'a besoin de toit qui est couvert du ciel. Dieu, qui fait des maysons aux escargotz et aux tortues, qui ne pensent point en luy et ne chantent point ses louanges, laissera il ses servantes assemblees pour sa louange sans monastere ?

            Ma Fille, je suis de plus en plus tout a fait

Tout vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 13 decembre 1621.

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MDCCCLXII. A Dom Bruno d'Affringues, Général des Chartreux. Conséquence d'une affection qui ne peut être cachée. Mlle de Bressieu, postulante chartreusine. — Bon espoir du Saint.

 

Annecy, 13 décembre 1621.

 

            Mon tres Reverend Pere,

 

            Comme cacheroit on le feu ? Je ne puis non plus celer l'extreme affection que j'ay au milieu de mon cœur a vous honnorer de toute ma force ; et chacun croid que, reciproquement, j'aye le bonheur d'estre grandement aymé [208] de vostre bonté, et sur cela, comme vous voyes souvent, on recourt a mon intercession es occurrences esquelles on recherche vostre faveur.

            Messieurs de Bressieux ont une seur au monastere de Melans qui a grand desir d'y estre Religieuse. Ilz vous supplieront, mon tres Reverend Pere, de les gratifier de vostre authorité, requise pour cela ; et puis qu'ilz le souhaitent, j'implore avec eux vostre charité, ce que je fay d'autant plus volontier, que si je puys prendre connoissance des qualités de cette fille par celles de son aysnee qui est ma belleseur, elle sera vertueuse et bonne servante de Dieu. Et j'allegue cet argument ainsy a la bonne foy, affin de dire encor une des raysons pour lesquelles je doy cooperer aupres de Vostre Paternité pour le bien et la consolation de cett' ame, puis que mesme je me prometz d'estre advoüé de vostre debonaireté tel que je suis et que l'on me croid,

            Mon tres Reverend Pere,

Vostre tres humble et tres affectionné

confrere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XIII decembre 1621, Annessi.

 

            Au tres Reverend Pere en N. S.,

Le Pere General de l'Ordre des Chartreux.

 

Revu sur l'Autographe qui se conservait à la Grande-Chartreuse. [209]

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MDCCCLXIII. A la Mère de Chantal, a Paris. « Une lettre d'empressement. » — Regrets sur la mort de Mme des Gouffiers. — Ce que dirait la Mère de Chantal si elle voyait François de Sales écrire si tard.

 

Annecy, 15 décembre 1621.

 

            C'est bien une lettre d'empressement, car veritablement je ny puis mettre sinon que nous sommes icy tous en tres bonne santé, et moy particulierement, avec bonne esperance de vous revoir de mesme quand Dieu nous donnera la consolation de vostre retour, pour lequel je vous envoyeray ou M. Roland ou M. Michel pour le tems que vous m'advertirés, que vous marqueres a vostre gré, selon que le service de Dieu vous semblera le requerir.

            Helas ! que la pauvre madame de Gouffier est bien morte a l'improuvëu, et que j'en ay esté touché ! Vous m'avies escrit qu'elle estoit hors de danger et pleyne d'un estreme desir d'estre retiree dans vostre Mayson, et j'en avois esté consolé. Certes, je le suis encor de son trespas, puisque Dieu l'a voulu ainsy et luy a donné la grace de s'unir a sa volonté.

            Bon soir, ma tres chere Mere ; Dieu vous comble de ses plus cheres benedictions, qui sont ses dilections. Je vous escris tout a fait a la desrobee et si tard, que je vous voy, [210] ce me semble, me dire : Retires vous. J'ay esté averti ce soir du*depart de ce porteur, beaufrere de la petite Seur Jane Marguerite, que Dieu absolve. Et je vay donq faire l'obedience a nos Seurs.

            A la chere Fille Mme de Port Royal

            XV decembre 1621.

 

Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de l'église paroissiale de Subligny (Cher).

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MDCCCLXIV. A une religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Visite qui aurait été faite volontiers. — Les affections qui naissent de la contemplation de la crèche. — Mystère où se mêlent l'amour et la rigueur. — Sainte Paule préférant Bethléem aux délices de Rome. — Ardente prière.

 

Annecy, 25 ou 26 décembre [1619-1621.]

 

            Me treuvant dans ces bonnes festes environné de mille affaires, il ne m'est presque pas bien possible de vous aller visiter, ma tres chere Fille. Je l'eusse pourtant fait de bon cœur, pour vous entretenir toutes de quelques considerations sur le saint mystere que nous celebrons ; [211] mais, ma chere Fille, rien ne vous manquera, puisque vous seres en la presence de cet Enfant sacré duquel vous tiendres l'idee en vostre memoire et imagination, comme si vous le voyies naistre dans sa pauvre petite cresche de Bethlehem.

            Mon Dieu, que cette naissance fait naistre de saintes affections dedans nos cœurs ! ains sur tout de la parfaitte abnegation des biens, des pompes, des soulas de ce monde. Je ne sçai, mays je ne treuve point de mystere qui mesle si suavement la tendreté avec l'austerité, l'amour avec la rigueur, la douceur avec l'aspreté. Jamais on ne vit un plus pauvre ni un plus heureux accouchement, ni jamais une si somptueuse et si contente accouchee. Certes, qui accouche du Filz de Dieu n'a que faire de mendier du monde des consolations exterieures. Sainte Paule ayma mieux aussi vivre hospitaliere en Bethlehem que de demeurer riche dame a Rome, luy estant advis que jour et nuit elle oyoit en son cher hospital les cris enfantins du Sauveur en la cresche, ou, comme parloit saint François, du cher « Enfant de Bethlehem, » qui l'incitoit au mespris des grandeurs et affections mondaines et l'appelloit au tressaint amour de l'abjection.

            Ce cher petit Sauveur le sçait bien, ma tres chere Fille, que des ce matin mon cœur crie et reclame JESUS pour le vostre. Ouy, tres doux Jesus, bausme pretieux, qui donnes toute suavité aux Anges, aux hommes, entres, possedes l'ame de cette chere fille ; qu'elle jouisse pleinement de ces affections, affin que l'odeur de ce Nom parfumé rejaillisse en toutes ses actions.

            Helas ! ma Fille, vous m'estes toute chere, parce que vous n'aves rien de cher que Jesus et, qu'en luy et par luy, je sçai bien que je vous suis bien cher. Que je le sois donq encor plus cette annee ; mais sur tout, que Jesus le soit de plus en plus jusques a la tressainte eternité. Amen.

Vostre tres affectionné Pere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve. [212]

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MDCCCLXV. A un ami (Fragment). Seule réponse au mépris. — Bonnes espérances que donne le nouvel Evêque de Chalcédoine. — La misère de ce siècle.

 

Annecy, [1621.]

 

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            Ce n'a rien esté ou presque rien, ce petit mespris que l'on m'a fait ; et je dis de bon cœur : Domine, ne statuas illis hoc peccatum ; et j'adjousterois volontier, si j'osois : quia nesciunt quid faciunt.

            Nous avons icy nostre Monseigneur de Chalcedoine, lequel, ou je suis trompé, ou il reparera beaucoup de fautes que j'ay faites en ma charge, ou je confesse que j'ay failli en tout, ormis en l'affection ; mais ce frere est d'un esprit zelé, et, ce me semble, brave homme pour reparer mon meschef.

            Je suis bien ayse que nos Filles de Sainte Marie soyent [213] en leur monastere ; ce ne sera pas un petit attrait a plusieurs ames pour se retirer du monde, puisque l'on est si miserable en ce siecle que l'on ne regarde pas tous-jours le celeste Espoux au visage, ains a ces ageancemens exterieurs, et que souvent nous estimons les lieux plus devotieux que les autres, a cause de leur forme.

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FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCCLXVI. A Madame de la Chapelle Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Que faire quand on se voit toujours retomber dans les mêmes imperfections ? — Une leçon qu'il faut apprendre. — Moyen d'acquérir la douceur de cœur à l'égard du prochain.

 

[1618-1621.]

 

            Ma chere Fille,

 

            Je vous respondray en peu de paroles, puisqu'aussi bien sçay je ce que vous m'eussies dit, par vostre lettre, comme si je vous eusse oüye parler de bouche ; car en fin, c'est que vous estes tous-jours celle la que vous m'aves dit les annees passees. A quoy je vous respondray :

            Premierement, que vous vous deves doucement supporter, en vous humiliant beaucoup devant Dieu, sans chagrin ni descouragement quelcomque.

            Secondement, vous deves renouveller tous les propos que vous aves ci devant faitz de vous amender. Et bien que vous ayes veu que, nonobstant toutes vos resolutions, [214] vous estes demeuree engagee en vos imperfections, vous ne deves pas pour cela laisser d'entreprendre un bon amendement, et l'appuyer sur l'assistence de Dieu. Vous seres toute vostre vie imparfaitte, et y aura tous-jours beaucoup a corriger ; c'est pourquoy il faut apprendre a ne se point lasser en cest exercice.

            Tiercement, travaillés pour acquerir la suavité du cœur envers le prochain, le considerant comme œuvre de Dieu, et qui en fin jouyra, s'il plait a la Bonté celeste, du Paradis qui nous est preparé. Et ceux que Nostre Seigneur supporte, nous les devons tendrement supporter, avec grande compassion de leurs infirmités spirituelles.

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MDCCCLXVII. A la Mère de Chantal, a Paris. Danger de suivre la prudence humaine pour la réception des sujets à la Visitation. — Comment Dieu a fait le cœur de François de Sales. — Son amour pour les âmes, tout surnaturel.

 

Annecy, [1620 ou 1621.]

 

            Ma tres chere Mere,

 

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            Sur cest article que vous m'escrives, de la reception des filles, il y a un extreme danger qu'on ne se jette trop [215] sur la prudence humaine, qu'on ne se fonde trop sur la nature et trop peu sur la grace de Dieu. J'ay peine d'empescher qu'on ne considere la foiblesse de la complexion et les infirmités corporelles. On voudroit qu'au festin, il n'y entrast ni borgne, ni boiteux, ni maladif ; en somme, on a bien peine de combattre contre l'esprit humain, pour l'abjection et pure charité.

            J'adjouste donq ce mot, ma tres chere Mere, pour vous dire que, selon vostre ordre, j'ay escrit a nostre Seur de N. amoureusement, et je vous asseure, ma tres chere Mere, que c'est de tout mon cœur, car j'ayme cette pauvre fille d'un cœur parfait. Mays c'est grand cas, il n'y a point d'ames au monde, comme je pense, qui cherissent plus cordialement, tendrement et, pour le dire tout a la bonne foy, plus amoureusement que moy ; car il a pleu a Dieu de faire mon cœur ainsy. Mais neanmoins, j'ayme les ames independantes, vigoureuses et qui ne sont pas femelles ; car cette si grande tendreté brouille le cœur, l'inquiete et le distrait de l'orayson amoureuse envers Dieu, empesche l'entiere resignation et la parfaitte mort de l'amour propre. Ce qui n'est point Dieu, n'est rien pour nous. Comme se peut il faire que je sente ces choses, moy qui suis le plus affectif du monde, comme vous sçaves, ma tres chere Mere ? En verité, je les sens pourtant ; mais c'est merveille comme j'accommode tout cela ensemble, car il m'est advis que je n'ayme rien du tout que Dieu et toutes les ames pour Dieu. Hé, Dieu ! Seigneur, faites encor cette grace a toute mon ame, que ce soit en vous seulement.

            Ma tres chere Mere, ce discours est infini. Vives joyeuse, toute pleine de Dieu et de son saint amour.

            Bon soir, ma tres chere Mere. Je sens cette unité que Dieu a faite, d'un extraordinaire sentiment.

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCCLXVIII. A Mademoiselle Jousse (Inédite). Conseils à une aspirante à la Visitation.

 

Annecy, [1620 ou 1621.]

 

            Ma chere Fille,

 

            Sur la resolution que vous aves declairee a monsieur vostre pere, je vous exhorte de perseverer a demander sans cesse la clarté du Saint Esprit et sa sainte conduite, en attendant que vous venies icy, et que Mme de Chantal [soit de re]tour, affin qu'en chose de si grand' importance et en laquelle il s'agist de la disposition de toute vostre [217] vie mortelle, nous ne facions rien que par la volonté et inspiration de Celuy qui nous a preparé l'eternelle. Je suis de tout mon cœur, ma tres chere Fille,

Vostre humble, affectionné serviteur,

F., E. de Geneve.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Trappe de Mortagne.

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MDCCCLXIX. A M. Pierre Jay. Une « ample » approbation. — Comment il faudrait traiter les choses pieuses et saintes pour détourner habilement les âmes de la lecture des romans. — Hameçon du pêcheur d'hommes. — La délicatesse du monde. — Projet d'un ouvrage.

 

Annecy, 1620 ou 1621.

 

            Monsieur,

 

            Apres avoir leu vos cayers, je vous les renvoye avec une approbation autant ample que vous la sçauries desirer de [218] moy. Mais, mon Dieu, il faut que je vous die que la connoissance que je prens tous les jours de l'humeur du monde me fait souhaitter passionnement que la divine Bonté inspire quelque sien serviteur d'escrire au goust de ce pauvre monde. Je veux dire, Monsieur, que s'il vous plaisoit de suivre vostre pointe et traitter des choses pieuses et saintes d'une façon aggreable, historique et qui charmast un peu la curiosité des espritz du tems, cela les retireroit, ou au moins divertiroit, de la pestilente lecture des Amadis, des romans et de tant d'autres sottises, et ilz avaleroyent insensiblement l'aggreable hameçon qui les retireroit de la mer du peché dans la nacelle de la vertu.

            En fin, Monsieur, nous sommes pescheurs, et pescheurs des hommes. Nous devons donq employer a cette pesche non seulement des soins, des travaux et des veilles, mais encor des appas, des industries, des amorces, ouy mesme, si je l'ose dire, de saintes ruses. Le monde devient si delicat, que desormais on ne l'osera toucher qu'avec des gans musqués, ni panser ses playes qu'avec des emplastres de civette ; mays qu'importe, pourveu que les hommes soyent gueris et qu'en fin ilz soyent sauvés ? Nostre reyne, la charité, fait tout pour ses enfans. Prenes donq courage, Monsieur, suives les mouvemens de ce grand et gratieux genie qui vous anime.

            Il faut que je vous confie un secret que je n'ay encor dit qu'a deux de mes bons amis. Croiries vous que, tout pesant que je suis, je fay dessein d'escrire, par une methode de narration historique, les principaux pointz de nostre [219] croyance ? Mays, helas ! si je n'ay point d'autre loysir que celuy que la cour me laisse, je mourray comme les femmes enceintes, sans produire ce que j'ay conceu… [220]

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MDCCCLXX. A une dame. Le prix des tribulations. — Bonheur des âmes que Dieu appelle à son service.

 

[1616-1623.]

 

            O que Dieu est bon, ma tres chere Fille ! Il est vray qu'il est bon a tous, mays souverainement a ceux qui l'ayment. Les tribulations sont plus pretieuses que l'or et le repos aux ames que Dieu a choysies.

            J'escris a nostre Seur Superieure selon vostre desir et celuy de cette chere fille, car je ne puis ni ne dois faire autrement ; elle sera bien heureuse, cette ame, si elle persevere constamment. Meilleure est une heure es portiques de Dieu, que mille et millions es cabinetz des pecheurs. Or vous y estes encor, ma tres chere Fille, en ces porches sacrés de Nostre Seigneur, puisque vous pretendes et pretendres invariablement a la conjonction de vostre ame a son Dieu, et qu'elle fait la pluspart de son sejour au mont sacré du Calvaire.

            Dieu soit a jamais au milieu de vostre ame, pour l'enflammer de plus en plus de son pur amour, qui est la plus digne et la plus desirable benediction de vostre esprit. Je suis de tout le mien, tres invariablement et parfaitement

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCCLXXI. A une dame. La merveilleuse importunité de la prudence humaine. — Manière de purifier nos intentions. — Deux volontés en l'âme de saint Paul, et en la nôtre. — Agir pour Dieu, afin de lui être agréable, et laisser le reste.

 

[1618-1622.]

 

            Je respons a la demande que la bonne Mere de Sainte Marie m'a faite de vostre part, ma tres chere Fille. Quand la prudence humaine se mesle de nos desseins, il est malaysé de la faire taire ; car elle est merveilleusement importune, et se fourre ardamment et hardiment en nos affaires malgré nous.

            Que faut il faire la dessus affin que l'intention soit purifiee ? Regardons si nostre dessein peut estre legitime, juste et pieux ; et s'il le peut estre, proposons et deliberons de le faire, non plus pour obeir a la prudence humaine, mais pour, en iceluy, accomplir la volonté de Dieu.

            Si nous avons une fille, par exemple, que la prudence humaine dicte devoir estre colloquee en Religion pour quelques raysons de l'estat de nos affaires, or sus, nous dirons en nous mesmes (je ne dis pas devant les hommes, mais devant Dieu) : O Seigneur, je vous veux offrir cette fille, parce que, telle qu'elle est, elle est vostre ; et bien que ma prudence humaine m'incite et incline a cela, si est ce, Seigneur, que si je sçavois que ce ne fust pas aussi vostre bon playsir, malgré ma prudence inferieure je ne le ferois nullement, rejettant en cette action ladite prudence que mon cœur sent, mays a laquelle il desire ne [222] point consentir, et embrassant vostre volonté que mon cœur n'apperçoit pas selon son sentiment, mais a laquelle il consent selon sa resolution.

            O ma tres chere Fille, c'est a tout propos que l'esprit humain nous travaille de ses pretentions et se vient importunement ingerer parmi nos affaires. Nous ne sommes pas plus saintz que l'Apostre saint Paul, qui sentoit deux volontés au milieu de son ame : l'une qui vouloit selon le viel homme et la prudence mondaine, et cette cy se faisoit plus sentir ; et l'autre qui vouloit selon l'esprit de Dieu, et celle cy estoit moins sensible, mais laquelle pourtant dominoit, et selon laquelle il vivoit ; dont d'un costé il s'escrioit : O moy miserable homme, qui me delivrera du cors de cette mort ? et d'autre part il s'escrioit : Je vis, non plus moy mesme, mais Jesus Christ vit en moy. Et a chaque pas, presque, il nous faut faire la resignation que Nostre Seigneur nous a enseignee : Non ma volonté, mais la vostre, o Pere eternel, soit faite. Et cela fait, laisses clabauder la prudence humaine tant qu'elle voudra, car l'œuvre ne sera plus sienne ; et vous luy pourres dire comme les Samaritains dirent a la Samaritaine apres qu'ilz eurent oüy Nostre Seigneur : Ce n'est plus meshuy pour ta parole que nous croyons, mays parce que nous mesmes l'avons veu et entendu. Ce ne sera plus pour la prudence mondaine, bien que ce soit elle qui ayt excité la volonté, que vous feres cette resolution, mais parce que vous aves conneu que Dieu l'auroit aggreable : ainsy, par l'infusion de la volonté divine, vous corrigeres la volonté humaine.

            Demeures en paix, ma tres chere Fille, et serves bien Dieu en la peyne et fascherie de la grossesse et de l'enfantement, que vous dresseres aussi selon son bon playsir. Et je prie sa souveraine Bonté qu'elle vous comble de benedictions, vous suppliant de m'aymer tous-jours en luy et pour luy, qui m'a, en toute verité, rendu [223]

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

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MDCCCLXXII. A M. Albert de Genève-Lullin. Mission assignée par Dieu aux grands de ce monde. — Où doivent-ils mettre leur perfection. — Efficacité de leur exemple. — Un mot de Trajan et les paroles de l'Apôtre. — La première leçon des maîtres.

 

[1618-1622.]

 

            Monsieur,

 

            Je vous prie de vous mettre souvent devant les yeux et rappeller en vostre esprit ce que la tres sage bonté de Dieu a voulu operer en vostre ame et par vostre moyen, en vous donnant des biens, de la faveur et de l'authorité.

            Les princes et les grans seigneurs ont pour l'ordinaire en naissant ce que le simple peuple s'efforce d'acquerir avec bien de la peine. Que si quelque chose leur manque, ilz peuvent tout en Celuy qui leur a tout donné, et il leur suffit de vouloir pour estre asses puissans. Mais affin que leur volonté soit plus conforme a la regie de toute bonne volonté, leur perfection doit estre de vouloir seulement ce que Dieu veut. Or, il est vray que Dieu ne veut autre chose d'un prince, sinon qu'en regissant tous [224] ses sujetz avec crainte et amour, il ayme et craigne Dieu avec une crainte filiale et un amour tres pur, tressaint et tres cordial. Souvent leur indulgence est une pure cruauté, et leur justice, une grande misericorde. Leur exemple est le point d'ou depend le bonheur et le malheur du peuple, et partant ilz doivent tous dire avec Trajan : « Je dois estre tel prince envers mes sujetz, que je desirerois de rencontrer un prince si j'estois sujet. »

            De mesme aussi, comme chaque seigneur et chaque gentilhomme est un petit monarque en sa mayson, ilz ne doivent pas s'oublier de ces paroles de l'Apostre : Vous qui estes maistres, faites a vos serviteurs ce qui est juste et convenable, vous souvenans que vous aves un autre Maistre au Ciel et des Rois sur la terre, de qui vous dependes. Ilz ne doivent donq pas faire chez eux comme des lions, et revolter leurs domestiques, et opprimer leurs serviteurs ; mais leur pieté doit estre genereuse, et leur courage plein de clemence et de bonté. C'est la leur premiere leçon, d'ou ilz apprendront a rendre a Dieu et a leur Roy tous les devoirs de leur sujettion, et a leurs sujetz tous les offices d'une puissance qui ne doit marcher que sur la justice et sur la bonté. [225]

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MDCCCLXXIII. A la Mère de Chantal, a Paris (Fragment). Pensée du Saint sur le monde et les mondains. — Nouvelles de son âme.

 

[1619-1622.]

 

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            Plus je vay avant, plus je treuve le monde haïssable et les pretentions des mondains vaines, et ce qui est encor pis, plus injustes.

            Je ne puis rien dire de mon ame, sinon qu'elle sent de plus en plus le desir tres ardent de n'estimer rien que la dilection de Nostre Seigneur crucifié, et que je me sens tellement invincible aux evenemens de ce monde, que rien ne me touche presque.

            O ma Mere, Dieu comble de benedictions vostre cœur, que je cheris comme mon cœur propre. Je suis sans fin vostre, en Celuy qui sera par sa misericorde, s'il luy plait, sans fin tout nostre.

FRANÇS, E. de Geneve. [226]

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MDCCCLXXIV. Au Comte Claude-Jérome de Saint-Maurice (Inédite). Réclamation d'un legs fait pour une chapelle par le beau-père du destinataire.

 

Annecy, [1620-1622.]

 

            Monsieur,

 

            Ayant fort souvent esté prié par le sieur Peyssard, vicaire en l'eglise parroissiale de cette ville, de vous representer combien la chapelle de Chitri, qui y est, a besoin de vostre soin et d'un legat que feu M. de Treverney avoit fait pour icelle, je le fay maintenant par cette commodité, sachant que vous aurés grandement aggreable que je vous rende ce devoir, et que vous prendres playsir a faire ce bien-la en un lieu qui porte le nom et les marques d'une mayson qui n'est qu'une avec la vostre et qui s'est si honnorablement, jadis, signalee en la vertu et pieté.

            Ce pendant, je ne cesseray jamays de vous souhaiter [227] toute sorte d'accroissement de prosperité en la grace de Nostre Seigneur, ni d'estre, Monsieur,

Vostre serviteur tres humble et tres affectionné,

FRANÇS, E. de Geneve.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Amiens.

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MDCCCLXXV. A la Mère de Blonay, Supérieure de la Visitation de Lyon (Fragment). Bénédictions et vœux de François de Sales pour la petite Aimée de Blonay. — Doux et lointains souvenirs du Chablais.

 

[Juin 1620-1622.]

 

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            Je vous peux bien appeller ma tres chere Fille, car vous m'aves esté chere, en verité je le puis dire ainsy, des le ventre de vostre mere, ou au moins des la mammelle, ou je vous ay cent fois benite et souhaité la couronne et le loyer des vierges, espouses de Jesus Christ, en ce tems bienheureux, ma chere Fille, ou, avant que d'estre pasteur en chef, j'avois la grace de courir chercher les brebis de mon Maistre, et que j'estois si courtoysement et si amiablement accueilli chez vous. Ma vraye Fille, il me fait, je vous asseure, grand bien de m'entretenir avec vous de ces premieres annees de mon premier service a la tressainte Eglise : cela m'anime a la ferveur et me fait doucement souvenir combien il y a long tems que vous estes ma fille… [228]

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MDCCCLXXVI. A un ecclésiastique. Pourquoi ne faut-il pas accueillir facilement la calomnie. — Conduite à tenir envers les calomniateurs. — En quel sens le pardon doit être héroïque.

 

Annecy, [1621 ou 1622.]

 

            Monsieur,

 

            Trois jours avant l'arrivee en cette ville de ce bon Frere hermite que je treuve bien a mon gré, j'eus des-ja quelque advis de cette fascheuse affaire qu'il m'a communiquee de vostre part ; et comme apres avoir eu une bonne impression d'une personne qualifiee, j'ay beaucoup de difficulté a m'en desprendre, je ne permis pas a cette relation si mauvaise d'entrer dedans mon esprit, ains je l'arrestay a la porte, suyvant l'ancien advis :

Celuy que trop facilement

Par la calomnie on enchante,

Ou bien il est sans jugement,

Ou bien il a l'ame meschante.

            Neanmoins, la cheute de Salomon, que j'ay si souvent en la pensee, me mit, je vous asseure, grandement en peine ; et fus grandement soulagé quand ce bon Frere m'eut parlé et que j'eus veu le tesmoignage plus grand qu'aucune exception de monsieur l'Archidiacre, duquel [229] le tesmoignage est digne de tres grand respect. Or sus, Dieu soit loüé.

            Voicy mon advis : Premierement, puisqu'ainsy que me dit ce porteur et que vostre lettre me signifie, la calomnie n'est pas encor entree dans la foule du peuple, et qu'au contraire les plus apparens et les plus dignes juges des actions humaines de ce païs la sont tout a fait resolus en l'opinion de vostre probité, je prefere la dissimulation au ressentiment ; car nous sommes au cas de l'ancien sage :

« Spreta exolescunt ; si irascare, agnita videntur ; »

et, comme j'ay accoustumé de dire, la barbe n'est ni arrachee ni bruslee, ains seulement coupee ou rasee : elle recroistra facilement.

            2. Je voudrois que la dissimulation fust franche, et comme doivent estre les actions heroïques qui se pratiquent pour l'amour de Dieu : sans se plaindre, sans tesmoigner des grandes repugnances au pardon, car la candeur du cœur qui pardonne fait tant plus connoistre le tort de l'injuriant.

            3. Neanmoins, il faudroit oster de devant les yeux des malins tout ce qui les peut provoquer et qui n'est pas du service de Dieu.

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FRANÇS, E. de Geneve. [230]

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MDCCCLXXVII. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. Bourrasque et contradiction suscitées par l' « ennemy. » — Le véritable esprit de l'Evangile ; ce qu'il aime, comment il inspire nos paroles.

 

Annecy, [fin 1621, ou commencement de 1622.]

 

            Ma tres chere Fille,

 

            Cette brouillerie me tient en peine jusques a ce que je sache qu'elle soit accoysee. L'ennemy, qui a veu que c'estoit tout de bon que ce petit Institut s'augmentoit pour la gloire de Dieu, a suscité cette bourrasque, et encor une autre contradiction de la part de certaines servantes de Dieu, que j'honnore infiniment ; et croy que leur rare pieté ne leur permettra pas de vivre longuement sans se remettre sur le train d'une pure et simple dilection de Dieu et du prochain. [231]

            Sa divine Bonté nous veuille a jamais defendre de la prudence et sagesse, et des saillies de l'esprit humain, et nous face tout a fait vivre en la suite de l'esprit du saint Evangile, qui est simple, doux, amiable, humble, et qui ayme le bien en tous, pour tous, et par tout ou il est ; et qui nous fait tellement aymer nostre vocation que nous n'en aymons pas moins les autres, et qui nous fait parler avec veritable sentiment d'honneur, de respect et d'amour de tout ce que Dieu veut estre en son Eglise pour le bien de ses enfans et pour son service.

             J'espere que ces bonnes ames cesseront de vous tourmenter quand elles feront une serieuse reflexion sur la dilection de Dieu et du prochain, et sur vostre humble patience.

            Ce grand Dieu vive a jamais en vostre ame, ma tres chere Fille, et je salue toutes nos cheres Seurs.

FRANÇS, E. de Geneve. [232]

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Année 1622

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MDCCCLXXVIII. Au Duc Roger de Bellegarde (Inédite). Raison divine de l'élévation du destinataire. — Une victime du « crime d'autruy. » — Prière instante de maintenir ce malheureux dans sa charge. — « Bien faire aux pauvres » pour obliger Notre-Seigneur à prendre soin de nous.

 

1622.

 

            Monsieur,

 

            Dieu vous a mis au lieu et au grade auquel il vous a eslevé par vos merites, affin que vous soyes, pour l'amour de luy, le refuge commun des affligés, mais particulierement de ceux qui tombent en adversité plus par malheur que par malice.

            Mondon, present porteur, est veritablement l'un de ceux la, grandement vexé pour le crime d'autruy, ains pour le fait d'autruy qui n'est pas tout a fait crime, ainsy que Vostre Grandeur, Monsieur, pourra mieux discerner que nul autre, sil vous plait d'oüir le discours de cet accident. Il recourt donq avec la confiance qu'il a, et que mesme je luy ay augmentee, en vostre æquité et debonaireté, affin qu'il vous playse, Monsieur, de le delivrer [233] de la totale ruine delaquelle il est menacé et des-ja presque tout accablé, le conservant en l'office d'archer du prævost et en celuy qu'il avoit pour la garde du sel, a Gex.

            Vostre Grandeur, comme je sçai, a une tres singuliere inclination a bien faire aux pauvres, et voyci une tres singuliere occasion de la pratiquer et, en certaine façon, d'obliger Nostre Seigneur a prendre soin particulier de vostre chere ame, a laquelle je ne cesseray jamais de souhaiter mille et mille benedictions, et sur tout l'æternelle a la fin de vos jours, pendant lesquelz je vous supplie de m'advouer,

            Monsieur,

Vostre invariable, tres humble et tres obeissant serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

………. [16]22.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Orléans.

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MDCCCLXXIX. A Madame de Vaudan. Prendre du loisir pour arranger ses affaires, et être Religieuse d'affection, en attendant de l'être d'effet.

 

1622.

 

            Madame,

 

            Je loüe Dieu de vostre perseverance, et vous aves rayson de prendre suffisamment du loysir pour pourvoir [234] dignement aux affaires que vous laisseres au monde. Ce pendant l'œil de la Providence eternelle, qui regarde vostre cœur, ne laissera pas de vous tenir au nombre de ses espouses, puisque si vous n'estes pas encor Religieuse par effect vous l'estes en affection, et ne differes de l'estre que pour l'estre mieux.

            Continues, je vous prie, Madame, a prier pour mon ame, puisqu'elle cherit tres affectueusement la vostre, et que je suis

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

             A Madame la Chevaliere de Vaudan.

 

Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation du Monastère de la Val d'Aoste, conservée à la Visitation d'Annecy. [235]

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MDCCCLXXX. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. L'Evêque n'a autorité que sur les Religieuses qui ont fait profession dans son diocèse, et celles-ci appartiennent toujours au Monastère où elles ont prononcé leurs vœux. — Formalités à remplir pour les fondations. — Le président Favre et ses justes désirs. — Charges honorables de ses fils. — Pourquoi François de Sales voudrait voir retarder l'établissement de la Visitation à Riom ; moyen terme que l'on peut prendre. — Projet pour Aurillac. — Une petite Novice de treize ans.

 

Annecy, janvier 1622.

 

            Ma tres chere Fille,

 

            Il faut que je vous die naivement et comm'a vous, que je n'ay nulle authorité es Maysons qui ne sont pas en mon diocsese, ni sur les personnes, ni sur les dependences, ormis sur les Seurs qui sont sorties d'icy, qui, selon leurs vœux et la reciproque obligation qu'elles ont a ce Monastere duquel elles sont tous-jours, et le Monastere envers elles pour les recevoir a toutes bonnes occurrences, demeurent tous-jours membres inseparables de cette Mayson, delaquelle elles ne sont nullement privees, puisque elles n'en sont point dehors sinon par obeissance et selon l'Institut.

            C'est pourquoy, ma tres chere Fille, en toutes occasions de fondation, il faut que les Superieures des lieux ou l'on recourt pour avoir des Seurs prennent advis et conseil avec les Peres spirituelz et autres sages amis et amies, et que, avec le consentement du Chapitre et l'obeissance de l'Evesque, ou, en son absence, du Pere spirituel, elle dispose (sic) des personnes convenables a la fondation. Et quand c'est hors de la diocæse qu'il faut aller fonder et que l'obeissance est donnee par le Pere spirituel, il faut que le Vicaire general de l'evesché atteste que le Pere spirituel est deputé pour la direction du [236] Monastere ; et faut observer encor cela quand, selon que le Concile de Trente l'ordonne, un Monastere eslit et desire une Superieure d'un autre monastere hors du diocæse ou se fait l'election.

            De sorte, ma tres chere Fille, que pour les deux fondations que vous me marques, vous n'avies nul besoin de m'advertir sinon en ce qui regarde la disposition de vostre chere personne, pour laquelle je ne voy nul lieu de me dispenser contre les promesses faites a tant de personnes, mays sur tout a monsieur vostre pere, qui ne peut quasi plus rien esperer pour l'accomplissement de ses consolations en ce monde, que de vous voir au Monastere de Chamberi que l'on va entreprendre, affin de vous avoir aupres de luy, d'ou il a esloigné tous messieurs vos freres par les charges honnorables dont ilz sont tous prouveuz maintenant, puisque, comme vous sçaves, M. de Feliciaz est senateur et juge maje de la province de Chablaix ; monsieur de Charmettes a la cour, aupres de Madame ; monsieur nostre President de Genevois icy, d'ou il ne peut absenter, non plus que monsieur de Vaugelaz de la cour de France ; de sorte quil ne reste que monsieur [237] le Doyen de la Sainte Chapelle. Mays, comme que ce soit, il est malaysé de repliquer au desir d'un pere, si juste comm'est celuy de voir sa fille, puysque cela se peut bonnement faire, et selon la gloire de Dieu. Et bien que ce tres bon pere, comme tout dedié a Dieu luy mesme, se remet tres volontier a tout ce qui sera jugé plus a propos pour l'employ de sa fille au service de la plus grande gloire de cette celeste Majesté, si est ce que cela mesme nous oblige tant plus a le consoler en ce qui se pourra. Voyes la lettre quil m'escrit, ma tres chere Fille, et vous connoistres ce que vous et moy devons vouloir en cette occasion. Voyla donq quant a ce point.

            Et quant a la fondation de madame de Chazeron, je vous diray mon advis, qui est que l'on la contente en tout ce que l'on pourra, et sur tout quant a la qualité et quant aux privileges de fondatrice, dont elle puisse jouir des maintenant.

            Mays j'appreuverois merveilleusement que l'on ne se hastat pas tant de faire le Monastere de Riom, non seulement pour donner du tems aux autres Institutz des filles, Carmelites, Urselines et autres qui y sont, mays principalement pour en donner a vostre Monastere de Montferrant de se bien establir, sur tout en personnes ; car c'est cela que j'apprehende en toutes les fondations, qu'elles ne se facent sans filles bien formees et solides [238] en cette vertu religieuse que l'Institut requiert autant ou plus qu'aucun autre Institut qui soit en l'Eglise, puisque dautant plus qu'il y a moins d'austerité exterieure il faut quil y ayt de l'esprit interieur. Je voudrois donq que l'on prist du tems pour ce Monastere de Rioms et que, sil se pouvoit, on retirast les filles qui en veulent estre en vostre monastere de Montferrant, avec leurs pensions annuelles ; puys, la nouvelle Mayson estant faite a Rioms comme une nouvelle ruche, on y envoyast des filles toutes faites, comm'un essein d'abeilles prest a faire le miel. J'en dis de mesme de la proposition que l'on fait pour Aurillac, ou j'aurois grande inclination, en voyant tant en ce bon Pere Recteur qui vous escrit.

            Je croy que nostre Mere ira la ; et avec ces dames [239] du païs et elle, vous pourres prendre meilleur advis par l'opinion de vos bons Peres spirituelz que vous aves-la, et vos amis, que non pas par la mienne qui ne void pas des icy ce qui pourroit estre plus a propos. A cela donq je vous renvoye, m'estant advis que je le doy.

            L'inconvenient que vous apportes pour Aurillac seroit dissipé par celuy que je propose, que les filles vinssent faire leur novitiat a Montferrant.

            Ma tres chere Fille, il ny a point de difficulté que l'on ne puisse donner l'habit a la petite fille de treze ans, en consideration de son si bon pere. Mays affin que cela se face comm'il est expedient, il faut qu'elle face le premier essay de quelques semaines, apres lequel, sil (sic) ell'estjugee propre, il faut avoir dispense de M. l'Evesque ou du Pere spirituel, car autrement cela tireroit consequence plus grande. Et certes, il n'est pas convenable que l'on engage ces si jeunes filles a l'habit, car il y [a] bien plus de peine a oster l'habit a une fille qu'a la renvoyer avant qu'elle l'ayt (sic) pris l'habit.

            Je ne voy pas quil y ayt aucun inconvenient que madame de Dalet entre es monasteres de cette province-la ; au contraire, il me semble que la gratitude et bienseance requierent qu'elle y entre.

            Je treuve que c'est une grande Providence de Dieu que [240] les Supperieurs, en ce commencement, ne soyent pas trop empressés de vostre conduite ; elle se fera plus suavement par les advis des amis que vous employerés.

            J'escris a ces deux bons Peres que vous me nommés et a Mme la Princesse de Joinville, avec les deux motz que Mme de Dalet a marqués de Monseigneur et l…. Salues, je vous prie, ce cœur la de Mme de Dalet.

            Vives toute a Dieu, ma tres chere Fille, et ne bouges, ce reste de tems, d'aupres du petit Enfant qui vous dira, au commencement de ses ans, que l'eternité de laquelle il vient, a laquelle il est, a laquelle il va est seule desirable. Bon jour, ma tres chere Fille, et a toutes nos Seurs.

FRANÇS, E. de Geneve.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Aurillac.

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MDCCCLXXXI. A la Comtesse de Miolans. Compassion et condoléances. — Le seul Consolateur. — Condition nécessaire pour la guérison des corps et des cœurs. — Les « troys douces paroles » de sainte Blandine. — Où se retirer à l'abri des maux de la terre. — François de Sales se réjouit du repos que Mme de Miolans a trouvé à la Visitation.

 

Annecy, 8 janvier 1622.

 

            Madame,

 

            Bien que je n'eusse pas eu le bonheur de vous connoistre quand j'eu la premiere nouvelle de vostre desplaysir, si [241] est ce que je ne laissay pas d'estre vivement touché de compassion pour vostre cœur, m'imaginant combien forte avoit esté cette inopinee secousse ; et si mes souhaitz eussent esté autant pleins d'efficace comm'ilz le furent d'affection et de tendreté, je croy que des lors vous eussies ressenti quelque sorte de veritable alegement. Mays, Madame, les pensees des hommes sont vaynes et inutiles en elles mesmes ; Dieu seul est le Maistre et le Consolateur des cœurs, c'est luy seul qui apayse les ames de bonne volonté. Or, celles-la sont de bonne volonté esquelles Dieu met son bon playsir, et il met son bon playsir es ames qui, selon sa bonne volonté, esperent en luy.

            Que ce fut un bon advis, Madame, que celuy que vous receutes de son inspiration, vous proposant de vous retirer pour un peu de la presse des consolateurs du monde, quoy que bons consolateurs, pour, en repos, remettre la playe de vostre cœur es mains du Medecin et Operateur celeste ! puisque mesme les medecins terrestres confessent que nulle guerison ne se peut faire sinon en la quietude et tranquillité. Les paroles interieures que Dieu dit au cœur affligé qui recourt a sa bonté sont plus douces que le miel, plus salutaires que le bausme prætieux a guerir toutes sortes d'ulceres. Le cœur qui s'unit au cœur de Dieu ne se peut empescher d'aymer et d'accepter en fin suavement les traitz que la main de Dieu descoche sur luy.

            Vostre sainte Blandine ne treuvoit point de plus grand soulagement parmi les blessures de son martire que la sacree cogitation qu'ell'exprimoit souspirant ces troys douces paroles : « Je suis chrestienne. » Bienheureux est le cœur qui sçait bien employer ce souspir !

            Madame, je vous dirois volontier, pour remede a vostre douleur, que qui veut exempter son cœur des maux de la terre, il le faut cacher dans le Ciel, et, comme dit David, il faut musser nostre esprit dans le secret du visage de [242] Dieu et dans le fonds de son saint tabernacle. Regardes bien a l'eternité a laquelle vous tendes ; vous treuveres que tout ce qui n'appartient pas a cette infinie duree ne doit point mouvoir nostre courage. Ce cher filz est passé de ce monde a l'autre sous des bons auspices, a la suite de son devoir envers Dieu et le Roy : ne voyes plus ce passage qu'en l'eternité.

            Madame, on me presse de donner cette lettre, qui est des-ja trop longue pour estre si peu consideré (sic). Je benis Dieu dequoy ces Seurs de Sainte Marie vous ont esté aggreables en cett'occasion de vostre retraitte, et de quoy il vous a fait faire ce choix pour cette petite retraitte. Je sçai qu'elles se tiennent pour avoir esté grandement honnorees et edifiees de vostre sejour parmi leur abjection, et glorieuses que Monseigneur l'Archevesque les ayt favorisees de son commandement qui, en toutes rencontres, leur doit estre tres cher, et particulierement quand il regarde a vostre consolation.

            Je suis a jamais de tout mon cœur, Madame,

Vostre tres humble et obeissant serviteur

en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            VIII j[anvier 1622 ].

 

            A Madame

Madame la Comtesse de Miolans.

            A Lion.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Voiron. [243]

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MDCCCLXXXII. Au Chanoine Jean Moccand, Prieur du Monastère de Sixt (Fragment inedit). Les Constitutions de la Visitation à Sixt.

 

Annecy, 15 janvier 1622.

 

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            Je luy ay donné une copie des Regles de saint Augustin et des Constitutions de la Visitation, affin que sur icelles vous puissies cueillir ce qui vous semblera a propos.

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Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [244]

 

MDCCCLXXXIII. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. La joie de l'âme au jour de la distribution du salaire éternel. — Réponse effective de Dieu à la confiance. — Douce réunion autour de la Mère de Chantal.

 

Annecy, 22 janvier 1622.

 

            Ma tres chere Fille, Rien tout a fait maintenant, parmi ce deluge de lettres que j'escris, sinon que je vous souhaitte tous-jours de plus en plus courageuse en ce saint service de Dieu auquel vous estes. O combien de veritables consolations vostre ame recevra elle au jour auquel, comme dit l'Evangile d'aujourd'huy, le grand Maistre de la vigne dira a son facteur : Appelle les ouvriers, et leur rens le salaire.

            Il faut estre constante et toute remise en cette sainte Providence qui vous a mise en besoigne. J'ay sceu, j'ay veu vos peines interieures et exterieures ; j'ay conneu que Dieu a sousmis sa main a vostre cœur, affin qu'il ne flechist point sous la pesanteur du fardeau. C'en sera tous-jours de mesme, quand vous dresseres vos yeux et vos esperances devers son sanctuaire.

            Je vous voy toute pleyne de consolation sur le passage de la bonne Mere, que ce porteur va prendre ; car je vous laisse a penser quel contentement de se revoir [245] ensemble : nostre Mere, nostre Seur Paule Hieronime et ma fille Marie Aymee.

            Je suis tres parfaitement tout vostre, ma tres chere Fille.

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 22 janvier 1622.

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MDCCCLXXXIV. A la Marquise de Maignelais. Remerciements pour des faveurs passées ; prière de les continuer aux Sœurs de la Visitation de Paris. — L'exemple du Sauveur, ami des petits et des enfants.

 

Annecy, 23 janvier 1622.

 

            Madame,

 

            Puisque non une seule rayson, mais plusieurs bien justes et urgentes retirent la bonne Mere Superieure de la Visitation Sainte Marie de Paris a Dijon et de deça, il est bien raysonnable que je vous remercie, ainsy que je fay tres humblement, des consolations et faveurs qu'elle a recueillies de vostre continuelle charité : vous suppliant neanmoins tous-jours de les luy continuer en la personne de cette trouppe de filles qu'elle laisse la pour le service de la gloire de Dieu, qui est tout vostre amour, et duquel la providence a preparé vostre cœur pour estre le refuge et la protection des petites servantes de son Filz, qui en sont d'autant plus necessiteuses que l'aage et l'imbecillité de leur establissement est plus tendre et sujet a la contradiction.

            J'espere que l'humilité et la connoissance de leur petitesse les conservera non seulement en la grace de Dieu, [246] mais aussi en vostre bienveuillance, Madame ; et que parmi tant d'autres ames plus relevees et dignes de vostre faveur, que vostre pieté appuye de son zele, elles aussi, en leur rang, vivront a l'abry de vostre debonaireté, laquelle se souviendra que son Mirouër et son Exemplaire et Patron ayme plus tendrement les petites gens, basses et infirmes, ouy mesme les plus jeunes petitz enfans, pourveu qu'ilz se laissent sousmettre a ses mains et prendre entre ses bras.

            Et pour moy, je vous supplie de m'advoüer, comme je le suis de toute l'affection de mon cœur,

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, ce 23 janvier 1622.

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MDCCCLXXXV. A la Mère de Chantal, a Paris. Un Père spirituel pour la Visitation de Paris. — Deux filles du Saint au Carmel d'Orléans. — Entente nécessaire pour le voyage de la Mère de Chantal et le départ de nouvelles Sœurs destinées aux fondations de France. — « L'histoire de la consultation » pour la Mère Angélique Arnauld. — Comparaison « un peu rigoureuse » entre la Règle de saint Benoit et l'Institut de la Visitation. — Avertissement qu'il faut donner à l'Abbesse. — Une première Communion. — Quelques mots sur les futures fondatrices du Monastère de Dijon.

 

Annecy, 23 janvier 1622.

 

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            La pensee m'est venue, en escrivant a M. Berger, que peut estre Monseigneur le Cardinal le rendra vostre [247] Pere spirituel a Paris, puisque il se va rendre ecclesiastique aux Quatre Tems des Cendres ; et je croy que la Mayson en seroit bien et cordialement assistee.

            Je vous prie qu'en entrant ou sortant d'Orleans vous prenies occasion de voir la Mere Prieure des Carmelines, fille aysnee de la Seur Marie de l'Incarnation, laquelle, tandis que je fus a Paris, il y a vingt ans, estoit non seulement ma fille spirituelle, mais ma partiale, aagee d'environ treize ans, et qui avoit un naturel bon, franc et naïf ; comm' aussi la Mere Sousprieure, qui fit en ce tems la son premier vœu de virginité et sa confession generale devant moy.

            Je me trompe si vous ne treuves a Moulins quelque sorte de tentation a cause de la singularité de ma Seur Marie Aymee ; mais je pense pourtant que ce ne sera qu'une tentation humaine et digne de charité.

            M. Boucher, chancelier et theologal d'Orleans, est mon ancien compaignon d'estude, qui m'a tous-jours grandement aymé.

            Puisque la conduite de vostre chemin de Paris a Dijon, pour passer par les monasteres, requiert que vous venies a Moulins, et que les Seurs que l'on prendra icy et a Grenoble vous aillent prendre la, il faudra donq sçavoir a point nommé le tems auquel il les faudroit envoyer et comme quoy les choses passeront, c'est a dire d'ou viendra l'advis que nous devons recevoir ; mais il me semble [248] pourtant que n'y ayant que quarante lieuës d'icy a Dijon, ce sera grandement allonger le chemin de passer a Moulins. Je ne sçay pas bonnement combien il y a de Moulins a Montferrant, mais si cela est asses commode, je pense que ce seroit de la consolation a ces filles que vous allassies prendre leur Superieure pour Dijon, laquelle, comme je prevoy, il y aura peine de tirer, selon que vous verres par la lettre qu'elle m'escrit, ci jointe. J'ay des-ja adverti ma Seur Marie Marguerite Milletot, outre laquelle il seroit peut estre bon d'envoyer encor la, la Seur Bernarde Marguerite, laquelle s'est tellement amendee qu'en fin elle est receuë a la Profession.

            Je suis de l'advis de M. de Marillac, que nos Seurs allant par les chams portent leur crucifix avec elles.

            J'ay veu l'histoire de la consultation faite pour nostre tres chere fille madame de Port Royal, sur laquelle il n'y a rien a dire sinon que je voy un examen merveilleusement ponctuel, en ce que on y a pensé que, [à cause de] la longueur du tems et [de] la multitude des actions de superiorité, nonobstant la protestation et le continuel [249] desadveu interieur, cette fille soit tellement obligee de demeurer qu'elle ne puisse pas faire autrement ; car bien que cela soit probable en terme de conscience, si est ce que cela n'est pas advoüé de tous, et de plus, le Pape en peut dispenser. Je tiens aussi la comparayson de la perfection de la Regie de saint Benoist avec l'Institut de la Visitation un peu rigoureuse et desadvantageuse, car il faudroit faire la comparayson de la Regie de saint Benoist avec la Regie de saint Augustin ; et bien que peut estre la Regie de saint Benoist demeurast encor superieure en perfection, si est ce que la comparayson empescheroit tout mespris pour la Visitation, c'est a dire toute tentation de mespris. Mais tout ceci que je vous dis sur cette consultation, ne doit estre nullement allegué, ains simplement consideré avec humilité, et laisser en sincerité la decision a Rome. Et partant, il faut bien advertir cette chere fille qu'elle n'use pas de la vivacité de son esprit pour repliquer et respondre, et qu'au moins en cela elle suive l'Institut de la Visitation. Et comme que ce soit, elle pourra de tems en tems soulager son esprit, puisqu'elle a la permission d'entrer a la Visitation ; et si, j'espere que s'accommodant doucement au bon playsir de Dieu, il la consolera finalement.

            Si vous sçavies, ma chere Mere, combien il m'arrive de destours en cette ville du depart de M. Rolland, vous ne series pas estonnee si je n'escris pas aux cheres ames que la mienne et la vostre ayment tant. Madame la Presidente Amelot sçait bien, je m'asseure, que mon cœur est tout sien devant Dieu et ses Anges. Je me res-jouis avec elle de l'honneur [et] du bonheur que sa chere fille Marie aura a cette feste de Pasques en sa premiere Communion ; et si j'estois la, je prendrois bien a faveur d'estre son instituteur a cette action qui, a la verité, est bien [250] importante. Le petit livret du Pere Fulve Androce, de la Confession et Communion, contient plusieurs petitz pointz propres a cela ; mais puisque, comme je croy, le R. P. Suffren est a Paris, rien ne luy peut manquer.

Nous envoyerons donq, quand vous le marqueres et ainsy [que] vous l'ordonneres, des filles pour          vous accompaigner a Dijon, selon le nombre que vous nous diries estre necessaire. Nous avons pensé pour cela a ma Seur Marie Adrienne Fichet, laquelle est de bon esprit et de bon cœur, comme vous sçaves ; a ma Seur Françoise Augustine, de Moyran pres Saint Claude, que je confesse estre une fille grandement a mon gré, et, si je ne me trompe, tout a fait irreprehensible en l'interieur et en l'exterieur ; ma Seur Marguerite Scholastique, de Bourgoigne, qui est douce, maniable et de bon esprit, cousine germaine de vostre Assistante ; ma Seur Marguerite Agnes, [251] qui est d'aupres de Vienne, qui est de bonne mayson, de bonne observance et d'une aggreable simplicité ; a ma Seur Peronne Marie Benod, Seur domestique grandement douce et pliable ; outre ma Seur Marie Marguerite Milletot, qui viendra de Grenoble, que vous connoisses, et ma Seur Bernarde Marguerite, qui est celle de Dijon que vous nous envoyastes, de la capacité de laquelle, bien qu'on ayt douté quelques moys durant, on a despuis eu bonne satisfaction. Il est a considerer si vous treuveres plus a propos qu'on la fasse professe icy ou qu'on l'envoye pour faire profession a Dijon, sur l'attestation qu'on luy feroit icy de sa capacité ; car nous avons pensé que peut estre seroit on bien ayse que cette action se fist la, en presence de ses parens et amys, et la rendre ainsy la premiere fille de ce Monastere.

            Or, ce sera donq a vous, ma tres chere Mere, de nous, advertir si vous voudres ou moins ou plus de filles, et quand elles devront partir… [252]

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MDCCCLXXXVI. A la Mère de Beaumont, Supérieure de la Visitation de Paris. Humilité et courage. — La face de « l'ancienne Anne ; » son cantique. — Dieu donne « abondance de lait » aux mères. — Vivre en joie. — Une « condition qui suffit, et sans laquelle rien ne suffit » à une Supérieure. — Loisir trop court pour toutes les lettres que le Saint voudrait faire.

 

Annecy, 23 janvier 1622.

 

            Ma tres chere Fille, Je vous souhaite de tout mon cœur une grande humilité dedans un grand courage, affin que vostre courage soit [253] tout a fait en Dieu, qui par sa bonté vous soustienne, et, en vous, la sainte charge que l'obedience vous a imposee. Je l'espere, ma chere Fille, et que vous seres comme l'ancienne Anne, laquelle, avant qu'elle fut mere, changeoit souvent de visage, comme touchee de diversités de pensees et d'apprehensions ; mays estant devenue mere, dit l'Escriture sacree, sa face ne fut plus variante ni diversifiee, par ce, comme je croy, qu'elle fut accoysee en Dieu qui luy avoit fait connoistre son amour, sa protection et son soin sur elle. Car ainsy, ma tres chere Fille, si jusques a present le souci de vostre conduite et l'apprehension de vostre future superiorité vous a un peu agitee et vous a souvent fait varier en pensees, maintenant que vous voyla mere de tant de filles, vous deves demeurer tranquille, sereine et tous-jours egale, vous reposant en la Providence divine qui ne vous eut jamais mis toutes ces cheres filles entre les bras ni dans vostre sein, que quant et quand il ne vous eut destinée (sic) un secours, un'ayde, une grace tres suffisante et abondante pour vostre soustien et appuy. Le Seigneur, disoit Anne, mortifie et vivifie, il mey ne aux enfers et en rameyne ; le Seigneur rend pauvre et enrichit, il abbaysse et sousleve. Adjoustés, ma tres chere Fille, comme un'autre Anne : le Seigneur charge et descharge. Et il est vray, car quand il impose quelque charge a une de ses filles, il la renforce tellement que, soustenant la charge avec elle, elle est comme deschargee. Penses vous qu'un si bon Pere comme Dieu voulut vous rendre nourrice de ses filles sans vous donner abondance de lait, de beurre et de miel ? Or, de cela, il n'en faut point douter.

            Mays prenes seulement garde a deux ou troys motz que mon cœur va dire au vostre. Rien ne fait tant tarir le lait es mammelles, que les regretz, les afflictions, les melancolies, les amertumes, les aigreurs. Vives en sainte joye parmi vos enfans, monstres leur une poitrine spirituelle de bonne veüe et de gracieux abord, affin qu'elles y accourent en gayeté. C'est cela que le Cantique marque en la louange des mammelles de l'Espoux : Tes tetins sont meilleurs quelevin, odorantz de parfums prætieux ; [254] le lait, le beurre et le miel sont sous ta langue. Je ne dis pas, ma Fille, que vous soyes flatteuse, cajoleuse et rieuse, mays douce, suave, amiable, affable. En somme, aymes d'un amour cordial, maternel, nourricier et pastoral vos filles, et vous feres tout, vous seres toute a toutes : mere a toutes, secourable a toutes. C'est la seule condition qui suffit, et sans laquelle rien ne suffit.

            Ma Fille, je me confie que Dieu, qui vous a choysi pour le bien de plusieurs, vous donnera l'esprit, la force, le courage et l'amour pour plusieurs. A luy soit a jamais honneur, gloire et benediction. Amen. Je suis invariablement vostre, et je me confie que vous n'en doutes nullement.

            VIVE JESUS !

            Le XXIII janvier 1622.

 

            Quel moyen d'escrire a ma chere Seur Jeanne Marie, ma niece, et a ma Seur Anne Constance, et a ma Seur Marie Anastase, et a ma grande fille Marie Marguerite ? Il ne se peut, car il ne me reste plus de loysir que pour un mot a ma tres chere fille Helene Angelique, la nouvelle espouse de nostre Maistre. Toutes sont neanmoins mes tres cheres filles, au milieu de mon cœur.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse. [255]

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MDCCCLXXXVII. A la Présidente de Herse. Insuffisance des commissions verbales. — Devoir auquell'Evêque ne manque pas.

 

Annecy, 23 janvier 1622.

 

            J'ay bien chargé ce porteur qu'il allast vous saluer, et monsieur vostre cher mary et vostre petit homme mon cher filleul, de ma part et tres humblement. Mays seroit il bien possible que je ne luy donnasse pas cette petite marque visible de la verité du desir que j'ay de vivre invisiblement en vostre chere ame, Madame ma chere Commere et ma Fille tres aymee ? Je ne cesse point, je vous asseure, et ne celebre jamais le saint Sacrifice que je ne presente vostre cœur a Dieu, et n'invoque sa protection et faveur sur vostre chere famille. Je le dois, je le sçai bien : aussi ne le vous dis je pas, ma tres chere Fille, pour m'en vanter, mays pour la complaysance que j'ay a le penser, et a croire que je vous fay playsir de vous en asseurer. Or sus, c'est asses.

            Vives donq de plus en plus en ce celeste amour de Nostre Seigneur qui vous y oblige par mille benedictions qu'il [256] vous a donnees, et sur tout par l'inspiration qu'il vous a departie de le vouloir et de le desirer ; et, en ce desir, vivés joyeuse et saintement contente, voire mesme parmi les ennuis et les afflictions qui ne manquent jamais aux enfans de Dieu.

            Je suis tout a fait invariablement

Vostre tres humble et tres obeissant

serviteur et compere,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Annessi, le 23 janvier 1622.

 

            A Madame

Madame la Presidente de Herce.

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MDCCCLXXXVIII. A la Mère de la Roche, Supérieure de la Visitation d'Orléans. Trois choses apportant à François de Sales de la consolation. — Affection mutuelle de l'Evêque d'Orléans et de l'Evêque de Genève. — Espérance qui sera surpassée. — Un porteur de lettres pas encore en route. — Fille de sainte qui deviendra sainte. — Les « douces Filles » du bienheureux Fondateur.

 

Annecy, 23 janvier 1622.

 

            Les larmes receües par les mains de Mme de Royssieu, vostre lettre tout maintenant venue par la voye de Lyon, mais sur tout vostre dilection tesmoignee par l'un et l'autre moyen, ma tres chere Fille, me donnent un'extremement douce consolation. Monsieur Roland vous dira [257] toutes les nouvelles que vous pourries desirer de deça, d'ou, comme je croy, plusieurs vous escriront plus amplement que moy qui n'en ay nul loysir ; aussi est il a propos que je soys court, pour ne point divertir la consolation que vous aures a recevoir nostre bonne Mere.

            Si faut il pourtant que je vous die que rien ne me pouvoit estre plus doux et aggreable en vostre lettre, que la bonne nouvelle que vous me donnés de la favorable souvenance que Monseigneur l'Evesque d'Orleans a de moy ; et bien que je sache que ce bien provienne de son bon naturel, qui est franc et genereux, si ne laisse je pas de le reconnoistre de Dieu, qui, m'ayant donné une singuliere affection envers ce Prælat, a voulu quil y eut en luy cette aggreable correspondance et qu'il eut une bonne inclination pour moy. Je connois certes en luy beaucoup d'excellentes qualités grandement propres au service de Dieu et de l'Eglise, lesquelles il faut esperer devoir estre egalement utiles quand elles seront bien employees, ainsy qu'il commence a les rendre par la prædication, et qu'il continuera sans doute tous-jours plus fructueusement. Ce luy sera un grand bien de s'obliger a la vie apostolique par cette solemnelle action de l'authorité apostolique. Je sçai la grande esperance que son peuple a de luy, et je sçai que sil l'entreprend il la surpassera ; et son courage le luy fera entreprendre. J'ay grande envie de luy escrire, mais il ny a moyen [258] maintenant, tant je suis accablé ; et cependant je vous prie, ma tres chere Fille, de luy baiser tres humblement les mains de ma part, l'asseurer de mon fidele service et, sans en faire semblant, sçavoir dextrement de luy sil aura aggreable que je luy escrive par foys.

            Nostre chere et cordiale Seur Prieure des Carmelites recevra, je m'asseure, le chapelet et ma lettre par monsieur Jantet, a qui, si je m'en souviens bien, je remis le tout ; et n'estant pas encor parti de Beley, ce n'est pas merveille si ni elle ni vous ne l'aves encor pas receu. Cependant, je salue tres cherement le cœur de cette fille bienaymee, qui sera sainte aussi bien que sa mere, si mes souhaitz sont exaucés ; et si nostre bonne Mere la peut voir entrant en la ville ou sortant, j'en seray consolé : aussi luy escris je que cette chere Seur est mon ancienne et partiale fille. Je salue aussi tres affectionnement et intimement la Mere Sousprieure, qui sçait bien que Dieu veut que je la cherisse comme je fay.

            La fille qui accompagna icy Mme de Royssieu me demanda une recommandation pour elle envers vous, et je la luy donnay comme a une fille l'humeur et l'interieur de laquelle je ne connoy nullement. Vous entendres bien ce que je desire, qui est sur tout le bien et la consolation de vostre Mayson.

            Je confesse que j'ay grand tort de ne point escrire a ma Seur Marie Michele, que j'ayme neanmoins de tout mon cœur ; ni a ma Seur Marie Françoise Belet, que j'affectionne grandement non seulement parce qu'ell'est ma fille, mays par ce qu'ell'estoit chere a la bonne Mme Le Blanc ; ni a ma petite fille Anne Marguerite Clement [259] qui, a la verité, est grandement bienaymee de mon ame, nonobstant la petite duplicité des scrupules qu'elle me demanda avant son depart.

            Or sus, ce sont toutes mes douces Filles en Nostre Seigneur, que je supplie continuellement de les rendre tout a fait saintes ; et vous de mesme, ma tres chere Fille, [260] a qui je suis tres entierement tout dedié et, en verité, tres cordialement vostre. Amen.

            Le XXIII janvier 1622.

 

             A ma tres chere Fille en N. S.,

Ma Seur Claude Agnes de la Roche,

            Supere de la Visiton de Ste Marie.

            Orleans.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes.

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MDCCCLXXXIX. A la Sœur Lhuillier, Novice de la Visitation de Paris. La victime sur l'autel. — Souhaits de bonheur, de courage et de sainteté pour le jour du sacrifice. — Mme de Villeneuve unie à l'immolation de sa sœur. — La vie naissant de la mort.

 

Annecy, 24 janvier 1622.

 

            Or sus, ma tres chere Fille, en fin vous voyla donq sur l'autel sacré en esprit, affin d'y estre sacrifiee et immolee, ains consumee en holocauste devant la face de Dieu vivant. O que cette journee soit contee entre les journees que le Seigneur fait ! Que cette heure soit une heure entre les heureuses que Dieu a benites de toute eternité et qu'il a assignees pour l'honneur de toute l'eternité ! Que cette heure soit fondee en la tressainte humilité de la Croix et aboutisse a la tres sacree immortalité de la gloire ! Que de souhaitz mon ame fera sur cette chere journee pour l'ame de ma chere Fille ! O combien de saintes exclamations de joye et de bon augure sur ce cœur bienaymé ! O combien d'invocations a la tressainte Mere Vierge, aux [261] Saintz et aux Anges, affin qu'ilz honnorent de leur speciale faveur et presence cette consecration de l'esprit de ma tres chere Fille, de laquelle ilz ont obtenu la vocation et inspiré l'obeissance a la vocation !

            Je ne separe point de vostre esprit, ma tres chere Fille, celuy de la tres chere seur [de Villeneuve], ma fille bien-aymee. C'est pourquoy je le considere avec le vostre en la mesme action ; car, comme vous sçaves, elle se treuva avec vous unie d'affection et d'amour au jour de vostre Visitation, et semble que des lhors elle immola des-ja en resolution son cœur avec le vostre.

            Que je suis consolé quand je m'imagine que, selon mon esperance, on vous annoncera en toute verité cette parole de la mort vitale : Vous estes morte, et vostre vie est cachee avec Jesus Christ en Dieu ; car, ma tres chere Fille, de la verité de ce mot depend la verité de l'evenement qu'on prononce consecutivement : Mais quand Jesus Christ apparoistra, et ce qui s'ensuit.

            Ma tres chere Fille, je salue vostre chere ame et celle de la seur, et suis a jamais, en union d'esprit selon Dieu, tres singulierement tout vostre.

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 24 janvier 1622, Annessi. [262]

 

 

MDCCCXC. A Madame Angélique Arnauld, Abbesse de Port-Royal a Maubuisson. Le Saint voudrait savoir l'état du cœur de l'Abbesse au sujet de la décision prise à son égard. — La paix, et toujours la paix. — Quel est le « passeport des filles de Jesus Christ. »

 

Annecy, 24 janvier 1622.

 

            Que vous puis je dire en cette occasion, ma tres chere Fille, sinon qu'entre les consolations que j'attens bien grandes de revoir nostre bonne Mere, celle de l'ouyr parler de vostre cœur en est une ? Mais je ne veux pas dire, pourtant, que je veuille attendre son retour pour en apprendre des nouvelles, de ce cher cœur. Dites moy donq, ma tous-jours plus chere Fille, que fait il ? car maintenant il sçait la resolution qui a esté prise par ces six ou sept grans serviteurs de Dieu qui s'assemblerent pour son sujet.

            Or sus, il faut donq attendre le mot de Rome, et ce pendant demeurer en paix ; et quand le mot sera venu, demeurer en paix ; et quoy qu'il die, demeurer en paix, et tous-jours demeurer en paix de tout nostre pouvoir. Le passeport des filles de Jesus Christ, c'est la paix ; la joye des filles de Nostre Dame, c'est la paix.

            Il est vray, ma tres chere Fille, que vous n'aves point de cœur qui soit ni plus ni certes tant vostre que le mien. Dieu soit beni ! Amen.

FRANÇS, E. de Geneve.

Le 24 janvier 1622. [263]

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MDCCCXCI. A la Sœur de Blonay, Assistante-Commise de la Visitation de Lyon. Quelques tracasseries de la part de l'Archevêque de Lyon. — Nécessité de maintenir l'uniformité dans tous les Monastères de la Visitation. — A quoi il est utile d'employer sa vie lorsqu'elle doit être courte. — Des âmes qui n'eussent pas été bonnes pour le mystère de la Purification. — Ne chercher que Dieu.

 

Annecy, 2 février 1622.

 

            Je ne puis penser, ma tres chere Fille, que Monseigneur l'Archevesque apporte aucun surcroist de loix a vostre Mayson, puisqu'il a veu que celles qu'on a prattiquees sont, graces a Dieu, bien receuës. Que s'il luy playsoit de faire quelque notable changement, il le faudroit supplier qu'il luy pleust de rendre ses ordonnances compatibles a la sainte correspondance que ces Maysons doivent avoir toutes ensemble en la forme de vivre ; a quoy ces messieurs que vous sçaves vous assisteront de leurs remonstrances et intercessions, car a la verité, ce seroit chose, a mon advis, de mauvaise edification de separer et disjoindre l'esprit que Dieu a voulu estre un en toutes ces Maysons. Mais j'espere en Nostre Seigneur qu'il vous donnera la bouche et la sagesse convenables en cette occasion, pour respondre saintement, humblement et doucement. Vives toute en cette sacree confiance, ma tres chere Fille.

            J'escrivis l'autre jour a nos Seurs de Valence. Et la chere petite, douce fondatrice est bien heureuse d'avoir [264] a souffrir quelque chose pour Nostre Seigneur, qui, ayant fondé l'Eglise militante et triomphante sur la croix, favorise tous-jours ceux qui endurent la croix ; et puisque cette petite creature doit demeurer peu en ce monde, il est bon que son loysir soit employé a la souffrance.

            J'admire ces bonnes Seurs qui s'affectionnent si fort a leurs charges : quelle pitié, ma tres chere Fille ! Qui n'affectionne que le Maistre, le sert gayement et presque egalement en toutes charges. Je pense que ces filles ainsy faites n'eussent pas esté bonnes pour celebrer le mystere du jourd'huy, car si Nostre Dame leur eust donné Nostre Seigneur entre leurs bras, jamais elles ne l'eussent voulu rendre ; mais saint Simeon tesmoigne bien que, selon son nom, il avoit la parfaite obeissance, recevant cette douce charge si doucement et la rendant si joyeusement.

            J'admire bien encor cette autre Seur qui ne se peut plaire ou elle est. Ceux qui ont la santé forte ne sont point sujetz a l'air ; mais il y en a qui ne peuvent subsister qu'en changeant de climat. Quand sera ce que nous ne chercherons que Dieu ? O que nous serons heureux quand nous serons arrivés a ce point la, car par tout nous aurons ce que nous chercherons, et chercherons par tout ce que nous aurons.

            Dieu vous face de plus en plus prosperer en son pur amour, ma tres chere Fille, avec toutes nos cheres Seurs que je salue.

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS E. de Geneve.

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MDCCCXCII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Inconvénient du retard des dépêches relatives à la cure de Rumilly. Triste état des bâtiments de la Sainte-Maison de Thonon.

 

Annecy, 3 février 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Je suys tous-jours attendant les despeches necessaires pour remettre l'eglise de Rumilly entre les mains des Peres de l'Oratoire, bien en peyne dequoy je n'ay plus que seze jours de loysir pour disposer de la cure vacante, apres quoy elle vaquera en Cour de Rome, sans que j'y puysse plus mettre la main ; et c'est sans doute qu'il ne manquera pas d'impetrans, qu'il sera par apres malaysé de ranger au salutaire dessein de Vostre Altesse.

            Que si Elle me permet de joindre a cette remonstrance un mot pour la Mayson de Thonon, je luy diray qu'elle n'a pas moins besoin de la venue des mesmes Peres de l'Oratoire que l'eglise de Rumilly, par ce que, sans cela, tout ce qui regarde l'eglise de Nostre Dame et les bastimens qui en dependent s'en va ruiné, ainsy que messieurs les deputés de la Chambre ont reconneu et ont tesmoigné a Vostre Altesse, la providence et pieté delaquelle je reclame en toute humilité, qui suis,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            3 febvrier 1622, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [266]

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MDCCCXCIII. A la Comtesse de Dalet. Sages limites d'un désir. — Comment Dieu emploiera « une tentation de l'ennemy, » et quand il en délivrera. — Les pensées d'amour-propre ne peuvent nuire à une âme qui considère souvent son néant. — Promesse de prières.

 

Annecy, 8 février 1622.

 

            Madame,

 

            Je respons a nostre chere Seur Superieure de Montferrant sur ce que vous me proposes par vostre lettre, bien marri que, pour ce qui regarde sa personne, je ne puis pas seconder le desir de madame de Chazeron ; car, quant au vostre, Madame, je sçai bien les limites dans lesquelles vous le contenes affin que le service de Dieu soit en toutes occasions purement prattiqué : c'est pourquoy je ne vous fay point d'excuse.

            Quant a la crainte de la mort et de l'enfer qui afflige vostre chere ame, c'est veritablement une tentation de l'ennemy, mais que l'Amy bienaymé de vostre cœur employera par sa bonté a vostre progres en la pureté et humilité. Et quand, par une entiere sousmission et resignation a sa providence, vous vous despouilleres du soin du succes de vostre vie, mesme eternelle, es mains de sa douceur et de son bon playsir, il vous delivrera de cette peyne, ou vous donnera tant de force pour la supporter que vous aures sujet d'en benir la souffrance.

            Ma tres chere Fille, les suggestions de vantance, ouy mesme d'arrogance et outrecuydance, ne peuvent nuire a une ame qui ne les ayme pas, qui tous les jours dit souvent a son Dieu, avec le Roy David : Seigneur, je suis fait comme un néant devant vous, et je suis tous-jours [267] avec vous. Comme s'il eust voulu dire : Je vous regarde, o souveraine Bonté, comme l'Estre infini, et me regarde comme un neant devant vous ; et bien que vous soyes tel et moy telle, je demeure tous-jours pleyne de confiance avec vous. Mon neant espere en vostre douce infinité avec d'autant plus d'asseurance que vous estes infini ; j'espere en vous, en comparayson duquel je suis un vray neant.

            Ma chere Fille, demeures en paix dedans vostre amertume. Vous sçaves bien en la pointe de vostre esprit que Dieu est trop bon pour rejetter une ame qui ne veut point estre hypocrite, quelles tentations et suggestions qui luy arrivent. Or sus, je recommanderay vostre necessité a ce grand Dieu d'affluence et d'abondance, et ce pendant, souspires souvent devant luy doucement vos intentions : Je suis vostre, o Seigneur, sauvés moy. Il le fera, ma tres chere Fille. Et qu'a jamais son saint Nom soit beni.

            Je suis sans reserve, Madame,

Vostre tres humble et tres fidele serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 8 febvrier 1622, Annessi.

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MDCCCXCIV. A Madame de la Fléchère. Encore la cure de Rumilly et les Pères de l'Oratoire.

 

Annecy, 13 février 1622.

 

            J'ay fait ce mot par scrupule, ma tres chere Fille, car il me sembloit que je ferois mal si je ne vous escrivois ce mot pour saluer vostre cœur de la part du mien, puisque j'envoyay expres a M. Billet.

            J'attens demain ou passé demain des nouvelles de M. de Saunaz, et au cas qu'il ne vienne pas, je prie M. Billet [268] de venir prendre la cure, pour la garder jusques a ce que le Pape ou moy en disposions autrement. Au reste, Monseigneur le Prince veut en toute façon que nos Peres de l'Oratoire viennent, et on m'asseure que pour avoir les expeditions des secretaires de Son Altesse il n'y va point d'argent, mais ouy bien la patience, que j'ay jusques a present.

            Nostre Seur Jeanne Bonaventure se porte bien. Je suis cordialement tout vostre. Dieu vous comble de benedictions. Amen.

            13 febvrier 1622.

 

            A Madame

Madame de la Flechere.

 

Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.

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MDCCCXCV. A Madame de Travernay. Souhaits pour une heureuse naissance. — Papiers égarés par inadvertance. Une cédule que M. Rolland cherchera.

 

Annecy, 17 février 1622.

 

            Madame ma tres chere Fille, J'ay loué Dieu de vostre santé et du contentement que madame la Comtesse de Saint Maurice vous a donné [269] et a tous ceux qui l'honnorent, par sa grossesse ; et si mes vœux sont exaucés, il reuscira a la parfaite jouissance du fruit que vous en desires.

            Quant aux papiers que vous avés desirés de mes freres pour les affaires qu'ilz ont eü avec feu monsieur de Treverney, puisque ilz ne les treuvent pas, il vous plaira d'en faire dresser telle declaration pour l'aquit que vostre conseil jugera convenable, et ilz la passeront ; vous suppliant de croire que l'egarement a esté fait sans dol ni dessein, par seule inadvertence. Et pour la cedule des interestz remise a M. Rollant, quand il sera revenu de Paris ou il est allé prendre Mme de Chantal pour l'accompagner a son retour, je les (sic) luy feray chercher.

            Et en tout je m'essayeray de vous tesmoigner que c'est de toute mon affection que je suis a jamais, Madame,

Vostre tres humble et tres fidele

compere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XVII febvrier 1622, Annessi.

             Je salue cherement madamoyselle ma tres chere filleule et madamoyselle de Mont Saint Jean.

 

            A Madame

Madame de Treverney.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Sorésine (Italie). [270]

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MDCCCXCVI. A Madame de Picaraysin (Billet inédit). Commission faite et avis donné.

 

Annecy, 18 février 1622.

 

            Madame,

 

            J'ay dit a monsieur le Curé de Chaumont ce qui se peut faire en l'affaire qu'il m'a proposee de vostre part ; et vous saluant tres affectionnement, je demeure,

            Madame,

Vostre tres humble parent et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            18 febvrier 1622.

 

            A Madamoyselle

Madamoyselle de Picaresin.

            A Chaulmont.

 

Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. [271]

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MDCCCXCVII. A Madame de la Fléchère. Les contradictions au service de Dieu. — Ce qui restera aux contradicteurs. — Obéissance et dévouement du P. de Sonnaz. — Le Saint va travailler de nouveau à l'établissement des Oratoriens à Rumilly.

 

Annecy, 19 février 1622.

 

            Ce porteur vous dira, ma tres chere Fille, a quoy nous en sommes pour les affaires de vostre eglise. Quel moyen que le service de Dieu, qui a des le commencement esté exposé aux contradictions, cesse de l'estre en un si miserable siecle ? Mays je ne doute point que les opposans ne demeurent vains en leurs poursuites, sans autre satisfaction que d'avoir joué leur rollet et contenté leur humeur contantieuse. Cependant, demeurons tous-jours en Dieu et vivons pour luy seulement, ma tres chere Fille.

            Le bon Pere de Saunaz, qui est venu comme une brebis par obeissance, s'en reva comme un aigneau par obeissance, prest a revenir pour sacrifier a la gloire de Dieu sa vie, sa (sic) prieuré et sa cure pour le bien de Rumilly et de tout ce païs. Je croy que les gens d'honneur luy en sçauront gré. Et moy je vay, avec nouveau courage, solliciter les expeditions requises a cett'affaire, la douceur et suavité des Peres de l'Oratoire m'excitant a cela, comme prævoyant que leur venue sera tout a fait salutaire a ce peuple.

            Je suis, ma tres chere Fille,

Tout vostre en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            19 febvrier.

 

            A Madame

Madame de la Flechere.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Lyon-Fourvière. [272]

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MDCCCXCVIII. A Madame de Charmoisy. Ce qui rend une longue lettre inutile. — Avertissement paternel d'épargner davantage sa santé, et un peu moins « les moyens. »

 

Annecy, 28 février 1622.

 

            J'avoys pensé de vous escrire un'asses longue lettre, en response de celle que j'ay receüe de vous ; mays puisque, comme monsieur le Baron de Vallon m'a dit, on a mis remede a tout ce que vous craignies, il ne me reste a vous dire sinon que tous-jours je feray tout ce que je pourray pour le bien de ce cher filz et le contentement de ma tres chere fille, sa mere, laquelle pourtant il faut que j'advertisse d'avoir soin de sa santé : car on me dit, certes de tres bon lieu et de tres bon cœur, que vous ne prenes pas asses de soulagement pour la conserver et que vous n'espargnes pas autant quil est necessaire vostre force et complexion, et, plus quil ne faudroit, les moyens. Mays ce qui est l'importance, c'est qu'on me dit qu'on n'ose pas vous le dire. Et moy, je suis tres bien resolut (sic) de vous le dire, et d'autres choses et tout, puisque vous estes ma cousine et fille tres chere, et que je suis

Vostre tres humble et invariable cousin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXVIII febvrier 1622.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Favier, Supérieur du Petit-Séminaire de Saint-Jean de Maurienne.

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MDCCCXCXIX. A Madame Angélique Arnauld, Abbesse de Port-Royal, a Maubuisson (Inédite). Les nouvelles que le Saint attend. — Pourquoi il a « bien envie de revoir » la Mère de Chantal. — Salutations affectueuses à Mme Arnauld et à ses enfants.

 

Annecy, [fin février] 1622.

 

            O ma tres chere Fille, ce ne seront plus meshuy des lettres entieres, ains seulement des billetz, jusques a ce que vous me donnies des nouvelles selon mon cœur. Certes, c'est bien tous-jours le desir de mon cœur que vous m'escrivies franchement selon le vostre ; mays les nouvelles du vostre seront selon [le] mien quand vous m'advertires ou que vostre affaire est passee a Rome, si Dieu le veut ainsy, ou que si elle ne peut passer a Rome vous demeures accoysee, employant au soulagement de vos desirs les permissions que vous aves et les autres remedes qu'en ce cas-la je vous diray, Dieu aydant, selon quil plaira a la Providence souveraine de sa divine Majesté de me suggerer et de vous inspirer. Il m'est advis, ma tres chere Fille, que mon esprit parlera au vostre d'un nouvel air quand je sçauray que la determination de vostre affaire sera tout a fait prise. Or sus, cependant humilies vous sous la main de Jesuschrist qui vous a tiree par sa misericorde a soy.

            J'ay bien envie de revoir nostre bonne Mere, pour plusieurs bonnes raysons, mays entr'autres, affin d'apprendre des nouvelles bien particulieres de vostre cœur, qu'elle m'apportera pliees dedans le sien. Cependant, je [274] salue tres humblement vostre bon Ange, ma tres chere Fille, et le supplie de vous bien proteger sous la faveur de l'amour celeste.

            Je salue madamoyselle vostre chere mere, que j'ay tous-jours cheri filialement des que je l'ay conneue ; nostre tres chere seur Le Maistre, que je prie Dieu vouloir establir en l'amour du martire que son soin luy peut et doit donner ; madame la Coadjutrice de Port Royal, que Dieu veuille rendre sainte par la tressainte et courageuse humilité, et toutes nos autres Seurs qui sont tous-jours au milieu de mon ame, notamment nostre Seur Anne, et nostre Seur Marie, et nostre petite seur Magdeleine, et nostre frere Simon.

            Un petit mot ama Seur Marie Angelique de Thou et a toutes les autres ; M. Manceau et le bon Pere Jean y auront leur part. Helas ! je prieray bien pour la pauvre Seur Isabelle.

 

            A Madame

[Madam]e l'Abbesse de Port Royal.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Welhen, aumônier de l'Orphelinat de Bellevue (Seine-et-Oise). [275]

 

MCM. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble. Ou peut recevoir une prétendante malgré une promesse de mariage. — Décision du Concile de Trente. — Les privilèges des fondatrices de Monastères devant Dieu et devant les hommes. — Exemple de la Sœur Lhuillier. — Raisons pour François dé Sales de s'intéresser spécialement à Mlle de Pressins.

 

Annecy, 2 mars 1622.

 

            Il ny a nulle difficulté qu'on ne puisse, ains qu'on ne doive recevoir madamoyselle de Pressin, ma tres chere Fille, si son esprit est appellé, ainsy que vous me dites ; car encor bien qu'ell'eut fait promesse de mariage, et de plus encor, bien qu'ell'eut contracté et celebré le mariage en la face de la tressainte Eglise, pourveu qu'elle ne l'eut pas consommé, il est constant entre les docteurs tant des loix que de la theologie, qu'elle ne laisseroit pas de pouvoir entrer en Religion, et que par sa Profession elle rendroit le contract annullé et de nul effect. Combien plus donq se peut elle vouer a Dieu, le mariage qui semble mettre en difficulté sa devotion estant nul de tant de nullités comm'il l'est, devant Dieu et les hommes. Il se [276] faut arrester en cette affaire a la determination de l'Eglise, declaree par le Concile de Trente en ces motz : « Si quelqu'un dit que le mariage fait, appreuvé et confirmé, mais non pas consommé, n'est pas dirimé et annullé par la solemnelle profession de Religion, qu'il soit anatheme. » De sorte, ma tres chere Fille, qu'en cela il ny a seulement pas aucune apparence de doute ; et je vous ay ainsy marqué le Concile de Trente, affin que si vous voules conferer de cett'affaire avec quelqu'un, il n'ayt pas occasion de faire difficulté.

            Quant au second point que vous demandes, si cette damoyselle pourra tenir lieu de fondatrice, je dis qu'oùy, s'il est treuvé a propos par ceux qui vous conduisent, car les bienfacteurs notables peuvent tenir ce rang la. Mays quel privilege ont les fondatrices ? Devant Dieu, les privilèges sont grans, car elles participent en une façon particuliere a touts les biens qui se font au monastere. C'est un œuvre de charité presque le plus excellent qu'on puisse faire, bien plus grand sans comparayson que de bastir un hospital, recevoir les pelerins, nourrir les orphelins. Mays devant les hommes, il ny a point de privilege que celuy d'estre supportee et assistee et honnoree au monastere, dans lequel les fondatrices seculieres obtiennent ordinairement l'entree plusieurs foys l'annee, et apres la mort des services particuliers. Or cette fille icy voulant estre Religieuse, establira quant a elle son privilege, je m'asseure, a mieux obeir, si elle peut, que les autres, et a faire le plus de progres qu'elle pourra en l'humilité, pureté de cœur, modestie et obeissance.

            La bonne Seur Helene Angelique Lhuillier, de Paris, qui fit profession le 12 de febvrier passé, ayant donné quinze mille escus, et ses parens desirans que, comme fondatrice, ell'eut quelques privileges, au jour de son vestement protesta que, puisque elle renonçoit a la mayson de ses parens, elle renonçoit aussi a tous les privileges [277] qu'ilz luy avoyent voulu reserver, puisque le privilege des vrayes Religieuses estoyt d'abonder en l'amour du cæleste Espoux.

            Au reste, j'honnorois grandement feu monsieur de Pressin, et je suis obligé d'honnorer sa famille et sa posterité. Cette fille est cousine remuee de germain de ma belleseur de Thorens. C'est pourquoy, dautant plus je me res-joüys qu'elle face une si bonne election et que, quittant les amours peu aymables des hommes, elle se consacre a l'amour tres aymable de son Dieu, vray Espoux des ames genereuses.

            A tant, je salue tres cordialement vostre ame, ma tres chere Fille, et par vostre entremise celles de nos Seurs, et celle de monsieur dAouste tres cherement, et celle encor de cette chere prætendente que je prie Dieu de vouloir benir eternellement.

Vostre tres humble en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le second mars 1622.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme la marquise Ménabréa, à Chambéry. [278]

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MCMI. A Dom Pierre de Saint-Bernard de Flottes, Feuillant (Inédite). Un prédicateur qu'il ne faut pas « divertir » et qu'on salue sans vouloir de retour. — Image très gracieusement offerte.

 

Annecy, 4 mars 1622.

 

            Mon Reverend Pere,

 

            Je n'ay garde de vous divertir par mes lettres de vostre sainte et fructueuse occupation quadragesimale, du bon succes de laquelle on nous dit icy des merveilles. Dieu soit loué !

            Nostre Pere Dom Eustache de Saint Paul me dit expres en sa lettre, que je vous addresse celle qu'il desire de moy, et je l'ay fait tout a fait tres volontier, puisque ainsy j'ay un juste sujet de vous saluer, protestant que je ne pretens pas le reciproque de vostre part tandis que vous estes en exercice de ceux auxquelz il fut dit : Neminem per viam salutaveritis.

            Nostre monsieur l'Abbé d'Abondance m'a dit que vous auries aggreable l'image ci jointe, si je vous l'envoyois ; et la voyla donq a cette intention, consolé que vous ayes un petit memorial de mon affection parmi vos outilz de devotion. Et en cor me semble il que c'est a propos que je vous la destine aujourd'huy, jour de la Samaritaine, a la conversion de laquelle la bienheureuse [279] vierge Therese fut si devote, et a son cher mot salutaire : Domine, da mihi hanc aquam.

            Mais si je ne retiens l'ayse que je sens de vous parler, je violeray sans doute le respect que j'ay protesté de vouloir rendre a vostre sainte besoigne. Vives heureusement et longuement en santé et en sainteté, mon Reverend Pere, et favorises tous-jours de vostre bienveuillance cordiale

Vostre tres humble et tres affectionné

Frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            4 … 1622, Annessi.

 

Revu sur une ancienne copie conservée au 1er Monastère de la Visitation de Paris.

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MCMII. A une prétendante de la Visitation. Le séjour de la montagne du Calvaire. — Dépouillement nécessaire de ceux qui l'habitent. — La robe du festin. — Laisser les appréhensions et les craintes, et se confier en Dieu. — Comment employer les bonnes inclinations naturelles.

 

Annecy, 6 mars 1622.

 

            Je ne vous vis jamais, que je sçache, ma tres chere Fille, sinon sur la montaigne de Calvaire, ou resident les cœurs que l'Espoux celeste favorise de ses divines amours. O que vous estes heureuse, ma tres chere Fille, si fidelement et amoureusement vous aves choisi cette demeure, pour en icelle adorer Jesus crucifié en cette vie ! car ainsy [280] seres vous asseuree d'adorer en la vie eternelle Jesus Christ glorifié.

            Mais voyes vous, les habitans de cette colline doivent estre despouillés de toutes les habitudes et affections mondaines, comme leur Roy le fut des robbes qu'il portoit quand il y arriva ; lesquelles, bien qu'elles eussent esté saintes, avoyent esté profanees quand les bourreaux les luy osterent dans la mayson de Pilate. Gardés bien, ma chere Fille, d'entrer au festin de la Croix, plus delicieux mille et mille fois que celuy des noces seculieres, sans avoir la robbe blanche, candide et nette de toute autre intention que de plaire a l'Aigneau.

            O ma chere Fille, que l'eternité du Ciel est aymable et que les momens de la terre sont miserables ! Aspirés continuellement a cette eternité, et mesprisés hardiment cette caducité et les momens de cette mortalité.

            Ne vous laisses point emporter aux apprehensions, ni des erreurs passees, ni des craintes des difficultés futures en cette vie crucifiee de la Religion. Ne dites point : Comme pourray je oublier le monde et les choses du monde ? car vostre Pere celeste sçait que vous aves besoin de cet oubli, et il vous le donnera, pourveu que, comme une fille de confiance, vous vous jetties entierement et fidelement entre ses bras.

            Nostre Mere, vostre Superieure, m'escrit que vous aves de tres bonnes inclinations naturelles. Ma chere Fille, ce sont des biens du maniement desquelz il vous faudra rendre compte : ayes soin de les bien employer au service de Celuy qui vous les a donnés. Plantés sur ces sauvageons les greffes de l'eternelle dilection que Dieu est prest de vous donner si, par une parfaitte abnegation de vous mesme, vous vous disposes a les recevoir.

            Tout le reste je l'ay dit a la Mere ; a vous je n'ay plus rien a dire, sinon que, puisque Dieu le veut, je suis de tout mon cœur

Vostre tres humble frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 6 mars 1622, Annessi. [281]

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MCMIII. A la Mère de Chastel, Supérieure de la Visitation de Grenoble. L'imperfection du motif de la part de la créature n'empêche pas la réalité de l'appel de Dieu. — Vocations citées dans l'Evangile et celles de quelques Saints. — C'est la suite et la persévérance qui témoignent de la bonté des dispositions. — Par quel moyen aider une âme que la nécessité et non l'attrait a conduite au monastère. — Avis prudent et sage pour des visites au parloir. — Laisser parler le monde comme il voudra de cette vocation. — La pensée du Fondateur sur une autre aspirante et sur une Supérieure.

 

Annecy, [vers mi-mars] 1622.

 

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            Or, quant a la vocation de madamoyselle de Pressin, je la tiens pour bonne, bien qu'elle soit meslee de plusieurs imperfections du costé de son esprit, et qu'il seroit desirable qu'elle fut venue a Dieu simplement et purement, pour le bien qu'il y a d'estre tout a fait a luy. Mais Dieu ne tire pas avec esgalité de motifz tous ceux qu'il appelle a soy, ains il s'en treuve peu qui viennent tout a fait a son service seulement pour estre siens et le servir.

            Entre les filles desquelles la conversion est illustre en l'Evangile, il ny eut que la Magdeleine qui vint par amour et avec l'amour ; l'adultere y vint par confusion publique, comme la Samaritaine par confusion particuliere ; la Chananee vint pour estre soulagee en son affliction temporelle. Saint Paul premier hermite, aagé de quinze ans, se retira dans sa spelonque pour eviter la persecution ; saint Ignace Loyole par la tribulation, et cent autres.

            Il ne faut pas vouloir que tous commencent par la [282] perfection : il importe peu comme l'on commence, pourveu que l'on soit bien resolu de bien poursuivre et de bien finir. Certes, Lia entra furtivement et contre la civilité dans le lict de Jacob destiné a Rachel ; mais elle s'y comporta si bien, si chastement et si amoureusement, qu'elle eut la benediction d'estre la grand mere de Nostre Seigneur. Ceux qui furent contraintz d'entrer au festin nuptial de l'Evangile ne laisserent pas de bien manger et de bien boire. Il faut regarder principalement les dispositions de ceux qui viennent a la Religion, par la suite et perseverance ; car il y a des ames, lesquelles ny entreroyent point si le monde leur faisoit bon visage, et que l'on void neanmoins estre bien disposees a veritablement mespriser la vanité du siecle. Il est tout certain, ainsy que on raconte l'histoire, que cette pauvre fille de laquelle nous parlons, n'avoit pas asses de generosité pour quitter l'amour de celuy qui la recherchoit en mariage, si la contradiction de ses parens ne l'y eusse contrainte ; mais il n'importe, pourveu qu'elle ayt asses d'entendement et de valeur pour connoistre que la necessité, qui luy est imposee par ses parens, vaut mieux cent mille fois que le libre usage de sa volonté et de sa fantasie, et qu'en fin elle puisse bien dire : Je perdois ma liberté si je n'eusse perdu ma liberté.

            Or, ma tres chere Fille, le moyen d'ayder cet esprit pour luy faire connoistre son bonheur, c'est de la conduire le plus doucement que l'on pourra aux exercices de l'orayson et des vertus, de luy tesmoigner un grand amour de vostre part et de toutes nos Seurs, sans faire nul semblant de l'imperfection du motif par lequel ell'est entree, de ne point luy parler avec mespris de la personne qu'elle a aymé. Que si elle en parle, il faut renvoyer [283] le propos a Dieu, comme seroit de luy dire : Dieu le conduira par le chemin qu'il sçait estre plus convenable.

            Vous me demandes si on pourra permettre l'entreveüe entre eux deux. Je dis qu'a mon advis, il ne faut pas l'esconduire tout a fait, si ell'est grandement desiree ; mais pour le commencement, il faut gauchir et biayser le refus. Puis, quand vous connoistres que la fille est bien resolue au party bienheureux de l'amour de Dieu, vous pourres permettre deux ou trois entreveües. pourveu quil permette la presence de deux ou trois tesmoins ; et si vous en estes l'un, il faut avec dexterité les ayder a se dire adieu, et, en louant leurs intentions passees, leur donner le change et dire qu'ilz sont bienheureux de s'estre arrestés au chemin dans lequel la rayson les a conduitz, et qu'une once du pur amour divin quilz se porteront l'un a l'autre des-ormais, vaut mieux que cent mille livres de l'amour par lequel ilz avoyent commencé leurs affections. Et ainsy, sans faire semblant de craindre par trop leurs entreveiies, il faut petit a petit les conduire de la voye de l'amour en celle d'une sainte et pure dilection.

            Il y a une bonne histoire a ce propos es Confessions de saint Augustin, de deux gentilzhommes qui avoyent espousé deux damoyselles, qui, apres avoir renoncé aux pretentions des noces, se firent, a l'imitation les uns des autres, tous quatre Religieux.

            Si cette fille a l'esprit conditionné comme l'on m'a dit de vostre part, je m'asseure que bien tost elle se treuvera toute transformee, et qu'elle admirera la douceur avec laquelle Nostre Seigneur l'attire en son lict nuptial, parmi tant de fleurs et de fruitz odorans tout a fait celestes.

            Quant a ce que le monde dira de cette vocation, il n'y faut faire nulle sorte de reflexion, car ce n'est pas aussi pour luy qu'on l'accepte. Je fay response a cette ame selon mon sentiment ; vous la mesnageres comme vous verres mieux a faire. [284]

             Quant a madamoyselle N., je dis de mesme qu'il la faut laisser venir, bien que le choix du lieu tesmoigne quelque imperfection de tendreté ou de motif meslé parmi sa vocation ; comme reciproquement il y en peut avoir en l'aversion que nostre Seur Supérieure] de N. a, par adventure, de la voir venir de deça. Mais gardes vous bien de luy dire cette mauvaise pensee qui me vient en l'esprit ; car, au reste, c'est une bien brave Seur que j'ayme parfaitement, parce que, comme je m'asseure, elle ne vit pas selon ses sentimens, ses aversions et inclinations, qui luy font desirer l'esclat et la gloire de son Monastere, ains plustost selon l'esprit de la Croix de Nostre Seigneur, qui luy fait perpetuellêment renoncer aux saillies de l'amour propre.

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Revu en partie sur une copie faite par M. Michel Favre, conservée à la Visitation de Venise.

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MCMIV. Au Prince de Carignan, Thomas de Savoie. Chrétien privilège accordé à la confrérie du Crucifix. — Le Saint intercède pour en faire bénéficier un galérien, père d'une nombreuse famille.

 

Annecy, vers le 20 mars 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Il a pleu a Son Altesse d'accorder a la Confrairie de la Sainte Croix, autrement ditte du Crucifix, de Chamberi, la delivrance d'un criminel prisonnier, tel qu'elle [285] nommeroit chasque annee, le Jeudi Saint, en reverence de la Mort et Passion de Nostre Seigneur ; et la pitoyable famille d'un homme de ce mandement d'Annessi a obtenu que il fut nommé et demandé en grace cette annee par laditte Confrairie pour estre liberé de la galere. Et par ce, Monseigneur, que veritablement sa femme et ses enfans qui sont en grand nombre sont dignes de compassion, et qu'en la grace du pere est en-close la grace des enfans, de la femme et de toute la famille, qui ne peut vivre sans l'assistence actuelle de ce pauvre homme, je joins a la tres humble supplication que la Confrairie fait a Vostre Altesse pour ce sujet, ma tres humble recommandation ; qui suys, Monseigneur,

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [286]

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MCMV. A un gentilhomme (Fragment). Promesse de s'employer à la conclusion d'une affaire.

 

Annecy, [février-avril 1620-1622.]

 

            Monsieur,

 

            Avec cette commodité, je m'excuse, sil vous plait, dequoy ayant esté si souvent remis en memoire de mettre une fin, sil se peut, en l'affaire que vous aves avec les Dames de Sainte Catherine et le sieur Prieur de Rumilly, je n'ay neanmoins encor rien terminé. C'est, Monsieur, que partie mes distractions, partie celles des parties mesmes, m'ont apporté de l'empeschement jusques a cett'heure. Mais, ce Caresme passé, le bon monsieur de Chavanes, qui n'a point de part en cette negligence, ains qui est extremement affectionné a vostre service, et moy, qui ayant la coulpe de cette lenteur, suis toutefois tout dedié a vous servir et honnorer, ferons…

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Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montélimar. [287]

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MCMVI. A la Mère de Blonay, Supérieure de la Visitation de Lyon. Quand on veut fonder un Monastère, il faut vouloir se conformer à l'esprit de l'Ordre qu'on appelle. — L'excellence de la vie intérieure à la Visitation. — Planter des figuiers si l'on veut des figues, et des oliviers si l'on veut des olives. — Quelles filles préfère le saint Fondateur. — Retour à Lyon de deux anciennes professes.

 

Annecy, 22 avril 1622.

 

            Ma tres chere Fille, En peu de motz je vous dis que les ames qui sont si heureuses que de vouloir employer les moyens que Dieu leur a donnés, a sa gloire, doivent se determiner aux desseins qu'elles font, et se resoudre de les prattiquer conformement a cette fin. Si elles sont inspirees de faire un couvent de Chartreux, il ne faut pas qu'elles veuillent qu'on y face les escholes comme aux Jesuites ; si elles veulent faire un college de Jesuites, il ne faut pas qu'elles veuillent qu'on y observe la solitude et le silence.

            Si cette bonne dame, que vous ne me nommes point, veut faire un monastere de Religieuses de la Visitation, il ne faut pas qu'elle les charge de grandes prieres vocales, ni de plusieurs exercices exterieurs ; car ce n'est pas vouloir des Filles de la Visitation. Il doit, a mon [288] advis, suffire que tout l'interieur et tout l'exterieur des Filles de la Visitation est consacré a Dieu ; que ce sont des hosties de sacrifice et des holocaustes vivans, et toutes leurs actions et resignations sont autant de prieres et d'oraysons ; toutes leurs heures sont dediees a Dieu, ouy mesme celles du sommeil et de la recreation, et sont des fruitz de la charité. Cela employé pour son ame, et la gloire qui revient a Dieu de la retraitte de tant de filles estant dediee pour l'accroissement de la charité de ce cœur, fait une somme presque infinie de richesses spirituelles. Voyla mon sentiment.

            De charger les Monasteres de la Visitation des pratiques qui divertissent de la fin pour laquelle Dieu les a disposés, je ne pense pas qu'il le faille faire. De vouloir tirer des olives d'un figuier ou des figues d'un olivier, c'est chose hors de propos : qui veut avoir des figues, qu'il plante des figuiers ; qui veut avoir des olives, qu'il plante des oliviers.

            Ma tres chere Fille, vous estes tout a fait de mon humeur en la reception des filles. Je prefere infiniment les douces et les humbles, quoy qu'elles soyent pauvres, aux riches moins humbles et moins douces, quoy qu'elles soyent riches. Mais nous avons beau dire : Bienheureux sont les pauvres ; la prudence humaine ne laissera pas de dire : Bienheureux sont les Monasteres, les Chapitres, les maysons riches. Il faut en cela mesme cultiver la pauvreté que nous estimons : que nous souffrions amoureusement qu'elle soit mesestimee.

            Vous aves receu deux nouvelles, mais anciennes filles de vostre Mayson ; le retour est tous-jours plus aggreable aux meres que le despart des enfans. [289]

            Je suis de tout mon cœur, ma tres chere Fille, tres entierement

Vostre tres humble Pere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 22 avril....

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MCMVII. A la Mère de Chantal, a Alonne. Départ précipité d'une petite colonie de Religieuses. — Portrait de celles-ci. — Le document qu'elles emportent. — Une dame que le Saint aime particulièrement sans l'avoir jamais vue. — Occupations multipliées. — Messages rapides. — Vivre, travailler et se réjouir en Dieu.

 

Annecy, 23 avril 1622.

 

            L'inopinee venue de M. Roland nous presse de despescher nos cheres Seurs, qui ne devoyent partir, selon nostre compte, que sur la fin de la semaine suivante. Et par ce que nous vous envoyons ma Seur Paule Hieronime Favrot qui de jour a autre attendoit de faire la Profession, affin de ne l'envoyer pas novice nous la recevons a Profession ce mattin ; et soudain la ferons partir avec les autres troys, puisque il ny a pas lieu dans la carrosse pour plus de filles que pour 4. [290]

            Vous connoisses des-ja ma Seur Marie Marguerite, de laquelle partant je n'ay rien a vous dire, sinon qu'elle s'en va tres joyeusement. Ma Seur Paule Hieronime est une tres bonne fille, propre a tout, de bon esprit et de meilleur courage ; ell'a autant de proprietés que la sauge, selon le mot de feu vostre filz de Torens. Ma Seur Françoise Augustine est une brebis de grande observance et devotion. Ma Seur Peronne Marie est toute pleine de desir de bien s'employer. Nous avions encor choysi ma Seur Françoise Agathe ; mays voyans qu'il ny avoit place que pour 4, nous avons un peu favorisé sa mere qui avoit de la tendreté sur son depart, et non elle, qui partoit de bon cœur comm'ell'est demeuree de bon cœur. [291] Je leur ay baillé pour document, de ne rien rechercher et ne rien refuser dans la vie religieuse.

            La bonne madame de Dalet est bienheureuse de vouloir cette vie-la ; Dieu luy face la grace qu'y estant, elle ne recherche plus rien et ne refuse plus rien. Je ne l'ay jamais veu, mais j'ay un certain instinct interieur tout particulier pour elle et son esprit.

            Je n'escris a personne sinon a nostre bon Monseigneur l'Evesque de Langres ; car, quel moyen de faire en une matinee tant de choses, puysque hier il fallut confesser ces nouvelles professes, et parler a M. Roland et faire mille choses ? Vous sçaves mon cœur pour Mme la Premiere, pour messieurs et mesdamoyselles de Vilers. Je salue tres humblement madame la Duchesse de Bellegarde, si ell'est la, et madame la Marquise de Termes, et suis leur tres obeissant serviteur. Au cœur de nostre madame de Tolongeon il ne faut dire mot, sinon qu'il escoute bien celuy de sa mere : c'est tout ce que son vieux Pere luy desire. A monsieur Roland tout le reste.

            Je reviens de la Profession de nos Seurs, ma tres chere Mere, et pour faire partir nos Seurs qui vont a vous, je finis cette lettre, vous recommandant toutes a la sainte grace de Nostre Seigneur. Dans peu, j'envoyeray a nostre Seur Marie Jaqueline tout ce qui luy est necessaire pour venir. [292]

            O Dieu, que c'est une bonne chose de ne vivre qu'en Dieu, ne travailler qu'en Dieu, ne se res-jouir qu'en Dieu ! Ainsy je salue vostre cœur, ma tres chere Mere, de tout le mien, qui est vostre. Amen. A Mlle Soyrot, Arviset, Binet, a toutes les ames qui me font lhonneur d'avoir soin de prier pour moy ; a Mme du Puys d'Orbe. Amen.

            XXIII avril 1622.

 

            A ma tres chere Mere,

chez madame de Tolongeon.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes. [293]

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MCMVIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Nouvelle supplication pour Thonon et Rumilly.

 

Annecy, 25 avril 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Le pauvre peuple de Rumilly attend tous-jours en bonne devotion la venue des Peres de l'Oratoire en leur ville, et moy j'attens de Vostre Altesse les expeditions necessaires pour les faire venir et la et a Tonon, ou c'est la verité que rien ne peut remedier au mal qui y est, quant au mauvais ordre qu'il y a en l'administration des biens, que par cette venue dé ces Peres. Vostre Altesse me pardonne si je luy suys aucunement importun ; mon excuse est toute faite au commandement qu'elle m'a fait d'avoir le soin de cette affaire.

            Et priant Dieu qu'il prospere de plus en plus la personne de Vostre Altesse,

            Monseigneur, je demeure

Vostre tres humble, tres obeissant et tres fidele

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            25 avril 1622, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat. [294]

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MCMIX. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand. Plusieurs lettres pour une même affaire. — La Mère Favre, après avoir établi le Monastère de Dijon, doit venir fonder celui de Chambéry. — Bonté de Dieu qui facilite la retraite de Mme de Dalet. — Conseils pour la visite canonique. — Avis différents, donnés par l'Evêque de Genève sous l'inspiration divine.

 

Annecy, 26 avril 1622.

 

            Tenes, ma tres chere Fille, voyla deux lettres pour Monseigneur de Clermont, l'une du bon monsieur vostre pere, l'autre de mov, qui tendent a mesme fin ; vous les verres toutes deux, et, s'il vous plait, les cachetteres, et apres que le cachet sera sec, vous les luy rendres. Voyla vostre obeissance sans date. Voyla encor la lettre que monsieur vostre pere vous escrit et celle qu'il m'escrit a moy, par lesquelles vous verres comme tout se dispose a la fondation d'un Monastere a Chamberi ; et tandis que pour le commencement on fera preparer les logis, nostre Mere pourra y estre, et vous a Dijon, affin que, comme en passant, vous y establissies cette Mayson-la avant que de venir establir celle de Chamberi : et ainsy sera vray tout ce que nous escrivons a Monseigneur de Clermont.

            Je ne voy nulle sorte de difficulté en l'affaire de la bonne madame de Dalet, et me semble qu'il n'est point necessaire d'employer le tems a voir comme reüscira la remise de ses enfans entre les mains de M. et Mme de Monfan ; car il suffit de bien pourvoir a la personne et au bien [295] maintenant, et d'avoir une tres probable conjecture que tout ira bien. Dieu n'est il pas bon, ma tres chere Fille, d'avoir ainsy explané le chemin de la retraitte a cette chere ame, laquelle, comme vous sçaves, je ne connois pas ; mais j'ay certain secret instinct pour elle, qu'il ne se peut dire combien elle m'est chere. Je suis bien ayse que vous la soulagies de vostre presence en cette affaire ; nostre Mere, ce pendant, sera vostre avant courriere a Dijon et puis a Chamberi.

            En la Visite, on pourra bien se dispenser es pointz moins essentielz. Vous pourres mesme, si vous le juges a propos, procurer dextrement que l'on commette quelques personnes qui ayent le loysir et la volonté entiere : comme seroit quelque bon Pere Jesuite, ou quelque Pere de l'Oratoire, ou quelque bon ecclesiastique. Je me res-jouis dequoy cette Mayson-la est pleine de bonnes filles ; celle qu'a mon advis vous voules laisser en vostre place, m'a escrit, et je luy respons.

            Je respons aussi a madame Bonnefoy et luy desire une tres bonne charité. C'est la verité que son esprit estant de la condition que vous me marqués, elle doit moins faire de consideration a se retirer et mettre a l'abry. Je fay chercher la lettre de madame de Chazeron pour l'envoyer. Hier j'eus icy une damoyselle de grans moyens, nullement propre au mariage, et neanmoins je ne sceus jamais luy conseiller la Religion a laquelle elle [296] avoit pensé, qui estoit la Visitation, ni aucune autre, ains la renvoyay au mariage ; et aujourd'huy je ne puis conseiller le mariage ni a madame [de] Dalet, ni a madame Bonnefoy, ains suis tout a fait tiré a leur proposer la Religion. O que madame [de] Dalet est heureuse d'avoir un esprit si ferme au desir de la perfection du saint amour ! Je la salue tres cordialement, et toutes nos Seurs ; mais vostre chere ame, ma Fille bienaymee, je la salue de toute l'estendue des affections de la mienne, qui suis

Vostre tres humble et inseparable frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            26 avril 1622.

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MCMX. A la Sœur Compain, Religieuse de la Visitation de Montferrand. Préparation à la Supériorité. — La gardienne de la paix.

 

Annecy, 26 avril 1622.

 

            C'est la verité, ma tres chere Seur, ma Fille, que vous m'aves grandement consolé en la peine que vous aves [297] prise de m'escrire, puisque mesme, ainsy que je m'apperçois, vous estes celle a qui Dieu dispose de faire remettre la charge de Superieure. On vous donnera le loysir de vous bien preparer par une entiere sousmission a la celeste Providence et un parfait encouragement a vous bien exercer a l'humilité et douceur, ou debonaireté de cœur, qui sont les deux cheres vertus que Nostre Seigneur recommandoit aux Apostres, qu'il avoit destinés a la superiorité de l'univers.

            Ne demandes rien ni ne refuses rien de tout ce qui est en la vie religieuse : c'est la sainte indifference qui vous conservera en la paix de vostre Espoux eternel, et c'est l'unique document que je souhaite estre prattiqué par toutes nos Seurs, que mon cœur salue tres cherement avec le vostre, ma tres chere Fille.

Vostre tres humble frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve. [298]

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MCMXI. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand (Fragment). « Bonnes besoignes pour l'unique Mere et pour la grande Fille. »

 

Annecy, [avril 1622.]

 

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            L'on parle fort de faire la fondation de Turin, ou je croy que nous aurons besoin de vostre personne. L'on se dispose a Chamberi de recevoir nostre Visitation : sçaves vous comme vous y estes desiree ? Monsieur vostre pere en a des-ja escrit a Monseigneur l'Evesque de Clermont. Toutes ces bonnes besoignes sont pour l'unique Mere et pour la grande et brave Fille de nostre cœur, qui sera, de plus, genereusement humble parmi tous ces employs.

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Revu sur le texte inséré dans la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy. [299]

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MCMXII. A la Mère de Chantal, a Dijon (Fragment inédit). Des filles qui « font merveilles ». — Conseil que le Saint leur adresse.

 

Annecy, avril ou mai 1622.

 

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            Nos Filles de Paris font merveilles et respandent par tout la bonne odeur de leurs vertus. Je les incite fort a se tenir invariables dans la pureté et sincerité de l'esprit de leur Institut, puisque c'est pour elles le chemin le plus asseuré pour parvenir a Dieu.

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Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Paris, conservée au Ier Monastère d'Annecy.

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MCMXIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. La protection des convertis, premier but de la Sainte-Maison de Thonon. — Ce qu'il advient pour la pension annuelle due au sieur de Corsier ; moyen d'en faciliter le payement.

 

Annecy, 2 mai 1622.

 

            Monseigneur, Puysque ça esté l'intention de Son Altesse que la Sainte Mayson de Thonon servit de refuge a ceux qui, [300] de l'heresie, se convertiroyent a la sainte religion catholique, et que pour cela ell'a commandé par lettre expresse, et par mon entremise, encor, que, des revenuz d'icelle Sainte Mayson, fussent donnés cinquante escus d'or de pension annuelle au sieur de Corsier, gentilhomme bien nay qui, despuys sa conversion qu'il fit entre mes mains, a tous-jours vescu fort vertueusement en bon ecclesiastique, apres avoir perdu tous ses biens, il recourt a Vostre Altesse Serenissime, affin qu'il luy playse de luy faire effectivement joüyr de ce bienfait que la Sainte Mayson ne nie pas luy estre deu, mays qu'elle dit ne pouvoir payer, parce que les deniers que Son Altesse luy a assignés pour sa fondation manquent.

            Or, Monseigneur, le sieur Gilette estant en cour et ayant charge des affaires de la Sainte Mayson, je croy que si Vostre Altesse luy commande efficacement de faire treuver laditte pension, il le pourra bien faire. Et si d'ailleurs les Peres de l'Oratoire entrent en la Sainte Mayson, on espargnera les gages que l'on donne aux ecclesiastiques seculiers qui y sont maintenant, et de cette espargne on pourra payer cette pension et faire plusieurs autres bonnes affaires : qui sont les deux moyens que je voy, quant a present, plus propres pour remedier a la miserable pauvreté de ce gentilhomme, pourveu qu'il playse a Vostre Altesse que bien tost on les prattique, ainsy que tres humblement je l'en supplie,

            Monseigneur, qui suis,

Vostre tres humble, tres fidele et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            2 may 1622, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. Deschamps à Rouen. [301]

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MCMXIV. Au Prince Cardinal Maurice de Savoie (Inédite). Misère et piété dignes d'être secourues.

 

Annecy, 2 mai 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Je n'ose et ne doy pas aussi oser escrire a Vostre Altesse Reverendissime que pour des occasions pressantes.

            Ce pauvre gentilhomme ecclesiastique desire, forcé de necessité, une grace de Vostre Altesse, selon que le R. P. Monod vous representera, Monseigneur. Et pour moy, je n'adjousteray rien, sinon que veritablement la misere de ce personnage est digne de vostre misericorde, et sa pieté digne d'estre pitoyablement secourue.

            Ce pendant, faysant tres humblement la reverence a Vostre Altesse, et priant Dieu qu'il la comble de toute sainte fœlicité, je demeure,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres fidele, tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            2e may 1622, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Cherasco (Piémont), dans les archives

de l'église Saint-Pierre. [302]

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MCMXV. A la Mère de Beaumont, Supérieure de la Visitation de Paris. Ecrire courtement pour écrire souvent. — Deux Pères spirituels au Monastère de Paris. — Souhaits du cœur, et saluts paternels aux Sœurs de la Visitation et aux dames, filles spirituelles de François de Sales. — Famille de la Mère de Beaumont.

 

Annecy, 10 mai 1622.

 

            Affin que, comme je desire infiniment, je vous puisse escrire souvent, ma tres chere Fille, il faut que je vous escrive, tant que faire se pourra, courtement ; et je vous prie de me faire la consolation que de m'escrire aussi le plus frequemment que vous pourres.

            Non, ma tres chere Fille : que l'on ayt partagé la charge du Pere spirituel de vostre Monastere, donnant a M. Le Blanc le soin de ce qui regarde vos affaires temporelles, et a M. Vincent celuy des choses purement spirituelles, il ny a point d'inconvenient ; au contraire, il semble a propos, eu egard a la grandeur de la ville en laquelle vous estes. Et les Constitutions, qui renvoye (sic) a un Pere spirituel, ne disent pas qu'il ny en ayt qu'un, mays seulement quil y en ayt un ; mays, quand elles le diroit (sic), il faudroit doucement aquiescer a ce qu'un si grand et si favorable Prælat desireroit.

            Or sus, mon cœur salue le vostre de toute l'estendue de ses affections, et luy souhaite perpetuellement une sainte et amoureuse generosité au service de l'Espoux celeste, et pour vous et pour toutes nos Seurs ; et, comme vous [303] sçaves, les nostres de ce Monastere y sont comprises, specialement ma Seur Jeanne Marie, ma niece, et ma Seur Marie Anastase, nostre premiere professe, et la grande fille de Moulins ; et puis vous sçaves ce que nostre Seur Helene Angelique est a mon ame. O que de consolation quand je sçai que toutes sont bien unies a Dieu !

            Je salue aussi de toute mon ame madame la Præsidente Amelot, Mlles de Cravant et de Verton. Je n'oublie point ces ames-la, ni jamais madame de Villesavin, ni Mme Amori. Je seray bien consolé de la consolation de madamoyselle de Pont Chartrin. Je ne dis mot a madame de Villeneuve, car ell'est tellement ma fille, qu'elle ne doute point de la perpetuité de mon affection. Je ne puis oublier madame la Marquise de Dampierre, ni les mouvemens que le Saint Esprit donne a son cœur ; playse a sa divine Majesté de les benir et faire reuscir a la plus grande sanctification de son nom et de sa sainte Mere. Je n'ose pas escrire a madame la Marquise de [304] Menelay si souvent ; il suffit qu'ell'ayt aggreable que ce soit de tems en tems.

            Le pere se porte bien, la mere est tous-jours malade. Nous verrons icy les deux seurs mariees, et j'ay veu naguere le Frere Vincent, qui est tout brave homme et tres bon Capucin.

            Je salue monsieur Vincent et, par son entremise, madame la Generale, et suis

Vostre tres humble frere,

F., E. de Geneve.

            X may 1622, Annessi.

 

             A ma tres chere Fille en N. S.,

Ma Seur Anne Catherine [de] Beaumont,

            Superieure [de la] Visitation de Ste Marie.

            A Paris, Rue St Anthe.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse. [305]

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MCMXVI. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Le Saint s'excuse de ne pouvoir passer à la cour avant de se rendre à Pignerol, au Chapitre général des Feuillants.

 

Annecy, 17 mai 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Ayant receu un brevet de Sa Sainteté, du vint huit d'avril, par lequel elle me commande de me treuver au Chapitre general des PP. Feuillantins qui se doit celebrer d'aujourdhuy en quinze jours a Pignerole, je prevoy qu'il me sera presque impossible de partir asses tost d'icy pour pouvoir aller faire, comme je serois obligé, la reverence a Son Altesse Serenissime et a vous, Monseigneur, et a Madame, avant que de me rendre au lieu de l'assignation ; de sorte que je seray contraint de differer la tres humble reddition de ce devoir jusques apres la celebration de l'assemblee. Ce que je supplie en toute humilité Vostre Altesse Serenissime de vouloir aggreer, et de m'honnorer des commandemens de Son Altesse et [306] des siens, si d'aventure j'estois si heureux de luy pouvoir donner quelque contentement en cette occasion, en laquelle, comme en toute autre, je seray invariablement,

            Monseigneur,

Vostre tres humble, tres fidele et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XVII may 1622, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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MCMXVII. A Madame de la Fléchère. Une commodité venue tout à propos. — Ce que l'Evêque de Genève va faire en Piémont. — Ordres qu'il donnera avant de partir.

 

Annecy, vers le 18 mai 1622.

 

            Cette fille me donne tout a propos la commodité de saluer vostre chere ame de tout mon cœur, ma tres chere Fille ; et je le desirois bien fort, puisque il faut que je parte dans peu de jours pour aller en Piemont, par le commandement du Pape, qui m'oblige de me treuver au Chapitre general des Feüillans le 30 de ce moys, affin d'y præsider au nom du Saint Siege. Mays avant que je parte, je dresseray tout ce quil faut pour l'eglise de Rumilly, selon que le Prince Thomas m'a commandé, et treuveray tout prest a mon retour, qui sera dans six semaines au plus tard.

            Cependant, conserves moy vostre sainte affection et pries Dieu quil me donne la grace de le bien servir. Je [307] suis tout a fait tres absolument vostre, ma tres chere Fille. Amen.

F., E. de Geneve.

 

            A Madame

Madame de la Flechere.

            Rumilly.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.

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MCMXVIII. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Évêque de Montpellier. Pénitence sans coulpe. — Le prince Thomas à Annecy. — Mérite et vertus de son maître d'hôtel ; François de Sales le recommande à la bienveillance du destinataire.

 

Annecy, 23 mai 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Les affaires qui se sont passees au Languedoc des quelque tems en ça m'ont osté les commodités de vous escrire si souvent comme je soulois et devroys faire ; et bien qu'en cela il n'y ayt point de coulpe de mon costé, je ne laisse pas d'en sentir de la pœnitence, puisque veritablement ce m'est une tres grande consolation quand je puys me ramentevoir en vostre chere souvenance et vous rafraichir les offres de mon inviolable affection a vostre service. [308]

            Nous avons icy maintenant l'honneur et le bonheur de la presence de Monseigneur le Serenissime Prince Thomas, des grandes qualités et parties duquel je vous escrivis mon sentiment l'annee passee. Or, monsieur de Bellecombe est l'un des principaux suivans ordinaires de Son Altesse et son maistre d'hostel actuellement servant maintenant ; chevallier que je regarde avec un honneur extreme, non seulement par ce qu'il est serviteur d'un si grand Prince et qu'il est de mes principaux amis, mais aussi par ce que veritablement il est plein de tant de vertu et de merite qu'il est impossible de le connoistre et ne l'affectionner pas ardemment. Or, Monseigneur, il a besoin de vostre faveur pour les affaires dont je vous envoye la note au memoire ci joint ; et je vous supplie donq tres humblement de l'en gratifier volontier, en sorte qu'il connoisse que vous aves aggreable mon intercession, et que j'ay veritablement le bonheur d'estre aymé de vous en la qualité que je porte de si bon cœur, Monseigneur, de

Vostre tres humble et tres-obeissant

frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            23 may 1622, Annessi.

 

            A Monseigneur

Monseigneur l'Evesque de Monpelier,

            Conseiller du Roy en ses Conseilz d'Estat et privé.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nice. [309]

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MCMXIX. A une dame. Regret et contentement d'une courte entrevue. — Marché céleste entre le Créateur et la créature. — Permission pour des Communions plus fréquentes. — Les larmes de Vendôme.

 

Pignerol, 7 juin 1622.

 

            Je confesse, ma tres chere Fille, que je ne suis pas satisfait de vous avoir si peu veuë, mais je le suis grandement de vous avoir si bien veuë, puisque j'ay veu vostre cœur bienaymé et, au milieu de vostre cœur, nostre cher Redempteur qui y a rallumé le feu sacré de son amour celeste. O mon Dieu, ma tres chere Fille, combien estes vous obligee a cet Amour eternel, qui vous est si bon et si doux, et qui, comme un bon Pere, a tant de soin de vous inspirer continuellement le desir d'estre toute sienne ! Comme pourries vous jamais esconduire ses paternelles semonces, ni rompre le sacré et advantageux marché qu'il a fait avec vous, par lequel il se donne tout a fait a vous, pourveu que vous soyes tout a fait a luy ? Soyons le meshuy sans reserve, ma tres chere Fille, et sans condition quelcomque. C'est le grand et inviolable desir que j'ay pour vous et pour moy, qui seul estant observé et prattiqué, nous consolera au depart de ce monde.

            Je le veux bien, ma tres chere Fille, puisque vous en aves du desir, que vous facies la sacree Communion tous les huit jours ; m'asseurant qu'a mesure que vous approcheres plus souvent de ce divin Sauveur, vous tascheres [310] de luy rendre aussi plus d'amour et de fidelité en son service, et que le jour de vostre Communion vous vous garderes de donner sujet a ceux avec lesquelz vous converseres de penser que vous n'estimes pas asses l'honneur de la reception de vostre Salut.

            Tenes, voyla une des larmes de Vandosme, c'est a dire une goutte de l'eau dans laquelle on a trempé la fiole dans laquelle est, ainsy qu'on tient par la tradition ancienne des habitans de Vandosme, de la terre sur laquelle tomberent les larmes de Nostre Seigneur, tandis qu'au tems de sa mortalité et de ses peynes il pria et adora son Pere eternel pour la remission de nos pechés. On dit cela, et le tient on pour certain au diocese d'Orleans, d'ou nostre Seur Claude Agnes, qui est Superieure la du Monastere de la Visitation, me l'a envoyee. Mais comme que ce soit, gardes cette representation de larmes comme un memorial de celles de Nostre Seigneur, qui vous face ramentevoir de l'obligation que vous aves a la dilection qui fit pleurer cette infinie Bonté pour nous, et d'un motif parfait de ne jamais offencer une si merveilleuse et aymable Douceur.

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            Le 7 juin 1622. [311]

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MCMXX. Au Cardinal Ludovic Ludovisi. Une lettre arrivée quatre heures après la clôture du Chapitre général. — Ordre du Pape, et difficulté de casser une élection canonique. — Moyen terme proposé par François de Sales.

 

Pignerol, 11 juin 1622.

 

            Illustrissimo et Reverendissimo

            Signor Padron colendissimo,

 

            Hieri, 10 del mese presente, alle hore 20, fu conchiuso et finito il Capitolo generale di questa Religione Fogliense, et alle 24 hore ricevei la lettera che V. S. Illma si compiacque di farmi inviare, del 28 di Magio, per la quale, d'ordine di Sua Santità, mi commandava di far [312] elleggere per Priore di San Bernardo di Roma un soggetto italiano.

            Ma vedendo che tutte le elettioni eran fatte duoi giorni inanzi, essendo di più tutti li Padri capitulanti licentiati, ho pregato questa mattina il Padre Generale et l'Assistenti di dar ordine acciò che l'elettione fatta nel Capitolo d'un soggetto francese, fosse rivocata e transferita in un italiano ; et per conto di questo mi han risposto che havevano le mani legate, et che l'elettione fatta canonicamente non poteva da loro essere violata. Et tuttavia, il Padre Generale dovendo andare in Roma al mese di Settembre, si è risoluto che il Priore eletto di San Bernardo non pigli il possesso del suo carigo sin tanto che esso Generale habbi fatto la debita riverentia a V. S. Illma et ricevuti li suoi commandamenti ; di modo che, essendo Lei patrona, potrà all'ora, se così gli piace, [313] trasportare l'elettione fatta nel Capitolo della persona di quel francese, nella persona del Priore di Santa Potentiana (sic), che è italiano : essendo che tutta la Congregatione Fogliense, et particolarmente il Generale di essa, non haveranno mai magior desiderio che di star humilissimamente sottoposti al beneplacito della Santità di Nostro Signore et a quello che da V. S. Illma glie verrà accennato. Et così credo di haver compito, in quanto è stato possibile, quanto da Lei mi è stato commandato in questa occasione.

            Et pregando il Signor Iddio che la cumuli di santa prosperità, glie bascio humilissimamente le mani.

            Di V. S. Illma et Rma

Humilissimo et divotissimo servo,

FRANCO, Vescovo di Geneva.

            Da Pignaroli, alli 11 di Giugnio 1622.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, à la Bibliothèque Barberini. [314]

 

 

 

            Illustrissime, Révérendissime et très vénéré Seigneur,

 

            Hier, 10 de ce mois, à la vingtième heure, fut clôturé et terminé le Chapitre général des Feuillants ; et à la vingt-quatrième je reçus la lettre du 28 mai que Votre Seigneurie Illustrissime voulut bien me faire adresser, par laquelle, suivant l'ordre de Sa Sainteté, elle [312] m'enjoignait de faire élire un italien pour Prieur de Saint-Bernard de Rome.

            Mais toutes les élections étant faites deux jours auparavant et tous les Pères capitulants congédiés, j'ai prié ce matin le Père Général et les Assistants de donner ordre à ce que l'élection faite en Chapitre d'un français soit révoquée et transférée à un italien. Là-dessus, ils m'ont répondu qu'ils avaient les mains liées, et ne pouvaient casser une élection faite canoniquement. Toutefois, comme le Père Général doit se rendre à Rome au mois de septembre, on a décidé que le Prieur élu de Saint-Bernard ne prendrait pas possession de sa charge jusqu'à ce que le Général lui-même ait présenté ses hommages à Votre Seigneurie Illustrissime et reçu ses ordres ; de sorte que, en qualité de protecteur des Feuillants, Elle pourra alors, si bon lui semble, transférer l'élection de ce [313] français faite en Chapitre, au Prieur de Sainte-Pudentienne, qui est italien. La Congrégation, et surtout son Général, n'auront jamais de plus ardent désir que de demeurer soumis au bon plaisir de Sa Sainteté et à ce qui leur sera indiqué par Votre Illustrissime Seigneurie. Je crois avoir ainsi accompli, autant qu'il m'a été possible, ce que vous m'avez ordonné en cette occasion.

            Priant Dieu notre Seigneur de vous combler de toute sainte prospérité, je vous baise très humblement les mains.

            De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le très humble et très dévoué serviteur,

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            De Pignerol, le 11 juin 1622. [314]

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MCMXXI. Au Cardinal Scipion Caffarelli-Borghese (Minute). Fonctions épiscopales exercées à Pignerol par l'Evêque de Genève. Le Chapitre des Feuillants. — Prochain voyage du Supérieur général à Rome.

 

Turin, 21 juin 1622.

            Monseigneur Illustrissime,

 

            Comme j'estoy ces jours passez à Pignerolle pour assister à la celebration du Chapitre general des Peres Fueillans, j'ay esté convié par Vostre Seigneurie Illustrissime, par vostre Vicaire general et encore par [315] Monseigneur le Nonce, qui est en ces quartiers, d'administrer le Sacrement de Confirmation au peuple de ce lieu, dequoy je me suis acquitté pendant les deux jours consecutifs de Dimanche qui se sont rencontrez au temps de la tenuë du Chapitre. J'ay conferé aussi les Ordres mineurs à plusieurs, suivant le desir que monsieur vostre Vicaire general m'a tesmoigné que vous en aviez.

            Quant au Chapitre general qui y a esté celebré, je puis dire avec verité que je n'ay jamais veu assemblée plus modeste, plus religieuse, ny où la paix reluisit avec plus d'esclat qu'en celle-là. On y a fait l'eslection d'un General doué d'une doctrine eminente, d'une prudence rare et d'une singuliere pieté ; et ceste eslection a esté faicte quasi par le concours de tous les suffrages. Je m'asseure, que Vostre Seigneurie Illustrissime aura pour chose fort aggreable de le voir favorablement quand il se rendra à Rome l'automne prochain ; parce que c'est un personnage de tres-grand merite, et qui a servy et servira à l'advenir la saincte Eglise par ses doctes escrits, et d'ailleurs, parce qu'ayant esté creé General au Monastere de Vostre Seigneurie Illustrissime, il se promet et attend beaucoup de vostre protection.

            Je remercie tres-humblement Vostre Seigneurie Illustrissime de ce qu'Elle a daigné me commander et se servir de moy en ceste petite occasion ; car c'est la plus grande [316] gloire que je pouvois esperer. Je luy baise tres-humblement les mains, et prie Nostre Seigneur qu'il respande sur Elle toute sorte de saincte prosperité, selon la plenitude des desirs,

            Monseigneur Illustrissime, de

Vostre tres-humble et tres-obeyssant serviteur,

FRANÇOIS, E. de Geneve.

            De Turin, ce 21 juin 1622.

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MCMXXII. Au Cardinal Octave Bandini (Minute). Une assemblée d'Anges et non d'hommes mortels. — Concours universel de suffrages. — Demande d'une continuation de bienveillance.

 

Turin, 21 juin 1622.

 

            Monseigneur Illustrissime,

 

            La lettre que Vostre Seigneurie Illustrissime a eu aggreable de m'escrire, du sixiesme de may, m'oblige de mettre la plume à la main pour vous asseurer que le Chapitre general des PP. Fueillans a esté tenu avec tant de paix et un si unanime consentement des esprits et des [317] volontez de ceux qui y ont assisté, que ces braves Religieux me sembloient plustost une assemblée d'Anges, que d'hommes mortels. Il n'a esté veu entr'eux ny discorde, ny dispute, ny la moindre contradiction, mesmement à l'eslection du General, qui a esté faicte d'une approbation tres-generale et par le concours quasi de tous les suffrages ; comme certes il estoit tres-convenable, puis qu'ils faisoyent choix d'une personne dont le sçavoir est tres-eminent, la probité exquise et la prudence admirable, et duquel les travaux ont esté tres-heureusement et utilement employez pour la propagation de la saincte foy catholique, comme ses diverses traductions de quelques anciens Peres grecs et quelques traictez qu'il a escrits contre les heresies de ce temps le demonstrent visiblement : de sorte qu'il n'estoit point necessaire que l'authorité Apostolique intervinst en un Chapitre de telle qualité.

            Et toutesfois, puis que le commandement de Sa Saincteté l'a ainsi ordonné, j'ay assisté à tous les actes capitulaires qui ont esté faicts, et en rends compte à Vostre Seigneurie Illustrissime ; vous suppliant de toute mon affection, que, comme vous avez tousjours honoré de vostre faveur ceste Congregation, il vous plaise luy continuer la mesme bienvueillance, la mesme protection, à fin qu'elle aille tousjours perseverant et croissant en la saincte observance de la discipline religieuse.

            Je baise tres-humblement les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime, et prie Dieu qu'il vous comble de ses plus sainctes felicitez, selon l'estenduë des desirs,

            Monseigneur Illustrissime, de

Vostre tres-humble et tres-obeyssant serviteur,

FRANÇOIS, E. de Geneve.

            De Turin, ce 21 juin 1622. [318]

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MCMXXIII. Au Cardinal Alexandre Montalto (Minute). Pourquoi François de Sales trouve que sa présence au milieu des Pères Feuillants était inutile. — Election qui ne pouvait être meilleure. — les traductions de D. Jean de Saint-François.

 

Turin, 21 juin 1622.

 

            Monseigneur Illustrissime,

 

            J'ay receu avec la tres-humble reverence que je doy, la lettre de Vostre Seigneurie Illustrissime, du vingt-uniesme de may, laquelle m'a rencontré entierement et prompt et remply d'allegresse pour vous obeyr. Mais c'est la verité que j'ay esté tres-inutile aux Peres Fueillans ; car ils se sont comportez en leur Chapitre general avec tant de pieté, avec tant de paix, d'union et de tranquillité, que je n'ay eu aucune occasion de les servir, comme Vostre Seigneurie Illustrissime me commandoit et comme je le desirois ardamment.

            Ils ont promeu à la charge de General un personnage si orné des lumieres d'erudition et de prudence, qu'ils ne pouvoient faire une meilleure eslection. Il a tres-bien merité de la saincte theologie ; car il a traduict beaucoup de livres de grec en latin, comme il se voit au second tome de sainct Gregoire de Nice (sic). La traduction [319] françoise qu'il a faicte de sainct Denys Areopagite, avec de tres-belles annotations, est cogneuë par tout le royaume. Il a escrit encore avec une merveilleuse eloquence et une singuliere clarté, pour la deffence de la saincte foy contre les heretiques de ce temps. Et pour ce, je ne doute point que ceste eslection ne soit tres-aggreable à Vostre Seigneurie Illustrissime, laquelle, pour ne point entretenir plus long-temps avec des termes mal polis et grossiers, je supplie de me permettre que, comme Elle m'a recommandé ceste Congregation, je la recommande semblablement avec une tres-profonde reverence à son affection et à sa tres-amoureuse charité.

            Je vous baise tres-humblement les mains, et vous souhaitte du Ciel les felicitez que souhaitte pour soy-mesme,

            Monseigneur Illustrissime,

Vostre tres-humble et tres-obeyssant serviteur,

FRANÇOIS, E. de Geneve.

            De Turin, ce 21 de juin 1622. [320]

MCMXXIV. Au Cardinal Ludovic Ludovisi (Minute). Compte-rendu du Chapitre général des Pères Feuillants. — Science, prudence et piété du Supérieur élu.

 

Turin, 21 juin 1622.

 

            Monseigneur Illustrissime,

 

            L'asseurance que les Peres Fueillans m'ont donnée de l'amour et de la faveur que Vostre Seigneurie Illustrissime porte à leur Congregation, m'oblige de vous exposer comment, ayant pleu à Sa Saincteté m'establir President de leur dernier Chapitre general, j'ay rencontré parmy eux une concorde et une pieté si rare, que j'ay esté touché en moy-mesme d'un particulier sentiment d'obligation de louer infiniment la divine Majesté, qui a communiqué à des hommes mortels une si douce et aymable paix d'esprit.

            D'avantage, ils ont faict l'eslection d'un General, avec toute la maturité et le choix qu'on pouvoit desirer ; car ils ont jetté les yeux sur un personnage où la rencontre d'un sçavoir exquis, d'une prudence non commune et d'une excellente pieté se trouve avec une tres-belle harmonie. Ses rares escrits rendent une manifeste preuve de cecy, Dieu s'estant servy de sa plume pour apporter beau-coup d'ornement à la saincte doctrine catholique, par les tres-utiles traductions qu'il a faictes de quelques Peres grecs et par les tres-beaux livres qu'il a composés pour la refutation des heresies de ce temps : dont je ne doute point que Vostre Seigneurie Illustrissime ne reçoive un grand contentement de ceste eslection et de l'heureux succez du Chapitre. Je me promets encore qu'elle continuera sa faveur à l'endroict de ceste Congregation ; dequoy je la supplie tres-humblement. [321]

            Et baisant tres-reveremment vos sacrées mains, je prie Dieu qu'il vous donne toute saincte prosperité. C'est l'ardent desir de celuy qui est,

            Monseigneur Illustrissime,

Vostre tres-humble et tres-obeyssant serviteur,

FRANÇOIS, E. de Geneve.

            De Turin, ce 21 juin 1622.

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MCMXXV. Au Cardinal Scipion Cobelluzzi (Minute). Union des esprits au Chapitre des Feuillants. — Une élection unanime ; regret qu'éprouve le Saint à ce sujet.

 

Turin, 21 juin 1622.

 

            Monseigneur Illustrissime,

 

            Puis que je cognoy l'affection particuliere dont le sainct zele de Vostre Seigneurie Illustrissime a tousjours embrassé et procuré les interests et l'advancement de la Congregation des PP. Fueillans, il m'a semblé estre de mon devoir de luy donner advis sur le succez de leur dernier Chapitre general, auquel, comme sçait Vostre Seigneurie Illustrissime, Sa Saincteté m'a donné ordre d'assister en qualité de President.

            J'asseure donc Vostre Seigneurie Illustrissime que toutes choses s'y sont passées avec une si estroicte union d'esprit, de paix et de pieté, que ces nobles qualitez n'y [322] pouvoient pas estre desirées en un plus excellent degré : de sorte que je puis dire ma presence y avoir esté tres-inutile, n'ayant eu autre exercice pendant cest employ, sinon de gouster en moy-mesme la douceur et la consolation en la veuë de tant de modestie et de tant de vertu. Le General y a esté esleu avec un tres-general consentement de tous, car de trente-cinq suffrages, les trente luy ont esté donnez ; et quand son eslection a esté publiée, l'approbation de tous a esté recogneuë dans la commune allegresse qu'ils ont tesmoignée.

            Et pour moy, je ne trouve en tout cecy qu'une chose à redire : c'est qu'il me semble que ce n'est pas un detriment de peu d'importance au public, qu'un personnage d'une condition si eminente et qui a escrit tres-elegamment pour le service de l'Eglise, se trouve neantmoins maintenant occupé ès affaires qu'apporte la charge et la Superiorité qu'on luy a imposée, encore que ceste charge soit sur des personnes religieuses et qui font profession de la perfection monastique. Car il me semble que luy ayant reüssy d'escrire avec l'heur et la grace qu'on remarque es traductions du grec en latin et en françois qu'il a données au public, et en refutant les heresies de ce temps, il pouvoit rendre un plus grand et plus important service à la saincte Eglise en la continuation de cest employ. Toutesfois, puis que la divine Providence l'a ainsi ordonné, il est à esperer qu'elle se veut servir de sa promotion au Generalat pour faire reüssir par ce moyen quelque grand fruict à son Ordre et à la saincte Eglise catholique.

            Je baise les mains de Vostre Seigneurie Illustrissime avec une tres-profonde reverence, et souhaitte de Dieu en sa faveur toute sorte de saincte felicité, comme estant,

            Monseigneur Illustrissime,

Vostre tres-humble et tres-obeyssant serviteur,

FRANÇOIS, E. de Geneve.

            A Turin, ce 21 juin 1622. [323]

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MCMXXVI. A Sa Sainteté Grégoire XV. Ce qui s'est fait au Chapitre général tenu à Pignerol. — Concorde parfaite qui y présida. — Le gage de la persévérance dans l'union des cœurs et des esprits. — Une question que l'Evêque de Genève n'a pas voulu trancher. — Son avis sur la réforme du Bréviaire cistercien ; pourquoi il ne le fît pas prévaloir par un coup d'autorité.

 

Turin, 22 juin 1622.

 

            Beatissime Pater,

 

            Litteris Sanctitatis Vestræ quibus me in Præsidem Capituli generalis Congregationis Beatæ Mariæ Fulliensis constituit, sine mora parui et in monasterium Pinaroli me transtuli, ubi Capitulum illud generale celebratum est. In quo de variis, quæ undique allata sunt, negotiis plurima decreta sunt et sancita ; ac tandem de more Superior Generalis electus, et quidem tanta animorum consensione, tanta morum suavitate, nihil ut amabilius videri potuerit, nihilque optandum supersit, nisi ut quemadmodum [324] inter tot variarum nationum capita non tam unio quam unitas laudare nunc potest et debet, ita deinceps laudari possit ac debeat.

            Quod sane omnino hoc triennio futurum sperandum mihi videtur, quando quidem Domnus Frater Joannes a Sancto Francisco, qui Congregationis Superior Generalis est creatus, vir est non tantum spectatæ ac eminentis eruditionis quippe qui variis sacris et præclaris lucubrationibus scripto Ecclesiam ornavit et adversus hæreticos munivit, sed etiam vir est prudentia ac rerum gerendarum peritia excultissimus, quodque caput est, pietate ac zeli scientia instructissimus, ut credendum sit, sub ejus moderamine, Congregationem universam uberiores in dies proventus habituram.

            Unum tamen est, Beatissime Pater, quod in hac eadem Congregatione desiderandum existimabam, quod tamen urgere me debere non putavi, sed potius providentiæ Vestræ Apostolicæ relinquere. Utitur nimirum Breviario quodam Cisterciensi, in quo multa sunt correctione, imo [325] reprehensione dignissima : historiæ, scilicet, leves et propemodum ludicræ, hymni verborum perturbationibus intercepti, multa sententiarum tenebris maculata ; quæ omnia congruum est ut ab ecclesia Dei removeantur. Verum, quia id quidem plerique capitulantium doctiores et sapientiores expetebant, sed simpliciores ac suarum antiquitatum, ut vocant, plus sequo amantiores tueri conabantur Breviarium usu inter eos hactenus receptum, non putavi Capitulum tanta alioquin concordia celebratum, debere me fortiori authoritate compellere ; [326] ratus fœlicius ac facilius rem totam definiendam, si Beatitudo Sua coram præcipiat Generali ut quamprimum rejecto illo antiquato Breviario, monasticum quod a Sede Apostolica non solum approbatum est, sed omnibus Monachis maxime commendatum in usum inducat. Tuncenim, omnes pro ea qua Pontificatus Sanctitatis Vestræ apicem colunt ac venerantur observantia, religiose conquiescent.

            Deus autem optimus maximus, Beatitudinem Vestram quam diutissime servet incolumem : ita summis et imis votis supplex peto et expeto.

            Sanctitatis Vestræ ad pedum oscula,

Obsequentissimus, addictissimus, humillimus

filius et servus,

FRANÇS, Episcopus Gebennensis.

            Taurini, anno 1622, die 22 Junii.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, à la Bibliothèque Barberini. [327]

 

 

 

            Très Saint-Père,

 

            Les Lettres de Votre Sainteté m'ayant établi Président du Chapitre général de la Congrégation des Feuillants, j'ai obéi sans retard et me suis transporté au monastère de Pignerol où s'est tenu ce Chapitre. On y a réglé et décrété un grand nombre de points relatifs aux affaires de la Congrégation, qu'on y avait proposés de toutes parts. Enfin, selon l'usage, on y a élu le Supérieur général, mais avec une si parfaite concorde et tant de douceur dans les procédés, qu'on ne saurait rien voir de plus aimable. Aussi n'y a-t-il [324] plus rien à désirer, sinon que cette union, ou mieux cette unité entre tant de têtes de diverses nations, que l'on peut et que l'on doit maintenant louer, puisse et doive mériter les mêmes louanges à l'avenir.

            A mon avis, cet espoir paraît devoir se réaliser certainement au cours de ce triennat, puisque c'est Frère D. Jean de Saint-François qui a été élu Supérieur général de la Congrégation. Ce n'est pas seulement un homme d'une érudition remarquable et vraiment éminente, par la variété de ses pieux écrits et par de brillants travaux (il a en effet illustré l'Eglise, il l'a défendue contre les hérétiques), c'est encore un homme d'une prudence très avisée et fort exerce aux affaires ; enfin, ce qui est capital, il est versé dans la piété et dans la science de l'apostolat. Aussi y a-t-il lieu de croire que sous son gouvernement toute la Congrégation produira des fruits de jour en jour plus abondants.

            Sur un point pourtant, Très Saint-Père, cette même Congrégation me paraît laisser à désirer. Toutefois je n'ai pas cru devoir trancher la question ; il m'a paru préférable de la soumettre à votre sagesse Apostolique. La Congrégation se sert, en effet, d'un Bréviaire en usage chez les Cisterciens, dont il est nécessaire de corriger, voire même de blâmer un assez grand nombre de passages. [325] Ce sont des récits peu sérieux et presque badins, des hymnes sans suite, grâce au mélange des mots, nombre d'endroits entachés de pensées obscures : il est décent que tout cet ensemble soit rejeté hors de l'église de Dieu. Sans doute, la plupart des capitulants, les plus doctes et les plus sages, réclamaient une telle mesure ; mais d'autres, moins éclairés et attachés jusqu'à l'excès à leurs anciennetés, comme ils disent, ont mis toute leur ardeur à défendre le Bréviaire usité jusqu'ici parmi eux. Le Chapitre ayant fait preuve d'une grande unanimité de vues sur les autres questions, il m'a [326] semblé préférable de ne point lui imposer, d'autorité, une décision. A mon avis, toute l'affaire se conclura plus heureusement et avec plus de facilité si Votre Sainteté fait un précepte au Général de laisser au plus tôt ce Bréviaire vieilli, pour adopter l'édition monastique, laquelle est non seulement approuvée, mais absolument recommandée à tous les moines par le Siège Apostolique. Alors tous, en raison de la religieuse soumission dont ils honorent et vénèrent le suprême Pontificat de Votre Sainteté, tiendront leur âme en paix.

            Que Dieu très bon et très grand conserve le plus longtemps possible les jours de Votre Sainteté : tel est l'objet de tous mes vœux, de mon humble prière, de mon ardent désir.

            Je baise les pieds de Votre Sainteté, dont je suis

Le très soumis, très dévoué, très humble fils et serviteur,

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            Turin, le 22 juin de l'an 1622. [327]

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Minute de la lettre précédente

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            Beatissime Pater,

 

            Acceptis Sanctitatis Vestræ Litteris Apostolicis, 28 mensis Aprilis hujus anni expeditis, quibus me in Præsidem Capituli generalis Congregationis Beatæ Mariæ Fulliensis constituit, sine mora parui, et in monasterium ejusdem Ordinis Pinerolii me transtuli, ubi me præsente, et secundum mandata Apostolica præsidente, Capitulum illud generale celebratum est.

            In quo, ut par erat, de variis, quæ undique aliata sunt, negotiis totius Congregationis plurima decreta sunt et sancita ; ac de more Superior Generalis, aliique tum Provinciales, tum Abbates ac Priores electi, et quidem tanta animorum consensione, tanta pace, tanta morum suavitate, ut nihil suavius, nihil amabilius videri potuerit. Ita sane, ut illud Propheticum dici de hoc Capitulo existimem : Quam bonum et quam jucundum habitare [328] fratres in unum ! Sicut unguentum in capite, quod descendit in barbam, barbara Aaron. Nihil ut expectandum supersit, nisi ut quemadmodum non tam unio quam unitas inter tot variarum provinciarum ac nationum capita hoc tempore laudanda est, ita et deinceps laudari possit.

            Superiorem autem Generalem nunc habet ista Congregatio, maxima votorum ac suffragiorum conspiratione electum, cui sine controversia omnes eruditionis, prudentiæ ac ingenii palmam cedere debent ; virum spectatissimæ probitatis et pietatis, qui gravissimis scriptis Ecclesiam Dei non solum hactenus ornavit et munivit, sed deinceps, quando ei per otium licuerit, ornare ac munire paratus sit ; ut sperandum sit, sub ejus moderamine, totam istam Congregationem uberiores in dies proventus facturam. Cæterum, quandoquidem anno 1625 istius Congregationis Capitulum generale Romæ in conspectu Sanctæ Sedis Apostolicæ celebrabitur, si quid supersit ad tanti Ordinis splendorem, ac majorem perfectionem addendum, nullo negotio et facillime addetur. [329]

            Deus autem optimus maximus, pro sua erga Ecclesiam singulari providentia, Sanctitatem Vestram tueatur incolumem, ut summis ac imis votis supplex peto et expeto.

F., E. Geb.

            Taurini.

 

 

 

            Très Saint-Père,

 

            Ayant reçu les Lettres Apostoliques de Votre Sainteté, datées du 28 avril de cette année, qui me constituaient Président du Chapitre général de la Congrégation de Sainte-Marie des Feuillants, j'ai obéi sans retard. Je me suis rendu au monastère dudit Ordre à Pignerol ; et là, en ma présence et, conformément aux décisions Apostoliques, sous ma présidence, s'est tenue cette assemblée.

            Comme il convenait, les diverses affaires de la Congrégation, apportées de toutes parts, y ont été l'objet de nombreuses décisions et ordonnances. Puis, selon l'usage, on a fait l'élection du Supérieur général et d'autres, tant Provinciaux qu'Abbés et Prieurs. Tout cela s'est passé dans une si parfaite harmonie des coeurs, une si grande paix, une telle douceur, que l'on ne saurait rien voir de plus suave, de plus aimable. Aussi me semble-t-il qu'on puisse appliquer à ce Chapitre la parole du Prophète : Qu'il est bon, qu'il est [328] agréable pour les frères d'habiter ensemble ! C'est comme le parfum répandu sur la tête, qui descend sur la barbe, la barbe d'Aaron. Il ne reste plus qu'une chose à désirer : c'est que cette union, ou plutôt cette unité, entre des hommes de tant de provinces et de nations différentes, continue dans l'avenir à mériter les éloges qu'elle mérite aujourd'hui.

            Cette Congrégation possède maintenant pour Supérieur général un homme qui a réuni la très grande majorité des suffrages, et auquel, sans contredit, tous doivent céder la palme du savoir, de la prudence et du talent ; un homme d'une vertu et d'une piété remarquables, qui, par des écrits très profonds, a enrichi et défendu l'Eglise de Dieu, et reste prêt à l'enrichir et à la défendre encore, quand ses loisirs le lui permettront. On doit donc espérer que, sous son gouvernement, toute cette Congrégation produira des fruits de jour en jour plus abondants. D'ailleurs, puisque, en 1625, le Chapitre général doit se tenir à Rome, sous les yeux du Saint-Siège Apostolique, s'il reste à ajouter quelque chose pour augmenter l'éclat et la perfection de cet Ordre illustre, cela se fera sans peine et sans difficulté. [329]

            Puisse Dieu très bon et très grand, dans son admirable providence envers l'Eglise, garder saine et sauve Votre Sainteté ! Je l'en prie et l'en conjure à genoux, de mes vœux les plus humbles et les plus ardents.

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            De Turin.

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MCMXXVII. A Madame Le Loup de Montfan. Les meilleures réponses. — Une véritable inspiration divine. — Quand Dieu parle, il ne faut pas contester, mais regarder l'Evangile et en suivre les maximes. — Ce dont la ferveur de Mme de Dalet devra se contenter. — Ses parents prendront soin de ses enfants. — Qualités qu'il faut joindre ensemble. — Condescendance et humilité du saint Evêque.

 

Turin, 6 juillet 1622.

 

            Madame,

 

            Les plus courtes responses sont ordinairement les meilleures, et avec cela, [je suis] pressé de mon depart de cette cour et du desir de depescher vostre homme, qui me conjure ardemment de ne le point retenir davantage. Or, [330] je ne diray rien des tiltres d'honneur et de faveur dont vous estes si liberale envers moy, sinon que je ne cesseray jamais de vous souhaitter toute sorte de consolation et quelque digne occasion de vous tesmoigner combien je vous honnore.

            Je ne vous diray donq pas autre chose sur le dessein que madame [de Dalet], vostre fille, a de se retirer dans le monastere, sinon que je croy fermement que c'est une veritable inspiration divine, ne voyant tout a fait aucune rayson au contraire, puisque, graces a Dieu, elle a de si justes et dignes garens de la personne et biens de ses enfans, pourveu qu'il vous playse, et a monsieur [votre mari], de vous charger de cette peine. Et affin qu'il vous playse, je ne veux point user de longs discours, ains seulement dire que si vous le faites, vous feres une chose infiniment aggreable a Dieu ; car cela suffit a une ame genereuse pour luy faire prendre toutes sortes de resolutions.

            Je voy bien qu'il y a plusieurs repliques a ce que je dis ; mais je croy bien aussi qu'en ces occurrences il n'est pas question de contester et de disputer, ains de considerer les maximes de l'Evangile, qui sans doute nous conduisent au parfait despouillement, et au mespris de la sagesse temporelle qui ne s'arreste a la sagesse de la vertu que requiert l'excellence et l'eminence de l'amour celeste.

            Mais, Madame, si cette chere fille de vostre cœur s'arreste dans les bornes que vostre authorité luy préfixé, de n'estre au monastere que comme fondatrice, sans changement d'habit ni de condition exterieure, je ne croy pas que la plus sage sagesse humaine puisse sagement gronder, ni, je m'asseure, probablement murmurer. Car, presupposé la charité de monsieur vostre mari et la vostre [331] envers vos petitz enfans pour avoir soin d'eux et de leurs petitz affaires, et asseurer madame vostre fille pour luy [donner] commodité de vivre plus parfaitement sous l'ombre de la Croix, que peut on dire autre chose sinon que Dieu a donné l'inspiration a la fille de se retirer, et au pere et a la mere de luy en donner les moyens ? Je sçai qu'a faire ces grandes et heroïques vertus il y a de l'effort ; mays c'est aussi de la d'ou elles tirent leur plus grande gloire.

            Vous me marques, Madame, un defaut de cette fille, qui est qu'elle jure sous equivoque ; a quoy, ce me dites vous, vous ne vous entendes point. C'est une des plus aymables conditions que vous puissies avoir, je le confesse ; mais il faut adjouster une autre grandement pretieuse, qui est de ne point user de vostre authorité maternelle contre cet esprit qui, pour eviter le coup, se desrobe plustost que de parer.

            Mais quant a moy, Madame, je vous proteste que je n'use point d'equivoque quand je vous prometz en bonne foy que, demon costé, je ne consentiray point que madame [de Dalet] prenne l'habit de la Visitation que quand, par une veritable attestation, j'auray esté asseuré de vostre consentement : de cela je vous prie de le bien croire. Je vous en donne ma parole plus clairement : je n'ay nulle authorité sur les Monasteres de la Visitation qui sont hors de mon diocese, de sorte que je ne puis m'obliger sinon a ne point consentir, ains a faire tout ce que je pourray, non point par authorité, mais par credit que j'espere d'avoir envers les Superieures de ces Monasteres, et particulierement avec madame [Favre], de laquelle je suis grandement certain qu'elle suivra en cela ma direction. Et partant, Madame, je vous donne de rechef asseurance de ce que dessus, et signe expres sous la promesse que je vous en fay.

……………………………………………………………………………………………………...

FRANÇS, E. de Geneve. [332]

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MCMXXVIII. A la Comtesse de Dalet (Inédite). Comment Mme de Dalet pourra contenter à la fois sa dévotion et sa mère. — Jugement sur des plaintes maternelles ; à laquelle de ces plaintes le Saint a voulu répondre. — Promesse de lettre ; douce invitation à écrire aussi.

 

Turin, 6 juillet 1622.

 

……………………………………………………………………………………………………..

            Demeures donq ainsy en vostre habit seculier, mais prenant les habitudes religieuses pour, en contentant vostre devotion dans le monastere, contenter encor madame vostre mere. Vous ne vivres pas moins au gré de l'Espoux celeste, qui ne prend pas garde a l'exterieur et duquel vous ne seres pas moins [bien] veuë en verité, bien que l'apparence sera moindre. Ce n'est pas peu que d'estre dans les porches de la mayson du Seigneur.

            Madame vostre mere me fait asses de plaintes de vostre esprit, mais je connois bien la jalousie maternelle et discerne bien en cecy les eslans de la nature d'avec ceux de la grace. Attaches vous bien, ma tres chere Fille, a la Croix de Jesus Christ, qui pour vous a souffert une si grande contradiction contre soy mesme ; il soit vostre seule mire et son aggreement vostre unique consolation.

            Je n'ay pas voulu respondre a toutes les plaintes maternelles pour ne point m'embarrasser, ormis sur celle de madamoyselle vostre fille, que je consens estre remise a cette bonne mere, attendant qu'elle puisse faire choix de sa vocation. Je donne au reste toutes les asseurances [333] que je puis pour vostre personne. Je croy que madame vostre mere s'en contentera ; au moins, la reputation qu'elle a d'estre de si bon jugement l'y oblige.

            Je suis sur mon depart de cette cour, mays je vous escriray soudain que je seray a Annessi, ou j'attendray a chaque commodité de vos lettres pour sçavoir en quel estat seront vos saintes affaires, ne me pouvant empescher d'estre grandement touché du desir de vostre consolation et sur tout de vostre perfection.

……………………………………………………………………………………………………..

            Le [6] juillet 1622.

 

Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Montferrand, par la Mère de Chaugy, conservée au Ier Monastère d'Annecy.

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MCMXXIX. A Monseigneur Jean-François de Sales, Évêque de Chalcédoine, son frère. Espérance de retour en Savoie. — Une affaire à considérer de nouveau. — La réforme de Sainte-Catherine. — Voyage qui devient inutile, grâce à l'intervention du Prince et du Pape.

 

Turin, 7 juillet 1622.

 

            Monsieur mon Frere,

 

            Je vous escrivis hier ; aujourdhuy je redis que j'espere, dans huit ou 9 jours, partir pour mon retour. Et tandis, je vous asseure que je n'ay nullement oubliee la priere que je vous fis a mon depart, de prendre resolution sur l'affaire de Dumont par l'advis de nos amis ; et ce fut la premiere chose que je luy dis quand il vint icy. Mays par ce que, d'un costé vous m'escrivies d'une sorte [334] qu'il sembloit que vous n'avies pas faite une resolution finale, et que d'ailleurs il se sousmettoit a l'examen de la cause, je luy dis que, estant arrivé, nous considererions de rechef son affaire, et que si ce n'estoit point chose contraire a l'equité, nous aurions soin de ne point le precipiter dans la demission de sa charge.

            Je renvoye l'homme d'Auvergne despeché. Je suis bien ayse que les filles de Sainte Catherine ayent fait leur affaire en mon absence ; et avant que je parte on despechera a Rome pour la reformation generale, ainsy que Monseigneur le Prince resolut avanthier.

            Il ne sera, je pense, pas besoin d'envoyer a Louvain, puisque Son Altesse prendra les moyens convenables pour accoyser'ces messieurs les Proviseurs, et que le Pape interviendra en cett'affaire. [335]

            Je vous salue tres humblement, et tous nos freres et amis, avec nos seurs et amies. Je suis,

            Monsieur mon Frere,

Vostre tres humble frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            7 julliet 1622, a Turin.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.

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MCMXXX. A la Mère de Chantal, a Dijon (Fragment). Passage de la Mère Favre de Montferrand à Dijon.

 

Turin, juillet-août 1622.

 

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            J'appreuve, ma chere Fille, ce que vous me proposes, de tirer de Montferrant ma chere grande Fille, quoy qu'elle soit actuellement Supérieure, pour l'envoyer [336] occuper vostre place a Dijon, d'ou vous ne partires point, ma chere Fille, qu'elle n'y soit establie.

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Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Dijon, conservée au 1er Monastère d'Annecy.

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MCMXXXI. A Monseigneur Jean-François de Sales, Évêque de Chalcédoine, son frère (Fragment). Un désir de François de Sales. — Pourquoi il voudrait être « un peu en repos aux pieds de Nostre Seigneur. »

 

Turin, [juillet-août] 1622.

 

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            Oh ! que je serois heureux si d'icy a un an ou deux je pouvois tellement partager avec vous ma charge, que je peusse tenir la partie de Magdeleine, et vous celle de Marthe ! Non certes que je desire celle de Magdeleine parce qu'elle est meilleure ; mais parce que, si je pouvois estre un peu en repos aux pieds de Nostre Seigneur, il m'est advis que j'apprendrois certaines choses que je pourrois laisser tres utilement a la posterité par escrit, selon l'exhortation que tant de gens de bien m'en ont fait. Mais apres cela, je proteste que je ne veux rien que vivre et mourir en la grace et volonté de Dieu. [337]

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MCMXXXII. A la Duchesse de Modène, Isabelle de Savoie. Grande vertu des Infantes de Savoie. — Consolation que le Saint a trouvée dans leur société. — Une précieuse faveur reçue de l'Infante Françoise-Catherine.

 

Turin, 8 août 1622.

 

            Serenissima Signora,

 

            Ritrovandomi adesso alla vigilia della mia partenza di questa corte, vengo pure a far humilissima riverentia a Vostra Altezza Serenissima con queste poche righe, già che continuamente l'ho havuta inanzi agli occhi della [338] mente nelle persone di queste Serenissime Infanti, le quali con tanto affetto celebrano le virtù che dalla bontà del Signor Iddio son state concesse all'Altezza Vostra, che la tengono sempre presente a quelli che con la debita riverentia stanno nella loro serenissima conversatione, come ho fatto io questi duoi mesi passati. Et confesso ingenuamente a Vostra Altezza Serenissima che in questa academia di pietà nella quale vivono queste Serenissime Infanti, ho trovata tanta consolatione, che quantunque la mia professione ecclesiastica et la mia educatione nelle lettere sacre siano assai discoste della vita della corte, io nientedimeno ho havuto un gusto particolare di stare qui, per godere in particolare della vista di tanta divotione come riluce in questa triade d'Infanti.

            Non dirò già a Vostra Altezza li favori ricevuti dalla loro benignità, ma dirò bene che quello che ricevo dalla Serenissima Infante Francesca Catarina, col quale mi ha dato ordine di salutare così in scritto et in fretta Vostra Altezza Serenissima, è uno di magiori et più prætiosi favori che io potessi sperare in questo mondo, et mediante [339] il quale spero che Vostra Altezza mi farà gratia di scusarmi, et non attribuire a presuntione questa mia confidentia.

            Et fra tanto priegho Iesuchristo, Redentore nostro, che a Vostra Altezza dia ogni dì magior accrescimento nel suo divino amore, con perfetta conformità alla sua dilettissima Croce. Et così ritorno a farli di nuovo humilissima riverentia, restando senza fine,

            Della Altezza Vostra Serenissima,

Humilissimo et divotissimo servo et oratore,

FRANCO, Vescovo di Geneva.

            In Torino, alli VIII di Agosto 1622.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Modène, Archives de l'Etat. [340]

 

 

 

            Sérénissime Madame,

 

            Me trouvant maintenant à la veille de mon départ de cette cour, je viens, par ces quelques lignes, offrir aussi mes très humbles hommages à Votre Altesse Sérénissime que j'ai eue continuellement [338] devant les yeux de l'esprit en la personne des Sérénissimes Infantes. Celles-ci proclament avec tant d'affection les vertus accordées par la Bonté divine à Votre Altesse, qu'elles vous tiennent toujours présente au souvenir de ceux qui, en tout respect, jouissent de leur auguste société, comme je l'ai fait ces deux derniers mois. J'avoue ingénuement à Votre Altesse, qu'en cette académie de piété où vivent les Sérénissimes Infantes, j'ai goûté une consolation si grande, que, quoique ma profession ecclésiastique et mon éducation dans les lettres sacrées soient assez éloignées de la vie de la cour, j'ai néanmoins éprouvé un singulier plaisir à demeurer ici, pour jouir en particulier de la vue d'une piété telle qu'elle reluit en ce trio d'Infantes.

            Je ne parlerai pas à Votre Altesse des faveurs reçues de leur bonté ; mais je dirai bien que celle que me fait la Sérénissime Infante Françoise-Catherine en m'ordonnant de saluer ainsi par écrit et à la hâte Votre Altesse, est une des plus grandes et précieuses que je [339] pusse attendre en ce monde. C'est pourquoi j'espère, Madame, que vous daignerez m'excuser et que vous n'attribuerez pas à présomption cette marque de confiance.

            En attendant, je prie Jésus-Christ notre Rédempteur d'accorder chaque jour à Votre Altesse de nouveaux accroissements en son amour, avec une conformité parfaite à sa Croix bien aimée. Je vous renouvelle mes très humbles hommages et je demeure à jamais,

            De Votre Altesse Sérénissime,

Le très humble et très dévoué serviteur et orateur,

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            A Turin, le 8 août 1622. [340]

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MCMXXXIII. Au Cardinal Ludovic Ludovisi. Deux Pères Feuillants en route pour Rome. — Prière de s'intéresser aux affaires qu'ils vont y traiter. — Départ pour Annecy.

 

Turin, 17 août 1622.

 

            Illustrissimo et Reverendissimo Signor Padron colendissimo,

 

            Partono di questa città questi duoi Padri per li negotii che essi spiegaranno alla Santa Sede. Et perchè sonno tutte cose appartenenti alla magior gloria d'Iddio et che non possono riuscire se non coll'interventione della potentissima mano di V. S. Illma, a Lei et alla sua pietà et providentia con profondissima riverentia le raccommando ; partendo poi domani per la mia residentia, [341] dove è il Monasterio per la riformatione del quale questi Padri vanno in Roma.

            Di V. S. Illma et Rma,

Divotissimo et humilissimo servo,

FRANCO, Vescovo di Geneva.

            Da Torino, alli 17 di Agosto 1622.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Rome, à la Bibliothèque Barberini.

 

 

 

            Illustrissime, Révérendissime et très vénéré Seigneur,

 

            Ces deux Pères partent de cette ville pour les affaires qu'ils expliqueront au Saint-Siège. Et comme toutes regardent la plus grande gloire de Dieu et qu'elles ne peuvent réussir que par l'intervention de la main très puissante de Votre Seigneurie Illustrissime, je les lui recommande, et à sa piété et à sa sollicitude, avec un très profond respect. [341]

            Je pars demain pour ma résidence, où se trouve le Monastère pour la réforme duquel ces Pères vont à Rome.

            De Votre Seigneurie Illustrissime et Révérendissime,

Le très dévoué et très humble serviteur,

FRANÇOIS, Evêque de Genève.

            De Turin, le 17 août 1622.

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MCMXXXIV. A M. Philippe Sanguin de Roquencourt. Désir de l'Evêque de Genève de complaire au destinataire. — Son vouloir limité par son pouvoir. — A qui il appartiendra de résoudre la difficulté au sujet d'une aspirante à la Visitation. — Rien de secret dans les Constitutions de l'Institut ; rien de cabalistique dans les paroles et les écrits du Fondateur. — La seule impuissance de méditer n'exclut pas du cloître — Ce n'est pas sans raison ni pour fâcher le père que la Supérieure se décide à ne pas recevoir la fille.

 

Annecy, 24 août 1622.

 

            Monsieur,

 

            J'estois malade en Piemont quand je receu vostre lettre du 27 may ; maintenant, de retour au lieu de ma residence, je vous remercie tres humblement de la souvenance que vous aves de moy qui, reciproquement, ay gravé en mon ame le respect que je doy a vostre vertu [342] et pieté, tesmoignee, de vray, par l'assistence que vous fistes a madame de Gouffier pour la reception des Filles de Sainte Marie de la Visitation.

            Ensuite dequoy je voudroys bien, je vous asseure, Monsieur, vous rendre quelque utile service en toutes occasions, mays en particulier pour la consolation de madamoyselle vostre fille, et mesme ayant receu une si grande recommandation et si puissante, comm'est celle de Monseigneur le Duc de Nemours qui m'escrit ardemment pour vostre intention. Neantmoins, Monsieur, ( scientibus legem loquor), je doys limiter mon vouloir par mon pouvoir, qui ne s'estend pas hors de mon diocæse sinon par maniere d'intercession. Et partant, j'escritz a la Superieure delaquelle vous vous plaignies, qu'autant qu'il se pourra bonnement faire selon Dieu, elle contente vostre desir, en consideration de celuy que j'ay tres ardant de vous rendre service. Que si, apres cela, il se treuve quelque difficulté, ce sera a l'authorité de Monseigneur le Cardinal Evesque de Paris, ou a ceux qui ont charge de luy, de la resoudre.

            Au reste, Monsieur, il ny a aucun article secret es Constitutions de l'Institut de Sainte Marie, sinon qu'il ayt esté adjousté si secretement que je n'en aye jamays eu connoissance. Car, quant a moy, je puis [dire], quant a cela, a l'imitation de Nostre Seigneur et Maistre : In occulto locutus sum nihil ; il ny a rien de caballistique en tout ce que j'ay jamais dit ny escrit. Que si [343] quelqu'un vous a dit le contraire, il a eu tort, de moy qui sçai, des le tems mesme que vous me marques et duquel la memoire m'est si douce, quand j'avois le bonheur d'estre avec vous au college, que veritas non quærit angulos, et qu'il ny a nulle finesse au vray service de la pieté.

            Et de plus, Monsieur, bien que l'exercice de la meditation soit grandement desirable es Monasteres, si est ce que, quand toutes les autres qualités se treuvent en un esprit, j'ay tous-jours jugé que celle de n'estre pas propre a former les meditations n'estoit pas suffisante pour forclorre un'ame du cloistre. Peut estre donq y aura-il en madamoyselle vostre fille quelqu'autre manquement, non es choses essentielles de la pieté simplement, mays, a l'aventure, en ce qui est requis au genre de vie des Seurs de la Visitation, qui provoque la Superieure a la desirer ailleurs ; car je ne puis m'imaginer que, sans rayson, de gayeté de cœur, ni mesme de fierté de courage, elle voulut fascher un personnage de vostre condition, et refuser le sejour au monastere a une fille si bien nee comm'est la vostre, Monsieur. Et quant aux fraitz que vous aures faite pour l'essay, qui n'auront pas esté employés pour la personne propre de celle qui l'a fait, je croy que vous n'en aures pas du refus.

            En somme, puisque vous m'aves fait lhonneur de m'aymer des il y a si long tems, je vous supplie tres humblement de continuer tous-jours, Monsieur, et de croire que de tout mon cœur je seray toute ma vie

Vostre plus humble et affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XXIIII aoust 1622, Annessi.

 

             A Monsieur

Monsieur Sanguin, seigr de Rocqu'encour,

            Conseiller du Roy au Parlement de Paris.

 

Revu sur l'Autographe conservé au 2d Monastère de la Visitation de Paris. [344]

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MCMXXXV. A la Mère de la Martiniere, Supérieure de la Visitation de Valence (Inédite). Réponse tardive. — Adoucissements que l'on peut donner à une veuve âgée retirée au monastère. — Consolations et difficultés. — Messages.

 

Annecy, 24-29 août 1622.

 

            Ma tres chere Fille,

 

            A [mon retour] de Piemont, j'ay treuvé ici vostre lettre du premier juing. Helas ! que vous aures bien eu de la patience en l'attente de la response.

            Je ne treuve nulle difficulté que la [mère de monsieur] de la Gamelle soit receue en vostre Mayson pour y demeurer [en habit] seculier, pourveu qu'il soit modeste, selon son ordinaire ; qu'elle] couche sur les plumes ou [en autre] telle sorte, pourveu… ; car en tout cela [il n'y a aucune] messeance… p[our la] cha[rité]… par la plus douce… bonne… le plus grand secours de son aage. [345]

            Je me res-jouys dequoy vous aves un si bon Pere spirituel et un si bon confesseur ; cela vous doit soulager au desplaysir que les incommodités de vostre logis vous doivent donner. J'espere qu'en fin celuy qui s'estoit chargé de vous si bien accommoder s'empressera de satisfaire a vostre juste desir et a sa conscience.

            Je salue tres humblement le cœur de nostre devote Seur Marie et celuy de madamoyselle des [Con]ches, les conjurant de recommander souvent le mien tres chetif a la souveraine bonté de celuy de Nostre Seigneur, auquel [346] et par lequel je suis tres asseurement, ma tres chere Fille,

Vostre [très h]umble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            2... a[oût] 1622.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.

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MCMXXXVI. A Madame de Cerisier, Abbesse de Sainte-Catherine. L'Abbesse a été avertie par François de Sales du désir de quelques-unes de ses Filles ; quel était le sien pour la réforme. — « Les defautz qui arrivent en une bonne œuvre n'en gastent pas la bonté essentielle. » — Se garder d'aller contre la volonté de Dieu par intérêt propre. — Pourvu que le bien se fasse, il suffit.

 

Annecy, 29 août 1622.

 

            Je respons clairement a vostre lettre, ma tres chere Cousine, ma Fille. Il est vray que des il y a long tems je me suis apperceu des desirs que plusieurs de vos Filles avoyent de la reformation ; et, tout autant que la conscience me l'a peu permettre, je vous l'ay signifié de tems en tems. Mais il est vray aussi que j'eusse souhaité qu'elles eussent eu encor un peu de patience, puisque nous [347] sommes a la veille de voir un ordre general pour la reformation de tous les Monasteres de cette province de deça les mons, notamment des filles, parmi lesquelles les moindres defautz sont plus blasmés que les grans parmi les hommes. Or, ma tres chere Cousine, voyla donq la chose au jour.

            Qu'il se soit passé quelques impatiences, quelques immortifications, quelques fiertés, quelques desobeissances, quelques amours propres, quelques imprudences, certes il ne se peut pas nier ; mais, pour tout cela, le fond de l'affaire ne laisse pas d'estre bon et selon la volonté de Dieu. Tous les defautz qui arrivent en une bonne œuvre n'en gastent pas la bonté essentielle : d'ou que le bon vienne, il le faut aymer. Mon inclination estoit que l'on attendist de faire celuy ci jusques a ce que l'ordre en fust venu de Rome, affin qu'il y eust moins de resistance ; la ferveur de la charité de quelques unes ou, si vous voules, l'ardeur de la propre volonté des autres, a fait choisir un autre moyen qui leur sembloit plus court ; il ne faut pas pour cela le rejetter, ains il faut y contribuer tout ce que la sainte, sincere et veritable charité nous suggerera. Et nous faut prendre garde de ne permettre pas a nostre propre interest ou amour d'employer nostre propre prudence contre la volonté de l'Espoux celeste. Mais de tout ceci il en faut parler plus au long, Dieu aydant.

            Madame ma tres chere Cousine, ma Fille, que cette affaire ayt esté entreprise, je le sceu le jour avant mon depart de cette ville ; que l'on en soit venu a l'execution, je le sceu en Argentine ; mais vous aves esté la premiere qui m'aves donné connoissance de la particularité, bien que despuis j'en aye appris encor davantage. Il [348] importe peu que le bien se face d'une façon ou d'autre, pourveu qu'il se face en sorte qu'il en revienne plus grande gloire a Nostre Seigneur. Je suis, Madame ma chere Cousine,

Vostre tres humble cousin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            29 aoust 1622.

 

A Madame l'Abbesse de Sainte Catherine.

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MCMXXXVII. A la Mère de Chantal, a Dijon. En quel cas permettre le changement de monastère. — Plusieurs affaires pénibles. — Mille écus que le Saint voudrait « au fons de la mer. » — Les effets du sens humain.— Ne pas recevoir des bienfaitrices qui exigent trop de conditions. — Mort de la présidente Brûlart et du cardinal de Retz. — La « benediction souverainement desirable. » — Souvenir affectueux pour les enfants de la Mère de Chantal.

 

Annecy, 30 août 1622.

 

             Je suis de retour, et en santé, ma tres chere Mere, mais sans loysir de vous faire long discours. Il suffira que je responde aux principales demandes que vous m'aves faites.

            Je le croys, ma tres chere Mere, car je le voys, que toutes les Superieures desirent de voir les filles maussades et fantasques esloignees de leurs monasteres, car c'est la condition de l'esprit humain de ne se plaire qu'aux choses plaisantes. Mais je suis tout a fait de vostre advis, que l'on n'ouvre point la porte au changement de monastere pour les filles qui le desireront, ains seulement pour celles qui, sans le desirer, seront pour quelqu'autre rayson envoyees par les Superieurs ; car autrement, le moindre [349] deplaisir qui arriveroit a une fille seroit capable de l'inquieter et luy faire prendre le change, et en lieu de se changer elles mesmes, elles penseroyent d'avoir suffisamment remedié a leur mal quand elles changeroyent de monastere.

            Je me res-jouis de quoy vous estes logees a vostre gré. J'ay respondu a madame de Monfan et a madame de Dalet sur les lettres qu'elles m'escrivirent tandis que j'estois a Turin.

            J'ay veu l'exercice que ces deux filles font a nostre Superieure de Paris, mais je ny vois point de remede, sinon celuy de la patience et de la confiance en Dieu. [350] Monsieur Sanguin m'escrit une grande lettre et m'a fait escrire par Monsieur le Duc de Nemours sur les difficultés que l'on fait a sa fille ; mais je n'ay rien a respondre sinon que les Superieurs qui sont sur les lieux doyvent decider ce fait, et non moy, qui ne puis estre instruit que par le recit des parties et qui, au reste, ne suis pas juge competant.

            Je suis bien plus scandalisé des contestes qui sont entre nos Seurs Superieures de Moulins et de Nevers pour certains mille escus que je voudrois plustost estre au fons de la mer qu'en l'esprit de ces filles. Est il possible que des filles nourries en l'escole de la folie de la Croix, soyent tellement affectionnees a la prudence du monde que ny l'une ny l'autre ne veuille point ceder et que chacune sache tant alleguer de termes de justice ? Il faudra tascher pourtant d'arrester celle qui aura moins de rayson, pourveu qu'encores l'esprit du monde luy permette de se laisser condamner ; mais je ne croys pas que cela se puisse faire avant vostre venue. Celle de Nevers ne m'en a point escrit, mais les plaintes de celle de Moulins tesmoignent que l'opinion du bon droit est grandement enracinée en l'esprit de l'une et de l'autre.

            J'ay aussi presque une mesme aversion au grand desir que les Superieures ont que l'on decharge leurs Maysons [351] par le moyen des fondations ; car tout cela depend du sens humain et de la peine que chacune a a porter son fardeau. Soit donq que l'on decharge la Mayson de Monferrant ou celle de Moulins par la fondation de celle de Rion, il me semble qu'il importe fort peu.

            Je suis bien ayse du contentement que vous aves de nostre Seur Françoise Augustine et de nostre Seur Parise, comm'aussi je plains beaucoup l'esprit de nostre Seur Valeret qui n'a sceu s'accommoder a l'Institut. Dieu luy face la grace de l'attirer a une vocation qui soit propre a son salut.

            Je vous ay escrit cy devant sur le sujet des bienfaitrices, lesquelles, comme vous, je ne voudrois pas estre en grande quantité ; mais pourtant cela se doit ordonner par la charité et par la discretion. Quant a madamoyselle de Vigny, puisque c'est un si bon esprit comme vous m'escrives, on pourra luy permettre ce qu'elle desirera ; [352] mais dores-en avant il ne faut pas recevoir de ces bienfaitrices qui desirent tant de conditions.

            La quantité des malades de la Mayson de Paris est un grand presage de la benediction que Dieu y veut mettre, quoyque le sens y repugne.

            J'eusse bien desiré une plus longue vie a madame la premiere Presidente, ma tres chere fille ; mais il faut s'arrester court et sans replique au decret de la volonté celeste, laquelle dispose des siens selon sa plus grande gloire. Je suis consolé de l'agreable ædification qu'elle a laissé par les bons exemples de sa vie, qui estoit certes totalement dedié (sic) au service de Dieu, ainsy que j'ay reconneu des que j'ay eu le bien de la connoistre. Je crois que les mayson s pieuses de Dijon et de la Bourgoigne auront beaucoup perdu en ce trespas, mais il arrive rarement que l'un proffite sans la perte de l'autre. J'ay un grand desir d'escrire a ses deux filles sur ce sujet, mais maintenant je n'ay pas la commodité, non plus que d'escrire a monsieur le premier President ; en lieu dequoy je prie Dieu pour leur consolation et pour le repos de l'ame de cette chere personne que j'aymois et honorois de tout mon cœur, et de l'absence de laquelle je serois bien affligé davantage si je ne prenois asseurance en la misericorde [353] de Dieu qu'elle jouit des a present du bien auquel elle a tous-jours aspiré.

            Ce m'a esté aussi une deplaisante nouvelle que celle de Monseigneur le Cardinal de Rés, non seulement pour la perte que l'Eglise a fait en son trespas, mais aussi parce que j'ay consideré en iceluy le deplaisir de madame la Marquise de Menelay, de monsieur le General des Galeres et de madame sa femme et de toute ceste mayson la que j'honnore de tout mon cœur. En somme, il n'est pas en nostre pouvoir de garder les consolations que Dieu nous a donnees, sinon celle de l'aymer sur toutes choses, qui est aussi la benediction souverainement desirable.

            Je vous supplie, ma tres chere Mere, de saluer cordialement de ma part madame de Tolongeon, ma tres chere [354] fille, et, quand l'occasion s'en presentera, monsieur le Baron de Chantal vostre filz, et monsieur de Tolongeon vostre beaufilz.

            Ma tres chere Mere, je vous escris de la main de monsieur Michel jusques a present, que j'acheve de tout mon cœur, vous priant de me tenir tous-jours pour ce que je suis, ainsy que vous sçaves vous mesme,

Vostre serviteur tres humble.

            Vous fistes excellemment de recevoir la femme que Monseigneur de Langres vous addressoit : Bienheureux sont les misericordieux, car Dieu leur fera misericorde. Receves les infirmes ; croyes moy, ma tres chere Mere, la prudence humaine est ennemie de la bonté du Crucifix.

            Au premier jour je vous escriray plus au long. Ce [355] pendant vives heureuse dans le sein de la bonté de Nostre Seigneur, qui soit beni es siecles des siecles. Amen.

            30 aoust 1622.

 

            A ma tres chere Mere en Nre Seigr,

[La M]ere Superieure des [Se]urs de la Visitation de Ste Marie.

            A Dijon.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes.

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MCMXXXVIII. A la Comtesse de Dalet. Le chemin du cloître ouvert devant Mme de Dalet. — Fleurs et parfums qu'y jette la Providence. — A qui la comtesse laisse ses enfants. — C'est à Dieu de conduire sa fille àla vie religieuse. — Inconvénient d'entrer trop jeune au couvent. — Encouragement à suivre l'appel divin.

 

Annecy, fin août ou commencement de septembre 1622.

 

            Madame,

 

            Je voy clair, ce me semble : Dieu, qui vous appelle si misericordieusement au monastere de la Visitation pour son pur amour, vous ouvre le chemin et facilite librement vostre entree ; c'est pourquoy je vous dis hardiment : Sortes maintenant du monde en effect, puisque des-ja vous en estes dehors d'affection.

            Quelle plus legitime descharge pouves vous faire de la personne et des biens de vos enfans, que de les remettre entre les mains de monsieur vostre pere et de madame vostre mere ? Et n'est ce pas un trait visible et palpable de la Providence divine pour ce sujet, que cela se puisse faire avec l'aggreement, ains avec le desir de cette mere, jadis si jalouse de vostre presence au monde ? Il m'est [356] advis, certes, ma tres chere Fille, que Dieu luy mesme jette des fleurs et des parfums aux chemins de vostre retraitte, affin qu'elle se face avec plus de douceur et que les plus coquilleux l'appreuvent et benissent ; car, que peut on dire ? Que vous laisses vos enfans ? Ouy ; mais ou les laisses vous ? Entre les bras de leur [premier] pere et de leur premiere mere. En charges vous vos pere et mere ? Non, vous ne les charges pas tant que vous les descharges, puisque c'est selon leur gré et a leur souhait que cela se fait.

            Ainsy que vous me descrives tout cest affaire, je n'y voy nulle sorte de difficulté sinon pour la chere petite fille, que la grand'mere retirera de la Religion dans la nourriture du monde ; car quant au garçon, aussi bien dans deux ou trois ans ne le pouves vous plus garder dans vostre giron, ni le nourrir de vostre nourriture, ains de la nourriture du college ou de la cour. Et quant a la chere petite, si Dieu l'appelle a la Religion, elle y viendra, ou tost ou tard, nonobstant l'inclination de madame sa grand'mere ; il se servira mesme de la nourriture du monde pour luy faire gouster le bien de la Religion. Cecy est vray, je vous asseure, ma tres chere Fille : il arrive quelquefois que les jeunes enfans eslevés en Religion en rejettent par apres la sujettion, comme les chevaux que l'on charge trop tost de la selle. La vocation a la Religion est une grace trop particuliere pour estre donnee par l'industrie et prudence humaine. Dieu employe bien souvent l'education pour la vocation ; [357] mais quand l'education ne previent pas, il ne laisse de faire son benefice puissamment et suavement. Vos offrandes de cette fille a Dieu luy seront plus utiles que vostre nourriture.

            Mais mon esprit s'escarte par la consolation que je sens a vostre occasion. Je dis donq simplement que je ne voy rien qui vous doive retenir au monde, non pas mesme le presage de la future vocation de vostre fille, qui, estant encor incertain, ne doit pas estre preferé a la certitude de vostre appel, lequel vous deves donq suivre soigneusement, fortement, diligemment, mais sans empressement et sans inquietude.

            Dieu, qui a commencé en vous ce saint œuvre, le veuille bien accomplir *, affin qu'apres vous avoir tiree, conservee et entretenue dans le monastere de la Visitation en cette vie, il vous appelle dans le monastere eternel de la perpetuelle Visitation en la vie future. Et sur ce desir, que je fay de tout mon cœur, je suis sans fin et sans exception,

            Ma tres chere Fille,

Vostre tres affectionné serviteur en Nostre Seigneur,

FRANÇS, E. de Geneve. [358]

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MCMXXXIX. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers (Fragment). Conduite à tenir envers des personnes qui contredisent et contrarient. — Les Religieuses des différents Ordres se doivent estimer et aimer. — Pourquoi Satan hait particulièrement l'Institut de la Visitation.

 

Annecy, [fin août ou commencement de septembre 1622.]

 

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            Ma Fille, gardes vous bien de correspondre en sorte quelconque a ces bonnes Seurs ni a leur fondatrice, sinon par une tres invariable humilité, douceur et naïfveté de cœur. Ne vous defendes nullement, ma tres chere Fille ; ce sont propres paroles du Saint Esprit, escrittes par saint Paul. Il y a quelquefois des tentations humaines parmi les serviteurs et servantes de Dieu : si nous sommes animés de la dilection, nous les supporterons en paix.

            Si ces bonnes ames mesprisent nostre Institut parce qu'il leur semble moindre que le leur, elles contreviennent a la charité, en laquelle les fortz ne mesprisent point les foibles, ni les grans les petitz. Il est vray, elles sont plus que vous : mays les Seraphins mesprisent ilz les petitz Anges ? et au Ciel, ou est l'image sur laquelle nous nous devons former, les grans Saintz mesprisent ilz les moindres ? Mais apres tout cela, en somme, qui plus aymera sera le plus aymé, et qui aura le plus aymé sera le plus glorifié. Aymes bien Dieu, et pour l'amour de Dieu toutes creatures, notamment celles qui vous mespriseront, et ne vous mettes point en peine.

            Le malin esprit fait des effortz parce qu'il void que ce [359] petit Institut est utile au service et a la gloire de Dieu, et il le hait particulierement parce qu'il est petit et le moindre de tous ; car cet esprit est arrogant et hait la petitesse parce qu'elle sert a l'humilité, luy qui a tous-jours aymé la hauteur, la fierté et l'arrogance, et qui, pour n'avoir pas voulu demeurer en sa petitesse, a perdu sa grandeur. Travailles en l'humilité, en l'abjection ; laisses dire et faire. Si Dieu ne bastit la mayson, en vain travailleront ceux qui l'edifient ; et si Dieu la bastit, en vain travailleront ceux qui la veulent destruire. Dieu sçait quand et de quelles ames il remplira vostre monastere.

            Demeures en paix ; et je suis

Vostre tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

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MCMXL. A la Mère de Chantal, a Dijon (Fragments). Faveurs et consolations. — Eloge de deux belles âmes. — Un abus contre la clôture. — Haine du saint Evêque pour la sagesse humaine. — Des bienfaitrices peuvent être admises dans les monastères quand elles n'en veulent sortir que rarement. — Peut-on recevoir à la Visitation des pénitentes ? — Quelques fondations en projet. — Combattre le mal par le bien. — Faute qu'on ne doit jamais commettre.

 

Annecy, [commencement de septembre ] 1622.

 

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 apres mille faveurs receuës, et certes dix mille consolations, non seulement de la part de Madame, de Leurs [360] Altesses et de ces rares Princesses, mais de plusieurs bonnes ames ; entre lesquelles je vous dis, ma tres chere Mere, que l'Infante cadette, Madame Françoise Catherine, est entierement tres bonne et tres pleine de vertu, de bonté et de sainte naïfveté. J'ay veu Seur Marie Chrestienne, que j'ay treuvee au dessus de tout ce que j'en avois pensé, en pieté, en generosité.

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car le changement est tout a fait contraire au bien des Monasteres qui ont la clausure perpetuelle pour un article essentiel. Les filles, comme foibles, sont sujettes aux ennuis, et les ennuis leur font treuver des expediens importuns et indiscretz. Que ces changemens donq procedent du jugement des Superieurs, et non du desir des filles, qui ne sçauroyent mieux declairer qu'elles ne doivent point estre gratifiees, que quand elles se laissent emporter a des desirs si peu justes. Il faut donq demeurer la, et laisser chaque rossignol dans son nid.

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            Je suis capable de souffrir toute autre sorte de desplaysir, mais celuy la est au dessus de mes forces. Pour qui travaille on sinon pour Dieu ? et si c'est pour Dieu, pourquoy dispute on ? Je hay cette sorte de sagesse et de prudence. Qu'importe il que l'argent soit d'un costé ou d'autre, pourveu qu'il soit pour Dieu ? Et neanmoins, ma chere Mere, il faudra dire ou a l'une ou a l'autre qu'elle [361] a tort, quand nous aurons ouy l'une et l'autre. Celle qui aura le tort aura grand tort, et non un petit tort ; car il n'y a rien de petit en ces opiniastretés du mien et du tien.

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            Je ne treuve nul inconvenient que l'on reçoive Mme de Vigni et telles autres bienfactrices, sur tout quand elles ne veulent plus sortir du monastere, ou que du moins elles en veulent sortir peu souvent ; car en cela il ny a rien de contraire a la bienseance.

            Je ne croy pas qu'il faille recevoir dans les monasteres de la Visitation toutes les filles repentantes, mais je ne croy pas aussi qu'il les faille esconduire toutes. Il faut moderer la prudence par la douceur, et la douceur par la prudence. Il y a quelquefois tant a gaigner es ames pœnitentes, qu'on ne doit leur rien refuser.

            Il me semble que les balustres doivent estre a la grille du chœur comme a celle du parloir.

            Je pense qu'ouy, ma tres chere Mere, qu'il faudra dire qu'avec un peu de loysir on pourra prouvoir a Marseille. Nos Seurs vous auront escrit que l'on a envoyé [362] des Seurs a Belley ; et je vous dis que dans peu de tems il en faudra pour Chamberi.

            Madame la Duchesse de Mantoue a des grans desirs pour l'avancement de nostre institution. C'est une tres digne Princesse, et ses seurs aussi.

            Nostre Seur [Paule Jeronyme] m'escrivit que quelques Religieuses, bonnes servantes de Dieu, la contrarient a descouvert ; je luy ay escrit [par] un billet, qu'elle demeurast en paix. Je ne lairray jamais sortir de mon esprit, Dieu aydant, cette maxime : qu'il ne faut nullement vivre selon la prudence humaine, mais selon la foy de l'Evangile. Ne vous defendes point, mes tres chers freres, dit saint Paul. Il faut combattre le mal par le bien, l'aigreur par la douceur, et demeurer en paix ; et ne commettre jamais cette faute de mespriser la sainteté d'un Ordre ni d'une personne, pour la faute qui s'y commet sous l'erreur d'un zele immoderé.

            Ma tres chere Mere, Dieu soit a jamais nostre unique dilection. [363]

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MCMXLI. A Madame de la Fléchère. Le Saint enverra deux de ses Filles de la Visitation aux nouvelles Bernardines de Rumilly. — Ménagements à prendre avec l'Abbé de Tamié.

 

Annecy, 11 septembre 1622.

 

            Dieu soit loüé, ma tres chere Fille ! Pressé, je respons courtement.

 

            Non seulement nous envoyerons deux de nos Seurs pour un moys ou pour deux, sil est besoin, mays il ne coustera rien a ces nouvelles filles, car on donnera aux Seurs ce qui sera requis, sans qu'elles facent aucune despense sur leurs hostesses. Il me semble que tout ira bien. Il faudra seulement mesnager en sorte que Monsieur de Tamy soit satisfait en ce quil est grandement præoccupé de la necessité de dire tout l'Office de leur Ordre et de le chanter en leur chant ordinaire ; il [364] faudra tout bellement le faire desprendre. En somme, l'humilité surmonte tout.

            Je suis tous-jours de plus en plus, ma tres chere Fille,

Vostre tres humble compere et serviteur,

F., E. de Geneve.

            11 7re 1622.

 

A ma tres chere Fille,

            Me de la Flechere.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Bérold Costa de Beauregard, au château de Montaugey (Saône-et-Loire).

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MCMXLII. A Madame Louise de Ballon, Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine. Coup d'éperon à un courage qui défaille.

 

Annecy, 8-15 septembre 1622.

 

            Ma chere Fille,

 

            Si j'avois, comme vous, a esperer une reforme, je ne pourrois voir asses tost l'heure que j'y fusse. Puis donq que vous aves l'obedience de vos Superieurs, vous n'aves [365] pas dequoy apporter du retardement a son execution. Ainsy, partés au plus tost pour Rumilly, et salues bien de ma part, a vostre arrivee, mes cheres Filles qui y sont des-ja.

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MCMXLIII. Au Père Louis de Gerbais de Sonnaz, Oratorien. Prieurés donnés aux Pères de l'Oratoire de Rumilly. Ce qu'il faut faire pour ne pas rendre inutile cette faveur de Son Altesse.

 

Annecy, 19 septembre 1622.

            Monsieur,

 

            J'ay retiré le brevet de nomination, en faveur de vostre Congregation, pour l'eglise de Rumilly, des prieurés de Chindrieu, de l'Aumosne, de Vaux, et de Sainte Agathe qui est le prieuré de Rumilly, que Son Altesse a signé et fait expedier de tres bon cœur. Il ne reste plus sinon que le R. Pere General envoye des Peres pour commencer le service, et dans peu de jours je recevray la lettre que Son Altesse luy fait a cett'intention.

            Ce pendant, puisque le R. P. General desire que vous aillies avant toutes choses a Paris, je le treuve bon aussi, tandis que quelqu'un de vos Peres pourra venir, pour ne point retarder l'effect de l'esperance que nous avons de voir vostre Congregation establie a Rumilly. Mays je [366] m'addresseray au P. Tiersaut soudain que la lettre de Son Altesse au P. General m'aura esté rendue ; et en attendant je vous prie de luy donner cet advis, affin que [je] puisse tous-jours commencer a donner l'ordre quil jugera convenable pour cett'affaire. Et lors que les Peres auront pris possession en vostre nom de l'office de l'eglise de Rumilly, il faudra moyenner a Rome l'union des benefices desquelz Son Altesse a nommé en faveur de vostre Congregation.

            Je prie Dieu, mon Reverend Pere, quil vous face de plus en plus croistre en son saint amour, qui suis

Vostre tres humble et tres affectionné

confrere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XIX 7re 1622, Annessi.

 

            Monsieur, on m'asseure que le R. P. General a mis en lumiere un livre excellent ; sil se treuvoit a Lion, je voudrois bien, par vostre entremise, en pouvoir avoir une copie.

 

            A Monsieur

Monsieur de Saunax,

            Prestre de l'Oratoire de Lion.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à M. le marquis de l'Aigle, à Paris. [367]

 

MCMXLIV. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Au mépris des ordres du prince, les prébendes vacantes de Contamine ont été attribuées à des Religieux de Cluny. — Monastère et discipline monacale en ruines. — Mesures à prendre pour remédier au mal.

 

Annecy, 24 septembre 1622.

 

            Monseigneur, A mon arrivee en ce pais, j'ay treuvé les sieurs Sousprieur et Sacristain de Contamine, prestz a remplir les quatre præbendes que Vostre Altesse avoit ordonné devoir demeurer vacantes pour estre appliquees aux colleges des Peres Barnabites ; et d'effect, ilz les ont maintenant remplies de quatre jeunes parens, ausquelz ilz ont mis l'habit de leur Religion par l'authorité de Monsieur l'Abbé de Cluni qui en est le General. [368]

            Vostre Altesse avoit judicieusement estimé qu'il estoit expedient de transferer le revenu de ce monastere-la a l'entretenement des colleges et lecteurs Barnabites, attendu qu'il est un monastere tout a fait ruiné et qui ne peut bonnement estre reparé, et que la discipline monacale ny est nullement observee, non plus qu'es autres lieux de cet Ordre-la. Il reste que le juste dessein que Vostre Altesse en a si souvent fait soit executé, non seulement empeschant que les præbendes soyent remplies, mays impetrant de Sa Sainteté les provisions requises pour la translation du revenu, de l'Ordre de Cluni a celuy des Peres Barnabites, infiniment plus utiles au service de Dieu et au bien publiq. Vostre Altesse demeura en ceste resolution quand je partis de Turin ; il ne reste donq plus sinon que la sollicitation s'en face, et c'est cela dont maintenant Ell' est tres humblement suppliee.

            Je suis tous-jours invariablement,

            Monseigneur,

Tres humble, tres obeissant et tres fidele orateur

et serviteur de Vostre Altesse Serenissime,

FRANÇS, E. de Geneve.

            24 VIIre 1622, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Biblioteca Civica. [369]

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MCMXLV. A Madame de Valence, Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine (Inédite). En ne s'attachant qu'à la volonté de Dieu, on se trouve bien partout, et partout l'on est en sûreté de conscience. — Deux visites en espérance.

 

Annecy, 26 septembre 1622.

 

            J'ay tous-jours desiré de vous escrire, ma tres chere Fille, des que j'ay receu vostre lettre, mais je n'ay presque sceu parmi le tracas auquel je me suis treuvé.

            Maintenant, sur mon depart pour Belley, je vous diray que je suis grandement consolé de voir vostre esprit presque en indifference pour aller a Rumilly ou pour demeurer au lieu ou vous estes. C'est la vraye assiete d'un esprit religieux, que de ne point s'attacher sinon a la volonté de Dieu, et ceux qui sont si heureux que d'avoir cette si bonne condition sont bien par tout et peuvent demeurer par tout en bonne conscience. Vous ne vous deves donq nullement inquieter, ains demeurer en paix ; les jours vous apprendront si Dieu desire que vous facies autre chose. Ce pendant, vous treuveres sa divine Bonté au lieu ou vous estes, et le benires encor dequoy il a donné le dessein et le courage a vos Seurs de l'aller benir au lieu ou elles sont. Je les verray avant mon retour, si je puys, et vous en feray sçavoir des nouvelles, desirant, soudain que je seray revenu, d'aller la haut visiter madame l'Abbesse ma cousine, et vous [370] voir toutes, grandement content si je puis en quelque sorte vous donner a toutes quelque saint contentement, qui suis de tout mon cœur, ma tres chere Fille,

Vostre serviteur tres humble,

FRANÇS, E. de Geneve.

            26 7re 1622.

 

            A Madame

Madame de Valence,

            Religieuse de Sainte Catherine.

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Pistoie (Italie).

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MCMXLVI. A M. Marc-François de Malarmay de Lauray (Inédite). Raison pour laquelle des lettres sont demeurées sans réponse. — Condoléances tardives. — Préparation à la mort.

 

Annecy, 26 septembre 1622.

 

            Monsieur mon Frere,

 

            J'ay demeuré troys moys en Piemont pendant lesquelz on a receu icy et gardé vos lettres, de sorte que ce n'est pas merveille si vous n'en aves pas eu de moy, ni la response, ni le remerciment que je vous en doys. Et bien que je vous escrive maintenant, c'est parmi tant de tracas, qu'encor ne sçauroys-je bien m'aquiter de ce devoir, estant botté et pret a monter a cheval pour aller a Belley, ou Monseigneur nostre bon Evesque m'attend, pour partir, soudain apres que je l'auray salué, pour aller a Paris.

            Monsieur mon tres cher Frere, les premieres nouvelles du trespas de monsieur le Comte de Rossillon me furent donnees a Turin, mais avant (sic) tant d'incertitude, [371] que ny madame la Marquise de Saint Damien, ni madamoyselle de Tornon, ni M. le Baron de Tornon ne m'en oserent pas asseurer. Qu'ay a vous dire la dessus, mon tres cher Frere, ni a madame la vefve, ni a nostre chere seur Bonaventure ? Dieu aura des-ja visité vos cœurs de ses saintes inspirations, et vous aura dit interieurement les saintes paroles de sa consolation.

            De vous dire que je participe a tous vos biens et a tous vos maux, cela, ce crois-je, est superflu. Rien autre donques, sinon que nous nous disposions tous a faire le trespas saintement et selon lhonneur que nous avons tous d'estre vivans par la mort de ce grand Dieu qui a voulu, par sa bonté, acheter nostre vie au pris de la sienne, et nous aquerir par sa mortalité la tressainte et seternelle immortalité.

            Je suis cependant de toute mon affection, Monsieur mon Frere,

Vostre tres humble frere et serviteur,

et a ces deux cheres dames que je vous viens de nommer,

FRANÇS, E. de Geneve.

            26 7re 1622, Annessi.

 

            A Monsieur

Monsieur le Prothonotaire de Laurey.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Chaudon de Briailles, au château de la Cordelière (Aube). [372]

 

MCMXLVII. A la Comtesse de Rossillon. La douleur, pour être juste, doit être raisonnable. — A quoi nous oblige notre nom de mortels. — Réunion prochaine avec « nos trespassés. » — Un candidat à une cure recommandé par la destinataire. — Promesse de prières.

 

Annecy, vers le 26 septembre 1622.

 

            Nous avons esté icy, au moins moy, Madame ma tres chere Fille, entre la crainte et l'esperance pour le sujet duquel j'ay sceu despuis peu que lé seul desplaysir vous estoit demeuré. Et puis dire en verité, que la consideration de vostre ennuy fut une des plus promptes apprehensions dont je fus touché, a l'abord de l'asseurance du mal qu'on nous avoit presagé par les bruitz incertains qui nous en arrivoyent.

            Mais, or sus, ma tres chere Cousine, il faut pourtant accoyser vostre cœur, et pour rendre juste vostre douleur, il la faut borner par la rayson. Nous avons deu sçavoir que nous ne sçavions l'heure en laquelle quelque semblable evenement nous arriveroit par le trespas des autres, ou aux autres par le nostre. Que si nous n'y avions pas pensé, nous devons advoüer nostre tort et nous en repentir, car le nom que nous portons tous de mortelz nous rend inexcusables.

            Ne nous faschons pas, ma Fille ; nous serons bien tost tous reunis. Nous allons incessamment et tirons païs du costé ou sont nos trespassés, et en deux ou troys momens nous y arriverons. Pensons seulement a bien marcher, et a suivre tout le bien que nous aurons reconneu en eux. Beni soit Dieu, qui a fait la grace a celuy duquel nous [373] ressentons l'absence, de luy donner le loysir et la commodité de se bien disposer pour faire le voyage heureusement ! Mettes vostre cœur, je vous prie, ma tres chere Fille, au pied de la Croix, et acceptés la mort et la vie de tout ce que vous aymes, pour l'amour de Celuy qui donna sa vie et receut la mort pour vous.

            Au reste, rien ne me pouvoit empescher de vous rendre le contentement que vous desires de moy, sinon le devoir que j'ay au service de Nostre Seigneur et de l'Eglise ; lequel s'estant treuvé favorable a vostre souhait, j'ay esté extremement consolé de vous pouvoir donner satisfaction, comme je feray en tout ce qu'il me sera possible. Mais en la distribution des cures, je suis attaché a une methode de laquelle je ne peux me departir. Si, selon icelle, je puis faire selon vostre desir, ce sera mon contentement ; si je ne puis en l'occasion presente, ce porteur ne perdant point courage et s'avançant aux lettres et en la vertu, comme je pense qu'il a fort bien commencé, il ne manquera pas d'autres occurrences ou il treuvera vostre recommandation utile.

            Au demeurant, je ne vous asseureray pas de mon service fidele en cette occasion : il vous a esté dedié une fois pour toutes fort entierement, et je vous supplie de n'en jamais douter, non plus que du soin que j'auray d'assister des Sacrifices que je presente a Dieu l'ame de ce digne chevalier, les merites duquel je veux a jamais honnorer, avec tout ce qu'il a laissé de plus cher icy bas.

            Dieu soit au milieu de vostre cœur, ma tres chere Cousine, ma Fille, et je suis de tout le mien

Vostre plus humble et tres affectionné

Cousin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve. [374]

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MCMXLVIII. Au Père Pierre de Berulle (Inédite).Etat des choses à Rumilly pour l'établissement des Oratoriens. — Prière d'y envoyer incessamment deux Pères. — Un livre de M. de Bérulle ; ce que le Saint voudrait en rayer. — Fraternel et franc conseil.

 

Belley, 3 octobre 1622.

 

            Monsieur,

 

            Voyla une lettre de Son Altesse Monseigneur le Duc de Savoye, par laquelle il vous prie d'envoyer de vos Peres pour prendre l'eglise de Rumilly, laquelle, quant a la cure, est des-ja au Pere de Saunaz. Le lieu est petit, mays beau, au milieu de la Savoye, entre Chamberi et Geneve en egale distance. J'ay rapporté de Turin la nomination de troys prieurés, dont les deux sont dans la ville mesme, le troysiesme a deux lieues, et qui est desja au P. de Saunaz. Tous ensemble, avec la cure, pourront valoir 700 escus annuelz ; mays ilz ne sont pas encor vacans maintenant. On pourra cependant procurer l'union, que Son Altesse favorisera tant qu'il pourra par l'entremise de son Ambassadeur a Rome, selon la lettre quil en a des-ja faitte et que j'ay entre les mains.

            Je joins ma tres humble supplication a la priere qu'elle vous fait, et vous prometz toute l'assistence et tout le service que je pourray rendre a ce dessein, que j'embrasse de tout mon cœur pour le bien de mon diocæse et pour lhonneur que je porte a vostre personne et a vostre Congregation. Nous attendrons donq que vous envoyies au plus tost deux Peres, pour, sur le lieu, prendre les resolutions convenables a l'acheminement de ce saint œuvre. [375]

            Au demeurant, j'ay receu icy a Belley, d'ou je partiray demain, Dieu aydant, le commencement de vos Discours de l'Estat et des Grandeurs de Jesus, que le bon M. Crichant m'a apportés de vostre part. Je le liray attentivement et tres affectionnement, et dans peu de jours je vous diray candidement ce qu'il m'en semblera, puis que vous le desires. En foy dequoy je vous dis d'abord, que je voudroys qu'en tout et partout vostre douceur et humilité tint fermement ses adventages sur vos adversaires, en consideration de ce quilz sont dans l'Eglise, et qu'ilz portent le manteau, ou du moins le nom du manteau d'Helie, comme vou (sic) dites ; qui est le premier trait que j'ay treuvé un peu trop penetrant, et que je desirerois estre rayé, affin qu'autant quil sera possible on ne voye chose quelcomque dans vos Discours qui ne ressente parfaitement la cordiale dilection et le support tres suave du prochain.

            Mays je reserve a vous dire plus au long mes pensees quand j'auray tout leu, et je voudrois bien encor avoir veu tous les escritz qui se sont divulgués, qui ont donné sujet ou occasion au vostre ; car j'en ay seulement eu [376] quelque vent par la communication de nostre Monseigneur de Belley et du tres Reverend General des Feuillans. Vous m'obliges certes trop et me tesmoignes un'estime tout a fait au dessus de tout ce que je suis, de me faire part de vos besoignes, que j'admire infiniment en ce commencement, et que j'admireray tous-jours plus avec amour au progres que je feray de leur veue ; qui suis, Monsieur, tres invariablement,

Vostre tres humble et plus obligé

confrere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Belley, 3 octobre 1622.

 

            Au Tres Reverend P. en N. S.,

Monsieur de Berulle, General de la Congon de l'Oratoire.

            Paris.

Revu sur l'Autographe conservé au 2d Monastère de la Visitation de Paris. [377]

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MCMXLIX. Au Prince de Carignan, Thomas de Savoie (Minute inédite). Annecy foulé par les troupes. — Excès auxquels menacent de se livrer les soldats. — Supplication à Son Altesse pour le peuple malheureux.

 

Annecy, vers le 7 octobre 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Je supplie tres humblement Vostre Altesse Serenissime d'avoir aggreable, que je recoure a Elle pour le soulagement de cette ville en la necessité delaquelle elle est pressee maintenant, pour l'entretenement des trouppes [378] qui sont icy, lesquelles sont a [la] veille d'entrer en des effortz impitoyables pour faire treuver en desordre, aux particuliers, ce que la communauté ne peut plus fournir par aucun ordre dont on se puisse adviser, puisque meshuy l'on a espuisé jusques aux bourses mesmes des Religieux et des Religieuses. De sorte qu'il ne reste plus a ce peuple aucun autre refuge qu'en la debonaireté de Vostre Altesse Serenissime, qu'il implore avec moy [en] toute sousmission et reverence, avec confiance que la bonté de Vostre Altesse est trop grande pour laisser perir dans le malheur d'une ruine toutale (sic) un peuple si fidele a son Prince.

            Monseigneur, forcé de la juste compassion que je doy avoir et de l'invocation continuelle que ces pauvres gens font de mon intercession, je fay en toute humilité cette supplication a Vostre Altesse, delaquelle je suis invariablement…

 

Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin. [379]

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MCML. A la Mère de la Roche, Supérieure de la Visitation d'Orléans. Grâces divines qui se transformeront en « merveilles pour le bien de la sainte Eglise. » — Un accueil plein d'honneur et de confiance sera fait à l'Evêque d'Orléans. — Encouragement à l'amour de la souffrance.

 

Annecy, 14 octobre 1622.

 

            Dieu soit loué, ma tres chere Fille, de tout ce que vous m'escrivites le 2 de septembre. A luy, louange des graces qu'il fait a ce digne Prelat qui, les recevant avec reconnoissance et sans resistance, fera des merveilles pour le bien de la sainte Eglise. On m'a dit de divers endroitz qu'il passera icy, et je le recevray en la simplicité de mon cœur, selon nostre petitesse, avec la confiance que vous me dites que je luy doy tesmoigner ; mais pourtant, je n'ay encor point de certaine asseurance de cet honneur. La cour ne manque pas d'occupations et de divertissemens.

            A Dieu encor la louange de l'exercice que sa providence vous donne par cette affliction de maladie, qui vous rendra sainte, moyennant sa sainte grace ; car, comme vous sçaves, vous ne seres jamais espouse de Jesus glorifié, que vous ne l'ayes premierement esté de Jesus crucifié, et ne jouires jamais du lit nuptial de son amour triomphant, que vous n'ayes senti l'amour affligeant du lit de sa sainte Croix. Ce pendant nous prierons Dieu qu'il soit tous-jours vostre force et vostre courage en la souffrance, comme vostre modestie, douceur et humilité en ses consolations. [380]

            Je salue cherement vostre cœur et celuy de toutes nos Seurs, et suis tout a fait de plus en plus vostre, ma tres chere Fille.

FRANÇS, E. de Geneve.

            Annessi, le 14 octobre 1622.

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MCMLI. A la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Dijon. Le Monastère de Dijon en progrès ; celui de Chambéry en préparation. — A quoi Dieu appelle la Mère Favre. — Elle doit le servir sans intérêt propre et avec une pleine confiance en sa providence.

 

Annecy, 15 octobre 1622.

 

            Mille et mille benedictions, si mes souhaitz sont exaucés, sur vostre cœur bienaymé, ma tres chere Fille. Or sus, vous voyla donq en œuvre pour le bon gouvernement de ce nouveau Monastere qui, moyennant la grace de Dieu, vous reüscira heureusement, tandis qu'en nostre Chamberi on en disposera un autre. Or, quand tout sera resolu et qu'on aura pourveu a tout le commencement, alhors il sera force de vous y avoir.

            Vous voyes donq bien, ma tres chere Fille, que Dieu vous appelle a beaucoup de peynes, d'abnegations de vous mesme et de choses aigres, affin que, sans difference de lieux, de nations et de personnes, vous servies a la dilatation de sa gloire purement et simplement, sans aucun autre interest que celuy de son tressaint aggreement. Et vous deves vous reposer en cela, ma tres chere Fille, et aggrandir tous les jours vostre cœur et vostre courage en une parfaite confiance du secours celeste, puisque cette divine Providence n'employe jamais les ames a des [381] choses grandes et difficiles, qu'il ne leur veuille quant et quant departir sa tressainte assistence.

            Je ne cesse point d'implorer le Saint Esprit pour vous, affin qu'il vous eschauffe de plus en plus, et qu'en fin il vous brusle toute du feu sacré de son saint amour, selon lequel je suis totalement

Tout vostre plus humble et invariable Pere,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 15 octobre 1622.

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MCMLII. A la Mère Louise de Ballon, Supérieure des Bernardines de Rumilly. Un nom dont les Bernardines doivent se rendre dignes avant de l'adopter pour leur Congrégation.

 

Annecy, vers le 15 octobre 1622.

 

            Ma Fille,

 

            Le nom de la divine Providence est si excellent qu'il merite bien un an de terme, pour voir si vous vous en rendres toutes dignes par vostre perseverance et par le progres que vous feres dans la perfection religieuse. Ce tems expiré, vous pourres prendre un nom si beau et si glorieux. [382]

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MCMLIII. Au Prince de Piémont, Victor-Amédée. Toujours la lutte entre Cluny et Thonon pour Contamine. — L'à-propos d'une assemblée devant le prince Thomas pour les affaires de la Sainte-Maison.

 

Annecy, 17 octobre 1622.

 

            Monseigneur,

 

            Tous-jours les vieux Religieux de Contamine taschent, par divers moyens, de continuer la possession de leur Ordre de Cluni es præbendes de ce Monastere, quoy qu'ilz sachent bien que Vostre Altesse Serenissime a resolu de les faire employer a l'entretenement des colleges et du Novitiat qui sont establis en ce pais pour les Peres Barnabites. Pour cela, Monseigneur, le P. Prevost du college de Thonon, qui y a le premier interest, recourt a Vostre Altesse affin qu'Elle donne ordre que son intention soit suivie en la suppression des moynes et præbendes de ce Monastere la. Et par ce que Vostre Altesse m'a commandé que je l'advertisse des choses qui regardent l'avancement de la gloire de Dieu en ce diocæse, je joins cet advis a la supplication dudit P. Prevost des Barnabites.

            Et de plus, Monseigneur, je supplie tres humblement Vostre Altesse d'escrire a Monseigneur le Serenissime Prince Tomas quil face convenir pardevant luy tous les principaux conseillers de la Sainte Mayson de Tonon, [383] affin que par son authorité il soit mis ordre aux affaires de cette Mayson la, qui sans cela s'en vont tout a fait en ruine ; qui seroit un extreme dommage, qu'un'œuvre de si sainte et grande consequence, fondee avec tant de pieté par Son Altesse, perit faute de secours et d'ordre.

            Dieu, par sa bonté, conserve longuement Vostre Altesse, Monseigneur, delaquelle je suis inviolablement

Tres humble, tres fidele et tres obeissant

orateur et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XVII octobre 1622, Annessi.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Turin, Archives de l'Etat.

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MCMLIV. A la Mère de Chantal, a Dijon. Projet d'itinéraire pour la Mère de Chantal ; désir du Fondateur qu'elle visite les nouvelles Maisons. — Pourquoi il ne peut écrire longuement. — Salutations.

 

Annecy, 22 octobre 1622.

 

            Voyes, je vous prie, vous mesme, ma tres bonne et tres chere Mere, les lettres ci jointes, et voyes s'il y a apparence que, sans vous incommoder beaucoup, vous puissies donner ce contentement tant desiré a ces cheres ames ; car, si cela se peut bonnement, pour moy, non seulement j'y consens, mais je le souhaiterois tres volontier, sur tout s'il est vray que venant de Dijon a Monferrant, ce fust vostre passage de voir vostre chere fille ; et encor plus, si venant de Monferrant a Lion, c'estoit vostre passage [384] de voir Saint Estienne de Forez. Et je confesse que ce me seroit de la consolation de sçavoir des nouvelles de ces nouvelles plantes que Dieu, ce me semble, a plantees de sa main pour son plus grand honneur et service.

……………………………………………………………………………………………………...

            Or sus, je croy qu'un bon moys ou cinq semaines feront la rayson de tous ces destours ; mais j'entens tous-jours qu'il n'y ayt point de peril des gens d'armes sur les chemins de ces lieux la.

            Apres quoy, nous vous dirons pourquoy et comme a present je n'ay nul moyen d'escrire davantage, quoy que [385] je me porte bien, graces a Dieu. Ce porteur, d'un costé, me presse infiniment, affin qu'il vous puisse treuver a Dijon ; d'ailleurs, on me presse aussi pour d'autres bonnes affaires, lesquelles je ne puis abandonner. Tout se porte bien icy, et je suis de plus en plus

Vostre tres humble et invariable [Père],

filz et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 22 octobre 1622, Annessi.

 

            Je vous supplie de saluer vos bonnes vefves ; je ne sçay pas leur nom. J'espere en la misericorde de Dieu que je sçauray au Ciel comme on les nommera, du nom que tous sçauront, et que personne ne sçaura, sinon celuy qui le recevra. [386]

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MCMLV. A M. Jean de Chatillon. Décision l'avant-veille d'un départ. — Maladie de M. de Blonay.

 

Annecy, 1er novembre 1622.

 

            Monsieur,

 

            Je remettray toutes les affaires a l'assemblee que Monseigneur le Prince Thomas doit faire expres pour terminer tous les differens de la Sainte Mayson, puisqu'il faut que je parte passé demain pour aller en Provence, d'ou je ne sçai pas quand je reviendray, bien que j'espere que ce sera bien tost.

            Je pars avec desplaysir de laisser M. de Blonnay malade, et vous dis seulement que les Peres Barnabites pensent avoir rayson de vouloir nommer aux offices de Contamine, a cause des paroles expresses : « avec toutes charges et honneurs. »

            Je suis, Monsieur,

Vostre tres humble confrere,

FRANÇS E. de Geneve.

            1 novembre 1622, allant dire la grand'Messe.

 

            A Monsieur

Monsieur de Chastillon,

            Plebain de Thonon. [387]

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MCMLVI. A la Mère de Chevron-Villette, Supérieure de la Visitation de Saint-Étienne. Un secret de bonheur et de sainteté. — La dignité d'une Supérieure. Avantage des Filles de la Visitation et danger des Monastères sans clôture.

 

Annecy, 2 novembre 1622.

 

            Je benis de tout mon cœur le sacré nom de Nostre Seigneur de la consolation que sa divine providence donne a vostre ame au lieu ou vous estes et de la constance qu'elle establit en vostre affection. Certes, ma tres chere Cousine, ma Fille, qui ne veut aggreer qu'a ce celeste Amant, il est par tout tres bien, car il a ce qu'il veut. O que vous estes heureuse, et que vous le deviendres tousjours davantage si vous perseveres a marcher en ce chemin ! Et combien vous rendres vous parfaittement aggreable a l'Espoux de ces ames qu'il attire sur vostre giron, pour les rendre ses espouses, si vous leur apprenes a regarder seulement les yeux de ce Sauveur, a perdre petit a petit les pensees que la nature leur suggerera d'elles mesmes, pour les faire penser tout a fait en luy.

            O ma tres chere Cousine, que de benedictions pour vostre esprit que Dieu a destiné pour cultiver et gouverner sa sacree pepiniere ! Vous estes la mere, la nourrice et la dame d'atours de ces filles et espouses du Roy : quelle dignité ! A cette dignité, quelle recompense, si vous faites cela avec l'amour et les mammelles de mere ! Tenes vostre courage fort et ferme en cette poursuite, et croyes tres invariablement que je vous cheris et affectionne sans condition et reserve, comme ma tres chere cousine et fille bienaymee.

            Je vis, il y a seulement un moys, nostre Seur [Jeanne-Antoinette [388] ], mais je la vis fort peu ; et neanmoins je la vis dedans l'ame, et treuvay qu'elle estoit toute pleyne de bonnes affections. O que bien advantagees sont les Filles de Sainte Marie de la Visitation, parmi tant de moyens et d'occasions de bien aymer et servir Nostre Seigneur ! Helas ! ce sont des miracles de voir de ces bonnes filles en ces monasteres, exposees a tant de venues et de visites.

            Ma tres chere Cousine, ma Fille, Dieu soit loüé. Amen. Et je suis

Vostre tres humble cousin et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Ce 2 novembre 1622, Annessi.

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MCMLVII. Au Président Antoine Favre (Inédite). Recommandation pour une affaire pendante devant la Chambre des Comptes.

 

Seyssel, 8 novembre 1622.

 

            Monsieur mon Frere,

 

            Passant icy a Sessel, je me sens obligé d'assister [389] monsieur de Losches, mon cousin, de ma tres humble supplication aupres de vous, affin quil vous playse de le proteger en l'affaire qu'il a devant messieurs de la Chambre des Comtes. Faites moy, je vous supplie, cette faveur, Monsieur mon Frere, tandis que je vay en Provence ou Monseigneur le Prince Cardinal doit aller faire la reverence, et ou, visitant les lieux de devotion qui y sont en grand nombre, je prieray Dieu qu'il vous conserve, avec madame ma seur, et benisse tout ce que vous affectionnes ; qui suis en toute verité,

            Monsieur mon Frere,

Vostre tres humble et fidele frere et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            VIII novembre 1622, a Sessel.

 

Revu sur l'Autographe qui, en 1887, se conservait à la Visitation de Troyes. [390]

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MCMLVIII. A la Sœur de Bréchard, Religieuse de la Visitation, a Moulins (Fragment). Joie du Fondateur au sujet d'une élection. — Eloge de la nouvelle Supérieure.

 

Lyon, 10 ou 29, 30 novembre 1622.

 

            Ma tres chere Fille,

 

            A nostre arrivee en cette ville de Lion, vos lettres du 5 de ce mois m'apprennent l'heureuse election que vous aves faite. Hé, que mon ame en benit le Sauveur ! Je vous asseure que cette chere Mere est toute selon mon cœur ; mais que dis je ? je croy qu'elle est tout entierement selon le cœur de Dieu, duquel je desire et j'espere qu'elle recevra tant de benedictions, qu'elle sera elle mesme une Mere de benediction dans nostre cher Institut. Mon cœur le souhaite ; ainsy j'en prie Dieu, et vous benis en son nom toutes deux.

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Revu sur le texte inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Moulins, conservée au 1re Monastère d'Annecy. [391]

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MCMLIX. A M. Balthazard de Peyzieu (Inédite). Passage trop rapide à Vienne ; espérance d'un prochain séjour plus prolongé. Heureux mariage de François de Longecombe.

 

Vienne, 11 novembre 1622.

 

            Monsieur mon Frere,

 

            Pensés si je suys pressé, puisque je ne m'ose pas dispenser d'un demi jour pour prendre le loysir de bayser les mains a Monsieur l'Archevesque, mon superieur, ni a monsieur le Gouverneur, a qui je suis tant obligé, ni a madame de Pezieu, ma chere seur.

            Au retour d'Avignon, que j'espere faire dans quinze jours, je rendray tous ces devoirs, Dieu aydant, avec mille desirs de me conserver la bienveuillance de ceux a qui je les ay, comm'a vous principalement, Monsieur mon Frere, a qui je donne la nouvelle, si des-ja vous ne l'aves eue, que nostre cher cadet, en fin fut marié par mes mains il y a aujourduy huit jours, avec tous les tesmoignages de reciproque contentement que l'on pouvoit souhaiter es deux parties. Et parce que je me præparois au [392] voyage que je fay maintenant, je ne puys vous rien dire davantage, n'ayant eu le tems d'attendre rien de plus.

            Je suis de tout mon cœur, Monsieur mon Frere,

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            XI novembre 1622, a Vienne.

 

Revu sur l'Autographe appartenant à Mme la marquise de Mailly, au château de la Roche-Mailly (Sarthe).

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MCMLX. A Madame de Toulongeon. Heureuse rencontre avec la Mère de Chantal. — Délicats conseils, tact parfait et largeur d'esprit du saint Directeur. — La pensée de la mort mêlée aux félicitations de bonheur.

 

Lyon, 17 décembre 1622.

 

            Allant en Avignon, Madame ma tres chere Fille, j'eus ce bonheur de treuver nostre bonne Mere icy, et l'y ay encor rencontree a mon retour. Vous croires aysement que ce n'a pas esté sans parler souvent de vous, non sans beaucoup de consolation que j'ay receuë de sçavoir que vous vivies tous-jours dans la crainte de Dieu, avec desir de faire progres en la devotion. [393]

            Vous sçaves, ma tres chere Fille, combien je suis aysé a contenter et combien j'ay de facilité a bien esperer des ames que j'affectionne : c'est des vostre enfance que j'ay une infinie passion pour vostre salut, et que j'ay conceu une grande confiance que Dieu vous tiendroit de sa main, pourveu que vous voulies correspondre a ses faveurs. Faites le donq, je vous en conjure, ma tres chere Fille, et separés de jour a autre vostre cœur de toute sorte d'amusement de vanité. Comme vous sçaves, je ne suis nullement scrupuleux, et n'appelle pas amusement de vanité sinon la volontaire inclination que nous nourrissons aux choses qui veritablement nous divertissent des pensees et deliberations que nous devons avoir pour la tressainte eternité.

            Cette chere Mere m'a raconté la consolation qu'elle a de vous voir avec un si digne mary, duquel vous estes parfaitement cherie. C'est un grand advantage pour vostre vertu, ma tres chere Fille ; faites le bien profiter, et quoy que vostre aage, vostre complexion et vostre santé vous promettent une longue vie, souvenes vous neanmoins qu'aussi pouves vous mourir bien tost, et que vous n'aures rien de plus desirable a la fin, que d'avoir mis un grand soin a recueillir et conserver les faveurs de la Bonté divine.

            Cependant, je suis a jamais tout a fait, ma tres chere Fille,

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

et de monsieur vostre mary,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Lion, ce 17 decembre 1622.

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MCMLXI. A une dame. Bonheur de la solitude au pied du Crucifix. —Véhémente aspiration vers l'éternité ; mépris de ce monde et de ses grandeurs.

 

Lyon, 19 décembre 1622.

 

            Mille remerciemens a vostre cœur bienaymé, ma tres chere Fille, pour les faveurs qu'il fait a mon ame, luy donnant des si douces preuves de son affection. Mon Dieu, que bienheureux sont ceux qui, desengagés des cours et des complimens qui y regnent, vivent paysiblement dans la sainte solitude aux pieds du Crucifix ! Certes, je n'eus jamais bonne opinion de la vanité, mais je la treuve encor bien plus vayne parmi les foibles grandeurs de la cour.

            Ma tres chere Fille, plus je vay avant dans la voye de cette mortalité, plus je la treuve mesprisable, et tous-jours plus aymable la sainte eternité a laquelle nous aspirons et pour laquelle nous nous devons uniquement aymer. Vivons seulement pour cette vie, ma tres chere Fille, qui seule merite le nom de vie, en comparayson de laquelle la vie des grans de ce monde est une tres miserable mort.

            Je suis de tout mon cœur, tres veritablement tout vostre, ma tres chere Fille, et

Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Lion, ce 19 decembre 1622. [395]

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MCMLXII. A la Mère de Chastellux, Supérieure de la Visitation de Moulins. Désirs rendus plus ardents par la charge que la Providence a donnée à la Mère de Chastellux. — Le fondement de la prospérité spirituelle. — Confiance toujours plus grande.

 

Lyon, 19 décembre 1622.

 

            Dieu qui voit les desirs de mon cœur, sçait qu'il y en a de tres grans pour vostre continuel avancement en son tressaint amour, ma tres chere Fille, sur tout maintenant que, selon la disposition de la sainte Providence eternelle, vous voyla mere et conductrice d'une trouppe d'espritz consacrés a la gloire de Celuy qui est l'unique bien auquel nous devons aspirer.

            Nostre Mere a bien rayson de vous souhaiter une grande humilité, car c'est le seul fondement de la prosperité spirituelle d'une Mayson religieuse, qui n'exalte jamais ses branches ni ses fruitz qu'a mesure qu'elle enfonce ses racines en l'amour de l'abjection et bassesse.

            Je suis plein de tres bonne esperance, ma tres chere Fille, et vous conjure de prendre de plus en plus confiance en la misericorde de Nostre Seigneur, laquelle vous tiendra de sa sainte main et vous protegera de sa force.

            Je ne pars pas encor de cette ville et, comme je pense, j'auray encor la consolation de vous escrire. Ce pendant, Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur et de vostre Monastere, ma tres chere Fille, et je suis de tout mon cœur

Vostre tres humble serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Le 19 decembre 1622.

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MCMLXIII. Au Duc Roger de Bellegarde. Une œuvre de charité proposée au duc.

 

Lyon, 24 décembre 1622.

 

            Monsieur mon Filz,

 

            La mesme solemnité de ces grans jours de Noel qui m'oste presque l'esperance de vous voir, me donne l'asseurance de vous faire cette importunité pour ce pauvr'homme que la charité m'oblige d'affectionner, et le bon exemple qu'il a donné de sa foy et de sa probité tandis qu'il a sejourné dans le balliage de Gex, ou il a neantmoins des persecutions dans son innocence. Il explique son indigence en sa requeste, laquelle si vous ne treuves pas convenable d'exaucer, il en præsente une autre, Monsieur mon Filz : c'est qu'il playse a vostre bonté de luy donner une place es gardes du sel, ou en Forest, d'ou il est, ou ailleurs sous vostre authorité.

            Ces œuvres de pitié sont de sayson en ces jours dediés a l'honneur de la souveraine misericorde que le Filz de Dieu a exercee en sa nayssance pour nostre salut, que je supplie tres humblement de vous estre a jamais favorable, Monsieur, selon le souhait continuel de mon cœur ; qui suis

Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            Ce soir, veille de Noel 1622.

 

             [A Mojnsieur

             [Monsieur l]e Duc de Bellegarde,

Pair et grand Escuyer de France, Gouverneur de Bourgogne.

 

Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibl. Nat., Fonds Clairambaut, 1062. [397]

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MCMLXIV. A la Mère de Monthoux, Supérieure de la Visitation de Nevers. Messagère pleine de mérite et d'affection pour la destinataire. — Ferveur de la la Sœur Emmanuelle de Monthoux. — Un ami du Monastère de Nevers.

 

Lyon, 25 décembre 1622.

 

            Cette chere damoyselle qui vous porte ce billet est digne d'estre singulierement cherie, parce qu'elle cherit tres affectionnement la divine Majesté de laquelle nous celebrons aujourd'huy la sainte nayssance ; mais outre cela, ma tres chere Fille, elle vous ayme saintement, et a desiré que je vous escrivisse par son entremise.

            Je le fay de tout mon cœur, ma tres chere Fille, sans vous dire autre sorte de nouvelles, sinon que nostre Seur Emmanuelle est toute pleyne de ferveur en la reforme du Monastere de Sainte Catherine qui se fait a Rumilly. Car, que vous diray je de plus, ma tres chere Fille, puisque cette bonne et vertueuse ame vous dira tres amoureusement tout ce qui se passe icy ?

             … asseure que le P. Suffren …. vous fera la faveur de vous voir … dire par lettre et de vive voix … prose latine qu'il vous donna … C'est un personnage tout aymable, et qui a une affection toute sincere pour vous et pour vostre Monastere. [398]

            Vives toute en Dieu, ma tres chere Fille, et pour Dieu, que je supplie vous recevoir dans le sein de sa tressainte dilection, avec toute vostre chere compaignie ; qui suis sans fin,

            Ma tres chere Fille,

Vostre tres humble et tres affectionné Pere,

oncle et serviteur,

FRANÇS, E. de Geneve.

            A Lion, jour de Noel 1622.

 

            A ma chere Fille en Nostre Seigneur,

Ma Seur Paule Hieronime de Monthouz,

            Superieure du Monastere de Sainte Marie de Nevers. [399]

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Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres de saint François de Sales. [400]

 

Appendice

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I. Lettres adressées a Saint François de Sales par quelques correspondants

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A. Lettre de la Mère Favre, Supérieure de la Visitation de Montferrand (Fragment)

 

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             Encore que madame de Dalet, notre fondatrice, soit l'une des âmes la plus vertueuse et la plus aimable que mon esprit ait jamais rencontrée, si je voyais tant soit peu de déraison dans sa retraite, et que quelque autre attrait que le pur mouvement divin l'attirât à nous, je me retirerais entièrement d'elle. Et vous assure, Monseigneur, que Dieu, qui vient toujours au secours de votre grande fille qui n'est grande qu'en misère, conduit si bien les affaires, que madame de Montfan, sa mère, a blâmé tout le [401] monde et m'a jugée la plus blâmable, [et cependant,] nous sortons toujours l'une d'avec l'autre bonnes amies. Et encore l'autre jour, sortant du parloir où sa passion maternelle avait assez paru, elle me voulut toucher la main et dit : Je ne m'étonne pas que ma fille de Dalet aime cette fille de Monseigneur de Genève, mais je me passionne de ce qu'elle aime plus le cloître que moi, qui suis sa mère.

……………………………………………………………………………………………………...

             [Montferrand, fin mars ou avril 1621.]

 

Revu sur le texte inséré dans une copie de la Vie manuscrite de la Mère Favre, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.

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B. Lettre du Prince Cardinal Maurice de Savoie

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            Monsieur l'Evesque de Geneve,

 

             Vous vous ressouviendrez bien comme Monsieur le Prince mon frere, estant en Savoye, vous commit d'assigner le prieuré de Saint Clair aux Peres Bernabites du Colleige d'Annessi, et des oppositions qui y furent apportées par le Baron de Menton, pretendant avoir droict sur ledit prieuré. Sur quoy lui fut donné temps pour produire et fere veoir ses raisons, à faute de quoy les dits Peres en seroyent mis en possession. Ce que n'ayant effectué jusques à present, et estant ledit temps espiré il y a une piece, ledit Sr Prince a voulu que je vous disse de sa part par cette, qu'il sera bien que [402] vous faciez executer les exprditions desja faictes, et mettiez sans autre delay lesdits Peres en possession dudit prieuré.

            Ce que m'asseurant vous ferez volentiers, je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

Vostre comme frere,

M. CARDL DI (sic) SAVOYE.

            De Turin, le 28 aoust 1621.

 

            A Monsr de Geneve.

 

Revu sur l'original inédit, conservé aux Archives communales d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

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C. Lettres patentes de Charles-Emmanuel Ier, Duc de Savoie

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             CHARLES EMANUEL, par la grace de Dieu Duc de Savoye, Chablais, Aoste et Genevois, Prince de Piedmont, etc.

            Estant amplement informé, et à nostre particulier contentement, du bon progrez et avancement que prend de jour à autre la reforme restablie dez quelques annees en ça au prieuré de Talloires en l'estroite observance de la Regie de St Benoist, et desirant, pour le service et plus grande gloire de Dieu, non seulement de maintenir et favoriser ce louable commencement qui y paroist aujourd'huy, mais encor de procurer autant qu'il Nous est possible l'entiere introduction de la ditte reforme dedans tous les Monasteres du mesme Ordre qui ne sont encor unis à aucun autre corps de Congregation reformee, riere nos Estats et pays dela les monts : pour a quoy parvenir, comm'il est tres requis et necessaire de leur pourvoir d'un chef resident dans nos Estats, qui, par capacité, dignité et vie exemplaire, puisse meriter et exercer dignement cette charge, et travailler soigneusement a l'introduction de la ditte reforme, attandu mesme [403] que le dit prieuré de Talloire depend de Superieurs d'Ordre non reformés et estrangers : Aussy, apres avoir jette l'œil sur les Prelats et Evesques de nos provinces de Savoye, Nous avons, entre les autres, choisi la personne de tres Reverend nostre tres cher, bien amé, feal Conseiller et devot Orateur, Messire FRANÇOIS DE SALES, Evesque de Geneve, pour les preuves signalees et remarquables qu'il a en tout tems donnees, tant de sa suffisance et vigilance au salut des ames, que par la connoissance que Nous avons d'ailleurs de ses saintes œuvres, vie devote, tres louable et tres exemplaire ; esperant que non seulement il sera tres agreable aux Religieux de cette sainte reforme, mais tres utile au bien et avancement d'icelle.

            Pour ces causes, en tant qu'il Nous concerne, Nous avons deputé, choisi et eleu, ainsy que par les presentes, de nostre certaine science, pleine puissance et authorité souveraine, avec l'advis et participation de nostre Conseil, deputons, choisissons et elisons le dit Evesque de Geneve pour chef de tous les Religieux reformés Benedictins riere nos dits Estats, avec pouvoir de visiter tous les Monasteres qui s'y trouveront fondés et dependans de cet Ordre ; d'y introduire la dite reforme, particulierement en ceux de Bellevaux, Contamine, Sindrieux (Chindrieu) et Saint Paul, en taschant de disposer tous les Religieux d'iceux a la recevoir chacun selon son pouvoir, eu esgard a l'aage et force d'un chacun, et prenant en particuliere protection tous ceux qui se rangeront et disposeront à cette salutaire et tres sainte resolution ; luy permettant en outre d'y restablir ponctuellement l'observance, ensemble l'Office divin et autres fonctions spirituelles et publiques, de predication, confessions, administration des saints Sacremens et autres qui s'y trouveront annexees, lors toutefois que le nombre des Religieux se trouvera estre suffisant pour ce faire.

            Et affin que ces bons Peres Religieux reformés ayent plus de moyen de s'entretenir et maintenir, Nous leur donnons dez à present, en tant qu'il Nous touche, tous les revenus, offices et prebendes monastiques, tant du dit Talloire que des autres monasteres susdits, pour en jouir et les unir à la dite reforme à perpetuité ; si qu'ils puissent en prendre possession apres qu'elles seront vacantes, au cas que les possesseurs modernes n'acceptent la ditte reforme.

            Declarons qu'il sera loisible au dit Evesque de Geneve, avec participation des Peres principaux reformés du dit Ordre, de nommer et creer un d'eux pour Abbé et chef Provincial de la ditte reforme, qui se pourra changer de tems en tems, selon les louables coustumes des Congregations reformees.

            Si mandons à tous nos Magistrats, Ministres et Officiers qu'il [404] appartiendra, d'ainsy le faire observer et garder inviolablement sans aucune difficulté ; car ainsy Nous plait.

            Donnees à Turin, le vingtiesme octobre mille six cents vingt un.

C. EMANUEL.

            V. ARGENTERO.

PERNET.

 

Revu sur une ancienne copie inédite, conservée à Turin, Archives de l'Etat

(Abbazie, Talloires, Mazzo I, n° 10).

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D. Lettre du Chanoine Artus de Lionne, Seigneur d'Aoste

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            Mon très honoré Seigneur,

 

             Enfin, voici nos chères colombes dans leur nouvelle retraite, si parfumée des odeurs célestes que quantité de nos jeunes damoiselles prennent en vérité des ailes de colombe pour sortir du déluge du monde et se reposer en cette arche, en la sainte société de celles que vous nous avez envoyées pour adresser les autres dans le chemin du Ciel. Notre Mère me fit prêcher en cette assemblée, qui fut très grande et quasi de tous les principaux de Grenoble. Vos saintes solitaires rendront cette montagne habitée de plusieurs bonnes âmes, et très visitée de quantité d'autres qui se voudront bonifier à leur exemple.

            Je dis quelque chose en faveur de notre chère Visitation, non pour la rendre recommandable, car elle ne pourrait être plus honorée et estimée qu'elle est ici, mais pour satisfaire à l'affection et dévotion des assistants, et pour rendre le devoir que j'ai aux Filles [405] d'un si grand, digne et aimable Père, de la débonnaireté duquel j'espère que j'aurai toujours la grâce d'être avoué

Son très obéissant fils et très humble serviteur,

ARTUS DE LIONNE.

            De Grenoble, le 24 octobre 1621.

 

Revu sur le texte inédit, inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Grenoble, par la Mère de Chaugy, conservée au 1er Monastère d'Annecy.

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E. Lettre de Mgr Jean-Pierre Camus, Evêque de Belley

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            Monseigneur et très cher Père et Maître,

 

             La vôtre, avec le Directoire, me fut délivrée, non sans quelque providence du Ciel, à la pointe de mon voyage, et me consola en l'agonie que j'avais de m'embarquer sans cadran. Je l'ai vu, mais à dire vrai, non pas tout lu. Il m'eût fallu presque autant de temps pour visiter ce volume qu'il m'en faudrait pour visiter le tiers de mon diocèse. Votre jugement, en deux mots, m'a soulagé ; il me fallait la hache de ce même jugement, qui honore toutes les autres perfections qui vous honorent, pour retrancher, ainsi que Périclès, sa harangue. Je crois que cet homme, observant tout ce qu'il dit, va le cours de Saturne en la sphère de son voyage. Il me souvient de la repartie des Spartains à ces longs harangueurs de Corinthe : la langueur et longueur du commencement fait oublier les conséquences de la fin ; les conclusions sont étouffées dans la multitude des prémices. Il m'est arrivé comme à l'avare : j'ai été pauvre de cette abondance et, comme aux grands festins, j'ai plutôt été [406] rassasié des yeux que de l'estomac. Et certes, à dire vrai, vivre ponctuellement selon les rudes casualités et règlements, selon les ordonnances des trop exacts médecins, est embrasser une grande peine. Vive le cœur de mon Père qui met tous les cœurs en paix par l'admirable brièveté de ses grands, incomparables et moelleux discours !

            Mais, Monseigneur, je m'échappe. Ce n'est point de tout cela que je voulais parler, ains vous souvenir que vous m'avez daigné écrire autrefois : Et voici mon petit peuple qui veut être votre peuple, pourvu qu'il vous plaise que de votre peuple je rende mon peuple. Est-il besoin de vous dire que six filles de bonne volonté soupirent de désir de voir un monastère de la Visitation en cette ville ? Alors elles seront entièrement vos filles, s'il vous plaît d'envoyer de celles qui le sont déjà dans votre cher Nicy en notre petit Belley ; et alors je dirai à mon tour : Populus [tuus, populus meus].

            Considérez, mon cher Maître, que je suis un si pauvre homme que ces miennes brebis ne sauraient vivre que dans votre pâturage, se rafraîchir que dans votre ruisseau, ni reposer que dans votre bercail. Ce sont des lunes obscures, jusqu'à ce qu'elles soient illuminées des rayons de mon Père, qui est aussi véritablement le soleil de ce siècle que cet astre unique est le flambeau du ciel et de la terre. Nos bonnes filles entrent dans des impatiences contre moi, et m'est avis, quand elles me regardent sans m'oser dire mot, que leurs yeux me voudraient faire entendre ce que disait autrefois une désolée :

 

La pensée et l'espoir de ma félicité

Me plonge davantage dedans l'adversité.

Pourquoi prolongez-vous le temps de notre ennui ?

Que ne procurez-vous qu'elle vive aujourd'hui !

Les filles de ce Père, de ce Père tout saint,

Elles nous remettraient la joie dedans le sein.

 

            Monseigneur, ayez, je vous conjure, pitié de ces souffrantes, faites-les chanter sur un autre air. Vous pouvez penser si les Sœurs que vous nous envoyerez nous seront chères, à l'égal, certes, de la prunelle de nos yeux. J'irai apprendre vers elles ce que j'ignorerai de vos saintes maximes, je les regarderai comme mes sœurs, je les honorerai comme mes aides en la conduite de ce diocèse, je les proposerai à mon peuple comme la règle de la vraie piété ; bref, Monseigneur, en la personne des Filles, je renouvellerai l'idée que je ne perds jamais des vertus du Père.

            J'espère de votre débonnaireté toute autre chose qu'un refus, et [407] vous dirai volontiers un mot de la chanson que j'ouïs dernièrement chanter à quelques filles, en passant par la rue :

 

Que je serai réjoui

Si vous voulez dire : oui !

 

            Mais que direz-vous de votre disciple, qu'il apprenne les chansons des fillettes ! Ce sont des couplets innocents aux oreilles et à la mémoire.

            Cependant, je vis encore dans l'attente d'une ample réponse sur ma lettre précédente, car il faut dire de vos lettres, pour précipitées qu'elles soient, comme des Oraisons de Démosthène, que les plus longues sont les meilleures. Il n'en est pas ainsi des miennes, mais vous me pardonnerez volontiers, voyant que la nécessité me rend importun pour cette fois. Lisez dans la grandeur de ma lettre la grandeur de mon désir ; assouvissez-le, et ce sera un acte de miséricorde glorieux à vous, mais fructueux et joyeux à moi, qui suis,

            Monseigneur et très honoré Père,

Votre très humble, très obéissant et très indigne fils,

disciple et serviteur,

JEAN-PIERRE, E. de Belley.

            De Belley, ce 12 décembre 1621.

 

Revu sur le texte inédit, inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Belley, par la Mère de Chaugy, conservée au Ier Monastère d'Annecy.

 

F. Lettre de M. Jacques Gallemand

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            Monseigneur,

 

             Je tiens à bonheur particulier de m'ètre rencontré ici pour prendre part à l'heureuse et joyeuse réception de l'établissement de vos chères Filles. L'on a désiré que je vous écrivisse un mot sur ce [408] sujet ; commission qui m'est autant chère comme j'honore le sujet qui me l'a fait donner, et révère celui à qui ma plume et mon cœur s'adressent.

            Oui, Monseigneur, j'admire tous les jours les travaux que vous prenez pour la gloire de Dieu et pour l'état de son Eglise : plaise à la divine Bonté de les accompagner toujours de cette grâce accidentelle, que, comme les lauriers de ces anciens de la Grèce réveillèrent Thémistocle, ainsi vos labeurs et vos trophées en la cause de la religion et dévotion réveillent quelques esprits généreux de ce siècle, et les tirant hors du profond sommeil, les animent à des pensées et à des actions dignes du temps où nous sommes et des nécessités où l'Eglise est réduite. O Dieu, en vous admirant, j'ai bien quelque disposition d'en tirer des bons désirs ; mais je n'ai pas la force de les mettre en effet, jusques à ce que vox Domìni præparantis cervos tonne en mon âme et lui donne puissance d'enfanter tout ce qu'elle conçoit, pour conduire dans la vraie perfection ce qu'il vous a plu de me conseiller quelquefois.

            Cependant, Monseigneur, voici que l'on ne respire en cette ville que d'avoir de vos chères Filles ; il ne faut nullement douter que vous favoriserez nos deux prétendantes, attendantes et poursuivantes de ce bonheur tant pourchassé et tant désiré, et les souhaits de toute la ville, de la grâce de Madame de Chantal. Tout est en une très bonne disposition, chacun l'attend avec affection, et singulièrement ceux qui ont autrefois été témoins des heureuses ferveurs de son commencement. Vous avez ici cueilli cette fleur ; au moins rendez-nous-en de la graine, et que cette grande ménagère la vienne jeter dans sa terre natale.

            J'ai trop de consolation d'avoir eu l'honneur de m'employer tant soit peu aux poursuites de cette sainte œuvre, et de voir que, quoique j'y aie été serviteur inutile, la voici sur le point de son accomplissement, dès qu'il aura plu à Votre Seigneurie Révérendissime nous prêter la main de votre assistance et commandements, lesquels je recevrai toute ma vie en qualité de

Votre très humble et obéissant serviteur,

GALLEMAND, docteur.

            A Dijon, ce 23 décembre 1621.

 

Revu sur le texte inédit, inséré dans l'Histoire de la Fondation de la Visitation de Dijon, par la Mère de Chaugy, conservée au 1er Monastère d'Annecy. [409]

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G. Lettre de l'Infante Isabelle de Savoie, Duchesse de Modène

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            A Monsignor Vescovo di Geneva,

            Per la Serenissima Infanta.

 

             Le dimostrationi di stima et d'amore che le Signore Infante mie sorelle hanno fatte a V. S. mentre s'è fermata costì sono state molto ben convenienti al suo merito ; et a me rincresce di non aver potuto godere di così desiderabile conversatione, della quale però vengo ad haver la mia parte del gusto, per l'affctuosa commemoratione che s'è fatto della mia persona. La Signora Infante Caterina m'ha fatto favore.

            Così del continuo ne ricevo da Lei in abbondanza, essortandola a scrivermi et a rinovarmi gli effetti della sua amorevolezza, la quale come ho impressa nella memoria, così ho riconosciuta molto volontieri in quest' occasione ; et ne la ringratio di cuore. Resta che io inviti V. S. a riconoscer qualche volta la mia continuata affettione verso di Lei in cose di suo servigio, che ci troverà dispostissima.

            E prego Dio che lungamente la conservi et prosperi.

            24 Agosto 1622.

 

Revu sur une minute inédite, conservée à Modène, Archives de l'Etat, Chancellerie Ducale. [410]

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II. Suppliques et lettres de princes et autres personnages a différents destinataires

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A. Supplique a Sa Sainteté Grégoire XV

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            Beatissimo Padre,

 

             Sendo stata instituita dal Vescovo di Genevra una Congregatione di donne, sotto il nome et invocatione della Visitatione della Beatissima Vergine, nella terra di Annessy, della diocesi di Genevra ; perchè da quella resultava gran frutto per la vita essemplare delle donne ivi introdotte, che vivevano come Religiose, recitando l'Officio piccolo della Madonna, fù dalla felice memoria di Paolo Vto commesso al Vescovo che erigesse detta Congregatione in titolo di Monasterio, sotto la Regola di S. Agostino : il che fu fatto.

            Dimandando poi le Monache di quel Monasterio licenza a detto Pontefice di poter, nonostante che fossero fatte Regolari, recitar nel choro l'Officio piccolo, come prima solevano, il detto Pontefice li concesse volontieri detta licenza per sette anni, liberandole in quel mentre dalla recitatione dell' Officio grande, et dandoli buona speranza che, finiti detti sette anni, gli sarebbe concessa detta licenza in perpetuo. Et perchè, Beatissimo Padre, da quel tempo, secondo la detta facoltà, in detto Monastero si è recitato et recita sempre detto Officio piccolo della Madonna con gran devotione et attentione in Dio, et con molta sodisfattione del popolo, si desidera tal licenza et essentione in perpetuo ; et ciò per le raggioni seguenti :

             Primieramente : che l'istituto di detto Monasterio è non solo per ricevere zitelle, ma vedove attempate, inferme et di debole [411] complessione, et che non possono sopportare l'austerità delle altre Religioni ; che per ciò gli è difficile, per l'età et indispositioni, di poter recitar l'Officio grande.

            2°. Essendo che generalmente le donne, et particolarmente in Francia, ignorano la lingua latina, pare che quanto appartiene alla loro edificatione poco importa qual dell' Officii recitino, già che nè l'uno nè l'altro da loro è inteso. Et stante questa non intelligenza dell'uno et l' altro Officio, è di molta importanza che sempre recitino il medesimo, per che avviene che più chiaramente et distintamente pronunciano quello che sogliono giornalmente recitare, che non possono fare quando ordinariamente gli conviene dire cosa inusitata ; da che anco gli viene sminuita l'attentione et devotione, sendoli necessario dirigere tutta l'attentione loro al ben legere et pronunciare. Il che tanto più procede nelle regioni di Francia, dove le donne, ignare della lingua latina, hanno di quella non solo inettissima, ma affatto ridicula pronuntia ; tanto che nelli monasterii di Monache, quelli che vanno a udir gl' Officii divini non possono contenere il riso che gli vien mosso da sì inetto pronunciare. Oltre che le Monache di questo Monasterio, avezze alla recitatione dell'Officio piccolo, con il studio che vi hanno fatto et fanno, lo recitano et pronuntiano tanto bene e distintamente, e con tanta attentione, che vi sogliono mettere altretanto tempo quanto nell' altri Monasterii si mette nel recitar l' Officio grande. Et si come la Chiesa santa ha quasi ogni settimana destinato un giorno alla celebrità della Beatissima Vergine, non puole arrecare inconveniente alcuno se vi sia qualche luogo pio, massime de sesso feminile, ove continuamente si cantino le lodi della Santissima Vergine, Madre de Dio ; che più presto sarà cosa et al Figlio et alla Madre gratissima.

            Si aggionge anco che gran parte delle donne a pena mai vengono a perfettamente imparare l' Officio grande, onde gli viene precluso l'ingresso della Religione ; alla cui devotione, spirituale consolatione et salute dell' anime si porgerebbe molta commodità se non havessero a imparare senon P Officio piccolo, perchè potendo ciò fare con maggior facilità, potrebbono conseguire il desiderato fine di esser Religiose : e da qui avverebbe che possent omnes pariter senes cum junioribus laudare nomen Domini.

            E finalmente, la recitatione dell' Officio grande non è inseparabile dal stato Religioso, perchè, per tralasciar la Compagnia di Giesù et l'Ordini militari, vi sono anco Monasterii di Monache in Francia, cioè il Monasterio di Monache di Sto Agostino del luogo di Pontoise, diocesi di Pariggi, et altri simili, ove non vi è obligo di recitare nel choro se non che P Officio piccolo ; di modo che, se [412] bene ciò non sarebbe cosa molto usitata, nè tampoco sarebbe affatto nuova.

            Per tanto si supplica Vostra Beatitudine, atteso dette ragioni, resti servita concedere tal licenza et essentione, et ordinare che sopra di ciò se ne spediscili un Breve ; ch'oltre risultarà alla gloria d'Iddio et della Madonna Santissima sua Madre, si riceverà per gratia singolarissima da Vostra Santità.

            Quam Deus...

 

            Alla Santità di Nostro Signore.

            Raccommandato dal Sigr Cardinale di Savoia, per il Monasterio di Monache sotto l'invocatione della Visitatione della Madonna et Regola di S. Agostino eretto nel luogo d'Annessy, Gebennen. Dioc., et altre Congregationi del medesimo Instituto.

 

             Alla Congregatione de Regolari.

            Exhibeatur erectio, sive illius tempns designetur. Perquiratur prima gratia.

 

            VI Maii 1621. Sanctissimus mandavit concedi per decennium a fine termini a Paulo PP. Vo concessi incipiens, diebus feriatis Officium Beatæ Virginis, diebus autem festis Officium magnum juxta rubricas Breviarii Romani recitare teneantur.

 

Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.

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B. Supplique au Cardinal Ludovic Ludovisi

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            Illustrissimo et Reverendissimo Signore,

 

             Sendo stata instituita dal Vescovo di Ginevra una Congregatione di donne, zitelle et vedove, sotto il nome et invocatione della Visitatione della Beatissima Vergine, nella terra di Annessy, della diocesi di Ginevra ; perchè da quella risultava gran frutto per la [413] vita essemplare delle donne ivi introdotte, che vivevano come Religiose, recitando l'Officio piccolo della Madonna, fù dalla felice memoria di Paolo Vto commesso al Vescovo ch' erigesse detta Congregatione in titolo di Monasterio, sotto la Regola di San Agostino : il che fù fatto.

            Dimandando poi le Monache di quel Monasterio licenza a detto Pontefice di poter, non ostante che fossero fatte Regolari, recitare nel choro l'Officio piccolo, come prima solevano, il detto Pontefice li concesse detta licenza per sett'anni, liberandole in quel mentre dalla recitatione dell'Officio grande, e dandoli buona speranza che, finiti detti sett' anni, gli sarebbe concessa detta licenza in perpetuo da lui o suo successore. Et perchè, Illustrissimo Signore, da quel tempo, secondo la detta facoltà, in detto Monasterio si è recitato et si recita detto Officio piccolo con molta sodisfattione et edificatone del popolo, et havendo supplicato dette Monache Sua Beatitudine si compiacesse essimerle dalla recitatione di detto Officio in perpetuo, è stato rimesso la risolutione di questo negotio da Sua Beatitudine all' Illustrissimi Signori Cardinali della Sacra Congregatone di Regolari, per sopra di ciò essere dette Monache intese.

            Ora, essendone del tutto fatta relatione a Nostro Signore da Monsignore Volpio, per parte di detti Illustrissimi Signori Cardinali, Sua Santità si è compiaciuta essimerle della recitatione di detto Officio per dieci anni, ma con obligo però di recitarlo tutti li giorni di festa, et detti dieci anni da principiarsi finito il tempo concesso dalla felice memoria di Paolo Vto, come è detto. Ma perchè non ne puole nascere che confusione et poca divotione tra dette Monache, per tanto si supplica humilmente V. S. Illustrissima resti servita voler raccommandare a detto Monsignore Volpio che di nuovo riferisca a Sua Beatitudine li inconvenienti che ne possono nascere, et se contenti concedere tale essentione in perpetuo. Et oltre che reuscirà alla gloria d'Iddio et della Madonna Santissima, si riceverà a gratia singolarissima da V. S. Illustrissima et Reverendissima.

            Quam Deus...

 

All'Illustrissimo et Reverendissimo Sigre,

            Il Sigre Cardinale Lodovisio,

il Sre Principe Cardinale di Savoia, per il Monasterio di Monache sotto [414] l'invocatione della Visitatione della Madonna et Regola di S. Agostino eretto nel luogo d'Annessy in Savoia, diocesi di Ginevra.

 

             (De la main du cardinal Ludovisi :) A Monsre Vulpio, che le habbia per raccommandate.

 

            19 Junii 1621. Sanctissimus annuit de prorogatione ad quinquennium, et cum concessione Indulgentiarum centum annorum illis qux Officium magnum recitaverint.

 

            26 Junii 1621. Sanctissimus tandem annuit de prorogatione ad tantumdem et de concessione Indulgentiarum ut in alio Decreto.

 

Revu sur une copie conservée à la Visitation d'Annecy.

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C. Lettre de Victor-Amédee, Prince de Piemont, au Prince de Carignan, son frere

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            Signor Fratello,

 

            Gia sappete quanto S. A. et io desideriamo che gli PP. Barnabiti, et particolarmente quelli del Collegio di Annessi, siano favoriti in tutte le occurenze loro, poichè a questo c' invita la particolar affettione che eglino alla Casa nostra et a questi Stati vanno dimostrando. Riceverò dunque a gusto particolare che vi adopriate per fargli havere il consenso del Barone di Mentone per il priorato di S. Claro, perchè tale anco è la volontà di S. A.

            Nè voressimo che prometteste alli Amministratori del sudetto [415] Collegio di mandar alcuno a Lovanio per la ratificatione del contratto fatto con essi Padri, senza ordine espresso di S. A., ma che si prolongasse il termine ad essi Padri di farlo sin alla Pasqua prossima.

            Et perchè non tanto i Monaci residenti in Contamina quanto altri tentano diverse cose in pregiuditio delli detti Padri Barnabiti del Collegio di Tonone, sarà effetto della vostra bontà, molto grato a S. A. et a me di singoiar piacere, il protegergli et diffendergli da qualunque ingiusto tentato ; et ve ne faccio particolar instanza.

            A questi Padri del Collegio di Tonone tornarebbe commodo di permuttare o vendere la casa che possedono di Bellagarda per comprarne un altra vicina al Collegio, o per impiegar il danaro in altro magior profitto. Se in questo sarà necessaria l'auttorità et favor vostro, non sarete manco loro amorevole di quello che essi se ne promettono ; et io ve ne prego.

            Così Dio vi conservi felice come io ve l'auguro et desidero.

Vostro affettionatissimo fratello,

V. AMEDEO.

            Da Torino, li 10 Agosto 1622.

 

Revu sur une copie inédite de l'époque, conservée aux Archives communales d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

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D. Lettre des proviseurs du College de Savoie a Louvain aux administrateurs de celui d'Annecy

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             Vestras 25æ mensis superioris datas recepimus, et una summarium eorum quæ isthic occasione litterarum nostrarum novissimarum [416] acta sunt cum Patribus Barnabitis. Quibus quod respondeamus aliud non habemus quam insistere nos contentis priorum nostrarum literarum, obligante ad id nos muneris nostri ratione et munificentissimi nostri fundatoris suprema voluntate.

            Quod translationem Collegii in dictos Patres excusatis obtentu conditionis adjectæ et ab iisdem Patribus in se receptæ procurandi nostri in eam translationem consensus, eam opportuerat esse impletam antequam realis fieret Collegii translatio. At vero, tum demum ad nos prædecessoresve nostros hac de re scriptum est, cum res minus esset integra, traditione Collegii jam facta et in ejus possessione dictis Patribus constitutis. Et cum prædecessores nostri consensum suum adhibere recusaverint, pertinebat ad DD. VV. officium urgere dictos Patres ad procurandum conditionis implementum, vel redintegrandum curare vestram possessionem.

            Ut autem aliquando induci possemus ad consensum nostrum interponendum, tam evidenti suprema ; fundatoris nostri voluntati contraveniendo, rationem aliquam non videmus. Sacrosancta et inviolabilia nobis esse debent defunctorum suprema indicta, nec commutari illa possunt, nisi summa necessitate vel utilitate exigente, et interveniente Summi Pontificis aucthoritate. Necessitas autem nulla faciendæ hujus commutationis intercessit, nec utilitas aliqua obtendi potest, cum juventutis eruditio non minus feliciter hactenus successerit, secularibus munus hoc secundum fundatoris præscriptum obeuntibus quam nunc Patribus Barnabitis surrogatis.

            Quarè, rogamus DD. VV. quam enixissime, ut ex defectu conditionis translationi Collegii apposite, consensus videlicet nostri procurandi, in pristinum statum redintegrari Collegium procurare velitis. Quo facto, nos unionem totis viribus fovere et conservare conabimur. Manente illa in Patres Barnabitas translatione, nostrique Collegii alumnis exclusis a jure sibi competente in vestro, non arbitramur æquum, ut in societate persistamus, quæ jam vere leonina esset, nobis ejus omni commodo privatis, et vobis jus antiquum retinentibus. Nec est ut de nobis queri possitis, quandoquidem vestro, non nostro facto, a societate recissum est, nobis nequidem interpellatis, nisi postquam executioni omnia fuere demandata.

            Quod ad Mathurinum Jacquet attinet, quem denuo admittendum sistitis, nonobstantibus ultimis nostris rationeque in eisdem addita, etsi plurimum apud nos valeat clarissimus D. Fabricius, obedire [417] tamen oportet magis Deo quam hominibus. Neque hoc eundem sequiorem in partem accepturum existimamus quem jura nulla ullam ultimarum voluntatum eversionem permittere, nequaquam latere satis scimus.

            Bene valete, Reverendi, nobiles ac clarissimi Viri.

            Lovanii, hac 16 Augusti, anno Domini 1622.

 

            De mandato RR. et Clarissimorum DD. Provisorum Collegii per D. Chappuis Lovanii fundati,

GERARDUS RIVIUS, Nots.

 

            Reverendis, nobilibus et clarissimis

DD. Administratoribus Collegii per D. Chappuis fundati Anessii.

 

Revu sur une copie inédite de l'époque, conservée aux Archives communales d'Annecy, série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

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E. Lettre de Thomas de Savoie, Prince de Carignan, aux mêmes

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Le Prince Thomas de Savoye.

 

            Chers et bien amez,

 

             Pour dignes respects nous vous avons voulu dire par ces lignes que n'envoyez aucune personne a Louven, pour la ratification de la transaction passée avec les RDS Peres Bernabites du College d'Annissy, sans nostre advis et commandement expres ; ains vous prolongerez le terme accordé auxdits Peres pour procurer ladite ratification, jusques au mois de may prochainement venant : car tel est le vouloir de S. A.

            Et nous asseurans qu'ainsy effectuerez tout ce que dessus, [418] prions Nostre Seigneur qu'il vous veuille avoir en sa saincte garde.

            Ecrit a Chambery, ce premier septembre 1622.

THOMAS.

            PAULI.

 

            A nos chers et bien amez

Les Administrateurs du College d'Annissy.

            Annissy.

 

Revu sur l'original inédit, conservé aux Archives communales d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

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F. Lettres de Victor-Amédée, Prince de Piémont a l'Abbé Philibert-Alexandre Scaglia

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I

 

Il Prencipe di Piemonte.

 

            Molto magnifico nostro carissimo,

 

             S. A. desidera che il contratto fatto fra gli Amministratori del Collegio di Annesii con gli PP. Barnabiti habbi suo intiero effetto ; et però non mancherete di procurarne appresso Sua Santità la confermatione, con tutto quello che di più sarà necessario, come sarete informato dal Procuratore Generale de Barnabiti. Et quando venisse a comparire costì un certo Ramusso Savardo per impedire detta confermatione in favore di quelli di Lovanio ch'amministrano il Collegio, vedrete per ogni modo [419] operare che non gli sii dato orecchio, come che la mente di S. A. resta dalla sua propositione al tutto contrariante.

            Cosi essequirete, et Dio vi conservi.

            Torino, gli 26 Ottobre 1622.

 

Revu sur une copie inédite de l'époque, conservée aux Archives communales d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

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II

 

Il Prencipe di Piemonte.

 

            Molto magnifico nostro carissimo,

 

             Furono dalla Santità di Papa Paolo V assegnate le prebende et priorato di Contamina alla Santa Casa di Tonone, la quale indi gli hà date a' PP. Barnabiti per mantenimento del lor Collegio eretto, et manutentione delle scuole, far missioni in quei luoghi vicini alli heretici et altre loro buone operationi. Et perchè talvolta gli Monaci d'esso priorato potriano dar l'habito ad alcuno in grave preiudicio de sudetti Barnabiti, ne tratterete con Sua Santità, acciò non solo glie lo facci vietare, ma facci ancora che alla morte de Monaci presenti le sudette prebende restino sopresse.

            Et Dio Signor da male vi guardi.

            Torino, gli 26 Ottobre [1622].

 

Revu sur une copie inédite de l'époque, conservée aux Archives communales d'Annecy, Série GG, Fonds du Collège Chappuisien.

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III. Note concernant l'autographe de la lettre du 19 octobre 1621 a Christine de France, Princesse de Piemont

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            Recit veritable, comme le sieur de St Laurent Batilly, gentilhomme parent a monsieur le Marquis de Beringhen, premier escuyer du Roy, et chevalier de l'Ordre du St Esprit, et a monsieur de Mauroy, colonel de cavalerie et chevalier de St Louis, a un depost considerable : sçavoir, une lettre de St François de Sales, vivant Evesque de Geneve, et la dite lettre escrite de sa main propre ; ce n'est point de copie, mais l'original mesme.

            Feu Madame Royale, de glorieuse memoire, Duchesse de Savoye, ayant choisi le neveu de Monseigneur l'Evesque de Geneve pour mettre au nombre de ses pages, ce grand et illustre Prelat se sent obligé d'escrire une lettre de remerciment a ladite Altesse Madame Royale, Duchesse de Savoye. Ce que ce saint Prelat fit le 19esme d'octobre de l'annee 1621, et peu de tems apres il pleut au Seigneur de retirer a luy ce saint homme pour luy donner sa couronne ; et puis, quelques annees apres estant beatifié et puis canonisé par le Pape Alexandre VII, dans le tems de la Beatification, Madame Royale, Duchesse de Savoye, voulut bien dire un jour aux dames de sa cour qu'elle avoit une lettre de St François de Sales qu'il luy avoit escrit de sa propre main de son vivant. Ce que ces dames ayant entendu, elles prierent toutes ensemble sa dite Altesse Royale de Savoye de leur faire tant de grace qu'elles puissent avoir chacune une copie de cette lettre ; ce que Madame Royale leur accorda. Et pour cela, le lendemain elle fit venir a elle le sieur Philippeau, alors ayde major a Turin, et Madame Royale sçavoit bien qu'il escrivoit bien, et mesme a peindre ; c'est pourquoy sadite Altesse donna es mains dudit sieur Philippeau la lettre de St François de Sales, et luy ordonna d'en faire plusieurs copies mot a mot, lesquelles copies elle vouloit donner a ses dames Et le sieur Philippeau ayant receu cette lettre, se retire chez luy, sans rien dire de cette lettre a ame vivante, et Madame Royale n'en ayant parlé a personne. [421]

            Peu de tems apres, Dieu appela a soy cette grande Princesse pour luy donner une couronne de gloire. Personne ne sçavoit que le susdit sieur Philippeau eut en ses mains cette chere lettre de St François de Sales, et luy, le scellant (sic) aussi, songe de revenir en France, ce qu'il fait peu de tems apres avec le congé de Son Altesse Roÿale, Duc de Savoÿe. Apres quelque peu de tems de sejour a la ville de Paris, il vient a Metz et s'y marie, et loüe un appartement dans la maison du susdit sieur de St Laurent ; et apres quelques annees de sejour dans ledit logis, y viennent a mourir en bons chretiens. Et ledit sieur de St Laurent leur ayant fait autant de plaisirs et de services qu'il leur a pu faire pendant leur demeure en son logis, pour reconnoissance ils luy ont fait present de cette lettre de St François de Sales, qu'il garde et conserve avec toute la reverence possible. Le R. Pere Coclet, Jesuite et prefet au college de Metz, confesseur ordinaire desdits sieur et damoiselle Philippeau, a bien aydé a la faire avoir audit sieur de St Laurent, comme bon converti et estant bien touché de la ste vie de ce grand St François de Sales.

Signé :

G. DE St LAURENT,

cy devant ancien capitaine

dans la Ferté.

 

            La susdite Lettre de St François de Sales a esté presentée et donnée a tres illustre Seigneur Monseigneur Henri Charles du Cambout de Coislin, Evesque de Metz, Prince du St Empire, Conseiller du Roy dans tous ses Conseils, Commandeur de l'Ordre du St Esprit et premier Aumosnier de Sa Majesté, par son tres-humble et tres-obeissant serviteur.

G. DE ST LAURENT,

cy-devant ancien capitaine dans la Ferté.

 

Donné pour bouquet

à Mgr de Metz

le jour de sa feste, St Henry,

le 14 juillet 1701.

 

Revu sur l'original conservé à la Visitation de Metz. [422]




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